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JUGER, verbe trans.
A. − [L'accent est mis sur la fonction officielle du suj.] Régler un différend, prendre une décision qui engage autrui.
1. Rendre la justice, dire le droit, prendre une décision en qualité de juge. Le tribunal juge; juger un procès; juger contradictoirement. C'est lui [ce tribunal] qui jugeait toutes les contestations de terrain (Baudry des Loz., Voy. Louisiane,1802, p. 272):
1. Les lois civiles qu'on propose aujourd'hui à tous les citoyens, qu'on discute devant tous les citoyens, sur lesquelles on consulte tous les citoyens, devenus tous juges les uns des autres, au civil et même au criminel, n'étoient alors connues [autrefois] que de ceux qui se dévouoient par de longues études à une pratique de toute la vie, et qui regardoient la fonction de juger les autres comme une profession pénible, à laquelle quelques-uns étoient condamnés pour l'utilité de tous, et non comme une jouissance que tous fussent appelés à partager. Bonald, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 156.
Juger une personne, juger qqn. Juger son procès, notamment au criminel. Enfin on amène devant son tribunal un fratricide; et comme il a tué son frère, il se trouble, et refuse de juger le criminel (Staël, Allemagne, t. 3, 1810, p. 145).La justice le recherche pour le juger et le fusiller, à la libération, il est venu se cacher ici (Aymé, Uranus,1948, p. 36):
2. La veille au soir, le président de la huitième chambre déclarait à MeLabori que le tribunal était hors d'état de juger l'accusé, et lui annonçait que le parquet demanderait la remise indéfinie de l'affaire. Dans ces conditions, la mise en liberté s'imposait. Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 213.
Juger par contumace*.
Emploi abs. V. ennoblissement A ex. de Bonald.
Proverbe, vieilli. Juger sur l'étiquette (du sac). ,,Porter son jugement sur quelque affaire, sur quelque personne, sans avoir examiné les pièces, les raisons`` (Ac. 1835, 1878).
[Dans un sens analogue] :
3. Les jeunes filles de Juvigny, qui jugent l'homme à l'enveloppe, riraient au nez de celui qui leur adresserait une pareille proposition. Aussi n'est-ce pas parmi elles que je veux chercher une femme. La femme que je rêve devra avoir un esprit moins superficiel; son regard intelligent devra percer mon écorce déplaisante pour découvrir en dessous les qualités sérieuses qui font l'homme vraiment fort. Theuriet, Mar. Gérard,1875, p. 102.
2. Prendre une décision en qualité d'arbitre choisi à l'avance; trancher un différend, un litige; faire un choix décisif, départager des concurrents, des adversaires en qualité d'arbitre. Établissons-nous des arbitres qui jugent nos prétentions, et pacifient nos discordes. Quand le fort s'élévera contre le faible, l'arbitre le réprimera (Volney, Ruines,1791, p. 50).Ces examens comportent une épreuve orale d'admissibilité et des épreuves d'admission écrites jugées par un jury national et spécialisé en fonction des études poursuivies (Encyclop. éduc.,1960, p. 275).
Emploi abs. :
4. En cas de difficultés ou contestations quelconques, les soussignés n'auront point recours aux tribunaux; ils s'en rapporteront à la décision de M. Simon, directeur de la Compagnie Usquin qu'ils nommeront arbitre et qui juge sans formalité de justice, sans prestation de serment, acceptant d'avance ses décisions quelles qu'elles soient, lesquelles ne seront susceptibles ni d'appel, ni de recours en cassation. Sa décision fera loi également pour tout cas qui n'est pas prévu par le présent accord. Doc. hist. contemp.,1850, p. 201.
Juger des/les coups. Apprécier l'habileté des joueurs que l'on regarde, d'après les coups qu'ils échangent. Moi! répondit Paulus, j'ignore les combats. − C'est un tort, compagnon, et quand on est de Rome, On sait juger des coups (Bouilhet, Melænis,1857, p. 79).Muet, les bras croisés, Tartarin juge les coups, critique tout haut (A. Daudet, Tartarin Alpes,1885, p. 122):
5. La population s'assembla pour juger des coups avec l'intérêt extrême qu'une affaire de ce genre excite en chaque pays... Gobineau, Nouv. asiat.,1876, p. 265.
