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ABATTOIR, subst. masc.
A.− Sens propre. Établissement d'abattage des animaux destinés à la consommation. Synon. boucherie (vieilli), écorcherie :
1. [la féroce peinture] ... d'écorcherie et d'abattoir, qui semble avoir été faite pour des cannibales par un valet de bourreau. T. Gautier, Voyage en Espagne,1845, p. 50.
2. Menez deux moutons à la boucherie, deux bœufs à l'abattoir, et faites comprendre à l'un d'eux que son compagnon ne mourra pas, le mouton bêlera de joie, le bœuf mugira de plaisir; ... A. Dumas Père, Le Comte de Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 507.
3. Puis, c'est le marché aux bestiaux et l'abattoir de la Villette qui reprennent l'ossature ferronnière des halles ... J.-K. Huysmans, L'Art moderne,1883, p. 240.
4. « A Rome, l'école des bestiaires était sur le mont Coelius. » Alban se répétait cette phrase lue dans un livre, chaque matin, en allant à l'école des bestiaires, c'est-à-dire à l'abattoir municipal, passé la porte de la viande. H. de Montherlant, Les Bestiaires,1926, p. 431.
Rem. 1. Encyclop. ,,[Les abattoirs] ont pour but de permettre le contrôle sur la qualité des viandes, de prévenir les dangers de l'abattage des animaux et de garantir la salubrité publique par la concentration en un même lieu des mesures de surveillance et de propreté. Les abattoirs sont publics ou privés.`` (Dalloz, Nouveau répertoire de droit, 2eéd., 1962). 2. Ce mot est naturellement lié aux idées de mort, de souffrance, de cruauté, de peur (cf. B) :
5. Il y avait des cris singuliers, des intonations d'une détresse profonde qui semblaient dire des mots qu'on aurait presque pu comprendre. En ce moment, j'ai eu l'idée d'une ville terrible, de quelque ville épouvantable et démesurée, comme serait une Babylone ou une Babel de cannibales où il y aurait des abattoirs d'hommes; et j'ai cherché à retrouver quelque chose des agonies humaines dans ces égorgements qui bramaient et sanglotaient. G. Flaubert, Par les champs et par les grèves,1848, p. 289.
6. Entre Lariboisière et l'abattoir, ces deux souffroirs, je reste rêvant, à respirer un air chaud de viande. Des gémissements, de sourds mugissements viennent jusqu'à moi comme de lointaines musiques. E. et J. de Goncourt, Journal,mai 1863, p. 1279.
7. Oserai-je avouer ce qu'était pour moi la Grèce? Une invention des professeurs, une sorte de paradis à leur usage, créé de toutes pièces par les humanistes. Les temples bariolés, les statues chryséléphantines, l'affreuse odeur d'abattoir des hécatombes − cela me détournait d'être attentif au témoignage de Platon et même des tragiques. F. Mauriac, Journal 2,1937, p. 192.
B.− P. ext. [Appliqué à l'homme] Lieu où sont massacrés des êtres humains (cf. ex. 5) :
8. Le bois formoit un dernier retranchement, lequel n'eût pourtant servi que d'abattoir et non d'abri aux soudoyers qui s'y seroient retirés, en cas de défaite. F.-R. de Chateaubriand, Études historiques,t. 5 ter, 1831, p. 79, 80.
9. Bientôt la croix tombe, pourrit sur le sol. Le nom du misérable s'efface et n'existe plus que sur un registre de néant. Léopold et Clotilde ont grande pitié de ces oubliés, mais ce qui les navre de charité, c'est la foule des petites tombes. Il faut visiter les vastes nécropoles de la banlieue de Paris pour savoir ce qu'on tue d'enfants dans les abattoirs de la misère. L. Bloy, La Femme pauvre,1897, p. 287.
10. ... la mort, invisible, bourdonnait aux oreilles de ces hommes affolés, essoufflés, inutiles dans cette lutte affreusement inégale contre de l'artillerie prussienne. Gaspard s'en rendit compte. Il s'arrêta derrière une meule (sa musette le brûlait) et il dit à Burette : − C'est l'abattoir? ... R. Benjamin, Gaspard,1915, p. 64.
11. Les mouvements de la foule l'ont repoussé vers le haut, vers le drapeau noir d'où il saisit les paroles volantes de Dumoulin : « Sommes-nous de ceux qui sauront sacrifier notre peau comme ceux de 1871? On en est réduit aujourd'hui d'aller exprimer ses sentiments sur un terrain écarté! Nous sommes donc mûrs pour l'abattoir, et non pas pour la révolution? Les anarchistes ne le pensent pas, et en toutes circonstances ils sauront prendre leurs responsabilités! » L. Aragon, Les Beaux quartiers,1936, p. 342.
12. Vous vous payez des abattoirs d'hommes − dix millions de pièces débitées en trois ans − des révolutions presque aussi coûteuses, sans parler d'autres divertissements, et vous voudriez fermer en même temps les églises et les prisons ... G. Bernanos, Un Mauvais rêve,1948, p. 943.
P. ext. Lieu où sont massacrées des opinions, etc. :
13. Où se trouve donc le véritable esprit de la France? Est-il représenté ... par des censeurs amovibles, assis sur les escabelles de M. de Corbière, dans un abattoir où l'on assomme à huis clos l'opinion? F.-R. de Chateaubriand, Opinion sur le projet de loi relatif à la liberté de la presse,1818, p. 261-262.
C.− Emplois arg.
