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CORROMPRE, verbe trans.
I.− [L'obj. désigne un corps, une substance matérielle]
A.− Changer l'état naturel de quelque chose en le rendant mauvais, généralement par décomposition. Corrompre l'atmosphère, la chair, l'eau; les exhalaisons des eaux stagnantes corrompent l'air. Synon. avarier, détériorer, gâter, polluer, souiller, vicier.La chaleur corrompt la viande (Lar. Lang. fr.) :
1. ... le visage de saint Jean, très gris, plombé, est d'une douleur profonde, délicate, qui semble avoir corrompu sa chair. G. de La Tourette, Léonard de Vinci,1932, p. 84.
Emploi pronom. Un insecte, en se corrompant, peut engendrer une foule de petits insectes de même catégorie (Rostand, Genèse vie,1943, p. 16).
B.− Emplois techn. Apporter une modification dans la substance ou la forme de certains matériaux.
1. SERR. ,,L'action de changer la forme et la nature du fer, en le refoulant ou en repliant ses parties les unes sur les autres et dans un sens contraire, pour lui ôter sa ductilité et le rendre plus cassant`` (Jossier 1881).
2. PEAUSS. et MÉTALL. Synon. de corroyer (d'apr. Duval 1959).
II.− Au fig.
A.− [Au plan de la vie psychique ou soc.; l'accent est mis sur l'altération, la désintégration] Altérer la valeur d'une structure concrète ou abstraite, la changer en mal.
1. [Le compl. désigne une œuvre, une structure, une valeur soc.] Corrompre l'autorité, la discipline, l'État, la foi, les institutions, la sculpture; la démagogie corrompt la démocratie; les idées nouvelles corrompent la république. Synon. (partiels) déformer, détruire.Les princes (...) excèdent leur pouvoir et corrompent la justice (A. France, Anneau améth.,1899, p. 416):
2. Il [Satan] empoisonne l'eau lustrale, il brûle dans la cire consacrée, respire dans l'haleine des vierges, déchire avec la haire et la discipline, corrompt toute voie. Bernanos, Sous le soleil de Satan,1926, p. 154.
Emploi abs. La parole peut construire, comme elle peut créer, comme elle peut corrompre (Valéry, Eupalinos,1923, p. 92).
2. [Le compl. désigne une réalité psychique, une valeur intellectuelle ou culturelle : idée, jugement, goût, sentiment] Affaiblir ou détruire la valeur (beauté, exactitude, justesse, originalité, pureté). Corrompre le bonheur, les désirs, l'esprit, le goût littéraire, le plaisir, la raison, la tendresse; le mépris corrompait ma générosité; le dandysme corrompt l'élégance. Synon. dégrader, dénaturer.La politique corrompt toujours la beauté (Stendhal, Journal,t. 3, 1809-11, p. 92).L'envie amère lui tombait [à Du Roy] dans l'âme goutte à goutte, comme un fiel qui corrompait toutes ses joies (Maupass., Bel-Ami,1885, p. 333):
3. Il [Mallarmé] ne pouvait donc produire que fort peu; mais ce peu, à peine goûté, corrompait la saveur de toute autre poésie. Valéry, Variété III,1936, p. 15.
3. [L'obj. désigne une réalité, une valeur du domaine de l'expr. individuelle ou soc.] Corrompre une langue. La dénaturer, altérer sa pureté (par des usages considérés comme fautifs, par des emprunts). Corrompre un mot. Le déformer, phonétiquement ou graphiquement. Corrompre un manuscrit, un texte. Altérer, volontairement ou non, son authenticité, sa forme ou son sens, par faute de copie, interpolation, omission ou addition; mal établir, mal interpréter. Il lui eût confié les manuscrits et traités de Platon, s'il n'eût eu peur qu'il les corrompît et emberlificotât davantage (L. Daudet, Sylla,1922, p. 233).
Emploi pronom. La langue se corrompt; son style se corrompt peu à peu.
B.− [L'accent est mis sur le jugement moral qu'appelle l'altération] Dénaturer, dégrader en détruisant ce qui est intègre, sain, honnête et constitue une valeur morale.
1. [Le compl. est un nom de pers. individuel ou collectif] Corrompre les foules, la jeunesse, les journaux, le peuple, la presse; le pouvoir corrompt presque toujours ceux qui l'exercent; la prospérité corrompt les hommes. Synon. débaucher, démoraliser, dépraver, pervertir.Il [Triboulet] déprave le roi, il le corrompt, il l'abrutit (Hugo, Roi s'am.,1832, p. 340).
[Avec une valeur atténuée] Influencer en mal :
4. Pour lui plaire, comme si elle [Emma] vivait encore il adopta ses prédilections, ses idées (...). Il mettait du cosmétique à ses moustaches, il souscrivait comme elle des billets à ordre. Elle le corrompait par delà le tombeau. Flaubert, Madame Bovary,t. 2, 1857, p. 201.
