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DÉCIDER, verbe.
I.− Emploi trans. dir.
A.− Juger un point contesté, opter pour une conclusion définitive qui tranche, après délibération, un litige. Décider une affaire, une question; décider souveraine, ment. L'acte fondamental d'une vie est de décider ce qui est important et ce qui ne l'est pas (Montherl., Olymp.,1924, p. 318):
1. Mon tourment est plus profond encore; il vient également de ce que je ne puis décider avec assurance : le bien est ici, de ce côté; le mal est là. Ce n'est pas impunément que, toute une vie durant, mon esprit s'est exercé à comprendre l'autre. J'y parviens aujourd'hui si bien, que le « point de vue » où il m'est le plus difficile de me maintenir, c'est le mien propre. Gide, Journal,1941, p. 64.
P. métaph. :
2. Jusque-là on avait hésité si l'on souperait dans la salle à manger ou sous une longue tente de coutil dressée sur la pelouse. Ce beau ciel bleu, tout parsemé d'étoiles, venait de décider le procès en faveur de la tente et de la pelouse. A. Dumas père, Le Comte de Monte-Cristo,t. 2, 1846, p. 142.
Emploi abs. Un tribunal suprême qui décide en dernier ressort (Lamennais, Religion,1825, p. 30).Pâris, l'enfant royal dont la voix décida Entre les trois splendeurs au sommet de l'Ida (Banville, Cariat.,1842, p. 85):
3. ... Hannibal fut pris pour arbitre entre deux frères qui se disputaient la royauté; il décida pour l'aîné, conformément à l'avis des vieillards de la nation, ... Michelet, Hist. romaine,t. 2, 1831, p. 10.
4. ... j'ai passé assez de temps en province pour savoir qu'on ne s'aime pas mieux là qu'ailleurs; et s'il fallait décider, je donnerais la préférence à Paris. Leclercq, Proverbes dramatiques,Madame Sorbet, 1835, 6, p. 143.
B.− P. ext. Prendre un parti, déterminer une issue, conduire quelque chose à un résultat définitif.
1. Vieilli. [L'objet désigne un subst. inanimé abstr. ou un nominal indéf.]
a) [Le suj. désigne une pers.] Décider un mariage, un succès. Jeanne d'Arc (...) va rejoindre le camp des Français, décide la victoire en leur faveur (Staël, Allemagne,t. 2, 1810, p. 368):
5. Après avoir tracé, au haut d'une page : « Ceci est mon testament... » il [le vicomte] se releva d'une secousse et s'éloigna, se sentant incapable d'unir deux idées, de prendre une résolution, de décider quoi que ce fût. Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, Un Lâche, 1884, p. 921.
6. Ainsi se décida notre mariage. (...). Souvent on attribue aux femmes des décisions là où, en fait, elles ne décident rien; elles sont décidées. Daniel-Rops, Mort, où est ta victoire?1934, p. 231.
En emploi abs. :
7. Aller à l'oracle, c'est chercher une raison de décider quand on n'en voit pas. Celui qui décide par instinct se livre en quelque sorte à la nature, et tente de s'accorder avec elle. Alain, Propos,1921, p. 197.
8. ... Ainsi rien, en définitive n'était résolu! Là encore, il [Augustin] avait anticipé à faux. Le chaos des décisions possibles restait chaos. Qu'il aille à la messe le dimanche ou qu'il n'y aille pas, le déterminisme de sa pensée n'en serait pas plus changé que l'univers. S'il ne décidait pas, les choses décideraient pour lui, au fond de lui, dans les mécanismes intérieurs. Tout tomberait un jour ou l'autre, comme un vieux mur. Choisir par décision positive de la volonté? Quelle sottise! Les choses choisissent pour vous. Si elles ont décidé de partir, elles font comme « la bien-aimée, la rose au bois », elles s'en vont. Malègue, Augustin,t. 1, 1933, p. 352.
b) [Le suj. désigne un inanimé concr.] Une de ces grosses pluies chaudes qui décident le printemps (Sainte-Beuve, Volupté,t. 1, 1834, p. 202).
En emploi abs. C'est un coup de canon qui décide. Grondement de grêle (Renard, Journal,1900, p. 590).
c) [Le suj. désigne un inanimé abstr.] Ce mariage allait décider la fortune politique de Lucien (Balzac, Splend. et mis.,1844, p. 84):
9. Un dimanche de ses dix-huit ans qu'il [Honoré] se trouvait dans la salle à manger en compagnie de la servante, elle lui fit voir son audace d'une manière qui décida son ardeur. Aymé, La Jument verte,1933, p. 64.
