Police de caractères:

Surligner les objets textuels
Colorer les objets :
 
 
 
 
 
 

Entrez une forme

options d'affichagecatégorie :
BAISER2, subst. masc.
Action de baiser, résultat de cette action.
A.− Effleurement, attouchement par les lèvres de quelque partie d'une personne ou de quelque objet la symbolisant.
1. Domaine des rapports affectifs.[En signe d'affection, d'amitié, etc.] Baiser du père, baiser maternel, paternel :
1. Il ne me rendra jamais mon baiser. Il lui faudrait une grosse émotion, que je ne prévois pas. Quand c'est l'heure de nous quitter, il y a déjà longtemps qu'il se tait, et que je ne dis rien. Tout à coup : « Allons! » dit-il. Et il me tend la main. Je m'approche de lui. Il a toujours un léger mouvement de recul; vite, il comprend : « Eh! oui, se dit-il sans doute, il veut m'embrasser. » Et, comme je l'attire à moi, il ne résiste pas. Quel singulier baiser, appuyé et pourtant froid, inutile et nécessaire! Baiser de lèvres absentes sur une joue qui n'a aucune saveur, ni celle de la chair, ni celle du bois. Il ne sent rien à sa joue, moi, rien à mes lèvres. Le frisson reste au cœur. Nos pères ne se jettent pas à notre cou. Ils ne nous étouffent pas dans leurs bras. Ils tiennent à nous par d'invisibles attaches, par de souterraines racines. Renard, Journal,1896, p. 365.
Dernier baiser. Baiser les mains et la figure (...), dernière marque d'affection que reçoivent les morts (...), donner un dernier baiser... (About, La Grèce contemporaine,1854, p. 290).
2. Domaine des rapports soc.
a) [En signe de soumission, de réconciliation] :
2. la vice-reine. (...). Que rien n'altère plus l'union dont je veux resserrer les nœuds entre nous; ne nous quittons pas un moment; qu'à la campagne et à la ville on nous voie désormais ensemble. Pardonnez-moi un refroidissement dont m'a punie votre absence; qu'un baiser achève notre réconciliation sincère : embrassez-moi, Madame. la duchesse. − Vous me comblez, Madame. Lemercier, Pinto,1800, II, 8, p. 62.
P. ext.
Baiser féodal. [P. allus. au baiser qu'en signe d'engagement réciproque le seigneur donnait à son vassal lorsqu'il lui prêtait foi] Témoignage de fidélité :
3. ... le drap mortuaire qui servait à l'enterrement d'un monarque très chrétien, était envoyé au tombeau de Charlemagne, comme un drapeau-lige au fief dominant. Nos rois prêtaient ainsi foi et hommage, en prenant possession de l'héritage de l'éternité; ils juraient, entre les genoux de la mort, leur dame, qu'ils lui seraient fidèles, après lui avoir donné le baiser féodal sur la bouche. Du reste, c'était la seule suzeraineté dont la France se reconnût vassale. Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 1, 1848, p. 393.
Baiser Lamourette. [P. allus. à la réconciliation éphémère entre les partis opposés de l'Assemblée législative, provoquée par un appel à l'entente de l'abbé Lamourette en 1792] Accord précaire :
4. ... ils espéraient de lui un peu plus, l'offre d'un concours dans la détresse qu'il dépeignait, la réconciliation momentanée qui permettrait à tous les républicains de franchir ensemble le mauvais pas. C'était une de ces heures où les assemblées sont prêtes pour les baisers Lamourette. De Vogüé, Les Morts qui parlent,1899, p. 368.
b) [En signe de politesse, en hommage galant] :
5. Je voulus l'embrasser pour lui fermer la bouche; mais elle me boudait encore, et il fallut que son frère intervînt pour qu'elle m'offrît sa joue d'un air indifférent. Je n'eus aucune joie de ce baiser dont bien d'autres obtenaient la faveur, car dans ce pays patriarcal où l'on salue tout homme qui passe, un baiser n'est autre chose qu'une politesse entre bonnes gens. Nerval, Les Filles du feu,Sylvie, 1854, p. 601.
Spéc. Formule utilisée à la fin d'une lettre. Mille baisers, envoyer des baisers. Mes hommages respectueux à (...), mille baisers à (...), mille amitiés à (...) (M. de Guérin, Correspondance,1834, p. 185).
