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JOIE, subst. fém.
A. − Émotion vive, agréable, limitée dans le temps; sentiment de plénitude qui affecte l'être entier au moment où ses aspirations, ses ambitions, ses désirs ou ses rêves viennent à être satisfaits d'une manière effective ou imaginaire.
1. [Le sentiment de joie est d'ordre affectif, moral, intellectuel ou psychique] Contentement, profonde satisfaction. Un de ces moments si rares dans la vie où le cœur est inondé de joie par quelque bonheur extraordinaire et inattendu (J. de Maistre, Soirées St-Pétersb., t. 1, 1821, p. 6).Oh! ma joie alors de sortir en courant de ce collège, d'apercevoir maman qui avait tenu sa promesse, et qui m'attendait là, souriante, avec mon père et ma sœur (Loti, Rom. enf.,1890, p. 247).Je me laissai soulever par cette joie qui déferlait en moi, violente et fraîche comme l'eau des cascades (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 95).La définition du désespoir, c'est qu'il est sans arrière-pensée d'espoir ni mélange de lumière; la définition de la joie, c'est qu'elle est pure lumière sans ombre (Jankél., La Mauvaise conscience, Paris, éd. Montaigne, 1966, p. 215):
1. ... il savourait une joie (...) consubstantielle à son âme, pleine comme l'accord parfait, augmentant à mesure qu'il en éprouvait les ressorts, occupant tout son volume intérieur comme on se carre dans un fauteuil. Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 187.
Fausse joie. Joie qui devance prématurément des événements qui ne la confirmeront pas. C'est un sage : il ne veut pas de fausse joie, il attend les pièces du procès (Bremond, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 299).
Locutions
Quelle joie! Si Maurice arrivait aux vacances, quelle joie! Que papa serait heureux! (E. de Guérin, Journal,1837, p. 136).Avec quelle joie! Nous dûmes nous battre, et comment! Et avec quelle joie! (Moi, parce que j'adorais la bagarre...) (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 262).
Dans la joie, dans la joie de son cœur. On chante tous ensemble dans la joie de son cœur, les convives ont la même gaieté et la même ivresse (Flaub., 1reÉduc. sent.,1845, p. 252).
De joie. De joie ma respiration s'arrêtait dans ma poitrine (Proust, Swann,1913, p. 385).Chanter de joie. Mozart, réduit à la dernière misère et frappé à mort, chantait encore de joie (Mauriac, Journal,1937, p. 133).Mourir de joie (p. hyperb.). Je passe sur les fous rires mal réprimés (...) et sur l'ahurissement du wachmann qui ne voulut jamais me croire : c'était à mourir de joie (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 234).
Ça me ferait joie de + inf. (fam.).Et ça me ferait joie de te savoir mariée (Giono, Gd troupeau,1931, p. 30).
Au plur. Petites joies. Laisse-moi faire, Laurent, je verserai l'eau moi-même. Il y a de petites joies, même dans l'extrême détresse. Cécile arrosait, au pied, les touffes de myosotis (Duhamel, Cécile,1938, p. 272).
Vieilli
ALCHIM. (p. méton.). Joie des philosophes. Pierre arrivée au blanc parfait (d'apr. Ac. Compl. 1842, Guérin 1892).
Littér. Avoir joie à + inf.Salut, monsieur Léonard Botal, j'ai joie à vous revoir (France, Com. femme muette,1912, I, 1, p. 434).Avoir joie de + subst.Il semblait qu'elle eût joie de ce retour (Claudel, Agamemnon,1896, p. 898).
[En guise de souhait] Que le ciel, que Dieu vous tienne en joie. Restez toujours jeunes, et que Dieu vous tienne en joie (Renan, Drames philos., Caliban, 1878, II, 2, p. 404).Tenez-vous en joie. Donc revenez-nous si vous le pouvez. D'ici là tenez-vous en joie (Flaub., Corresp.,1868, p. 160).
En partic.