2. [L'obj. est une subordonnée complétive]
a) [Le suj. du verbe sub. est différent de celui de la principale] Décider + subordonnée conjonctive.
Décider que + ind. ou cond.Je décide (...) que nous arriverons le plus vite possible à Rouen (Stendhal, Lamiel,1842, p. 159).Nous décidâmes qu'un petit tour en bateau (...) ça nous distrairait (Céline, Voyage,1932, p. 490):
10. « Je sens que le destin n'a pas décidé que je mourrais aujourd'hui. Et comme, s'il l'a décidé, c'est absolument inéluctable, pas la peine de s'agiter. » Romains, Les Hommes de bonne volonté,Verdun, 1938, p. 226.
Décider que + subj. (lorsque l'accomplissement de la volonté reste incertain).Qu'il soit aussi décidé que le titre des monnaies ne puisse être changé (Recueil de textes d'hist.,t. 4, L'Époque contemp., 1789, p. 17).
Rem. La plupart des dict. gén. du xixeet du xxes. (sauf Ac. et Littré) accueillent la constr. décider que. Mais seuls Lar. encyclop. et Dub. attestent l'emploi du subj. dans la subordonnée − lequel emploi est récusé par Hanse 1949.
b) [Le suj. du verbe sub. est le même que celui de la principale] Décider de + inf.Qui décidez-vous d'emmener? (Courteline, Train 8 h 47,1888, 1repart., 5, p. 51).Si le gouvernement anglais ne décide pas d'intervenir (Malraux, Conquér.,1928, p. 116).
SYNT. Décider d'aller, d'attaquer, d'attendre, d'envoyer, de faire, d'en finir, de laisser, de passer, de porter, de prendre, de profiter, de refuser, de repartir, de se replier, de rester, de retourner, de tenir, de tenter, de tuer.
c) Décider + subordonnée interr.Discussion pénible avec moi-même pour décider si je n'ai point encouru le remords (Stendhal, L. Leuwen,t. 3, 1836, p. 71).Décider qui gagnait la casquette et le foulard (Zola, Germinal,1885, p. 1374).
3. Emploi pronom. [Le suj. désigne un inanimé abstr.] Recevoir une solution, être tranché, prendre un tour définitif. S'éloigner du théâtre où ses destinées se décident (Cottin, Mathilde,t. 2, 1805, p. 173).L'époque où la santé d'une femme se décide (Zola, Page amour,1878, p. 809).Ce berceau de vigne à l'ombre duquel s'était décidée ma vie (Loti, Rom. enf.,1890, p. 312).
C.− Amener à agir, emporter l'adhésion. (Quasi-) synon. entraîner, convaincre.
1. Décider qqn.Savoir si ça va décider Buteau! (Zola, Terre,1887, p. 68).Achever de décider qqn.
P. anal. Décidez mon cheval, dit Roland (Hugo, Légende,t. 1, 1859, p. 282).
2. Décider qqn à + compl. d'obj. second désignant un inanimé abstr.Décider à la défense du pays soixante-trois volontaires (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Un Coup d'État, 1882, p. 177).
P. ext. Décider à la guerre un gouvernement démocratique (Foch, Mém.,t. 1, 1929, p. 7).
P. anal. La faim, qui décide aux migrations les espèces voyageuses (Michelet, Oiseau,1856, p. 140).
3. Décider qqn à + inf.Décider qqn à venir. Décider quelques communes à céder leurs archives (Michelet, Journal,1835, p. 193):
11. La nouvelle que le maire lui avait donnée de sa promotion fut le dernier argument qui décida le parfumeur à se lancer dans l'opération qu'il venait d'exposer à sa femme... Balzac, César Birotteau,1837, p. 65.
P. anal. Nous échouâmes dans le sable (...) rien ne put décider le cheval à nous en tirer (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 339).
II.− Emploi trans. indir.
A.− [Le suj. désigne une pers.]
1. Décider de + subst.Arbitrer, déterminer, juger.
a) Décider de + subst. désignant une pers.Que décidez-vous de ce gaillard? (Sue, Atar Gull,1831, p. 23).
b) Décider de + subst. désignant un inanimé abstr. (parfois concr.).Prendre un parti, prononcer sur ma vocation, décider de mon existence tout entière (M. de Guérin, Corresp.,1833, p. 94).Anxiété d'avoir à disposer de moi et à décider de mon sort (Amiel, Journal,1866, p. 349).Ce point de vue tout individuel où chacun se place pour décider de ses sympathies (Proust, Filles en fleurs,1918, p. 436).J'ai décidé du plus beau vers de notre langue (Valéry, Variété IV,1938, p. 178):
12. Ce n'est pas par hasard que les grandes colères antisémites dissimulent un optimisme : l'antisémite a décidé du Mal pour n'avoir pas à décider du Bien. Sartre, Réflexions sur la question juive,1946, p. 56.
