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ABCÈS, subst. masc.
A.− MÉD. lang. commune. Amas de pus dans une cavité naturelle ou accidentelle du corps :
1. Ma femme vient d'être souffrante : dent mal arrangée, périostite, adénite, abcès et commencement de phlegmon dangereux, avec ça quasi-impossibilité d'avaler, d'où faiblesse inquiétante, etc. A. Gide, P. Valéry, Correspondance,lettre de A. G. à P. V., mars 1897, p. 288.
2. ... j'ai depuis quinze jours, au médius de la main droite, deux panaris qui se refusent à guérir. Ce sont d'abord de presque invisibles poils de velours, que le roseau vous laisse au doigt. Ces dards soyeux, il faut se hâter de les extraire, sous peine de voir se former un petit abcès, qui grossit, suppure, devient mal blanc, panaris,... A. Gide, Le Retour du Tchad,1928, p. 911.
3. Les leucocytes (...) forment dans les régions infectées des abcès, du pus dont les ferments digèrent les microbes. Ces ferments possèdent aussi le pouvoir de dissoudre les tissus vivants. Ils ouvrent à l'abcès une route, soit vers la peau, soit vers un organe creux. Et le pus s'élimine ainsi du corps. A. Carrel, L'Homme, cet inconnu,1935, p. 251.
4. Goiran, très déçu. Ai défendu Wilson contre lui et les autres. Wilson : un praticien averti, qui sait où est le foyer d'infection, et qui vide l'abcès avant de commencer son pansement. A propos d'abcès, ce bon géant de Bardot explique fort bien que l'ypérite n'est qu'une cause occasionnelle de l'abcès. Lequel, en fait, relève d'une infection secondaire, déterminée par les microbes envahissant le parenchyme à la faveur des lésions congestives provoquées par le gaz. R. Martin du Gard, Les Thibault,Épilogue, 1940, p. 1001.
Rem. 1. Abcès est en relation avec pus, infection (ex. 3, 4); il est placé en série avec phlegmon (ex. 1), mal blanc (ex. 2), panaris (ex. 2). 2. Syntagmes rencontrés dans la docum. : l'abcès naît, se forme, est formé, grossit, suppure, s'écoule, diminue; élance le malade; avoir, attraper un abcès; provoquer un abcès; débrider, ouvrir, vider, crever un abcès; l'abcès éclate, s'ouvre, crève; abcès vivant, mort, chaud, froid; syntagmes notés par les dict. : poche d'un abcès, abcès du cerveau, du foie, du poumon; de fixation :
5. Rieux tenta un abcès de fixation. Sous la brûlure de la térébenthine, le concierge hurla : « Ah! les cochons! » A. Camus, La Peste,1947, p. 1231.
Rem. Cette expr. est empl. au fig. dans les mêmes conditions que l'emploi fig. mentionné sous B (on crée artificiellement une situation intolérable pour mettre rapidement fin à un état de chose indésirable).
B.− Au fig. :
6. Je me tourmente, je me gratte. Mon roman a du mal à se mettre en train. J'ai des abcès de style et la phrase me démange sans aboutir. G. Flaubert, Correspondance,1851, p. 326.
7. Et les fantômes se précisent mieux, maintenant qu'il dort. Les enlacements lubriques des branches, l'accouplement des essences diverses des bois, les crevasses qui se dilatent, les fourrés qui s'entr'ouvrent disparaissent; les pleurs des feuillages fouettés par la bise, se tarissent; les blancs abcès des nuées se résorbent dans le gris du ciel; et − dans un grand silence − ce sont les incubes et les succubes qui passent. J.-K. Huysmans, Là-bas,t. 2, 1891, p. 21.
Partic. [notamment dans l'expr. crever ou vider l'abcès] Situation (pol., administr., etc.) anormale, devenue intolérable et appelant une intervention rapide et énergique pour y mettre fin :
8. Cresteil (rire amer). − « Ah, oui, tout était beau, c'était du cristal! Et qu'en est-il résulté? Hein? Nous avons crevé l'abcès : nous comptions sur la guérison : et, maintenant, c'est la gangrène! » (...). − « En avons-nous assez vu!... La gabegie politique, les abus d'autorité, le mercantilisme partout! R. Martin du Gard, Jean Barois,1913, p. 465.
9. Le Père Aubry, sachant avec quelle force rejettent sur un sol religieux, les plus profonds instincts que semblaient avoir chassés les prières et l'eau bénite, aurait voulu vider l'abcès! y mettre le fer et le feu. C'était bien l'avis de l'évêque. Nulle transaction avec le diable, pas d'armistice avec l'Enfer! M. Barrès, La Colline inspirée,1913, p. 272.
10. ... le curetage de l'abcès vichyssois est loin d'être complet, il y aura des retours de purulence... M. Déat, L'Œuvre,12 févr. 1941.
11. Les abcès administratifs diffèrent des collections purulentes en ce qu'ils ne crèvent pas seuls. Ils ne s'ouvrent pas spontanément, pour l'excellente raison, qu'ils ne sont pas des abcès, mais des... « fromages ». O. Brien, L'Œuvre,9 mars 1941.
12. Puisque le malentendu est une méprise invétérée, le plus expédient est sans doute de ne pas laisser à l'ordre chronique du malentendu le temps de se former; il faut, pour cela, crever l'abcès tout de suite, tuer dans l'œuf la fausse situation. V. Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 183.