3. Domaine des rapports spirituels.[En signe de déférence, de vénération, etc.] Baiser de l'anneau, de l'autel :
6. Le prêtre se releva pour prendre le crucifix; alors elle allongea le cou comme quelqu'un qui a soif, et, collant ses lèvres sur le corps de l'Homme-Dieu, elle y déposa de toute sa force expirante le plus grand baiser d'amour qu'elle eût jamais donné. Flaubert, Madame Bovary,t. 2, 1857, p. 180.
Baiser au lépreux. Baiser donné à un lépreux, à un malade quelconque, par charité chrétienne (cf. G. Duhamel, Chronique des Pasquier, Les Maîtres, 1937, p. 173); p. ext., témoignage de bonté donné à un déshérité (Le Baiser au lépreux, roman de Mauriac, 1922).
Baiser de Judas. Baiser donné par Judas à Jésus-Christ, en signe de délation (cf. E. de Guérin, Lettres, 1840, p. 365); p. ext., baiser de traître :
7. Alors elle [la Critique] s'approcha de moi, me serra dans ses deux bras longs et secs comme les bras des fantômes de Louis Boulanger; puis elle me donna le baiser de paix, en appliquant sur mon visage un visage d'un âge, d'un embonpoint et d'une fraîcheur très-équivoques. Cependant je la remerciais de ses caresses, quand, portant la main à ma joue, je trouvai que ma joue était sanglante : la déesse m'avait donné le baiser de Judas. Et je m'en consolai en songeant que, dans ma manière d'être isolé et d'écrire au hasard, et peut-être aussi avec les haines politiques dont on commence déjà à m'honorer, la critique ne pouvait m'embrasser autrement. Janin, L'Âne mort et la femme guillotinée,1829, p. 19.
Baiser de paix. Baiser que se donnaient les premiers chrétiens ou que se donnent (notamment pendant la messe) l'officiant et ses ministres, les fidèles, etc., en signe d'union fraternelle :
8. ... c'était enfin, à « L'Agnus Dei » l'Abbé donnant à l'autel le baiser de paix au diacre qui descendait les marches et l'imposait à son tour au sous-diacre, lequel, conduit par un cérémoniaire, dans les stalles des moines, embrassait le plus élevé en grade et celui-ci transmettait le baiser aux autres qui s'accolaient et se saluaient ensuite, en joignant les mains. Ici, Durtal ne regarda plus rien; le moment de la communion était proche; ... Huysmans, L'Oblat,t. 1, 1903, p. 262.
P. méton. Objet du culte (en forme de petite plaque, portant une croix) que baisent les fidèles avant la communion. ... les calices, les patènes, les baisers de paix (A. France, Le Miracle du Grand Saint Nicolas,1909, p. 106).
B.− Domaine des rapports amoureux.Appui, pression des lèvres sur quelque partie d'une personne (notamment la bouche, avec mouvement actif de caresse, succion, préhension, etc.) ou sur quelque objet la symbolisant, en signe d'amour. Une pluie de baisers :
9. Marius sentit un démon amoureux qui le poussait; sans parler, il prit les deux mains de Georgette, qui souriait, et appliqua un baiser droit sur ses lèvres épanouies. Elle en fut tout étourdie d'abord; soit éblouissement, soit terreur, soit peut-être aussi parce qu'elle trouvait à ce baiser impertinent je ne sais quelle douceur non encore goûtée, elle ne fit pas un mouvement, et Marius, − les poëtes sont pleins de fatuité, − crut sentir que les lèvres de Georgette ne fuyaient pas trop les siennes. (...). Elle éprouvait intérieurement une sensation étrange, inquiétante, faite de terreur et de plaisir, d'angoisse et de langueur. Quand les lèvres de Marius avaient touché les siennes, il lui avait semblé qu'il lui passait alternativement de la neige et du feu dans les veines, son cœur s'était serré délicieusement, et, − il fallait bien se l'avouer, quoiqu'elle en rougît, − elle avait eu le désir que ce baiser se prolongeât pendant des heures. Maintenant encore elle croyait sentir l'impression de ces lèvres audacieuses sur les siennes, quelque chose comme un fruit savoureux et brûlant écrasé sur la bouche... Theuriet, Le Mariage de Gérard,1875, pp. 196-197.
