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DEVENIR2, verbe intrans.
Être engagé dans un processus évolutif devant aboutir à un changement d'état.
I.− [L'état, aboutissement du processus, est exprimé par l'attribut du suj.]
A.− [Avec, éventuellement, expr. de l'état ant., point de départ du processus]
1. Usuel. [Seul est exprimé l'état, aboutissement du processus]
a) [L'attribut est un adj. qualificatif ou un équivalent]
α) [Attribut d'un suj. nom. ou nom.-verbal (inf.)]
[L'attribut est un adj.]
[Le suj. désigne un être animé] Des deux adversaires, l'un ne change pas, l'autre change et devient plus fort (Michelet, Introd. Hist. univ.,1831, p. 404).Faut-il qu'on devienne odieux en devenant trop parfait (Renan, Drames philos.,Prêtre Nemi, 1885, III, 3, p. 577).Maîtriser les chameaux qui devenaient nerveux (Benoit, Atlant.,1919, p. 78):
1. Il est des crimes si odieux qu'à discuter seulement la culpabilité de l'accusé l'on devient aussitôt suspect − comme si l'horreur que doit inspirer le crime devait ici s'opposer à tout examen, et que l'on fût suspect d'immoralité pour avoir gardé la tête libre. Paulhan, Les Fleurs de Tarbes,1941, p. 88.
[Le suj. désigne un élément matériel inanimé] La roche devient de plus en plus sèche (Flaub., Champs et grèves,1848, p. 314).Les lésions sont déjà profondes (...) au moment où elles deviennent accessibles à l'observateur (Cadet de Gassicourt, Mal. enf.,t. 2, 1880-84, p. 3).Le paysage devint presque invisible (Jouve, Scène capit.,1935, p. 185).
[Le suj. désigne un état, une situation, une entité abstr., etc.] Cette disparité deviendrait plus sensible (Say, Écon. pol.,1832, p. 249).Que mon absence lui devînt insupportable (Bosco, Mas Théot.,1945, p. 183).L'être, désormais, m'était devenu en quelque manière, tangible, savoureux (Teilhard de Ch., Milieu divin,1955, p. 160).
[L'attribut est un part., en emploi adj.]
Part. prés. Le principal courant de la vallée du Creek rouge devenait de plus en plus menaçant (Verne, Île myst.,1874, p. 601).Les Irlandais devaient se libérer eux-mêmes en devenant tempérants, justes et charitables (Maurois, Ariel,1923, p. 111).La lutte se prolonge encore et devient épuisante (Camus, Homme rév.,1951, p. 301).
Part. passé. Le combat devient plus vif et plus acharné que la veille (Cottin, Mathilde,t. 2, 1805, p. 173).Cette similitude peut nous devenir connue (Théol. cath.t. 4, 1, 1920, p. 1213).Quand on est devenu bien résigné (Céline, Voyage,1932, p. 325).
P. plaisant. Quand, en Chine, un Chinois devient décapité (Ponchon, Muse cabaret,1920, p. 248).
[L'attribut est un syntagme nom. prép.] Devenir à charge. Exposer sa vie devint à la mode (Stendhal, Chartreuse,1839, p. 4).Je devins de mauvaise humeur (Gobineau, Nouv. asiat.,1876, p. 189).Presque tous les pneus américains sont devenus de type conducteur (Tinard, Automob.,1951, p. 347):
2. Pour en terminer avec cette question du commandement allié, il convient d'ajouter qu'une décision des gouvernements en date du 2 mai, supprima le comité exécutif créé trois mois auparavant et devenu désormais sans objet. Foch, Mémoires,t. 2, 1929, p. 44.
