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BAGNE, subst. masc.
A.− Bâtiment pénitentiaire.
1. Bâtiment où étaient logés les condamnés aux fers, puis aux travaux forcés; lieu, situé soit dans certains ports, soit outre-mer (Guyane), où s'exécutait la peine des travaux forcés. Aller, finir au bagne; envoyer qqn au bagne. Parfois synon. de galères :
1. La pauvre fille, ayant vécu hors du monde, sous la protection de sa tante, qui avait défendu qu'on prononçât devant elle les mots de bagne et de forçat, ne comprenait guère le sens de ces mots. Ce fut Justin qui le lui apprit, en lui racontant à sa manière le meurtre du gendarme et la condamnation de Chantegreil. Il ne tarissait pas en détails odieux : les forçats avaient un boulet au pied, ils travaillaient quinze heures par jour, ils mouraient tous à la peine; le bagne était un lieu sinistre dont il décrivait minutieusement toutes les horreurs. Zola, La Fortune des Rougon,1871, p. 173.
2. Si les troubles politiques de 1848-51 ont entraîné la déportation outre-mer, l'instauration du bagne, c'est-à-dire de la transportation des condamnés aux travaux forcés, correspond à une tendance déjà ancienne et qui s'était manifestée de plus en plus fortement depuis 1825. L'échec de l'institution des bagnes métropolitains, plein de dangers pour la sécurité publique, la recrudescence de la criminalité vers le milieu du siècle, un mouvement philanthropique et humanitaire caractéristique de l'époque 1848 en sont les causes principales. Les vices du système des bagnes de Toulon, Brest, Rochefort apparaissaient à tous : qui ne se souvient par exemple de l'extraordinaire Jean Valjean de Victor Hugo? M. Devèze, Cayenne,Déportés et bagnards, Paris, Julliard, 1965, p. 117.
P. méton. :
a) La peine des travaux forcés. Mériter le bagne; vingt ans de bagne :
3. J'avais à l'Hôtel-Dieu un camarade d'internat qui s'amusait à épouvanter une vieille religieuse en lui disant : − « Si Dieu existait, ma sœur, il mériterait le bagne. » P. Bourget, Le Sens de la mort,1915, p. 69.
L'ensemble des condamnés détenus dans un bagne :
4. ... [pauvres diables...] moins heureux que le forçat qu'on tue à grand spectacle devant le bagne assemblé... J. Vallès, Les Réfractaires,1865, p. 102.
b) Le bagne, les bagnes. Le monde des malfaiteurs. Gibier de bagne, échappé de bagne :
5. ... votre conscience doit être tranquille, car ce n'étaient point des innocents que vous massacriez cette fois. − Oh! non, répondit le Tyran riant d'un pied en carré dans sa large barbe noire, la fine fleur des bagnes, de vrais gibiers de potence! T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 220.
2. Spécialement
Vx. Bâtiment où étaient enfermés des esclaves, notamment à Constantinople :
6. Le père Dran, dans son Histoire de Barbarie, cite les bagnes de Tunis, de Tripoli et d'Alger, comme de grandes maisons, distribuées en petites chambres basses, sombres et voûtées, chacune renfermant quinze ou seize esclaves, couchés sur la dure, et gardés par des sentinelles. St-Edme t. 1 1825.
Cage grillée située dans l'entrepont du Martinière, où l'on enfermait durant la traversée les condamnés à la transportation (cf. A.-L. Dussort, Journal, Mémoires, 1930, p. 8).
3. P. ext. Tout établissement pénitentiaire, lieu de détention ou de déportation. Bagne de femmes, d'enfants; bagne militaire :
7. ... ils [les poètes lyriques] se penchent aux sources profondes de l'inspiration prolétarienne : (...); plus imprégnée de pitié chez Levick, échappé des bagnes sibériens; ... Arts et litt. dans la société contemp.,1936, p. 5402.
B.− Au fig. Mériter le bagne. ,,Être d'une moralité exécrable`` (Rob.).
P. anal. :
1. Situation, lieu, travail particulièrement pénibles. Régime de bagne; c'est le/un bagne; bagne scolaire, universitaire; travail de bagne :
8. Le téléphone, laissez-le sonner. Et puis, dites aux fruitiers que j'arrive. Ils me laisseront quand même le temps de faire une tite goutte d'eau. Ce n'est pas une existence. C'est une catastrophe perpétuelle. C'est le bagne! C'est l'enfer! Allons, filez, mon garçon. G. Duhamel, Chronique des Pasquier,La Passion de Joseph Pasquier, 1945, p. 27.
P. plaisant. et confusion avec bail. ,,Recoller (se). Se réconcilier entre amant et maîtresse (...) (L. Rigaud, Dict. de l'arg. mod., 1881, p. 325). signer un nouveau bagne`` (L. Rigaud, Dict. de l'arg. mod.,1881, p. 325).