[La joie est vécue dans la relation avec une autre pers.] Joie de l'amitié, de la camaraderie. Onze heures de joie sans mélange et sans interruption. Entente parfaite et causerie infinie (Amiel, Journal,1866, p. 367).Ah! Je suis fait, je suis fait pour la joie! Il est dur de garder tout son cœur. Il est dur de ne pas être aimé. Il est dur d'être seul (Claudel, Part. midi,1906, I, p. 1091):
2. Celui qui a eu le bonheur de connaître, une fois dans le monde, l'intimité complète, sans limites, d'un cœur ami, a connu la plus divine joie, − une joie qui le rendra misérable, tout le reste de sa vie... Rolland, J.-Chr., Antoinette, 1908, p. 922.
[La joie est vécue dans la relation avec plusieurs pers., avec un groupe tout entier] Les joies de la famille, du foyer. Ce fut un délire de joie! On se répétait qu'il y avait eu six mille barbares de tués; les autres ne tiendraient pas, la guerre était finie (Flaub., Salammbô, t. 2, 1863, p. 2).Une joie immense, une puissante fierté, ont déferlé sur la nation. Bien plus! Le monde entier a tressailli quand il a su que Paris émergeait de l'abîme et que sa lumière allait de nouveau briller (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 711):
3. C'est un épanouissement, une gaîté, une joie à l'Odéon, une joie qui descend des auteurs aux machinistes. Ah! le succès au théâtre, quelle atmosphère ça fait, quelle griserie ça apporte à tout le monde! Goncourt, Journal,1891, p. 68.
[Avec une valeur négative; le sentiment de joie est altéré par les mauvais sentiments tels que l'envie, la haine, la malveillance] Joie amère, cruelle, féroce, horrible, infernale, sombre; la/les joie(s) de la vengeance. Mais elle voyait la joie mauvaise de ces gens, à la pensée que désormais la boutique était flambée (Zola, Assommoir,1877, p. 485).Une étincelle de joie illumina les yeux des hommes, la joie malsaine de vexer et d'injurier impunément l'adversaire (R. Bazin, Blé,1907, p. 20):
4. Je ne m'y trompais pas : il souffrait. Joie terrible, joie démoniaque : là, je pouvais le frapper. Toute la haine accumulée dans mon cœur se débondait soudain. Daniel-Rops, Mort,1934, p. 354.
2. [Le sentiment de joie affecte l'humeur] Entrain, gaieté. Synon. enjouement.C'était une gaieté, une joie, une ardeur de recherches qui me rappelaient le temps heureux où j'avais couru ainsi à côté de ma mère (Sand, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 380):
5. Le château du comte de Bedée était situé à une lieue de Plancouët, dans une position élevée et riante. Tout y respirait la joie; l'hilarité de mon oncle était inépuisable. Il avait trois filles (...) et un fils (...) qui partageaient son épanouissement de cœur. (...) on faisait de la musique, on dansait, on chassait, on était en liesse du matin au soir. Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 38.
En joie. Denis, tout le jour, chanta, comme un homme en joie, des refrains et des rondes du pays (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Denis, 1883, p. 845).Être en joie. Il était en joie d'un bout à l'autre de l'année (Aymé, Jument,1933, p. 66).Mettre qqn en joie. Susciter la gaieté, la bonne humeur, provoquer l'hilarité. J'esquisse au tableau noir une caricature du père Blanchot et de ses grands favoris, qui met les gamines en joie (Colette, Cl. école,1900, p. 150).
Faire la joie de. Faire l'amusement de. Une histoire qui fait la joie de Paris (Goncourt, Journal,1880, p. 66).C'était un pauvre bougre, qui faisait la joie du village (Moselly, Terres lorr.,1907, p. 32).
Pop., fam. Mère-la-joie. Femme qui a un caractère gai. J'ai encore de bons moments : j'étais une telle mère-la-joie quand j'étais jeune! (Colette, Music-hall,1913, p. 109).
Rabat-joie. Personne chagrine qui trouve plaisir à rabattre la joie des autres. Repasser un bail avec la jeunesse! Cette idée fait battre le cœur une minute, avant que la raison, cette fée rabat-joie, n'ait souri et parlé (Amiel, Journal,1866, p. 390).
3. [La joie considérée dans son origine]
a) [La cause de la joie a sa source dans le corps, les sens] Plaisir.
