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* Dans l'article "BOURRER,, verbe trans."
BOURRER, verbe trans.
I.− Emploi trans.
A.− [L'idée dominante est celle de remplir complètement]
1. Vieilli. Remplir complètement de bourre ou de matière souple. Bourrer un coussin, bourrer un fauteuil (Lar. 19e, Lar. encyclop., Ac. 1932). Synon. plus usité : rembourrer.
Spéc., vx. Enfoncer la bourre dans une arme à feu que l'on vient de charger et la tasser avec la baguette. Bourrer un fusil, un pistolet, un canon (Ac. 1835-78) :
1. Alors, si Rebord me prêtait le sien [son fusil] ... oh! je saurais bien verser la poudre et puis bourrer, mettre la balle et puis bourrer... Ramuz, Derborence,1934, p. 234.
2. P. ext.
a) [L'obj. désigne une chose à remplir] Remplir aux limites de la capacité et en tassant la matière qui sert à remplir. Bourrer une pipe, le poêle; bourrer ses poches de bonbons.
SYNT. Bourrer boudins et saucisses (Pesquidoux, Le Livre de raison, 1925, p. 18). Souvent part. passé employé comme adj. Valise ... bourrée de billets de banque (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 41). Son éternelle serviette bourrée de livres et de papiers (G. Duhamel, Chronique des Pasquier, Cécile parmi nous, 1938, p. 271).
Spéc.
CH. DE FER. Bourrer une traverse. Faire pénétrer le ballast sous la traverse en le tassant avec un outil approprié ou une bourreuse (Ch. Bricka, Cours de ch. de fer, 1894, p. 330).
TYPOGR. Bourrer les lignes. Composer des lignes pleines. Apprentis ... sachant tout juste bourrer des lignes (A. Turpin, De la presse à bras à la linotype,1924, p. 33).
Absol., MINES. Exécuter le bourrage d'un trou de mine (cf. J. Cahen, E. Bruet, Carrières, plâtrières, ardoisières, 1926, p. 79).
b) Fam. [L'obj. désigne une pers.] Bourrer qqn de nourriture. Le faire manger avec excès. Bourrer un enfant de bonbons, de gâteaux (cf. affadir ex. 6) :
2. ... au moindre rhume, leur père les [les petits Homais] bourrait de pectoraux, et jusqu'à plus de quatre ans ils portaient tous, impitoyablement, des bourrelets matelassés. Flaubert, Madame Bovary,t. 1, 1857, p. 133.
P. métaph., au fig. Bourrer un enfant de grec et de latin, bourrer quelqu'un de connaissances (souvent mal assimilées). Bourrer les enfants de mathématiques (Balzac, Le Lys dans la vallée,1836, p. 51).Bourrer un homme de soucis, de responsabilités (Montherlant, Les Lépreuses,1939, p. 1406).
Arg., trivial. Bourrer une fille, une femme. Avoir avec elle des rapports sexuels (sens absent des dict. gén.).
[En parlant d'une femme] Se faire bourrer (cf. A. Simonin, Touchez pas au grisbi, 1953, p. 214; Zola, Germinal, 1885, p. 1470).
c) Arg., fam. Bourrer le crâne à qqn. Raconter des histoires peu vraisemblables, présenter une situation compromise sous un jour mensongèrement favorable. Expr. synon. bourrer la caisse, le mou à qqn(cf. Benjamin, Gaspard, 1915, p. 22).
Se bourrer le crâne. Se raconter des bobards. Synon. se bourrer la caisse(cf. Céline, Mort à crédit, 1936, p. 46).
d) Spéc., CHASSE, vx. ,,Se dit aussi en parlant d'un chien qui, en poursuivant un lièvre, lui donne un coup de dent, et lui arrache du poil.`` (Ac. 1798-1932). ,,Le chien a bien bourré le lièvre`` (Ac.1798-1932).
Rem. L'adv. bien montre qu'il s'agit de coups répétés.
B.− [L'idée accessoire de taper à coups répétés devient l'idée dominante]
1. Frapper quelqu'un ou quelque chose. Bourrer qqn de coups et absol., donner une bourrade :
3. C'était un Justin déchaîné, hurleur et renifleur. Il bourrait Laurent de coups de poings, ... G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Combat contre les ombres, 1939, p. 219.
Vx, fam. Donner des coups avec la crosse d'un fusil (Ac. 1798-1878). Les gendarmes l'ont bourré (Ac.1878).
Fig. Maltraiter quelqu'un en paroles, le gourmander. Bourrer qqn dans une dispute. Le presser vivement, en sorte qu'il ne sache pas répondre (Ac. 1798; expr. considérée comme ,,vieillie`` par Ac. 1878). Il bourra tout le monde.