Au fig. Être spectateur muet des événements que l'on juge sans y prendre part. Le notaire s'était offert pour ouvrir le feu; le sous-préfet se chargeait d'élargir la brèche, et, par un dernier assaut, je me réservais d'entrer dans la place. Oscar était là pour juger des coups (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 324):
6. Je crois plus conforme aux vœux de la raison et de la nature, de conseiller aux hommes parvenus à la dernière saison de la vie de porter leurs réflexions au-dehors; ils n'ont plus ni profit ni plaisir à s'occuper d'eux-mêmes; mais ils peuvent encore s'amuser à regarder les autres : leurs actions n'ont plus d'autorité; mais leur expérience peut encore être utile : ce sont de vieux chevaliers, assis en dehors de la barrière, qui jugent d'autant mieux les coups, qu'ils ne sont plus capables d'en porter. Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 324.
B. − P. anal. [Le suj. désigne une puissance supérieure] Prendre une décision sur le sort de l'âme après la mort selon ses mérites. Juger les vivants et les morts. Laissons de côté la croix de Sérapis et le séjour aux enfers de ce dieu qui juge les âmes (Nerval, Filles feu,1854, p. 659).Lord Evandale, attentif et calme, ressemblait avec son pur profil au divin Osiris attendant l'âme pour la juger (Gautier, Rom. momie,1858, p. 182):
7. Minos, ne pouvant plus suffire Au fatigant métier d'entendre et de juger Chaque ombre descendue au ténébreux empire, Imagina, pour abréger, De faire faire une balance... Florian, Fables,1792, p. 121.
RELIG. CHRÉT. [Le suj. désigne Dieu] Pour cet homme soyez indulgent, sire comte : Celui qui juge, Dieu plus tard le jugera (Bornier, Fille Rol.,1875, I, 3, p. 21).Saint-Père, pense à nos frères qui vont mourir aujourd'hui dans le péché. Puis-je attendre à demain pour sauver leur âme? Dieu, avant de les juger, va-t-il attendre lui aussi (...)? (Salacrou, Terre ronde,1938, II, 2, p. 191).
C. −
1. PHILOS., LOG. ,,Affirmer ou nier l'existence d'une chose ou la réalité d'un rapport entre deux objets de pensée`` (Foulq.-St-Jean 1962). Lier deux termes et construire un rapport ce n'est point précisément croire, mais juger (Lacroix, Marxisme, existent., personn.,1949, p. 99):
8. Juger c'est sentir des rapports entre nos idées; cela est vrai. Mais cette expression (...) ne dit pas d'une manière assez précise et assez exacte, ce que c'est réellement que l'opération de juger, que l'acte intellectuel appelé jugement. Juger n'est point sentir une idée nouvelle, c'est sentir qu'un être quel qu'il soit, ou plutôt l'idée que l'on en a (...) renferme une qualité, une propriété, une circonstance quelconque. Or cette qualité, cette propriété, cette circonstance quelconque, est elle-même une perception, une idée, puisque c'est une chose sentie. Juger, c'est donc sentir qu'une idée en renferme une autre. Destutt de Tr., Idéol. 2,1803, p. 25.
2. [L'objet est d'ordre esthétique] Avoir, émettre un avis, une opinion sur quelqu'un, sur quelque chose; donner un avis autorisé sur quelque chose :
9. La critique, en tant qu'elle ne se réduit pas à opiner selon son humeur et ses goûts, − c'est-à-dire à parler de soi en rêvant qu'elle parle d'une œuvre, − la critique, en tant qu'elle jugerait, consisterait dans une comparaison de ce que l'auteur a entendu faire avec ce qu'il a fait effectivement. Valéry, Tel quel I,1941, p. 21.
a) [Le compl. désigne une pers.] Juger un écrivain.
