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ARROSER, verbe trans.
I.− Emploi trans.
A.− AGRIC., HORTIC. Humecter quelque chose en y répandant de l'eau de manière que la qualité en soit améliorée.
1. Vieilli. Faire circuler de l'eau dans les terres au moyen d'ouvrages fabriqués. Synon. irriguer :
1. Derrière ce lieu sont des jardins plantés de divers légumes, et arrosés au moyen de grandes roues qui élèvent les eaux du Rhône et qui les distribuent dans une multitude de rigoles qui s'entrecroisent. Toepffer, Nouvelles genevoises,1839, p. 469.
P. métaph., MÉD. Le sang arrose les organes, les tissus.
Usuel. [Le suj. désigne un cours d'eau, le compl. une région naturelle] Faire circuler ses eaux, couler entre, traverser. Le pays que ce fleuve arrose (Ac.) :
2. On se distrayait par les soins que l'on donnait à Châteaubedeau. Ninon l'avait installé dans une jolie chambre d'où la vue s'étendait sur le parc et, au delà, sur les belles prairies qu'arrosent la Loire et la Vienne, mêlées tout près de là. Boylesve, La Leçon d'amour dans un parc,1902, p. 168.
2. Répandre de l'eau sur quelque chose au moyen d'un instrument approprié. Arroser les fleurs, le jardin, le sol :
3. Ces arrosemens seront faits avec de l'eau douce, l'eau de mer étant nuisible à presque tous les végétaux : on les administrera le matin et le soir dans les latitudes chaudes, et avec l'arrosoir à pomme, en manière de petite pluie, qui lave les feuilles et les tiges avant que d'imbiber la terre. Dans les pays froids, au contraire, il faut n'arroser que dans un besoin pressant, choisir l'heure du jour la plus chaude, et verser l'eau avec l'arrosoir à goulot, seulement au pied des plantes qui en auront besoin. Voyage de La Pérouse,t. 1, 1797, p. 231.
4. Il y avait encore, dans ce jardin qui n'était point un parc, toutes sortes de retraites, de bosquets et de gloriettes, comme dans les vieilles propriétés provinciales. Jérôme y allait méditer pendant les heures les plus tièdes. Il revenait en disant : « J'ai mis la main sur la terre. Il faut arroser les semis d'oignons, ou bien la graine est perdue... Les romaines vont monter... Le basilic est bien parti : sa première feuille est formée et commence à sentir bon... » G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Suzanne et les jeunes hommes, 1941, p. 130.
P. anal., fam.
La journée a été arrosée. Il a plu :
5. (11 h. s.) Levé de bonne heure ce matin, j'ai salué le soleil à l'ancien bastion du pin. Il avait beaucoup plu cette nuit, et la journée elle-même a été arrosée à plusieurs reprises. Amiel, Journal intime,1866, p. 455.
Arroser qqn.Jeter de l'eau sur lui.
B.− [Avec fréquemment un compl. prép. de désignant un liquide autre que l'eau] Mouiller en versant abondamment quelque chose dessus. Arroser un objet d'essence :
6. Demachy, à tâtons, s'enveloppa maladroitement dans sa couverture, et le visage enfoui dans son mouchoir arrosé d'eau de Cologne, il ne bougea plus. L'odeur se répandit vite dans l'écurie. Le premier, Vairon s'étonna : − Mais ça pue. Qu'est-ce que c'est que ça? − Ça sent le coiffeur. Dorgelès, Les Croix de bois,1919, p. 20.
1. [Avec une idée d'amélioration de l'obj. arrosé]
a) GASTR. Arroser une viande, un rôti. Répandre le jus de cuisson sur la viande pour éviter qu'elle se dessèche.
Arroser un gâteau de caramel, de liqueur :
7. Jamais ses filles [de Vatard] n'avaient été dans un état semblable. L'aînée, qui avait découché, l'avant-veille, et qui, pour se reposer des ébats de ses jambes, avait travaillé des bras, pendant toute la nuit, arrosait le rôti d'une main tremblante, versait la sauce à côté du plat, s'aspergeait de graisse depuis le col jusqu'aux bottines. Huysmans, Les Sœurs Vatard,1879, p. 36.
b) En partic.; fam. [Le liquide est un alcool]
[L'obj. désigne une consommation]
Arroser un café. Y verser un alcool :
8. Au Piche-Hère ils vont manger et boire jusqu'à l'aube. Et d'abord le foie de l'animal grillé, un poulet sauté aux oignons, une cuisse d'oie et sa salade frisée; et puis des crêpes, et du café arrosé d'armagnac versé dans la tasse. Pesquidoux, Chez nous,t. 2, 1923, p. 11.