Rem. 1. Dans plusieurs ex., l'attribut adj. se trouve au comparatif exprimant ainsi une idée de progression. Cf. supra les ex. où l'adj. (ou son équivalent) est précédé de plus ou de plus en plus. Son état devenoit pire chaque jour (Chateaubr., Génie, t. 1, 1803, p. 441). 2. La docum. atteste pour le genevois le syntagme devenir mort ,,cesser de vivre, être mort`` (J. Humbert, Nouv. gloss. genev., 1852, p. 152) que l'on trouve en outre chez Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 568 : De Tournai nous allâmes à Bruxelles : là je ne trouvai ni le baron de Breteuil, ni Rivarol, ni tous ces jeunes aides de camp devenus morts ou vieux, ce qui est la même chose. 3. Devenir + adj. est souvent le doublet d'un verbe (intrans. ou pronom.) dérivé de l'adj., offert en alternance : devenir rouge/ rougir; devenir grand/grandir; devenir sage/s'assagir; devenir calme/se calmer. La constr. adj. permet de suppléer à l'absence de verbe : Son visage [de Maxime de Trailles] devenait livide, rougissait, jaunissait tour à tour (Balzac, Gobseck, 1830, p. 408); elle permet aussi de nuancer l'expr. : bien mûrir « devenir mûr dans de bonnes conditions »; devenir bien mûr « devenir tout à fait mûr ».
β) [En constr. impers.]
Il devient + adj. + de + inf.Il devenait gênant d'écouter des choses désagréables pour chacun (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 362).Il me devint impossible de me contenir (Billy, Introïbo,1939, p. 188).Il devient difficile de limiter mon expérience à un seul registre sensoriel (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception,1945, p. 263).
Il devient + adj. + que + ind.Il devenait pourtant visible que, dans l'esprit et aux regards des Anglais, l'empereur se trouvait à présent plus haut qu'il n'avait été jusque-là (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 440).Il devint manifeste que l'union soviétique ne paraissait plus intéressée à conclure un accord (Goldschmidt, Avent. atom.,1962, p. 196).
b) [L'attribut est un subst.]
α) [Subst. sans article ni déterminatif]
[Le suj. désigne une pers.; l'attribut désigne souvent un état professionnel] Je deviens maintenant historien sans cesser d'être écrivain de mémoires (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 291).Il [son fils] devenait homme de mois en mois : de mois en mois elle [Jeanne] devenait une vieille femme (Maupass., Une Vie,1883, p. 212).Les États qui ne sont pas membres de l'organisation peuvent devenir parties au statut de la cour internationale de justice (Charte Nations Unies,1946, p. 100):
3. Les jeunes gens qui se proposaient de devenir maîtres d'école, ou plutôt les jeunes gens à qui on pensait pour en faire des maîtres d'école, pour les faire devenir maîtres d'école faisaient d'abord trois ans à l'école primaire supérieure... Péguy, L'Argent,1913, p. 1138.
En partic. [P. oppos. à maître et p. réf. au dicton latin fiunt oratores, nascuntur poetae] On entend répéter tous les jours (...) que la couleur est un don du ciel; que c'est un arcane impénétrable à celui qui n'a pas reçu l'influence secrète; que l'on devient dessinateur et que l'on naît coloriste : rien n'est plus faux que ces adages (Ch. Blanc, Gramm. arts dessin,1876, p. 560).On ne naît pas femme, on le devient (Beauvoir, Deux. sexe,t. 2, 1949, p. 13).
Pop. Devenir bel homme. ,,Engraisser`` (Carabelli, [Lang. pop.]).
[Le suj. désigne une chose] Le rêve devient réalité la science devient gloire, et la servitude service (VignyServ. et grand. milit.,1835, p. 129).La pesanteur devenant à un certain moment fatigue, et la fatigue douleur (Bergson, Essai donn. imm.,1889, p. 32):
4. « On a pitié d'un fou; mais quand la démence devient fureur, on le lie. La tolérance qui est une vertu devient alors un vice »... Guéhenno, Jean-Jacques,1952, p. 153.
β) [Subst. précédé d'un art. déf. ou indéf., ou d'un déterminatif]
[Le suj. désigne une pers.] Plusieurs jeunes filles, dont l'une n'a que dix ans, deviennent la proie du vainqueur à la vue de leurs parents captifs (Sainte-Beuve, Tabl. poés. fr.,1828, p. 187).Chateaubriand, l'homme de sentiment et d'enthousiasme, devenait mon prêtre et mon initiateur (Sand, Hist. vie,t. 3, 1855, p. 285).Tellement elle [Pauline] devenait la chose des autres (Zola, Joie de vivre,1884, p. 1050).Je ne sais si Suzanne deviendra jamais une grande comédienne (Duhamel, Maîtres,1937, p. 19):
5. Pour moi, à vingt-six ou vingt-sept ans, une femme change de sexe, devient autre chose qu'une femme, devient quelque chose qu'on ne désire plus. (...) sans parler de la transformation morale : une femme, après le mariage, peut changer moralement comme elle change physiquement, devenir un autre être, comme un garçon peut devenir à seize ans un autre être que celui qu'il était à quatorze. Montherlant, Le Démon du bien,1937, p. 1234.