[La sensualité] Joie des sens. Je le vois courir, sauter, bondir, chanter, crier de joie, si heureux d'être et de sentir (Chênedollé, Journal,1815, p. 75).Je ne te dirai rien d'une petite promenade en bicyclette qui fut un délire de joie sensuelle (Rivière, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1907, p. 142):
7. La nature flambait d'allégresse. Le soleil bouillonnait. Le ciel liquide, fleuve transparent, coulait. La terre râlait et fumait de volupté (...). Tout criait de plaisir. Et cette joie était sienne. Cette force était sienne. Rolland, J.-Chr., Adolesc., 1905, p. 265.
Au plur. Joies simples; grosses joies. C'était un brave et gros garçon, (...) aimant les grosses joies, la bière, le vin, l'eau-de-vie (Goncourt, Journal,1855, p. 195).Il y avait des joies simples, triviales : courir, sauter, manger des gâteaux (Sartre, Mots,1964, p. 63).
[La sexualité] Joie sexuelle; les joies de la chair. Les Français d'alors aimaient la joie et adoraient le plaisir (Tocqueville, Anc. Rég. et Révol.,1856, p. 203).Ma joie se développait après la sienne, bien du temps après mon plaisir (...). Et cette femme vivante au corps de reine était à moi! Et mon plaisir, ma joie me revenaient après la chose passée et je revivais cent fois plus joyeuse et voluptueuse la chose même, que j'avais faite (Jouve, Scène capit.,1935, pp. 244-245):
6. ... Otto (...) demandait à tous les secrets de débauche les plus énormes, de quoi rassasier son âme, et l'engloutir, pour ainsi dire, par l'excès de son plaisir. Alors, ses os criaient de joie; le cœur lui palpitait dans le sein, comme un aigle qui bat des ailes; pendant un point et un moment, sa passion trouvait enfin, sa complète assouvissance. Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 249.
Fille de joie. Prostituée. Au bord du quai parut une fille de joie avec un soldat (Flaub., Bouvard, t. 1, 1880, p. 3).
b) [La cause de la joie a sa source dans la nature, dans la vision de la beauté] Joie esthétique, joie des yeux. De joie en joie. Erré deux heures dans ce paysage incomparable (Amiel, Journal,1866, p. 361).Le sentiment de joie, d'allégresse, de vie divine qui répond à la perception abondante et aisée des belles lignes et des belles couleurs (Lemaitre, Contemp.,1885, p. 28).En poussant mes volets j'eus la joie de voir un ciel à peu près pur; le jardin, mal ressuyé d'une récente averse, brillait; l'air était bleuissant (Gide, Isabelle,1911, p. 609):
8. Les nuits même, noires, touffues, surchargées d'astres, m'écartent souvent du sommeil et me donnent le désir de la fraîcheur. Pourtant c'est là que je me plais; là que je prends mes joies réelles... Bosco, Mas Théot.,1945, p. 170.
c) [La cause de la joie réside dans la réalisation d'une ambition, d'un projet, d'un désir ou d'un rêve] Joie de gagner, de réussir, de revoir qqn; joie d'une lettre, du retour, du succès. Le soir, lorsqu'elle apprit à Julien qu'il était lieutenant de hussards, sa joie fut sans bornes (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p. 444).Inondée de cette joie immense qui suit la terreur d'une maladie, dans cet allégement bienheureux, (...) Madame Gervaisais n'était plus occupée à rien qu'à voir revivre cet enfant qui était encore là (Goncourt, MmeGervaisais,1869, p. 142).Je compare la joie à cette vaste jatte de lait frais que nous trouvâmes au gîte d'étape, un soir d'accablante chaleur, après avoir marché dans l'aridité tout le jour (Gide, Nouv. Nourr.,1935, p. 289):
9. ... à l'aurore, M. Churchill vint me réveiller pour me dire, en dansant littéralement de joie, que le congrès américain avait voté le « Lease-Lend Bill », en discussion depuis plusieurs semaines. Il y avait là, en effet, de quoi nous remplir d'aise... De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 141.