Arroser un repas [d'une boisson]. L'accompagner d'un bon vin ou de toute autre boisson :
9. ... j'avais été atrocement malade; il me semblait que rien ne serait assez bon pour me guérir. J'ai choisi la meilleure chambre dans le meilleur hôtel; me suis fait monter un repas que j'arrosai de champagne. Gide, Journal,1929, p. 910.
P. ext. [L'obj. dir. désigne un événement heureux] (Le) fêter en offrant à boire. Arroser des galons, une naissance, une promotion (cf. infra emploi pronom.).
Arg. [L'obj. désigne un aspect de la pers. suj.] Arroser l'avaloir, sa soif. Se désaltérer, boire :
10. Mais les autres, Boche, Gaudron, Bibi-la-Grillade, surtout Mes-Bottes, très allumés tous les quatre, ricanèrent, la langue épaissie, ayant une sacrée coquine de soif, qu'il fallait pourtant arroser. Zola, L'Assommoir,1877, p. 457.
2. [Avec une idée de peine phys. ou mor.] Arroser un objet de pleurs, de sang :
11. Je vis Célanire se lever, me tendre les bras, et retomber sur le banc... Je m'élançai vers elle, je me prosternai à ses pieds, je saisis ses mains tremblantes et glacées, je les arrosai de mes pleurs; l'état de saisissement où je la voyois me pénétroit d'un remords si déchirant, qu'il m'élevoit au-dessus de moi-même... Mmede Genlis, Les Chevaliers du Cygne,t. 1, 1795, p. 154.
Loc. fig. Arroser son pain de ses larmes. Vivre dans la misère et la douleur (Ac. 1835-1932).
P. métaph. Arroser un travail de sa sueur :
12. Telle est l'histoire du blé. La seule qui soit intimement liée aux annales de l'humanité. Toute race est tributaire de l'humble grain, et l'épi ne mûrit qu'arrosé de sueur. Nos paysans portent un amour attendri au blé immortel, contemporain de toutes les générations, et l'appellent « lou praou blat », le pauvre blé, dans le sens du fidèle et du doux fruit. Pesquidoux, Chez nous,t. 1, 1921, p. 146.
C.− [Avec, explicite ou implicite, un compl. prép. de désignant un obj. non liquide] Pourvoir abondamment quelque chose ou quelqu'un.
1. P. métaph. :
13. ... et c'était lui le criminel. De nouveau appuyé à un portant, dans l'ombre, il dévisageait ses juges, et il pensait avec stupeur : « Voilà ce que j'ai fait! C'est moi! » Un an avait passé; le soleil d'août écrasait encore le village squelette mais des croix avaient poussé sur les fosses, on les arrosait de discours, ... S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 363.
2. Par euphémisme; fam.
a) [Ce dont on pourvoit est une somme d'argent]
JEUX. Arroser le tapis. ,,Lorsque la règle du jeu l'exige, verser de l'argent à chacun des autres joueurs.`` (France 1907).
Rem. Attesté dès Ac. 1798.
Arroser qqn.Lui donner une somme d'argent dans un but intéressé. Arroser ses créanciers. Synon. acheter, graisser la patte :
14. Le marché des jeux, basé sur la tolérance policière, était le champ ouvert aux compensations faciles. En attendant, il ne fallait donner aucune occasion à la police d'intervenir. Arroser la brigade des jeux. Se tenir coi. Et puis voir : peut-être pouvait-on avoir sur quelques personnalités importantes des renseignements précieux. Aragon, Les Beaux quartiers,1936, p. 424.
