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GAUCHIR, verbe
A. − Emploi intrans.
1. Devenir gauche (cf. gauche2A 1), subir une déformation. Sièges composés de feuilles de bois réunies, dont les fibres sont placées dans des directions différentes, système qui a l'avantage de présenter une très-grande solidité, de ne pas jouer ni gauchir (Nosban, Manuel menuisier, t. 2, 1857, p. 21).
P. métaph. Sentant gauchir par places le cadre de son existence, la pauvre maman disait : « Je ne sais plus comment je vis » (Malègue, Augustin, t. 1, 1933, p. 63).
2.
a) S'écarter de la direction, de la trajectoire prévue. Synon. dévier.Le jet d'eau laissé libre s'élève en ligne droite; gêné, comprimé, il biaise, il gauchit (Renan, Avenir sc.,1890, p. 59) :
1. Sur deux mille francs en or de ricochets, pas une pièce de vingt francs qui ait gauchi : elles sont toutes allées à l'eau comme des hirondelles. Gozlan, Notaire,1836, p. 40.
b) Au fig. Prendre une mauvaise direction; s'écarter du vrai ou du bien, s'égarer. La chronologie hésite et gauchit; le prêtre qui aurait reçu l'ultime confession se confond, trait pour trait, avec un chapelain venu plus tard (La Varende, Homme aux gants,1943, p. 19).Il a papillonné parfois, gauchi, trahi si l'on veut (Arnoux, Roi,1956, p. 98).
[Avec compl. prép. indiquant une direction] :
2. En littérature seulement, (...) on a pu trouver (...) que les promesses avaient quelque peu menti, (...) que les grands talents (...) s'égaraient, qu'ils gauchissaient à plaisir dans des systèmes monstrueux ou creux, en tout cas infertiles... Sainte-Beuve, Portr. littér., t. 3, 1843, p. 421.
Emploi factitif. Nous ne voudrions plus vivre sous un régime [la Restauration] qui fait gauchir un génie comme Cuvier, étouffa en de mesquins compromis l'esprit si vif de M. Cousin (Renan, Souv. enf.,1883, p. xii).
[Avec compl. prép. indiquant une direction] :
3. ... les révélations sont des égarements de la foi, écrit-il [M. Olier] dans ses mémoires; c'est un amusement qui ôte la simplicité vers Dieu, qui embarrasse l'âme et la fait gauchir de la droiture vers Dieu. Bremond, Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 500.
B. − Emploi trans.
1. Rendre (quelque chose) gauche. La lune, le soleil, l'hiver, l'été, la neige ont creusé les bois [de la maison], gauchi les planches, rongé les peintures (Balzac, Autre ét. femme,1842, p. 407).Le moindre faux mouvement peut casser, gauchir ou étonner [la plaque de céramique, quand on la retourne] (Al. Brongniart, Arts céram., t. 1, 1844, p. 152).
En partic. Gauchir une aile (d'oiseau, d'avion). Exercer sur elle une déformation momentanée pour infléchir le vol. Le pilote a gauchi l'aile de son appareil (Ac.1932) :
4. Elle [la mouette] suit son œil, le fil de son regard (...). Un œil glacé, attentif et perçant, qui plonge d'avance, gauchit les ailes, les referme soudain : et c'est ce petit corps lourd, vidé d'air, cet espèce d'obus qui tombe, qui frappe de sa pointe acérée. Genevoix, Avent. en nous,1952, p. 8.
2. Au fig.
a) Déformer, fausser quelque chose. C'est la différence d'âge qui révélée, au fond d'un bel œil de velours, faussa nos rapports, gauchit notre lien amical (Colette, Képi,1943, p. 60).Sophisme, Jérôme; tu interviens dans l'expérience et tu la gauchis (Arnoux, Seigneur,1955, p. 145) :
5. La place quasi exclusive qu'on accorde depuis des générations aux témoignages écrits a masqué aussi bien l'importance de l'art que gauchi notre compréhension des phénomènes sociaux totaux. Traité sociol.,1968, p. 292.
b) Détourner quelque chose de son orientation première, l'écarter du vrai ou du bien :
6. Lorsqu'un homme a rompu sa ligne de vie, gauchi et truqué, au delà du criminel et du stupide, son destin vrai pour en choisir passionnément la plus dérisoire négation, la contrefaçon la plus frauduleuse, il n'y a plus de remède. Arnoux, Roy. ombres,1954, p. 195.
Emploi pronom. réfl. Fondée sur la raison humaine, ne devant sa vérité qu'à l'évidence de ses principes et à l'exactitude de ses déductions, elle [la philosophie] réalise spontanément son accord avec la foi sans avoir à se gauchir (Gilson, Espr. philos. médiév.,1931, p. 6).
C. − Emploi pronom. passif
1. Devenir gauche :
7. Ces panneaux (...) sont extrêmement stables sous l'action des variations hygrométriques de l'atmosphère ambiante; ils ne se déforment ni ne se gauchissent. Campredon, Bois,1948, p. 76.
2. Au fig. Se déformer, se fausser :
8. À mesure que l'auteur atteint [par le film] un public plus étendu, il le touche moins profondément; il se reconnaît moins dans l'influence qu'il exerce, ses pensées lui échappent, se gauchissent et se vulgarisent... Sartre, Sit. II,1948, p. 270.
REM.
Gauchissant, -ante, part. prés. adj.Qui gauchit. Il se refusait d'avouer, de s'avouer, qu'entre le catholicisme et l'art dramatique il ne pouvait y avoir alliance, sinon au détriment de l'un et de l'autre, et seulement par un gauchissant compromis (Gide, Journal,1931, p. 1021).
Prononc. et Orth. : [goʃi:ʀ], (il) gauchit [goʃi]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1181 gauchir « se tourner, se diriger vers » (Le Roman d'Aiquin, éd. F. Jouön Des Longrais, 273, v. discussion ds DEAF s.v., col. 393-394); 2. av. 1409 gauchir « se dérober à, éviter en se détournant » (Le Livre des faicts du (...) mareschal de Boucicaut, éd. J. F. Michaud et J. J. P. Poujoulat, II, 26); 3. 1549 « faire subir une torsion ou une déviation à un objet » (Est.). L'existence de ce verbe en a. fr. est très mal assurée. 1 n'est sans doute qu'une altération de ganchir, plus anciennement guenchir « faire des détours » (xiies. ds T.-L. et Gdf.), issu de l'a. b. frq. *wenkjan « vaciller » (cf. a. h. all. wankôn « id. », le m. néerl. wenken « id. », all. wanken « id. »), peut-être sous l'infl. de *gauchi(e)r « fouler (la vérité) » d'où « déformer » (xiiies. [date du ms.] gauchie, Estoire d'Eustachius, éd. A. C. Ott, 72) et de sa famille (cf. DEAF, col. 390), de l'a. b. frq. *walkan « fouler » (cf. a. h. all. walchan « rouler », m. néerl. walken « fouler », all. walken « id. »); 2 très fréq. à partir du xves., doit sans doute être rapproché de gauche2* (lui-même d'orig. obscure). Fréq. abs. littér. : 33. Bbg. Darm. Vie 1932, p. 167. - Gohin 1903, p. 314. - Sain. Sources t. 3 1972 [1930] p. 404. - Woll (D.). Zur Etymologie und Wortgeschichte von frz. gauche. Rom. Forsch. 1971, t. 83, pp. 182-200.