2. Spécialement
a) Régime dictatorial; pays gouverné par une dictature :
9. Au dehors, çà et là, sur la face de l'Europe, des peuples tout entiers qu'on assassine, qu'on déporte en masse ou qu'on met aux fers, l'Irlande dont on fait un cimetière, l'Italie dont on fait un bagne, la Sibérie qu'on peuple avec la Pologne; ... Hugo, Les Feuilles d'automne,1831, p. 711.
b) Arg. Lieu de travail particulièrement pénible. Bagne du prolétariat. ,,Atelier ou usine; argot des ouvriers`` (France 1907) :
10. Un boulot [= un ouvrier] qui [de bon matin] se rendait à son petit bagne, sur son cycle... A. Simonin, Touchez pas au grisbi,1953, p. 41.
PRONONC. : [baɳ]. Enq. : /baɳ/. DG note [a:] ant. long.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1609, 8 déc. baing (Lettre de l'ambassadeur Salignac à Henri IV ds G. Audisio, Recherches sur l'orig. et la signif. du mot « bagne », pp. 364-379 ds R. Africaine, t. 51, 1957, p. 364 : Il [l'esclave] est dans le baing du Grand Seigneur); 1629, 10 avr. bagne (Lettre envoyée de Tunis aux consuls de Marseille citée par E. Plantet ds Correspondance des Beys de Tunis et des consuls de France avec la Cour, p. 95 d'apr. G. Audisio, loc. cit.); 1631, 14 mars bain (Lettre de Lange Martin, consul à Tunis, ibid. : Ils mirent tous les mariniers dans les bains); 1637 bagne (le P. Dan, Hist. de Barbarie, p. 151 d'apr. Arv., pp. 71-74 : Là [à Tunis] se voyent encore plusieurs grands logis, qu'ils appellent Bagnes, où l'on enferme les esclaves Crestiens [p. 210] il y a [à Tripoli] un grand logis de ceux qu'ils appellent Bagnes ou prisons, qui servent, comme j'ai dit cy-devant, à y enfermer les pauvres esclaves Chrestiens); 1666, 6 févr. (Lettre d'Arnoul, intendant des galères, à Colbert ds G. B. Depping, Correspondance administrative sous le règne de Louis XIV, Paris, 1850-55, t. 2, p. 910 d'apr. Arv. ds Mélanges Fouché, Paris, 1970, pp. 81-91); 1669, 1ermars (Colbert, Lettre du 1ermars 1669 à M. Arnoul ds Arv. : Un bagne seroit nécessaire pour tenir les esclaves et les forçats en seureté, dans lequel l'on pourroit leur pratiquer leurs commodités pour les besoins de la vie). Empr. à l'ital. bagno (Kohlm., p. 29; Vidos, p. 224; Brunot t. 4, p. 460; Boulan, p. 20; Nyrop t. 1, § 67; Esn.; Vie Lang., pp. 389-94; Arv., pp. 71-74; Mélanges Fouché, loc. cit.; G. Audisio, op. cit.) attesté au même sens dep. 1548, pour désigner le bagne de Livourne (Cron. Fior, 95 ds Vidos, loc. cit. : In esecuzione della promulgata sentenza fu egli non molto condotto a Livorno, e messo nel bagno). Bien que bagne soit attesté sous cette forme dès 1629 et considéré alors comme terme de l'Afrique du Nord, la forme en usage jusqu'à la fin du xviies. est la trad. bain (supra et Arv., loc. cit., pp. 71-72); bagne ne s'implantera définitivement qu'avec Colbert (supra) qui étudiera et copiera l'organisation italienne. D'Italie où il signifie à l'origine « bain » (lat. balneum, bain*), l'établissement pénitentiaire de Livourne étant construit sur un anc. bain (Esn., Bl.-W.5), le terme passa en Turquie (spéc. à Constantinople où les prisonniers chrét., en grande partie ital. dénommèrent l'établissement bagno pour la même raison, Vidos, loc. cit., Arv.; Mélanges Fouché, loc. cit.) et de là en Afrique du Nord, dont était alors maître, le Grand Seigneur.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 735. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 026, b) 1 794; xxes. : a) 1 335, b) 484.
BBG. − Arveiller (R.). « Barraque », bagne, guépard et la lang. franque. In : [Mél. Fouché (P.)]. Paris, 1970, pp. 81-91. − Arv. 1963, pp. 71-74. − Audisio (G.). Rech. sur l'or. et la signification du mot bagne. R. africaine. 1937, t. 101, pp. 363-379. − Boulan 1934, p. 20. − Brüch (J.). Bemerkungen zum französischen etymologischen Wörterbuch E. Gamillschegs. Z. fr. Spr. Lit. 1927, t. 49, p. 294. − Rog. 1965, p. 106. − Truchemotte (G.). Comment parlait la Chiourme. Vie Lang. 1957, pp. 62-64.