[Constr. dir.] Juger qqn.Monsieur de Meillan jugea les équilibristes avec le scepticisme d'un homme qui est depuis bien longtemps revenu des vanités de la barre fixe et des joies du trapèze (Miomandre, Écrit sur eau,1908, p. 163).Je serais curieux de juger votre Vatel maintenant (...), je voudrais, par exemple, le trouver aux prises avec le bœuf Stroganof (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 458):
10. Pour juger Renan, on s'en tient communément aux œuvres de sa vieillesse; ce sont les plus familières − celles qu'on lit encore. Mais pour connaître sa vraie nature, la saisir d'ensemble et dans sa pente, il faut interroger les confidences de sa jeunesse, ces innombrables cahiers, fragments, essais qu'il accumula entre sa vingtième et sa vingt-cinquième année, jusques et y compris l'Avenir de la science, fruit monstrueux de cette précoce débauche de l'esprit. Massis, Jugements,1923, p. 15.
[Le compl. est précédé de la prép. de] Juger de qqn.Ils (...) donnèrent le désir au duc Charles de juger lui-même d'Émilia (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 41).V. ami ex. 141.
b) [Le compl. désigne qqc., une œuvre, une réalisation] Juger une peinture.
[Constr. dir.] Juger qqc.J'ai repris le livre, et c'est alors que j'ai pu juger cet admirable ouvrage que je relis tous les ans (Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1679).Quand elle a disparu, on juge son café : − Tu parles d'une clarté! On voit l'suc' qui s'balade au fond du verre (Barbusse, Feu,1916, p. 84):
11. ... Pour critiquer une œuvre de littérature ou de peinture, il n'est pas nécessaire absolument d'être littérateur ou peintre; il suffit d'avoir de l'instruction et du goût. C'est une chose de sentiment et tout homme a son sentiment pour juger une œuvre d'art. Mais, pour les sciences, il n'en est plus ainsi; ce n'est plus une affaire de sentiment, il faut savoir les choses pour en parler. Cl. Bernard, Princ. méd. exp.,1878, p. 252.
[Le compl. est précédé de la prép. de] Juger de qqc.On ne juge pas d'une ville par ses égouts et d'une maison par ses latrines (Chamfort, Max. et pens.,1794, p. 46).S'agit-il de juger du mérite d'une découverte en mécanique ou en chimie, on s'adressera à l'Académie des Sciences, corps plus compétent que le public (Cournot, Fond. connaiss.,1851, p. 415):
12. ... si j'allais entendre la Berma dans une pièce nouvelle, il ne me serait pas facile de juger de son art, de sa diction, puisque je ne pourrais pas faire le départ entre un texte que je ne connaîtrais pas d'avance et ce que lui ajouteraient des intonations et des gestes qui me sembleraient faire corps avec lui; tandis que les œuvres anciennes que je savais par cœur, m'apparaissaient comme de vastes espaces réservés et tout prêts où je pourrais apprécier en pleine liberté les inventions dont la Berma les couvrirait, comme à fresque, des perpétuelles trouvailles de son inspiration. Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 441.
3. [L'objet est d'ordre moral] Exprimer son opinion personnelle sur autrui, sur sa conduite; l'approuver, le blâmer ou le condamner en décidant du mérite de ses actes, de ses mobiles, de ses pensées. Juger les actes, la conduite; juger sur les apparences.
a) [Constr. dir.] Juger qqn.Commune erreur de juger les gens à son aune (Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 242).Christophe travaillait à rapprocher les deux enfants (...). Il les aimait autant l'un que l'autre; mais il jugeait plus sévèrement Georges : il connaissait ses faiblesses, il idéalisait Aurora (Rolland, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1570):
13. Chacun sait qu'il n'est qu'un assemblage fortuit, plus ou moins heureux, d'éléments provenant d'un même fond commun, que tous les autres recèlent en eux ses propres possibilités, ses propres velléités; de là vient que chacun juge les actions des autres comme il juge les siennes propres, de tout près, du dedans, avec toutes leurs innombrables nuances et leurs contradictions qui empêchent les classifications, les étiquetages grossiers; de là vient que personne ne peut jamais avoir de la conduite d'autrui cette vision panoramique qui seule permet la rancune ou le blâme... Sarraute, Ère soupçon,1956, p. 36.
