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BANALITÉ, subst. fém.
I.− DR. FÉOD. Droit que le seigneur avait d'imposer l'usage de son four, de son moulin, de son pressoir et autres objets lui appartenant, à ses sujets et de percevoir une redevance sur cet usage (cf. ban I C et banal I A) :
1. Celui qui ne pouvait payer, donnait son corps et son temps, taillable et corvéable à merci (...); et les banalités, le moulin, le four, le pressoir, où restait le quart des récoltes. Zola, La Terre,1887, p. 77.
P. ext. Le territoire sur lequel s'étend le monopole et le pouvoir du seigneur (v. également banlieue).
II.− Au fig. Caractère de ce qui est banal.
A.− Sans nuance péj. Caractère de ce qui est commun au plus grand nombre. La banalité d'une chambre d'hôtel; la banalité d'un salut, d'un remerciement; une affable, aimable banalité. Synon. norme, uniformité :
2. De l'étude extrêmement sommaire à laquelle je viens de procéder, retenons qu'elle nous met en présence de phénomènes revêtant une grande banalité dans les mers anciennes, à certaines époques, sans qu'on en trouve la moindre manifestation dans les mers actuelles. L. Cayeux, Causes anc. et causes actuelles en géol.,1941, p. 17.
SYNT. La banalité de l'impartialité; des observations d'une grande banalité.
Spéc., PSYCHOL. Caractère d'une réponse donnée par un grand nombre de sujets à certains tests (tests d'association libre, test de Rorschach) et permettant de tirer des conclusions sur le degré de conformité sociale et l'adaptation, l'anxiété ou la qualité de l'intelligence (d'apr. Piéron 1963 et Sill. 1965).
B.− Le plus fréq., avec une nuance péj.
1. Caractère de ce qui est devenu vulgaire à force d'être dit, utilisé, vécu :
3. Vous me direz que certains faits divers peuvent présenter, du point de vue anthropologique, psychologique, pathologique, un intérêt particulier. Sans doute, mais ils sont rares et, dans ces aventures criminelles, c'est la banalité qui l'emporte..., banalité du mobile (jalousie, vice ou vol), banalité des circonstances, bassesse courante des scélérats. L. Daudet, Bréviaire du journ.,1936, p. 109.
4. À travers la monotonie de mes journées, j'allai devant moi, muette, l'œil fixe, tendue vers un but invisible. Je m'abrutissais de travail, et la fatigue me donnait une impression de plénitude. Mes excès avaient aussi un sens positif. Depuis longtemps je m'étais promis d'échapper à l'affreuse banalité quotidienne : l'exemple de Garric transforma cet espoir en une volonté. Je me refusai à patienter davantage; j'entrai sans plus attendre dans la voie de l'héroïsme. S. de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée,1958, p. 182.
SYNT. La banalité d'un ameublement bourgeois, d'un salon; la banalité d'un bavardage, d'une dissertation, des idées mondaines, d'une lettre, d'un style officiel; la banalité d'un fonctionnaire; la banalité de l'existence normale, de la vie conjugale, de la vie quotidienne, des sentiments.
2. P. ext. Ce qui est banal en général :
5. ... il [A. Daudet] secouait la tête avec un demi sourire indulgent, et soupirait : « Il n'y a point de banalité dans le monde, il n'y en a que dans les esprits... » L. Daudet, Alphonse Daudet,1898, p. 89.
6. Ainsi faisaient en 1916 les couturiers qui d'ailleurs, avec une orgueilleuse conscience d'artistes, avouaient que « chercher du nouveau, s'écarter de la banalité, affirmer une personnalité, préparer la victoire, dégager pour les générations d'après la guerre une formule nouvelle de beau, telle était l'ambition qui les tourmentait, la chimère qu'ils poursuivaient, ... » Proust, Le Temps retrouvé,1922, p. 724.
7. La banalité est morne parce qu'elle est le rappel et la confirmation d'une uniformité lassante. L. Jerphagnon, De la Banalité,Paris, Vrin, 1965, p. 55.
