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DÉCROTTER, verbe trans.
A.− Nettoyer quelque chose, quelqu'un en ôtant la crotte (v. ce mot I); la saleté.
1. [Le compl. désigne des choses]
a) [Gén. l'obj. désigne des chaussures] Quoi! dis-je alors en moi-même, il y a des hommes qui décrottent les souliers des autres pour de l'argent? (X. de Maistre, Voy. autour de ma chambre,1794, p. 41).Il bat mes habits, a soin du linge, décrotte mes souliers, cire mes meubles (Balzac, Corresp.,1819, p. 30).Combien d'autres, qui ne sont pas dignes de décrotter vos bottines (Flaub., Corresp.,1867, p. 325).
P. métaph. Je vous apporte mon âme à ressemeler et à décrotter [dit Marchenoir au père qui le reçut à la Grande Chartreuse] (Bloy, Désesp.,1886, p. 91).Je ne suis pas femme à me mettre aux pieds de personne pour décrotter des souliers (Bernanos, Imposture,1927, p. 485).
b) [Plus rarement d'autres obj., au xixesurtout] Une robe de MmeDuveyrier, qu'il décrottait (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 384).Décrotter des tapis (cf. Goncourt, Journal,1894, p. 665).
Pop. (au xxes.). C'est vous que vous décrottiez les rues (Barbusse, Feu,1916, p. 129).
2. [Le compl. est un nom de pers.] Nettoyer (quelqu'un qui était très sale). Faites-vous décrotter (Ac.1835).Au retour, je voulus aller chez M. Andrieu et me fis décrotter sur le pont Marie (Michelet, Journal,1821, p. 137).Tous les mômes étaient décrottés (Céline, Mort à crédit,1936, p. 156).
Emploi pronom. réfl. Ils arrivèrent en masse, inondèrent la maison, l'envahirent, passèrent la nuit à se décrotter, s'épucer, se nettoyer et se laver (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 383).
P. métaph. Se décrotter de qqc. (de sale). On entendait monsieur Broquette (...) laver furieusement à la brosse les mains d'une quatrième [nourrice], pour lui apprendre comment on se décrottait du fumier natal (Zola, Fécondité,1899, p. 529).
3. P. anal.
a) Pop., fam. [Le compl. désigne de la viande avec os] La dépouiller jusqu'à l'os, la manger en n'en laissant que l'os. « Décrotte l'os! ce n'est pas moi qui t'empêcherai de manger, va! » (Vallès, J. Vingtras,Enf., 1879, p. 126).« Charpentier, passe-moi le jambonneau (...) » Un temps, trois mouvements, je le décrotte! (Coppée, Contes en prose,1882, p. 303).
P. ext. Manger avec avidité, en vidant complètement le plat. Comme ils ont décrotté ce jambon, ce pâté (Besch.1845).Eh bien alors, mon chéri, on leur dit adieu et l'on va décrotter ailleurs (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 17).
b) MAÇONN. [L'obj. désigne des vieux carreaux] ,,Nettoyer avec la truelle en les dépouillant du mortier ou du plâtre dont ils sont souillés`` (Lar. 19e).
B.− Fam. [Le compl. est un nom de pers.]
1. Dépouiller quelqu'un de son ignorance, de la rusticité de ses manières. Synon. décrasser, dégrossir.Le grec ni le latin ne décrottent leur homme (Amiel, Journal intime,1866, p. 190).Voyez le carnaval de tous ces parvenus mal décrottés qui se croient empereurs (Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 430):
Les instituteurs eux-mêmes n'étaient plus parqués en deux groupes presque hostiles, les uns humiliés, les autres méprisants, d'un côté les pauvres instituteurs primaires, peu éduqués, à peine décrottés souvent du champ natal, et de l'autre côté les professeurs de lycée et d'écoles spéciales reluisants de science et de littérature. Zola, Vérité,1902, p. 333.
En partic. [Le compl. désigne une femme ignorante ou de comportement populaire] En effet, en six mois, un amant convenable les décrotte; elles apprennent tout, même l'orthographe (Taine, Notes Paris,1867, p. 59).
Emploi pronom. réfl. Se polir, perdre de sa grossièreté. Tu as ramassé une traînée de boue, mon cher! et tu sais, on a beau se décrotter, il en reste toujours (...) dit Marthe à Ginginet (Huysmans, Marthe,1876, p. 75).
2. P. métaph. Décrotter quelqu'un de quelque chose (de gênant). Catholiques danois, incapables de zèle, privés de lumière, à peine décrottés du protestantisme (Bloy, Journal,1899, p. 355).
Rem. On rencontre ds la docum. le subst. masc. décrottage. a) Action de décrotter (Ac. 1878-1932). Nettoyage d'un objet sali, crotté. Le décrottage d'un manteau, d'une paire de bottes (Besch. 1845). b) Spéc., maçonn. Le décrottage [des matériaux], c'est (...) l'enlèvement des parties de plâtre ou de mortier restées adhérentes après la démolition (Robinot, Vérif., métré et prat. trav. bât., t. 1, 1924, p. 156). Décrottage à vif. Décrottage d'un enduit en plâtre pour permettre l'application d'un enduit en ciment (Id., ibid., p. 194).
Prononc. et Orth. : [dekʀ ɔte], (je) décrotte [dekʀ ɔt]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1erquart xiiies. part. passé substantivé Li descrotés « débarrasser de la saleté » fig. « [le moine] qui a fui la souillure du monde » (Reclus de Molliens, Charité, 134, 5 ds T.-L.); spéc. 1870 « nettoyer avec la truelle » (Lar. 19e); 2. 1680 fam. « dépouiller une femme jolie de sa rusticité » (Rich.). Dér. de crotte*; préf. dé-*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 34.
DÉR.
Décrottoir, subst. masc.Lame de fer (ou boîte garnie de brosses) placée à côté d'une porte extérieure d'une maison ou d'un appartement, pour qu'on puisse y enlever la boue des chaussures avant d'entrer. Sa mère lui demandait combien de fois il faudrait lui dire de râcler ses semelles au décrottoir et s'il [Raymond] comptait aller à table « avec ces mains » (Mauriac, Désert am.,1924, p. 15).P. métaph. La plus basse crotte du décrottoir littéraire (Bloy, Journal,1895, p. 176).Rem. La plupart des dict. gén. ainsi que Chesn. 1857, Bel. 1957 attestent aussidécrottoire, subst. fém. Sorte de brosse dont on se sert pour décrotter. Synon. décrotteuse (Ac. 1798-1878). [dekʀ ɔtwa:ʀ]. Ds Ac. 1835-1932. 1resattest. a) xvies. descrotouer « brosse » (La Nef des fols, p. 72 ds Gay); b) 1829 « lame de fer fixée aux portes pour nettoyer les chaussures » (Boiste); de décrotter, suff. -oir*. Fréq. abs. littér. : 2.
BBG. − Gohin 1903, p. 232. − Guiraud (P.). Les Ch. morpho-sém. B. Soc. Ling. 1956, t. 52, no1, pp. 265-269. − Quem. 2es. t. 1 1970.