Absol. Et puis pour vous aussi le jour se lèvera Où, comme vous jugez, le Seigneur jugera (Dumas père, Christine,1830, V, 6, p. 285).Aimant ton mari comme tu l'aimes, tu es mal placée pour juger (Curel, Nouv. idole,1899, I, 1, p. 165):
14. « Ne jugez pas ». Le Christ lui-même ne juge pas. Il est le jugement. L'innocence souffrante comme mesure. Jugement, perspective. En ce sens, tout jugement juge celui qui le porte. Ne pas juger. Ce n'est pas l'indifférence ou l'abstention, c'est le jugement transcendant, l'imitation du jugement divin qui ne nous est pas possible. S. Weil, Pesanteur,1943, p. 137.
[Le compl. désigne l'auteur du jugement] Se juger.Vous savez, madame, je me connais, je me juge à ma valeur! (Bernstein, Secret,1913, I, 6, p. 9).Qui se regarde se juge; qui se juge se sauve. Tout examen de conscience est ici enfermé (Alain, Propos,1921, p. 228).V. jugement ex. 48.
b) [Constr. attributive] Attribuer une qualité ou un défaut à quelqu'un; qualifier quelqu'un.
Juger qqn + attribut.Il avait pu apprécier les plus célèbres professeurs, et il les jugeait des ânes (Maupass., Pierre et Jean,1888, p. 319).
[Constr. pronom. réfl.] Se juger + attribut
[L'attribut est un adj.] Et l'âme d'Omer s'effraya d'être amoindrie par comparaison. Elle se jugea faible (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 11).Il resta, tout l'été, à Paris. Il se jugeait absurde; mais il n'avait plus goût à voyager (Rolland, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1501):
15. Paul se jugeait discret, il n'était que cachottier. Ainsi divisait-il sa vie en cases : il croyait que lui seul pouvait passer de l'une à l'autre. Radiguet, Bal,1923, p. 24.
[L'attribut est un subst.] Il eut une révolte contre lui-même et contre les autres, se jugea un dépravé, un garçon sans cœur, sans noblesse (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 242).Marino (...) se jugeait un peu le patriarche et le père nourricier de ces terres perdues (Gracq, Syrtes,1951, p. 121).
c) [Le compl. est précédé de la prép. de] Juger de + compl.Juger d'autrui par soi même :
16. Selon la méthode vulgaire de juger des autres par soi-même, ils [certains chrétiens] (...) sont alarmés dès qu'ils voient un homme qui ne se signe point... Senancour, Obermann, t. 2, 1840, p. 21.
d) [Le suj. désigne qqc.] Permettre de juger, d'évaluer, de porter un jugement, une appréciation. Notre goût juge de ce que nous aimons, et notre jugement décide de ce qui convient (Joubert, Pensées, t. 1, 1824, p. 274).Le faux était pièce secrète lui-même. M. Cavaignac a patriotiquement omis d'en lire une partie. La pièce était destinée à convaincre ceux qui connaissaient déjà le dossier ultra-secret. Cela juge la valeur de ces papiers (Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 129):
17. Elle se plaisait à tâter les esprits, à les piquer, à vous interpeller au souper, d'un bout de la table à l'autre, par quelque question provocante; la repartie qu'on y faisait vous jugeait sur l'heure. Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 4, 1862, p. 25.
4. P. ext. Se former une opinion, avoir un avis.
[Le compl. est une prop. complétive (infinitive ou conjonctive)] Avoir un avis, une opinion sur quelque chose; faire une estimation, un pronostic à partir d'éléments réels. Synon. penser.On peut juger si Julien était attentif; tout l'intéressait, et le fond des choses et la manière d'en plaisanter (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p. 254).Il s'arrêta (...) devant une petite fenêtre (...) et il jugea que le ciel serait favorable ce soir à la pêche aux écrevisses (Boylesve, Leçon d'amour,1902, p. 143):
18. Auprès du comte se trouvait un homme vêtu de noir et cravaté de blanc, que Rocambole jugea être un médecin... Ponson du Terr., Rocambole, t. 3, 1859, p. 531.