Absol., FIN. [Le suj. désigne un actionnaire, une pers. intéressée dans une entreprise] Subvenir à une dépense imprévue en la finançant. Il nous en a coûté autant pour arroser que pour la première mise (Ac.1835-1932).
b) ARM. [L'obj. dir. désigne un endroit, un rassemblement de pers., etc.] Bombarder, mitrailler d'une façon intense et continue :
15. − Ils ont l'air d'avoir un peu allongé le tir. Ils arrosent du côté de Champneuville et de la Wavrille, du côté de votre P. C. justement. J. Romains, Les Hommes de bonne volonté,Verdun, 1938, p. 53.
II.− Emploi pronom.
A.− Emploi pronom. à valeur passive. Être arrosé. Les fleurs doivent s'arroser :
16. ... Aux pieds de son époux elle avait déposé Ce fruit tombé du cœur et de pleurs arrosé. « Tiens, avait-elle dit, cache-les; l'heure presse : La mort les cueillerait jusque sous ma caresse, Pour leurs lèvres déjà tout mon sang blanc coulait; Mais il faut que le roc s'arrose de mon lait, Et que de ton troupeau la plus douce gazelle, Écartant son petit, leur laisse sa mamelle ». Lamartine, La Chute d'un ange,1838, p. 890.
Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du xixes., de Besch. 1845 à Nouv. Lar. ill.
Fam. [Avec une idée d'obligation mor.] Cela s'arrose. Cet (heureux) événement doit être fêté en offrant à boire :
17. − (...) je t'ai attendu pour fêter ça... Oui, ils me l'ont tout de même donnée, ma ficelle... Deux mois peut-être avant de me fendre l'oreille, mais ça s'arrose tout de même! Cela s'arrosa le soir, dans la salle d'école que ses mitrailleurs, avec amour, avaient décorée de guirlandes et de petits drapeaux de papier. Ils y avaient même traîné un piano. Vercel, Capitaine Conan,1934, p. 143.
B.− Emploi réfl.
1. Réfl. indir., arg. S'arroser la dalle [= « le gosier »]. Boire (cf. A. Delvau, Dict. de la lang. verte, 1866).
2. Réfl. dir. Se faire arroser. Se faire mouiller par la pluie.
PRONONC. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [aʀoze], j'arrose [ʒaʀo:z]. Barbeau-Rodhe 1930 note une durée mi-longue pour la 2esyllabe de l'inf.; Gattel 1841 une durée longue pour la 1resyllabe. 2. Forme graph. : Fér. 1768 note que le mot ,,s'écrit avec deux rr [mais] se prononce avec une seule``. Fér. Crit. t. 1 1787 propose la graph. aroser avec un seul r. Fér. Crit. t. 1 1787 ainsi que Gattel 1841 ajoutent que r se prononce ,,forte``.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Début xiies. « humecter, asperger d'un liquide » (Psaumes, éd. Fr. Michel ds Bartsch, La lang. et la litt. fr. dep. le IXejusqu'au XIVes., 1887, col. 57, 26); 2. 1265 « baigner, traverser » (en parlant d'un fleuve) (Brunet Latin, Trésor, éd. Chabaille, 153 ds T.-L. : un flum qui arouse et baigne toute la terre de Egypte); 3. a) 1719 part. passé adj. « accompagné de vin ou d'alcools » (Saint-Simon, Mémoires ds Dict. hist. Ac. fr. : La grossesse [de la duchesse de Berry] vint à terme, et ce terme mal préparé par les soupers continuels, fort arrosés de vins et de liqueurs les plus fortes, devint orageux et promptement dangereux); b) 1828 fam. « fêter en buvant » (Mém. de Vidocq ds Esn. : [ce 21 octobre 1792, pour] arroser mes galons [de caporal]). Empr. au lat. vulg. *arrosare (EWFS2; FEW t. 1, 147b) de adrorare (avec réfection sur le nomin. du subst. ros, roris « rosée » dont il est dérivé) attesté au sens 1 (Marcellus Empiricus, Med. 34, 71 ds TLL s.v., 655, 50).
STAT. − Fréq. abs. littér. : 1182. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2480, b) 1832; xxes. : a) 1 412, b) 1 079.
BBG. − Esn. 1966. − France 1907. − Larch. 1880. − Noter-Léc. 1912. − Plais.-Caill. 1958. − Sandry-Carr. 1963.