En partic. [Au lieu d'un nouvel état, l'attribut désigne un nouvel être ou une nouvelle substance résultant d'une métamorphose du suj.] Que je devienne l'eau, la tempête et la flamme, La feuille et le sarment (Moréas, Stances,1901, p. 109).Ainsi nous avons la chance d'arriver (...) au moment où (...) Pitoeff devient tout à coup le héros qu'il joue, et se dresse, jeune, illuminé sur le bord d'une tombe (Colette, Jumelle,1938, p. 210):
6. ... nous en tenir à cette petite extase qui consiste à regarder les jeunes nageuses partir du fond de l'anse de Paraggi vers la haute mer ensoleillée : nous sortons de nous-mêmes et nous devenons ces beaux corps vigoureux dans l'eau bleue et pure et transparente comme l'air. Larbaud, Jaune, bleu, blanc,1927, p. 140.
Rem. On rencontre, avec une valeur semblable, un adv. équivalent d'un subst., exprimant une idée de progression. N'étais-tu pas mon ami, et n'es-tu pas devenu plus encore? (Martin du G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 620).
[Le suj. désigne une chose] La culture devient une industrie, une manufacture (Michelet, Journal,1844, p. 570).Le chaland s'évanouit, devient une chose imprécise (Mosélly, Terres lorr.,1907, p. 296):
7. L'église devient une grange, le palais devient une ferme, la tour devient un pigeonnier, la maison devient une baraque, la boutique devient une échoppe, le bassin devient un étang, le citadin devient un paysan; la cité est morte. Hugo, Le Rhin,1842, p. 297.
Rem. On rencontre parfois un subst. précédé de l'art. partitif. Je croyais bien que c'était fini, que j'étais devenu du feu et du bruit moi-même (Céline, Voyage, 1932, p. 23).
γ) [L'attribut subst. forme syntagme usuel avec le verbe et se présente tantôt sans, tantôt avec un art. déf. ou indéf.]
Devenir + (un, l') objet de.Elle [Lamiel] devint l'objet de l'attention générale et bientôt des compliments de tous (Stendhal, Lamiel,1842, p. 155).Ce mot devient un objet d'études (Marcel, Journal,1919, p. 197).Les valeurs ne deviennent objet de science (J. Vuillemin, Être et trav.,1949, p. 102).
Devenir + un/le sujet de.Chacune de ces impressions multiples qui vous attendent à chaque pas devient un sujet de rêverie profonde (Du Camp, Mém. suic.,1853, p. 43).Le fouriérisme devenait le sujet de cruelles plaisanteries dans le même journal (Champfl., Avent. MlleMariette,1853, p. 58).
Devenir + (une, la) source de.Cette conversation, menée à travers le quadrille, devint une source de troubles et de fautes, dont souffrirent les autres danseurs (Duranty, Malh. H. Gérard,1860, p. 11).Bombardant la surface interne de ce cylindre ils en ionisent le métal qui devient la source d'un plus grand nombre de corpuscules animés de faibles vitesses (M. de Broglie, Rayons X,1922, p. 134).L'objet religieux (...). Source de significations, il devient source de valeurs (Philos., Relig.,1957, p. 3607).
Devenir + (un, le) principe de.Cette innocente occupation (...) devint le principe du malheur de ma vie (Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1777).Le devoir devient principe d'action, source d'énergie (Amiel, Journal,1866, p. 242).Pour ceux qui sont unis déjà, la pensée devient (...) un principe d'union plus parfaite (Blondel, Action,1893, p. 295).
Devenir sujet à. M. Bineau devint sujet à des distractions d'auteur (Champfl., Souffr. profess. Delteil,1853, p. 195).