SYNT. a) Formés avec un verbe : s'écarter, sortir de la banalité; se réfugier, tomber, sombrer dans la banalité; être accusé de banalité; être d'une grande banalité; fam. c'est d'une banalité! ou et tout cela d'une banalité! b) Formés avec un adj. : la banalité absurde, assommante, désespérante, écœurante, fade, poussiéreuse, rassurante, tranquille, stupide. − PARAD. a) (Quasi-)synon. conformisme, convention, ennui, facilité, fadeur, futilité, mécanisme, médiocrité, monotonie, pauvreté, prosaïsme, routine, vide, vulgarité. b) (Quasi-) anton. excentricité, extravagance, nouveauté, originalité, relief, singularité.
3. Le plus souvent au plur. Idées, paroles, vérités banales. Synon. clichés, lieux communs, poncifs, stéréotypes :
8. ... c'est une bêtise contente d'elle-même, une bêtise coquette, maniérée, qui se travaille et fait des grâces, que vous dire? Une bêtise endimanchée. Son esprit est un rendez-vous de banalités, de pensées communes et publiques, de superstitions bourgeoises, d'idées qu'on pourrait dire surmoulées, de préjugés épidémiques, cette terrible sottise enfin, la plus impatiente de toutes, la sottise éduquée et façonnée, l'ignorance acquise. E. et J. de Goncourt, Charles Demailly,1860, p. 298.
9. Dire que le temps passe plus « vite » dans les moments agréables que dans les autres est une banalité, que souligne l'expression terrible de « tuer le temps », alors que le temps, au fond, est le bien le plus précieux de notre vie. B. Decaux, La Mesure précise du temps,1959, p. 6.
SYNT. S'attarder à, débiter, dire, échanger, énoncer, écrire, répondre des banalités; des banalités de circonstance; les banalités consacrées; les banalités qui ont cours sur...; c'est une banalité d'avancer, de dire, de prétendre que.
C.− Emploi techn., CH. DE FER. Utiliser une locomotive en banalité (cf. banaliser B 3 et banal).
PRONONC. : [banalite].
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. a) 1555 dr. féod. bannalité « droit du seigneur d'assujettir ses vassaux à l'usage d'objets lui appartenant (moulin, four, etc.) moyennant une redevance » (Coutumes du bailliage de Sens, art. 201 dans Nouv. Coutumier gén., éd. Ch.-A. Bourdot de Richebourg, 1724, t. 3, p. 521 : Et s'ils estoyent bannaux, [...] ledit aisné fils, sera tenu conferer et communiquer à ses autres freres et sœurs les fruicts et revenu de la bannalité, comme concernant la seigneurie universelle dudit fief); b) 1611 p. ext. « étendue du territoire soumis à cette obligation » (Cotgr.); 2. 1793 « caractère de ce qui est banal, commun, vulgaire » (G. de Staël, Lettres diverses, t. 2, p. 522 : j'ai passé trois heures avec notre bailli ce matin et je commence à le sortir de sa banalité); d'où 1828 « chose écrite ou dite d'une façon banale » (Sainte-Beuve, Tabl. hist. et crit. de la poésie fr. et du théâtre fr. au XVIesiècle, p. 100 : il rappelle assez vertement Ronsard à la discrétion dans les louanges en présence des nouveaux « écrivasseurs », et il ose le prémunir contre la banalité); 3. 1934 ch. de fer « locomotive non affectée à une seule équipe responsable » (S.N.C.F. d'apr. Esn. 1965). Dér. de banal* étymol. 1 et 2; suff. -ité*.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 416. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 114, b) 523; xxes. : a) 862, b) 872.
BBG. − Fargue (L. P.). Banalité dans Sous la lampe. 6eéd. Paris, 1929, pp. 123-211. − Jerphagnon (L.). De la Banalité. Paris, 1965, 426 p. − Vax (L.). La Séduction de l'étrange. Paris, 1965, pp. 5-29.