2. Arg. Bourrer la gueule à qqn. Le frapper. Bourrer les portes. Les claquer.
3. Spéc., CHASSE
Absol. [En parlant du chien] Forcer l'arrêt sur le gibier. Chien qui bourre (Lar. 19e, Lar. encyclop.); cf. F. Vidron, La Chasse en plaine et au bois, 1945, p. 7.
P. anal., MAN. [En parlant du cheval] Foncer, se lancer brusquement en avant contre la volonté de son cavalier :
4. Quelque chose compte en moi, ajoute, parachève le nombre critique qu'attendent les attelages de soleils pour bourrer dans le harnais. Claudel, Art poétique,1907, p. 142.
II.− Emploi abs. [à sens résultatif] Constituer un arrêt à la manière de la bourre ou d'un objet bourré.
A.− FOND. [En parlant du plomb qui s'arrête sur le sable et y forme des marrons] Le plomb bourre (Ac. Compl.1842).
Rem. Attesté aussi dans Besch. 1845, Lar. 19e, Nouv. Lar. ill., Quillet 1965.
B.− [En parlant du rabot, de certains outils, de machines agricoles] Retenir les copeaux, certaines matières dans la lumière « ouverture » au lieu de les laisser passer. Cette varlope bourre (T. Ballu, Machines agricoles,1933, p. 451).
III.− Emploi pronom.
A.− Sens réfléchi (cf. supra I A). Manger avec gloutonnerie. Se bourrer de pain, de gâteaux. Et absol. :
5. Il mangea les têtes des éperlans frits, pour ne rien laisser perdre, se bourra de pain, prit du fromage, au lieu d'une orange dont il avait envie, parce que le fromage est plus nourrissant. Montherlant, Les Célibataires,1934, p. 873.
Au fig. Se bourrer de raisonnements (Taine, Notes sur Paris,Vie et opinions de M.F.T. Graindorge, 1867, p. 192).Se bourrer de désordre (Cocteau, Les Enfants terribles,1929, p. 22).
B.− Emploi pronom. réciproque (cf. supra I B). Se bourrer de coups. S'accabler mutuellement de coups :
6. Des gens couraient les uns après les autres et se bourraient par amitié de coups de poing; ... Huysmans, Les Sœurs Vatard,1879, p. 135.
Prononc. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [buʀe], (je) bourre [bu:ʀ]. 2. Homon. bourrée (danse).
Étymol. ET HIST. − 1. 1332, 4 juill. « maltraiter » (Arr. du parlem. de Paris, A. Tournai dans Gdf. Compl.); 2. a) 1519 « remplir qqc. en y enfonçant de la bourre » (Miroir de Contentement, Var. hist. et litt., II, 18, ibid.); b) spéc. 1704 (Trév. : Bourrer. Mettre de la bourre, ou autre pareille chose sur la charge dans le canon de l'arme à feu); 1907 arg. et fam. bourrer le crâne (d'apr. Esn. Poilu); 3. 1694 chasse (Ac.). Dér. de bourre*; dés. -er; pour 3 étendu à l'emploi en manège (cf. sém. I B 3), peut-être infl. de l'a. wallon burir « se précipiter », cf. bourrir.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 405. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 153, b) 610; xxes. : a) 812, b) 769.
DÉR.
Bourratif, ive, adj.Qui bourre. Les pommes de terres sont bourratives. Ces biscuits sont bourratifs (Rob. Suppl. 1970, seule attest.). [buʀatif] 1reattest. mil. xxes.; dér. de bourrer, suff. -atif (-if*). Rem. On rencontre dans la docum. a) L'adj. verbal bourrant, ante, de même sens et de même emploi, mais moins usuel que bourratif. Ce gâteau est trop bourrant, vous n'avez rien de plus léger? (Rob. ibid.). b) Bourre, subst. déverbal masc. (cf. bourre rem.).
BBG. − Bise (G.). Gloss. du fr. région. dans la Haute-Broye fribourgeoise. Archivum romanicum. 1939, t. 23, p. 293. − Guiraud (P.). Le Champ morpho-sém. du mot tromper. B. Soc. Ling. 1968, t. 63, no1, p. 101. − Rigaud (A.). Être à la bourre. Vie Lang. 1969, p. 654. − Sain. Sources t. 2 1972 [1925], p. 27. − Schuchardt (H.). Romanische Etymologien 2. Sitzungsberichte der philosophisch- historischen Klasse der kaiserlichen Akademie der Wissenschaften. 1899, t. 141, no3, p. 132. − Stimm (H.). Germanisches Wortgut im Galloromanischen. Z. rom. Philol. 1957, t. 73, pp. 420-422.