10. Sais-tu d'où vient notre vraie puissance? Du baiser, du seul baiser! Quand nous savons tendre et abandonner nos lèvres, nous pouvons devenir des reines. Le baiser n'est qu'une préface, pourtant. Mais une préface charmante, plus délicieuse que l'œuvre elle-même, une préface qu'on relit sans cesse, tandis qu'on ne peut pas toujours... relire le livre. Oui, la rencontre des bouches est la plus parfaite, la plus divine sensation qui soit donnée aux humains, la dernière, la suprême limite du bonheur. C'est dans le baiser, dans le seul baiser qu'on croit parfois sentir cette impossible union des âmes que nous poursuivons, cette confusion des cœurs défaillants. (...). Une seule caresse donne cette sensation profonde, immatérielle des deux êtres ne faisant plus qu'un, c'est le baiser. Tout le délire violent de la complète possession ne vaut cette frémissante approche des bouches, ce premier contact humide et frais, puis cette attache immobile, éperdue et longue, si longue! de l'un à l'autre. Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, Le Baiser, 1882, p. 607.
11. On ne regarde rien d'aussi près que le visage de la femme aimée. Vus dans le rapprochement excessif du baiser, les yeux de Chrysis semblent énormes. (...). Ce baiser ne finira plus. Il semble qu'il y ait sous la langue de Chrysis, non pas du miel et du lait comme il est dit dans l'Écriture, mais une eau vivante, mobile, enchantée. Et cette langue elle-même, multiforme, qui se creuse et qui s'enroule, qui se retire et qui s'étire, plus caressante que la main, plus expressive que les yeux, fleur qui s'arrondit en pistil ou s'amincit en pétale, chair qui se raidit pour frémir ou s'amollit pour lécher, Chrysis l'anime de toute sa tendresse et de sa fantaisie passionnée... Louÿs, Aphrodite,1896, p. 182.
12. Un baiser, mais à tout prendre, qu'est-ce? Un serment fait d'un peu plus près, une promesse Plus précise, un aveu qui veut se confirmer, Un point rose qu'on met sur l'i du verbe aimer; C'est un secret qui prend la bouche pour oreille, Un instant d'infini qui fait un bruit d'abeille, Une communion ayant un goût de fleur, Une façon d'un peu se respirer le cœur, Et d'un peu se goûter, au bord des lèvres, l'âme! E. Rostand, Cyrano de Bergerac,1898, III, 9, p. 135.
13. ... il porta à ses lèvres la main qu'on venait de mettre dans la sienne, il y déposa un long baiser. Il n'ajouta rien. C'était assez : le premier baiser de l'amant, au lieu de l'étreinte accoutumée du bon camarade. Marie le reconnut, ce premier baiser qu'elle n'avait jamais reçu; elle entendit son langage, que nul ne lui avait jamais appris. Ces lèvres chaudes lui disaient, au plus profond des veines, qu'un homme l'appelait à connaître le trouble attendu des félicités ignorées, tout le mystère de la vie, reçue, rendue, perpétuée. Elles lui disaient que cet homme donnait une part de soi-même, ce qu'ils en peuvent donner, et qu'il demandait en retour toute la femme, qu'il la prenait avidement, comme ils la prennent, pour la meurtrir peut-être, pour en faire sa chose heureuse ou souffrante. De Vogüé, Les Morts qui parlent,1899, p. 276.
14. Et, presque aussitôt, les deux bras de cette femme sans délai se nouèrent autour de son cou, pendant qu'un baiser de vie ou de mort lui mangeait l'âme. Ah! le vorace et fauve baiser que c'était là! Le jeune homme avait tout prévu, excepté ce baiser fougueux, inapaisable, éternel; ce baiser odorant et capiteux où passaient les parfums féroces des Fleurs du Mal, les volatils détraquants de la Venaison et les exécrables poivres du Désir; ce baiser qui avait des griffes comme un aigle et qui allait à la chasse comme un lion, qui entrait en lui de même façon qu'une épée de feu; qui lui mettait dans les oreilles toutes les sonnailles des béliers ou des capricornes des montagnes; cet épouvantable baiser d'opium, de folie furieuse, d'abrutissement et d'extase! Bloy, Histoires désobligeantes,G. Crès, Paris, 1914, p. 100.