Au plur. [P. oppos. à joies du ciel (infra C)] Joies du monde. J'ai eu beaucoup de bijoux, de richesses et de joies de ce monde; j'ai eu tout cela; mais j'ai toujours pensé ce que vous-même savez bien, que la joie du monde ne vaut rien (Montalembert, Ste Élisabeth,1836, p. 177).
d) En partic. Joie (de vivre). Sentiment de bien-être général, de bonheur complet qui vient du simple fait d'exister. Il s'agissait [dans les Noces de Cana] (...) de montrer la force, la santé, et la joie de vivre dans des visages radieux, exempts d'inquiétude, et des corps robustement superbes (Gautier, Guide Louvre,1872, p. 40).Fini de sa joie de vivre, de ce puissant oiseau de joie qui jadis s'élevait, par élans emportés, en chantant! (Rolland, J.-Chr., Buisson ard., 1911, p. 1340):
10. ... il quitte sa chambre, avance en tâtonnant le long du corridor encore sombre; il descend sans bruit l'escalier (...) il tire les verrous de la grande porte, qu'il ouvre; le voici sous le vaste ciel, seul, éperdu de joie et bondissant comme un danseur... Gide, Feuillets d'automne,1949, p. 1083.
SYNT. Joie délicieuse, extrême, indicible, inexprimable, intime, radieuse, secrète, suprême; bouffée, élan, mouvement de joie; ivresse de la joie; joie sans limite, sans mélange; être au comble de la joie; être transporté de joie; être plongé dans un océan de joie; fondre, frémir, rougir, trembler, tressaillir de joie; empoisonner la joie de qqn; perdre toute joie; rayonner de joie; éprouver la (une des) plus grande(s) joie(s) de sa vie.
B. − [Cet état de sensibilité considéré dans ses expressions les plus spectaculaires et le plus souvent collectives] Manifestation de gaieté, de liesse, d'allégresse publique. Joie bruyante, populaire, tonitruante; accès, transports de joie; bondir, éclater, exulter, pleurer de joie. On ne peut se faire une idée du transport, du délire que cet événement excita à bord de La Hyène : c'étaient des cris, des battements de mains à la faire sombrer; Brulart surtout ne se possédait pas de joie; il sautait, gambadait, tonnait, ravi de voir la réussite de sa ruse (Sue, Atar-Gull,1831, p. 22).Pendant que les élèves rient à pleine gorge, crient de joie et grimpent debout sur leurs bancs (Colette, Cl. école,1900, p. 123).La joie délirante de New-York, qui est la plus grande ville italienne du monde, a duré toute l'après-midi d'hier (Green, Journal,1943, p. 74):
11. ... la famille (...) céda brusquement à un coup de joie folle, délirant, se prenant par les mains, dansant une danse de sauvages autour de la table; le père lui-même obéit à la contagion, la mère battait des entrechats, les filles poussaient de petits cris inarticulés... Zola, Pot-Bouille,1882, p. 97.
Joie du diable. Manifestation effrénée de la joie. Tout un carnaval en bois. Cela n'est pas beau, mais il y a un entrain extraordinaire, une joie du diable après la peste (Michelet, Journal,1838, p. 269).
Jour de joie. Jour de fête publique. La fête de hilaries, jour de joie, dans lequel on célébrait, comme nous l'avons déjà dit, l'époque heureuse où le soleil Atys reprenait son empire sur les longues nuits (Dupuis, Orig. cultes,1796, p. 348).Le jour où tout fut prêt (...) fut un jour de joie populaire. Les places et les rues de la ville qu'elle devait parcourir étaient remplies d'une foule immense (Thierry, Récits mérov., t. 2, 1840, p. 258).
Feu* de joie. P. métaph. Mon bonheur se répandait sur chacun en amabilité joyeuse (...) et le sentiment que personne ne savait quelle main inconnue d'eux (...) avait allumé en moi ce grand feu de joie dont tous voyaient le rayonnement, ajoutait à mon bonheur (Proust, Plais. et jours,1896, p. 205).
Locutions
À la (grande) joie de qqn, des enfants. À la grande joie des collectionneurs qui se précipitent sur ces pacotilles! (Huysmans, Art mod.,1883, p. 183).À grande joie (vieilli). Beauvais, Senlis, Montdidier, le reçurent à grande joie; on criait « Noël! » au passage de celui qui abolissait les aides et les gabelles (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 141).
S'en donner à cœur joie. S'abandonner pleinement à la joie. Les danseurs s'en donnaient à cœur joie, riant et se poussant, pareils à un pensionnat pris tout d'un coup d'une folie joyeuse, en l'absence du maître (Zola, Page amour,1878, p. 900).