Rem. Comme pour le verbe être, il y a, en principe, « isotopie » sémantique (animé + animé, inanimé + inanimé, etc.) entre l'attribut et le suj. Mais en raison même du sens du verbe devenir, la corresp. peut être rompue, la position d'attribut devenant le lieu privilégié d'une possibilité de rupture partielle ou totale (créations plus ou moins métaph. ou simples fantaisies verbales). Un grès clair [des façades] devenu couleur d'ambre ou chair de mangue (T'Serstevens, Itinér. esp., 1963, p. 255). Parfois, la surprise est atténuée par des loc. du type une sorte de, en quelque manière. Il était devenu une sorte d'idée du mal. (Bosco, Mas Théot., 1945, p. 195). Cet homme malheureux et orgueilleux n'aimait se rappeler ni ses malheurs ni ses humiliations et, devenu une sorte d'apôtre de la vie simple (Guéhenno, Jean-Jacques, 1948, p. 61). Cf. également Teilhard de Ch., loc. cit., supra I A 1 a) α). Ces créations existent dès la lang. cour. M. Lechevallier (...) est devenu tout miel aux premiers compliments que je lui ai glissés (Gide, Journal, 1930, p. 1003). C'est dans cette position que se placent parfois des jeux d'opposition : L'incident était devenu événement (Durry, Nerval, 1956, p. 70); ou des créations « idiolectiques » : Un petit galurin de voyage (...) qui avait fait son temps, était devenu immettable (Gide, Ainsi soit-il, 1951, p. 1197).
c) [L'attribut est un pron. ou un syntagme pronom.]
α) [Pron. ou syntagme pronom. non interr.] Aussi dévot que le fût devenu le grand tragique (Mauriac, Vie J. Racine,1928, p. 192).Notre tâche serait moins de faire être celui que nous voulons devenir (Philos., Relig.,1957, p. 4007):
8. Or je ne l'aimais plus, j'étais, non plus l'être qui l'aimait, mais un être différent qui ne l'aimait pas, j'avais cessé de l'aimer quand j'étais devenu un autre. Or je ne souffrais pas d'être devenu cet autre, de ne plus aimer Albertine;... Proust, Le Temps retrouvé,1922, p. 1038.
En partic. [Pron. pers. ou poss.] Il lui sembla qu'elle était elle-même cette enfant, sa figure devenait la sienne, sa robe l'habillait (Flaub., Trois contes,Cœur simple, 1877, p. 28).Il [un homme] m'excitait à devenir plus puissamment moi-même dans la mobilité, l'inconsidération, le déploiement loquace (Arnoux, Écoute,1923, p. 139).
[Ou rel. pour reprendre un adj. anticipé] Il essaie (...) de se reprendre (...) incapable qu'il est devenu de se trouver à la hauteur d'une situation exceptionnelle (Breton, Manif. Surréal.,1erManif., 1924, p. 14).
β) [Pron. ou syntagme pronom. interr.]
[Interr. dir.]
[Le suj. désigne une pers.] Que deviendroit un colon dans ces tristes solitudes...? (Crèvecœur, Voyage,t. 3, 1801, p. 137).Que deviendrons-nous quand tous se détourneront d'une religion rendue impraticable? (Montherl., Port-Royal,1954, p. 1305).
[Dans l'usage fam. pour s'enquérir sur le sort de qqn qu'on n'a pas vu ou dont on est sans nouvelle depuis qq. temps] J'avais rencontré M. de Nièvres une fois; il m'avait dit : « Que devenez-vous? » ou bien « On ne vous voit plus » (Fromentin, Dominique,1863, p. 217).Qu'êtes-vous devenu depuis ce mauvais dîner que je vous ai fait faire? (Becque, Corbeaux,1882, III, 5, p. 174).« Tu as vu les Dubreuilh? Qu'est-ce qu'ils deviennent? (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 98).
En partic. [Pour exprimer une inquiétude sur le sort du suj.] Je partirai pour Paris (...). J'y verrai les amis de mon père (...). − Et moi, pendant ce temps-là, que deviendrai-je? (Dumas père, Comment je devins aut. dram.,1833, introd., p. 2).Edgar seul. − Qu'est-ce que je vais devenir? tout ce monde qui est là (...) qui grouille dans les salons (Labiche, Edgar,1852, I, 9, p. 229).
[Avec le verbe à l'inf. sans suj. explicite] Que devenir à présent? (Flaub., Salammbô,t. 2, 1863, p. 98).Que faire? Que devenir? Où aller? Je ne puis cesser de l'aimer (Gide, Et nunc manet,1951, p. 1154).
[Le suj. désigne une chose] Que devient dans tout ceci, dira-t-on, l'unité de pensée préconisée? (Verlaine, Œuvres compl.,t. 4, Poètes maud., 1884, p. 85).