Rem. Dans ces emplois, abcès fonctionne soit comme suj. (l'abcès se résorbe, ex. 6; l'abcès crève, l'abcès s'ouvre, ex. 10), soit comme obj. notamment avec le verbe crever (ex. 7, 11). Le mot associé peut être un subst. du vocab. méd. curetage de l'abcès (ex. 9). Le cont. est souvent pol., plus rarement psychol.
C.− Argot :
13. Abcès, s. m. Homme au visage boursouflé, au nez à bubelettes... On a dit cela de Mirabeau, et on le dit tous les jours... A. Delvau, Dict. de la langue verte,Argots parisiens comparés, 1866, p. 2.
Prononc. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [ab̭sε]. On donne traditionnellement pour rég., par rapport à l'orth., la prononc. ouverte de la voyelle finale (cf. Rouss.-Lacl. 1927; Fouché Prononc. 1959; etc.). Toutefois, Rouss. et Lacl. signalent une prononc. avec « e moyen ». Enq. : /apse1/. 2. Dér. et composés : cf. abcéder. 3. Hist. − L'orth. étymol. abscès (lat. médiév. abscessus) se trouve en dernier lieu ds Trév. 1771 avec la mention « plus ordinairement abcès ». Abcès se trouve déjà ds Rich. 1680.
ÉTYMOL. − Corresp. rom. : esp. abscesco; cat. abscès; port. abcesso. 1537 « amas de pus dans une partie du corps », terme de méd. (Jehan Canappe, Trad. du Quatrième livre de Thérapeutique de Galien ds Fr. Mod., t. 18, p. 270 : abcès). Empr. au lat. abscessus (dep. Cicéron au sens de « éloignement » ds TLL s.v., 147, 25), terme méd. dep. Celse, qui l'emploie comme équiv. du gr. α ̓ π ο ́ σ τ η μ α, terme méd. « abcès » (Hippocrate, De Medicina, livre 2, chap. 1, p. 28 D ds TLL s.v., 147, 61 : tunc lippitudines, pusulae, profusio sanguinis, abscessus, quae α ̓ π ο σ τ η ́ μ α τ α Graeci nominant ... oriri solent). α ̓ π ο ́ σ τ η μ α proprement « éloignement » dér. de α ̓ φ ι ́ σ τ η μ ι « éloigner, écarter », et terme méd. « s'écarter, se désagréger, se dissoudre » : τ α ̀ α ̓ φ ε σ τ ε ω ̃ τ α « abcès formés » Galien, ds Bailly s.v. HIST. − Dès son apparition en fr. (xvies.), abcès, emprunté au lat., est en concurrence avec apostume (emprunté anciennement au gr. par l'intermédiaire du lat., cf. ds DG, xiiies., J. de Meung, Rose, 14561) et avec apostème, plus tardif (cf. ds DG, xvies., Rabelais, III, 40) et sav., alors que apostume est le terme cour. : Absces (...) Le peuple l'appelle aposthume. Trév. 1752. Apostume (...) les Médecins disent aposthème (...); on l'appelle autrement abcès, et ce mot est plus usité. Trév. 1752. A partir de Ac. 1878 abcès l'emporte sur apostume et apostème, qui deviennent archaïques et ne figurent plus que ds qq. dict. (Littré, Lar. 20e, Rob.). A.− Sens méd. (cf. sém. A), apparu en 1537 (cf. étymol.), subsiste : xvies. : Abscès et apostemes. Tagault, Instit. chirurg., [1544], 27 (DG). xviies. : Il y avait un abcès dans la poitrine qui s'est crevé. Mmede Sévigné, Lettres, 364 (Littré). xviiies. : Tumeur contre nature, qui tend à corruption. Amas d'humeurs, ou de sang, qui se forme dans une partie du corps. Trév., 1752. − Rem. Cf. Nysten 1814-20, s.v. : ,,(...) Ce nom ne convient proprement qu'à une collection de pus formée dans le tissu cellulaire ou à l'intérieur d'un viscère; et même dans ce dernier cas, le nom de vomique est plus usité. (...) On a distingué très anciennement les abcès en chauds et en froids. L'abcès chaud n'est autre chose que le phlegmon. Voy. ce mot. L'abcès froid est celui qui succède à une inflammation lente et sourde, et qui donne un pus plus ou moins sérieux : on l'a aussi nommé abcès par congestion; mais les modernes distinguent ce dernier de l'abcès froid, en ce que le pus qui se forme tire son origine d'une partie plus ou moins éloignée, au lieu que dans l'abcès froid le pus a été sécrété dans la partie même où il s'amasse.`` B.− Sens fig. (cf. sém. B), attesté dès le xviies., subsiste : [Par la confession] dès qu'on a percé l'abcès et qu'on l'a jeté dehors, on sent tout à coup la sérénité se répandre dans l'âme. Bourdaloue, Pensées, t. 1, p. 330, (Littré).
STAT. − Fréq. abs. litt. : 156.
BBG. − Bouillet 1859. − Garnier-Del. 1961 [1958]. − Littré-Robin 1865. − Nysten 1814-20. − Porot 1960. − Privat-Foc. 1870. − Quillet Méd. 1965.