1. (Audience de) tribunal correctionnel où les sentences sont rendues sans véritable débat :
14. On veut quelque chose de plus sévère. Panama, où je ferai voir dans leur naturel ces bêtes mugissantes, qui, le front ouvert, se sont échappées des abattoirs judiciaires. M. Barrès, Mes cahiers,t. 1, 1897-1898, p. 185.
(Cf. aussi abatteur, ex. 9; il pourrait cependant s'agir dans l'ex. de Barrès d'une création d'aut., dont la coul. arg. est corr. par l'épithète judiciaires).
2. Guillotine :
15. Guillotine (la) ... l'abattoir. Dict. d'argot ou La Langue des voleurs dévoilée,1847, p. 181.
Par ext. Cellule ou cachot des condamnés à mort :
16. Abattoir : cachot des condamnés à mort. A. Pierre, Argot et jargon (1reet seule éd. de l'argot et jargon des filous qui n'est intelligible qu'entre eux),1848, p. 1.
17. Abattoir. Cellule à la prison de la Roquette, occupée par les condamnés à mort, d'où ils ne sortent que pour être abattus. France1907.
3. Atelier ou usine, où les ouvriers sont surveillés comme dans une cellule de condamnés à mort :
18. Si la surveillance y est active [dans votre usine] et que la loupe [fainéantise] soit surveillée, c'est un abattoir. D. Poulot, Le Sublime ou Le Travailleur comme il est en 1870 et ce qu'il peut être,1872, p. 70.
19. Abattoir. Ateliers malsains où les ouvriers sont maltraités et qui, par le fait, sont de véritables abattoirs d'hommes. France1907.
4. Lieu de rendez-vous suspects :
20. Apprenez encore ceci : les cabarets des chiffonniers s'appellent bibines; les plus célèbres sont la casserole et l'abattoir. Donc, ô guinguettes, goguettes, bouchons, caboulots, bouibouis, mastroquets, bastringues, manezingues, bibines des chiffonniers, caravansérails des califes, ... V. Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 796.
21. [Un hôtel garni de Paris, fréquenté par la crapule, a pour sobriquet] l'abattoir. L. Rigaud, Dict. de l'argot moderne,1881, p. 191.
22. Abattoir. − Cercle de jeu. On y immole en effet force pigeons (= « dupes »). G. Fustier, Suppl. au dict. de la langue verte d'A. Delvau,1883.
23. Marché aux veaux : le promenoir des Folies-Bergères [nommé] aussi la halle à la viande ... [et] l'abattoir (Argot des filles) ... N[ouveau]. Ch. Virmaître, Dict. d'argot fin de siècle,suppl., 1899, p. 135.
Prononc. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [abatwa:ʀ]. Enq. : /abatwaʀ/. 2. Dér. et composés : cf. abattre. 3. Hist. − Le mot apparaît pour la 1refois ds Ac. 1798 Suppl. 1835, sous sa forme actuelle. On le rencontre cependant dès le xvies. sous la forme abatoir, sans redoublement de t (cf. étymol.).
ÉTYMOL. − 1. xvies. « partie de muraille, abattue, permettant l'accès » (Chron. bordelaise, 1, 274, Delpit ds R. hist. litt. Fr., 1, 178 : Comme Sa Majesté fut arrivée à Chaliot, se tournant vers la dicte ville : « Je n'entreray jamais [dit le roi] dans ton enceinte que par l'abatoir d'une grande et mesurable breche »); 2. 1813 « lieu destiné à l'abattage des animaux de bouch. » terme de bouch. (V. de Jouy, L'Hermite de la chaussée d'Antin, éd. Pillet, t. 4, p. 353 : L'« abattoir » situé au haut du faubourg Montmartre est à peu près terminé); 1818 « id. », emploi fig. (F.-R. de Chateaubriand, Opinion sur le projet de loi relatif à la liberté de la presse, pp. 261-262 : Où se trouve donc le véritable esprit de la France? Est-il représenté ... par des censeurs amovibles, assis sur les escabelles de M. de Corbières, dans un abattoir où l'on assomme à huis clos l'opinion?) Dér. du thème verbal de abattre* 1, sens propre; suff. -oir*. HISTORIQUE I.− Disparition av. 1789. − « Ce qui est abattu » (cf. abattre, sens propre), une attest. isolée, xvies. (cf. étymol. 1). II.− Sens et emplois attestés apr. 1789. − A.− « Lieu destiné à l'abattage des animaux », 1reattest. 1806 (cf. étymol. 2) subsiste (cf. sém. A). B.− « Lieu de massacres humains » (emploi créé p. anal. avec le sens précédent), 1reattest. 1855 (Soldats de Crimée ds Esn.), subsiste (cf. sém. B). C.− Emplois arg. − Apparus au xixes., ils sont cités ci-dessous dans l'ordre chronol. de leur apparition : 1. « guillotine », 1reattest. 1847 (cf. ex. 15); 2. « atelier », 1reattest. 1870 (Esn.); 3. « lieu mal fréquenté », 1reattest. 1894 (Id.); 4. « (audience de) tribunal correctionnel », 1reattest. 1898 (cf. ex. 14).
STAT. − Fréq. abs. litt. : 172.
BBG. − Blanche 1857. − Bouillet 1859. − Chabat 1875-76. − Comm. 1837-39. − Littré-Robin 1865. − Mont. 1967. − Privat-Foc. 1870. − Réau-Rond. 1951. − Spr. 1967.