En signe de joie. Cette nuit, la tour et la cité de Londres seront illuminées de flammes et flambeaux, en signe de joie (Hugo, M. Tudor,1833, 3ejournée, 1repart., 9, p. 183).En témoignage de joie. Tous, en témoignage de joie, s'étaient mis une fleur à l'oreille (Flaub., Salammbô, t. 1, 1863, p. 135).
Loc. verb.
Être à la joie. La maison regorgeait de monde et tout le monde était à la joie (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 378).Être dans la joie; être en joie. On chantait, on dansait, on riait, on priait. Tout le monde était dans la joie (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 220).
Ne pas, ne plus se sentir, se tenir de joie. M. Renan ne se sent pas de joie! (...) La tête puissante, inclinée sur une épaule et rejetée en arrière, s'illumine et rayonne; les yeux pétillent (Lemaitre, Contemp.,1885, p. 202).
Loc. exclam. Vive la joie! Cri des gens qui s'amusent, qui sont en fête. Vive la joie!... crioit un homme au gosier desséché (Balzac, Annette, t. 1, 1824, p. 167).
HIST. [P. réf. au cri des troupes du roi de France Mont-joie et Saint-Denis] Mont-joie et Saint-Denis! À son tour, il entrait en lice (...) le casque en tête et la lance au poing (Sandeau, Sacs,1851, p. 23).
C. − [Le sentiment de joie au-dessus de tout, préférable à tout] Bien suprême. La joie des joies. La vraie grandeur se reconnaît au pouvoir de jubiler, dans la joie et la peine. Un Mendelssohn ou un Brahms, dieux des brouillards d'octobre et de la petite pluie, n'ont jamais connu ce pouvoir divin (Rolland, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 399).Cette accession à la métempirie, même si elle ne dure qu'un instant, nous apporte une grande joie : la créature perce le plafond de sa finitude et de sa naturalité (Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 133):
12. ... nous avions la joie. Il n'y avait pas cette confusion entre le plaisir et le bonheur. Nous étions heureux. Que pouvions-nous souhaiter de plus? Je crois que si ces gens connaissaient une heure de l'inexprimable bonheur que nous goûtions ils ne l'oublieraient jamais et y penseraient comme à l'événement principal de leur vie. Green, Journal,1946, p. 24.
Joie parfaite. Une joie parfaite, close, totale; un maximum; sans retour, sans regret, sans remords; sans un point de poussière, sans un atome de regret, sans une ombre d'ombre. Une plénitude, une perfection, un total. Un plein. Un rassasiement parfait. On en avait plein la tête et plein le cœur. On en était gorgé (Péguy, V.-M., comte Hugo,1910, p. 692).
Joie pure. En toutes choses, seul ce qui nous vient du dehors, gratuitement, par surprise, comme un don du sort, sans que nous l'ayons cherché, est joie pure (S. Weil, Pesanteur,1943, p. 54).
Vraie joie. Les Athéniens eurent de l'esprit, c'est-à-dire la vraie joie, l'éternelle gaieté, la divine enfance du cœur (Renan, Souv. enf.,1883, p. 68).
MYSTIQUE RELIG. Joie céleste, éternelle, inaltérable, ineffable, infinie; joies du ciel. Une joie divine s'était donc répandue sur toute sa vie, tout son être : aucune tribulation, aucune épreuve ne pouvait en troubler la paix et la douceur (Montalembert, Ste Élisabeth,1836, p. 263).Plus de séparation radicale entre ce qui aime et ce qui est aimé : Dieu est présent et la joie est sans bornes (Bergson, Deux sources,1932, p. 244).Nous brûlerons, David, nous brûlerons dans une éternité de joie (Green, Moïra,1950, p. 208):
13. ... une joie sans mélange, située par delà le plaisir et la peine, qui est l'état d'âme définitif du mystique. Bergson, Deux sources,1932p. 277.
[P. réf. au texte de Pascal] Le caractère plein de cet état mystique. (...) à propos des mots : certitude, sentiment, joie, paix, pleurs de joie, renonciation totale et douce (Du Bos, Journal,1922, p. 104).