[Interr. indir.] Tout en se demandant ce qu'ils deviendraient plus tard (Flaub., Tentation,1849, p. 438).Vous savez ce que sont devenues les actions des sociétés anglaises après la prise de la concession anglaise de Han-Kéou (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 261).Je restais dans un coin à ne pas savoir que devenir (Triolet, Prem. accroc.,1945, p. 304).
2. Plus rare [Avec expr. de l'état ant. désigné par un adj. ou un subst. sans art. introduit par prép. de]
a) Adj. Le jour s'éclaircit, et de gris devient blanc (Amiel, Journal,1866, p. 473).M. de Charlus, de dominé devenu dominateur (Proust, Sodome,1922, p. 629):
9. Ses ombres [de Cézanne], d'opaques qu'elles étaient quand il pratiquait le métier de Delacroix, s'éclairent progressivement et deviennent aussi transparentes que ses lumières, sans cesser de creuser merveilleusement le papier. Lhote, Peint. d'abord,1942, p. 156.
b) Subst. Cénée, de fille devenue garçon et invulnérable (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 156).Puis de chasseur, l'homme serait devenu pasteur, puis agriculteur (Hist. sc.,1957, p. 1504).
B.− [Avec expr. de certaines modalités du processus en déroulement]
1. [Expr. de la cause ou du moyen]
a) [La cause du processus gén. est exprimée par en ou de quoi, l'idée précise étant explicitée dans le cont.]
En. Un tyran dans l'impuissance est un tigre muselé qui n'en devient que plus féroce (Chateaubr., Essai Révol., t. 2, 1797, p. 116).Voulez-vous que je vous prête des livres, Mademoiselle, si vous vous ennuyez le soir? (quelle joie! elle en devient presque rose!) (Colette, Cl. école,1900, p. 116).Sa générosité, qui est proverbiale, revêt souvent une forme si maladroite qu'elle en devient presque blessante (Martin du G., Devenir,1909, p. 39).
De quoi. Il n'y a pas de quoi devenir toute blanche, comme si je vous avais frappée au visage (Claudel, Otage,1911, p. 257).Alors le claxon marche, marche, il y a de quoi devenir fou! (Duhamel, Suzanne,1941, p. 220).
Rem. La cause précise de l'état, aboutissement du processus, est exprimée soit par de + subst. : L'hôtesse devint rouge de dépit (Flaub., MmeBovary, t. 1, 1857, p. 85); soit par de (ou à) + inf. : Il devint très rouge d'avoir ainsi parlé haut (Zola, Nana, 1880, p. 1107). Nous devenons pensifs à regarder vivre autour de nous ce monde (Teilhard de Ch., Phénom. hum., 1955, p. 167); soit par en + part. prés. : Elle devint toute pâle en apercevant un homme qu'elle prit pour lui (Montherl., J. filles, 1936, p. 984).
b) [Expr. du moyen] En vous faisant une science et une règle de la neutralité vous devenez militants (Blondel, Action,1893, p. 15).
2. [Expr. de modalités subsidiaires]
a) [Rythme du processus] Devenir aussitôt, bientôt, de but en blanc, insensiblement, instantanément, du jour au lendemain, progressivement, promptement, rapidement, subitement, successivement, vite. Elle [Angélique] devint brusquement très rouge (Zola, Rêve,1888, p. 35).Cette garantie n'était pas superflue et me devenait de jour en jour plus nécessaire (France, Vie fleur,1922, p. 361).
b) [Facilité du processus] Devenir difficilement, facilement, péniblement. Ah! l'atroce angoisse et qui (...) deviendrait aisément le principe d'une sorte de croisade à rebours (Bourget, Essais psychol.,1883, p. 63).
c) [Degré de réalité ou phase de réalisation]
Devenir décidément, fatalement, franchement, naturellement, nécessairement, véritablement. Il est vrai que je deviens effectivement un imbécile, quand je suis en sa compagnie (Montherl., Pitié femmes,1936, p. 1206).