Emploi pronom. La presse se corrompt.
En partic.
a) Rare. Inciter (quelqu'un) à un comportement sexuel que condamne la société. Corrompre une femme. Synon. débaucher, séduire.Elle corrompait tous les petits garçons (E. de Goncourt, Élisa,1877, p. 127).
Rem. Cet emploi est signalé comme ,,vx`` par Lar. Lang. fr.
b) Usuel. Pousser (quelqu'un) à agir contre son devoir, sa conscience, par des dons, des promesses, la persuasion (cf. corruption II B 1). Corrompre un député, un fonctionnaire, une personne de confiance. Synon. acheter, soudoyer, stipendier.Les pauvres qui ne demandent pas mieux que de corrompre cette autorité subalterne [le garde champêtre], la sentinelle avancée de la propriété (Balzac, Paysans,1844-50, p. 153):
5. Ils [Emma et son amant] avisèrent (...) à organiser leurs rendez-vous; Emma voulait corrompre sa servante par un cadeau; mais il eût mieux valu découvrir à Yonville quelque maison discrète. Flaubert, Madame Bovary,t. 2, 1857, p. 4.
2. [Le compl. désigne une entité abstr. de nature individuelle ou soc.] Corrompre le cœur, les mœurs, la morale, la conscience, l'opinion publique, les sentiments humains; l'argent corrompt les âmes. Synon. avilir, dégrader, dénaturer, pervertir, souiller, vicier.[Ce fut plus] en déréglant les esprits qu'en dégradant les cœurs, ou même en corrompant les mœurs... (Tocqueville, Anc. Rég. Révol.,1856, p. 251):
6. Rousseau a commis un attentat bien plus grave que le simple renversement du tribunal de la conscience qui condamnait tous les crimes... Jean-Jacques n'a pas détruit la conscience, il l'a corrompue. Mauriac, Mes grands hommes,1949, p. 67.
Emploi pronom. La morale se corrompt; les mœurs se corrompent.
3. Emploi abs. Corrompant sans plaisir, amoureux de lui-même (Musset, Namouna,1832, p. 423).Le plaisir de corrompre est un de ceux qu'on a le moins étudié; il en va de même de tout ce qu'on prend d'abord soin de flétrir (Gide, Journal,1917, p. 625).
Rem. 1. Corrompre, presque toujours empl. avec un sens négatif, peut parfois être utilisé avec un sens neutre ou positif. a) Pop. et vx. Corrompre l'eau. La mélanger avec du vin, du vinaigre, du sucre, etc. afin de corriger, de rectifier son goût. Attesté ds Littré, Lar. 19e-20e. b) Littér. (avec un renversement de valeur : la corruption est, en réalité, un bienfait). L'encens corrompait divinement l'air (Arnoux, Écoute, 1923, p. 168). Il faut laisser le travail intérieur corrompre heureusement les textes (Id., Visite Mathus., 1961, p. 13). 2. La docum. atteste le subst. fém. corromperie, région. Synon. saloperie. La mère Tuvache (...) [répétait] qu'il fallait être dénaturé pour vendre son enfant, que c'était une horreur, une saleté, une corromperie (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Aux champs, 1882, p. 79). 3. Selon Littré, corrompable ,,pourrait être employé à côté de corruptible, qui se dit moins communément de la corruption matérielle``.
Prononc. et Orth. : [kɔ ʀ ɔ ̃:pʀ ̥], (je) corromps [kɔ ʀ ɔ ̃]. [ʀ] simple ds la majorité des dict. [rr] double donnée comme var. ds Warn. 1968. Pour Fér. Crit. t. 1 1787 et Gattel 1841, r est forte. Ds Ac. depuis 1694. Conjug. : cf. rompre. Étymol. et Hist. 1. 1160-74 « séduire, violer (une femme) » (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, II, 4257); réputé ,,vx`` ds Nouv. Lar. ill.; 2. a) 1165-70 « altérer un texte » (Chr. de Troyes, Erec et Enide, éd. M. Roques, 21); b) 1216 intrans. « s'altérer par décomposition » (Anger, Trad. Vie St Grégoire, 747 ds T.-L.); 3. a) 1172-74 « pervertir, altérer (moralement) » (G. de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 2768 : ... li pullent sels qui l'esperit corrunt); b) 1283 « engager quelqu'un par des dons, des promesses, à agir contre sa conscience, son devoir » (Ph. de Beaumanoir, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, § 1246). Empr. au lat. class. corrumpere (< rumpere « rompre, briser » et cum intensif) « détruire, anéantir, altérer (physiquement ou moralement) ». Fréq. abs. littér. : 470 (corrompant : 189). Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 260, b) 516; xxes. : a) 339, b) 442.