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IRRÉVOCABLE, adj.
Qui n'est pas révocable.
A. − [En parlant d'une pers.] Rare. Que l'on ne peut relever de ses fonctions, que l'on ne peut priver de ses prérogatives. Juge, témoin irrévocable. Faute par le vendeur d'avoir exercé son action de réméré dans le terme prescrit, l'acquéreur demeure propriétaire irrévocable (Code civil,1804, art. 1662, p. 305).
B. − [En parlant d'une chose accomplie ou subie] Que l'on ne peut annuler, effacer; sur quoi l'on ne peut revenir, qui est sans appel, définitif. Réfléchissez avant de prendre un parti dont les suites seront irrévocables. Par honneur, par pitié du moins, réfléchissez (Staël, Lettres L. de Narbonne,1793, p. 168).Mon frère, mon frère, la malédiction de nos enfants est épouvantable; ils peuvent appeler de la nôtre, mais la leur est irrévocable (Balzac, E. Grandet,1834, p. 64).Nous guettions ses premiers propos sur lesquels notre jugement collectif allait s'asseoir, ce jugement si implacable, si irrévocable, que sont disposés à porter ceux qui ne connaissent rien de la vie (Gide, Si le grain,1924, p. 451).V. abjuration ex. 5 et commencer II B 2 rem. 2, ex. de Proust :
1. À 18 heures, je lus au micro le texte que l'on connaît. À mesure que s'envolaient les mots irrévocables, je sentais en moi-même se terminer une vie, celle que j'avais menée dans le cadre d'une France solide et d'une indivisible armée. À quarante-neuf ans, j'entrais dans l'aventure, comme un homme que le destin jetait hors de toutes les séries. De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 71.
SYNT. Arrêt, condamnation, décret, édit, loi, sentence, verdict irrévocable; affirmation, décision, engagement, ordre, pacte, parole, promesse, refus, réponse, ton, serment irrévocable; action, choix, mission irrévocable; conviction, déception, détermination, parti pris, résolution, sentiment irrévocable; abandon, adieu, chute, décadence, déclin, mal, maladie, oubli, perte, rupture, séparation irrévocable; destin, destinée, échéance, événement, fatalité, sort irrévocable; irrévocable avènement de qqc.
[P. méton.], littér. Que ne suis-je égorgée, ô dieux, et déjà morte! L'irrévocable Hadès m'appelle par mon nom (Leconte de Lisle, Poèmes trag.,1886, p. 188).Qu'est-ce que la beauté d'Hélène pour qui les jeunes guerriers offrent leurs jours joyeusement au ciseau de l'irrévocable Parque (Thibaudet, Réflex. litt.,1936, p. 225).
Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. Accomplir l'irrévocable; la menace, le sentiment de l'irrévocable, d'irrévocable. Tout ce qui s'en va, tout ce que l'on quitte a le caractère de l'irrévocable et on sent la mort marcher sur vous (Flaub., Corresp.,1875, p. 275):
2. ... qui dit : « jamais plus » dit aussi : « pour toujours ». Ce que je ne peux plus changer est à la fois aboli et consacré : ce qui a été fait ne peut plus être refait, ni défait. La vie à la fois efface et recueille. Ainsi l'irrévocable naît des choses et de nous-mêmes. Ricœur, Philos. volonté,1949, p. 425.
Avec déterm. Caractère irrévocable de quelque chose. L'irrévocable d'une décision. Tout ce lieu [Gethsémani], ce matin, sous son tapis éphémère d'herbes et de fleurs, manifeste lugubrement l'irrévocable de la mort et le triomphe de la poussière (Loti, Jérusalem,1895, p. 82).
C. − [En parlant du temps] Qui ne peut revenir en arrière. Passé, temps irrévocable. Ces années-là sont irrévocables; mais aujourd'hui demeure libre, aujourd'hui est encore à moi (Senancour, Obermann, t. 2, 1840, p. 229).La marche irrévocable du temps (Alain, Beaux-arts,1920, p. 143):
3. ... la conception de l'irrévocable écoulement de toutes choses roule dans ses replis d'étranges germes de tristesse − une tristesse épouvantée devant la fuite inutile de ce monde illusoire. Bourget, Nouv. Essais psychol.,1885, p. 120.
REM.
Irrévoqué, -ée, adj.,littér. Qui n'est pas annulé, qui n'est pas effacé. Il faut qu'un pauvre hère Reste secret. Maître d'une souffrance Irrévoquée (Péguy, Quatrains,1914, p. 505).
Prononc. et Orth. : [iʀ(ʀ)evɔkabl̥]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1357, 16 avr. don inrevocable (AN S 13, pièce 4 ds Gdf. Compl.). Empr. au lat.irrevocabilis (fréq. inrevocabilis) « qu'on ne peut modifier, irréparable, irrévocable ». Fréq. abs. littér. : 300. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 588, b) 349; xxes. : a) 431, b) 327.