P. méton.
[En parlant d'une personne qui est la source de joie pour quelqu'un; personne qui incarne cette joie] Être, devenir, faire la joie, toute la joie de qqn, la joie de la vie de qqn. Mon père m'appelait sa joie (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 720).La petite Louise (...) est le rayon, l'arc-en-ciel, la joie de la maison (Amiel, Journal,1866, p. 144).Ô mon amour, ô mon trésor, ma chère vie, ô mon bien unique; ô toi qui es ma joie, ma lumière (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 243):
14. ... ce qui m'est plus cher que ma chair et le dedans de ma pensée ce qui m'est l'être de mon être ma prunelle ma douceur ma joie majeure mon souci tremblant mon haleine mon cœur comme un oiseau tombé du nid ma déraisonnable raison mes yeux ma maison ma lumière... Aragon, Rom. inach.,1956, p. 54.
Plus rare. [En parlant d'un animal ou d'une chose qui est source de joie pour quelqu'un] Viens, viens donc, mon joli sansonnet. Tu es toute ma joie, tu n'as point de tristes secrets, toi. Amuse-moi, réjouis-moi; je te donnerai une branche d'amandier à becqueter (Quinet, Ahasverus,1833, 3ejournée, p. 198).Ses plus grandes joies sont un coucher de soleil, un bruit de vent dans les forêts, un chant d'alouette à la rosée (Flaub., 1reÉduc. sent.,1845, p. 277).
Prononc. et Orth. : [ʒwa] et [-ɑ-]. Ac. 1694 et 1718 : joye; dep. 1740 : joie. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1150 goie « sentiment de bonheur intense, de satisfaction profonde » (S. Alexis, éd. Chr. Storey, 503); ca 1100 « ce sentiment considéré dans ses manifestations » (Roland, éd. J. Bédier, 3944 : Repairet s'en a joie e a barnage); id. dans son orig., la cause qui l'engendre (ibid., 1627); b) début xiies. spéc. (S. Alexis, éd. citée, prol. : sei delitent es goies del ciel); ca 1274 (Adenet Le Roi, Berte, éd. A. Henry, 1270 : Mais Dieus, qui est donneres de joie souveraine); 2. 1168-91 « manifestation d'amour, caresse » (Chrétien de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 5770); ca 1170 « joie d'amour » (M. de France, Lais, Guigemar, 523, éd. J. Rychner, p. 21); 1188 joie d'amour (A. de Varennes, Florimont, 2582 ds T.-L.); xiiies. femme de joie (Marguet convertie, éd. Jubinal, Nouv. Recueil, I, 317, ibid.); 1389 filles de joye (doc. ds Du Cange, s.v. abbas-abbatissa); 3. 1225-30 « personne, chose source de joie » (G. de Lorris, Rose, éd. F. Lecoy, 2347). Du lat. gaudia, plur. de gaudium (« contentement, aise, plaisir, joie; plaisir des sens, volupté; personne, chose source de joie » dans la lang. class., caelestis gaudium, gaudium Domini « joie éternelle, joie du ciel » dans la lang. chrét.), employé à basse époque comme fém. sing., TLL, s.v., 1711, 68-71; v. aussi Vään., § 217 et Löfstedt, Synctatica, I, p. 48-49. Au sud d'une ligne Loire-Vosges, les dér. gallo-rom., de même que les divers corresp. des domaines ital. et hisp. (v. REW33705) reposent sur le masc. gaudium (cf. a. fr. joi subst. masc. ca 1150 employé pour renforcer une négation ne... joi, Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 5261; ca 1165 « joie » B. de Ste Maure, Troie, 13640 ds T.-L.; cf. aussi l'a. fr. joie à l'emploi masc. [nomin. sing. joies] ca 1165 G. d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 1133). Fréq. abs. littér. : 17 134. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 22 674, b) 25 665; xxes. : a) 28 250, b) 22 777. Bbg. Chautard (É.). La Vie étrange de l'arg. Paris, 1931, p. 419. - Lavis (G.). L'Expr. de l'affectivité ds la poésie lyrique fr. du M. Âge. Paris, 1972, passim. - Rohou (J.). Le Bonheur, la joie, le plaisir ds les tragédies de Racine. Cahiers raciniens. 1968, no24, pp. 11-76; 1969, no25, pp. 11-81. - Spitzer (L.). Schadenfreude In : S. (L.). Essays in historical semantics. New York, [1948], 316 p.