Loc. Décider de tout. Il décidait de tout, tranchait sur tout (Champfl., Avent. Mlle Mariette,1853, p. 50).
SYNT. L'assemblée, l'empereur, le gouvernement décide de; décider de la vie, du (de mon, ton, etc.) sort.
2. Décider sur + subst. désignant un inanimé abstr.Se prononcer sur, trancher par un jugement. Une question ardue que de décider sur la validité de tels baptêmes (A. France, Île ping.,1908, p. 48).Décider sur le châtiment ou la grâce de tel que je ne connais pas (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 947).
B.− P. anal. [Le suj. désigne gén. un inanimé abstr.] Orienter de manière définitive, déterminer, être la cause de. L'adoption d'une méthode décide des destinées d'une philosophie (Cousin, Hist. philos.,t. 1, 1829, p. 92).Le dénouement qui doit décider de sa destinée [au peuple] (Clemenceau, L'Iniquité,1899, p. VII).Minute fatale qui va décider de son destin (Bernanos, Mouchette,1937, p. 1296).
SYNT. La bataille, le hasard décide; décider de l'avenir, du destin, de la destinée, de l'existence, de la perte, du succès, de la victoire, de la vocation.
En décider. Arrêter son choix sur quelque chose, apporter une solution à quelque chose. C'est du côté de Rolle qu'on admire le lac de Genève; pour moi je ne veux pas en décider, mais c'est à Vevay, à Chillon surtout, que je le trouve dans toute sa beauté (Senancour, Obermann, t. 1, 1840, p. 32):
13. Je crois sincèrement qu'il m'importe peu d'être riche ou pauvre, je voudrais seulement que nos supérieurs en décidassent une fois pour toutes. Ce cadre de félicité bourgeoise où l'on nous impose de vivre convient si peu à notre misère... Bernanos, Journal d'un curé de campagne,1936, p. 1050.
III.− Emploi pronom.
A.− Prendre un parti, une résolution :
14. Prononce et décide-toi. Unis l'avenir au présent et prends un parti raisonnable et suivi. Staël, Lettres de jeunesse,1788, p. 257.
15. − Alors où veux-tu en venir finalement? que je lui faisais. Quand on le mettait en demeure, comme ça, de se décider, de se prononcer, de se déclarer pour de bon, il se dégonflait. Céline, Voyage au bout de la nuit,1932, p. 482.
P. anal. [Le suj. désigne un animal] :
16. ... je regardais et j'écoutais sans bouger, étudiant l'émotion très-visible de Jonquille, qui semblait hésiter et se livrer un combat intérieur fort extraordinaire. Enfin elle s'arme de résolution, vole d'un seul élan jusqu'à la soucoupe, crie un instant, espérant que la nourriture viendra d'elle-même à son bec; puis elle se décide et entame la pâtée. Sand, Histoire de ma vie,t. 1, 1855, p. 19.
P. ext. [Le suj. désigne un inanimé] Peu à peu, le feu se décide (Colette, Cl. école,1900, p. 45).
SYNT. Se décider brusquement, finalement, promptement, sur-le-champ, tout à coup, tout de suite; finir par se décider; ne pouvoir se décider; il faut (faudra, fallait, etc.) se décider.
1. Se décider à.Synon. être résolu.
a) [Suivi d'un compl. désignant un subst. ou un substitut] Se décider au mariage. Pour vous (...) je me déciderai à tout (Musset, Il ne faut jurer,1840, I, 1, p. 110).
b) [Suivi de l'inf.]
[Le suj. désigne une pers. identique au suj. de l'inf.] Se décider à acheter, à écrire, à rentrer. La jeune fille, qui se décide à se jeter dans le lac bleu (Murger, Scènes vie boh.,1851, p. 17).
P. anal. Attendre que l'oiseau se décide à chanter (Prévert, Paroles,1946, p. 185).
P. ext. Peut-être quelques universités (...) se décideront-elles à préparer les jeunes gens à la vie (Carrel, L'Homme,1935, p. 356).