Commencer à, finir par, réussir à devenir. Paris achevait de devenir une ville de fabriques et de manufactures (Tocqueville, Anc. Rég. et Révol.,1856, p. 150).Chez les nations orientales, par exemple, où le livre antique ne tarde jamais à devenir sacré (Renan, Avenir sc.,1890, p. 208).Par sa lecture internationale en train de devenir considérable (Malègue, Augustin,t. 1, 1933, p. 243).
d) [Imminence, possibilité de la réalisation]
Apte à, susceptible de devenir. Une bonté qu'on sent prête à devenir agissante (Goncourt, Journal,1882, p. 155).Je le sentais sur le point de devenir sentimental et bête (Abellio, Pacifiques,1946, p. 283).
Pouvoir devenir, menacer, promettre, risquer de devenir. Il eut tant de colère et de chagrin qu'il faillit devenir fou (Sand, Hist. vie,t. 2, 1855, p. 356).N'est-ce pas annuler tout cet effort par quoi elle [la psychologie de l'art] tend à devenir une réalité à la fois indépendante et neuve, un objet esthétique n'existant que par lui-même? (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 438).
II.− Emploi abs., PHILOS. (et littér. d'inspiration philos.)
A.− [L'accent est mis sur le processus] La vie est mobile. Elle devient, comme tu dis dans ton jargon philosophique (Richepin, Braves gens,1886, p. 154).Nous ne sommes jamais, nous devenons sans cesse (Green, Journal,1946, p. 177).Croire c'est à la fois devenir et être (Lacroix, Marxisme, existent., personn.,1949, p. 118):
10. La philosophie moderne place ses valeurs à la fin de l'action. Elles ne sont pas, mais elles deviennent, et nous ne les connaîtrons dans leur entier qu'à l'achèvement de l'histoire. Camus, L'Été,1954, p. 114.
B.− [L'accent est mis sur l'aboutissement] Le galop soudain des étoiles N'étant que ce qui deviendra (Apoll., Alcools,1913, p. 108):
11. Elle [l'histoire] forme pour l'imagination une table de situations et de catastrophes, une galerie d'ancêtres, un formulaire d'actes, d'expressions, d'attitudes, de décisions offerts à notre instabilité et à notre incertitude, pour nous aider à devenir. Valéry, Regards sur le monde actuel,1931, p. 17.
Au passé composé. Être c'est être devenu, c'est avoir été fait tel qu'on se manifeste (Beauvoir, Deux. sexe,t. 1, 1949, p. 25).
Au part. passé apposé. Je dois, suivant la formule célèbre « devenir ce que j'étais », mais c'est dans un monde lui-même devenu que je dois le devenir. Et dans un monde devenu à partir de ce qu'il est (Sartre, Être et Néant,1943, p. 172).
Rem. 1. On rencontre ds la docum. se devenir comme forme de l'emploi abs. L'artiste au même titre que le penseur s'engage et se devient dans son œuvre (Camus, Sisyphe, 1942, p. 133). 2. La docum. atteste : a) L'emploi adj. du part. présent. Je voudrais que la danse, et surtout le cinéma harmonisent, dans leur unité devenante, tous ces rapports paradoxaux (Faure, Espr., formes, 1927, p. 192). b) L'emploi subst. du part. présent. Le devenir n'est pas devenir d'un devenant, c'est-à-dire de quelque chose qui devient et, par suite, pourrait être et ne pas devenir (Jankél., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 25). c) L'emploi subst. (avec valeur de neutre) du part. passé. L'expérience, a-t-on dit justement, ne saurait atteindre le devenir; elle ne saisit jamais que des devenus (Hamelin, Élém. princ. représ., 1907, p. 126).
Prononc. et Orth. : [dəvni:ʀ] ou comme var. donnée ds Barbeau-Rodhe 1930 et Dub. [dvəni:ʀ], (je) deviens [d(ə)vjε ̃]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. a. Fin xes. « commencer à être ce qu'on n'était pas encore » (St Léger, éd. J. Linskill, 124); b) av. 1763 impers. (Abbé Prévost ds Fér. Crit.); 2. fin xes. en phrase interr. ou négative (St Léger, 156); 1549 devenir à rien (Est.); 3. 1864 absol. (Renouvier, Essais crit. gén., 3eessai, p. XXII). Du lat. class. devenire, au propre « venir de; arriver à », au fig. « aboutir à, recourir à » d'où, en b. lat., « devenir ». Bbg. Moignet (G.). Incidence et attribut du compl. d'objet. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1975, t. 13, no1, p. 261.