[Constr. attributive] Juger + subst. + attribut du compl.Attribuer une qualité ou un défaut à quelque chose. Synon. estimer.
[Le compl. est un subst. et l'attribut un adj.] Le plan du grand Cointet était d'une simplicité formidable. Du premier abord, il jugea le collage en cuve impossible (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 744).Mon père, qui jugea cette jaquette encore trop neuve (Giraudoux, Intermezzo,1933, III, 3, p. 173):
19. ... M. de Norpois, qui, pour raison de santé, devait depuis longtemps venir faire à Paris une petite cure, aurait quitté Berlin où il ne jugeait plus sa présence utile. Proust, Fugit.,1922, p. 639.
[Le compl. et l'attribut sont des subst.] Frédéric jugea leur adieu une dernière moquerie (Flaub., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 50).
[Le compl. est un inf. et l'attribut un adj.] Juger + adj. + de + inf.Estimer le bien-fondé d'une action exprimée par l'infinitif. Juger convenable, prudent, utile de. Si l'on juge important à l'éducation de l'enfant de lui donner des idées justes sur les différens objets de ses études (Bonald, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 148).Redevenant riche et immensément riche après cette entreprise, je jugeai à propos de revenir aux États-Unis profiter des amnisties (Verlaine, Œuvres compl., t. 4, L. Leclercq, 1886, p. 169):
20. ... elle a baissé les paupières, elle pense à ce qu'elle va me dire, à la façon dont elle commencera. Dois-je l'interroger à mon tour? Je ne crois pas qu'elle y tienne. Elle parlera quand elle jugera bon de le faire. Sartre, Nausée,1938, p. 179.
[Le compl. est précédé de la prép. de] Se faire une idée au sujet de quelque chose, évaluer quelque chose; s'imaginer. Juger de l'embarras, de l'étonnement, de la surprise. Je vous laisse à juger de mon désespoir (Nodier, Fée Miettes,1831, p. 90).Elle donnait de légers coups sur les os pour juger de leur épaisseur, les retournait (Zola, Ventre Paris,1873, p. 669):
21. − Vous savez, continua Armand, combien Andrea est humble, doux, inoffensif, depuis sa conversion. Jugez de mon étonnement lorsqu'il est venu, ce matin, m'annoncer résolument qu'il se battait, et me prier de lui servir de témoin. Ponson du Terr., Rocambole, t. 3, 1859, p. 382.
Loc. (À) en juger par. Seigneur Aymar, croassa-t-il, sans indiscrétion, la mineure sur laquelle je vais instrumenter, si j'en juge par votre goût exquis, est belle, est-ce pas? (Borel, Champavert,1833, p. 112).Il était musicien, à en juger par la flûte dont un bout dépassait sa poche (France, Dieux ont soif,1912, p. 252).
SYNT. Juger exactement, favorablement, froidement, impartialement, sainement, sévèrement, sans indulgence; droit, faculté de juger; manière, moyen de juger; juger coupable; juger digne, indigne; juger (de) la valeur, (de) l'opportunité; capable, incapable de juger; difficile, facile, impossible de juger; mal juger; faire juger; prétendre juger; permettre de juger.
REM. 1.
Jugeant, -ante, part. prés. adj.Qui juge; qui porte des jugements. La manie jugeante est profondément enracinée dans le caractère national, tant notre vanité craintive a besoin de porter des idées toutes faites dans la conversation (Stendhal, Racine et Shakspeare, t. 1, 1825, p. 123).Cette ferme raison (...) se cassa sous ce nouveau heurt, laissa fuir toute faculté jugeante (Richepin, Aimé,1893, p. 277).Ici était le miracle, la promesse, l'imprévisible changement; non point la vie jugée, mais la vie jugeante (Alain, Propos,1924, p. 589).
2.