SYNT. a) Baiser + adj. : baiser ardent, brûlant, enflammé, muet; adj. + baiser : bon, chaste, doux, furtif, gros, tendre baiser. b) Baiser + d' + subst. : baiser d'adieu, d'amant(e); baiser + sur + subst. : baiser sur la bouche, le cou, le front, la joue. c) Verbe + un/des baiser(s) : échanger, mettre, poser, prendre, rendre un/ des baiser(s); verbe + de baisers : couvrir, dévorer de baisers.
P. ext. [En parlant d'un animal] :
15. Puis, c'est l'amour. L'amour unique. Rien ne sépare un couple d'isards, sinon la mort. Ils se choisissent, s'aiment, s'accouplent. Le moment du désir coincïde avec celui des nourritures exquises. Ils sentent bon toutes les herbes aromatiques broutées, ils sont vêtus d'un poil brillant, lavé d'air chaud. Ils ont des frémissements qui sont des émois, des chevrotements qui sont des aveux, et des frôlements de lèvres, des baisers. Pesquidoux, Chez nous,1921, p. 35.
P. anal. [En parlant d'un élément naturel] Rapprochement, frôlement semblable à un témoignage de tendresse. Baiser de l'air, de l'onde, du soleil :
16. Sous leurs robes d'azur aux lignes ondoyantes, Le ciel et l'horizon dans un baiser charmant Fondaient avec amour leurs lèvres souriantes. T. Gautier, Poésies,Pétrarque, 1872, p. 205.
[Avec une valeur allégorique] Baiser de la nature :
17. Son amour de l'Océan fut la seconde épopée de ses sub-existences. Agenouillé dans le sable brûlant, il caressait la croupe des flots, dansait nu devant l'Eau amère, s'élançait en elle voluptueux sous la profonde et multiple caresse de bras infinis, dans l'évanouissement d'un baiser universel : la bouche et les mains de l'Eau sont partout en elle et ne peuvent être comptées. Jouhandeau, M. Godeau intime,1926, p. 233.
P. métaph.
[En parlant d'une chose concr.] Arg., pop., p. réf. à l'expr. vieillie baiser la tasse, une outre. Une outre à laquelle on donna de longs baisers (Du Camp, Mémoires d'un suicidé,1853, p. 4);il vidait un litre d'un trait, en lui fichant un tel baiser à la régalade (Zola, L'Assommoir,1877, p. 707).GASTRON. Petites meringues accolées par de la crème, etc. (cf. Ac. Gastr. 1962, Mont. 1967, Lasnet 1970).
[En parlant d'une chose abstr.] Approche, atteinte, adhésion. Baiser de la mort :
18. Heures divines du couchant où parfois la dure vie qui tout le jour nous gênait semble crever dans notre cœur. C'est un délire de poésie. En nous tout est sensible, vivant, s'épanouit. Voici donc qu'enfin nous souffrons! Comme la solitude, à nouveau, se fait belle et parleuse! Minutes étincelantes, baisers du désespoir et de la beauté, effusion de l'heure où les fleurs exagèrent leur coloration tandis que les bêtes inquiètes se lamentent. Barrès, Mes cahiers,t. 3, 1904, p. 221.
Rem. À noter dans la lang. pop. arg. la forme abr. baise, subst. masc. (cf. G. Delesalle, Dict. arg.-fr. et fr.-arg., 1896, pp. 320-352, A. Bruant, Dict. fr.-arg., 1901, p. 43 et Giono, Manosque des plateaux, 1930, p. 102 : ,,les deux joues lessivées d'un « baise » à la gloutonne...``; cf. aussi bise2*).
PRONONC. : [bεze] ou [beze].
ÉTYMOL. ET HIST. − 950-1000 « action d'appliquer ses lèvres sur une partie d'un être ou d'une chose en signe d'affection ou de respect » (Passion de Clermont-Ferrand, 32 dans K. Bartsch, Chrestomathie de l'a. fr., p. 7 : Jhesus li bons nol refuded, al tradetur baisair doned). Substantivation du verbe baiser1.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 4 606.
BBG. − Goosse (A.). Géogr. du baiser. In : [Mél. Legros (É.)]. Liège, 1973, pp. 205-210. − Gottsch. Redens. 1930, p. 358. − Marshall (F. W.). Les Poésies de Blondel de Nesle. Une ét. du lex. d'après l'examen des mss. 1958, p. 43.