P. anal. [Le suj. désigne un inanimé] L'estomac se décida à fonctionner (Huysmans, À rebours,1884, p. 280).Elle [une dent] s'est décidée à tomber hier matin (Renard, Poil Carotte,1894, p. 165).Le chemin se décida à descendre (Giono, Hussard,1951, p. 16).
Rem. Se décider de + inf., rare ds la docum. Je me décide donc de vous écrire (Hugo, Corresp., 1822, p. 344). Cette constr. est absente des dict. gén. Colin 1971 la considère comme fréquente et, à juste titre, fautive.
2. Se décider pour + compl. désignant un animé ou un inanimé.La maréchale se décida pour un simple tournedos (Flaubert, Éduc. sentim.,t. 2, 1869, p. 13).Nous nous étions enfin décidés pour une [robe] bleu et or (Proust, Prisonn.,1922, p. 394).Réflexion faite, il [Pierrot] se décida pour la fuite (Queneau, Pierrot,1942, p. 175).
3. Se décider sur + compl. désignant un inanimé abstr.Me décider sur le voyage d'Angleterre (Staël, Lettres div.,1793, p. 546).L'obliger à se décider sur le mariage (Constant, Journaux,1804, p. 138).
Rem. On rencontre ds la docum. se décider en, en emploi métaph., « aboutir à, se résoudre en ». Rongé par une ardente fièvre, Des Esseintes entendit subitement des murmures d'eau, des vols de guêpes, puis ces bruits se fondirent en un seul qui ressemblait au ronflement d'un tour; ce ronflement s'éclaircit, s'atténua et peu à peu se décida en un son argentin de cloche (Huysmans, À rebours, 1884, p. 267).
B.− Emploi abs. Prendre un parti. Entre ces deux opinions (...) je demeure suspendu sans espoir de me décider (Maistre, Soirées St-Pétersb.,t. 1, 1821, p. 38).J'ai laissé à votre Altesse le choix du genre de mort, décidez-vous (Hugo, L. Borgia,1833, 2, 4, p. 104).
Rem. On rencontre ds la docum. décidable, adj., néol., log. Qui peut être l'objet d'une décision non contradictoire. Conformément avec l'intuition des mathématiciens, qui se sont occupés du problème de la décision, un fait P (par rapport à un fait R) est : soit certain ou absurde (décidable), soit litigieux et plausible (indécidable) (Les Gds courants de la pensée math., 1948, p. 358). Attesté par Lar. encyclop. Suppl. 1968 et Rob. Suppl. 1970.
Prononc. et Orth. : [deside], (je) décide [desid]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1403 décider de « se prononcer sur quelque chose par une décision ou un jugement » (Nic. de Baye, Journal ds Delb. Rec. ds DG); av. 1704 « (en parlant d'un événement) être la cause déterminante d'une autre chose » (Boss., Hist., III, 2 ds Littré); 2. 1546 trans. « régler un différend par jugement » (Rabelais, Tiers Livre, éd. M.-A. Screech, chap. 12, p. 97 : Jugemens decidez par Sort et Fortune); 1580 interr. indir. (Montaigne Essais, éd. Thibaudet, I, chap. 37); 1595 [éd.] pronom. « être tranché, réglé » (Id., ibid., Livre 1, chap. 32 : C'est un conflict qui se décide par les armes de la mémoire); 3. a) 1725 décidé « (d'une personne) résolu » (Mongin, Or. fun. de Louis 1er, roi d'Esp. ds DG); b) av. 1755 « (d'une chose) qui n'est pas douteux » (Montesq., Pens., Des Anciens ds Rob. : Un goût décidé); 4. 1786 décider que (Staël, Lettres jeun., p. 40); 5. 1786 « amener quelqu'un à faire quelque chose » (Id., ibid., p. 52 : Si vous n'avez aucun goût personnel qui vous décide); 6. 1786 id. « opter pour quelque chose, pour quelqu'un » se décider pour quelqu'un (Id., ibid.). Empr. au lat. class. decidere (de + caedere « couper »). Au sens propre « couper, retrancher » (cf. Rabelais, op. cit., chap. 4, p. 52 : A ceste fin chascun membre du plus précieux de son nourrissement decide et roigne une portion); d'où « décider ». Fréq. abs. littér. : 6 637. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 7 370, b) 7 978; xxes. : a) 10 206, b) 11 524. Bbg. Décider est-il un verbe neutre? Intermédiaire (L') des chercheurs et des curieux. 1881, t. 14, p. 272. − Gohin 1903, p. 303.