Judicatif, -ive, adj. et subst. masc.a) Emploi adj., philos., rare. Synon. de judicatoire.L'image, pour Spaier, n'a pas la même fonction que la perception. Elle fait preuve d'une mobilité, d'une transparence, d'une docilité grâce auxquelles on peut l'assimiler à la pensée judicative et discursive (Sartre, Imagination,1936, p. 114).Ce type d'existence [entre les assertions fausses du rêve et les certitudes de la veille] est évidemment celui des créations imaginaires. Faire de celles-ci des actes judicatifs, c'est leur donner trop. Mais c'est aussi ne pas leur donner assez (Sartre, Imagination,1936p. 137).b) Emploi adj. et subst. masc., gramm. (Mode) judicatif. Synon. vx de (mode) indicatif.Mode indicatif.(...) toutes les fois que ce mode se trouve dans le discours exprimé ou sous-entendu, il y a un jugement énoncé. Aussi l'a-t-on souvent nommé mode énonciatif, mode judicatif (Destutt de Tr., Idéol. 2,1803, p. 48).
3.
Judicatoire, adj.,philos., rare. Qui concerne l'acte de juger; qui est relatif à l'acte de juger. La pensée judicatoire (titre de la première partie de La Pensée concrète de A. Spaier, 1927). La négation proprement dite m'est imputable, elle apparaîtrait seulement au niveau d'un acte judicatoire par lequel j'établirais une comparaison entre le résultat escompté et le résultat obtenu (Sartre, Être et Néant,1943, p. 40).Cette unité pré-judicatoire de la conscience de soi et de la conscience d'objet, qu'on pourrait presque appeler conscience organique (J. Vuillemin, Être et trav.,1949, p. 31).
4.
Jugeable, adj.Qui peut être jugé; sur lequel on peut porter un jugement. Il existe très peu d'hommes, et encore moins de femmes, qui soient, à cet égard, pleinement jugeables avant d'avoir achevé leur carrière objective (Comte, Catéch. posit.,1852, p. 179).
5.
Jugeailler, verbe trans.,rare, péj. Porter des jugements sans valeur, à tort et à travers sur quelque chose. Lui ai confié le manuscrit, à condition qu'il ne le communiquerait à personne. Je suis las de tous ces ineptes jugements. Publié, qu'ils me jugeaillent, peu m'importe! Ils auront acheté le droit de déraisonner sur mon livre (Barb. d'Aurev., Memor. 1,1837, p. 120).
Prononc. et Orth. : [ʒyʒe], (il) juge [ʒy:ʒ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 juger a mort « condamner à mort » (Roland, éd. J. Bédier, 1058); 2. a) 1269-78 « porter une appréciation sur les choses » (J. de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 6169); ca 1450 « avoir, prononcer un avis sur quelqu'un ou quelque chose, porter un jugement sur » (Monstrelet, Chronique, éd. L. Douët-D'Arcq, t. 1, p. 61); ca 1485 « conjecturer » (Mystère du Vieil Testament, éd. J. de Rothschild, t. 6, 44513); 1540 juger de « porter une appréciation, se faire une opinion sur quelqu'un ou quelque chose » (Nicolas Herberay des Essars, Le Premier Livre d'Amadis de Gaule, éd. H. Vaganay, p. 343); 1547 juger des coups (Noël du Fail, op. cit., p. 12); b) 1269-78 jugier aucun (devant adj.) « considérer comme » (J. de Meun, op. cit., 5829); 3. ca 1270 vén. juger une beste (La chasse du cerf, éd. G. Tilander, 220); 4. a) 1636 juger de qqc. « imaginer, se représenter » (Corneille, Cid, III, 4); b) 1656 jugez s'il aura lieu de souffrir ma présence « id. » (Molière, Dépit amoureux, IV, 1); 5. 1564 « faire usage du discernement, avoir du bon sens » (Indice et recueil universel de tous les mots principaux de la Bible). Du lat. judicare « rendre un jugement, décider, apprécier ». Fréq. abs. littér. : 10 487. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 18 463, b) 11 986; xxes. : a) 13 923, b) 14 042.