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CHANT1, subst. masc.
I.−
A.− MUS. VOCALE. Intonation particulière de même nature que celle de la parole, à la différence que dans le chant la voix s'élève et s'infléchit bien davantage en modulant sur les différents degrés de l'échelle diatonique accessibles au registre du chanteur. Un virtuose du chant; un maître de chant; les vocalises du chant :
1. Il n'y a qu'une manière d'imaginer un chant, c'est de le chanter. Et si la belle pense à un pas de danse, regardez ses talons. Et le poète n'imagine pas un beau vers, il le fait. La parole, le chant, la danse sont des choses réelles dans le monde, des choses que l'on entend ou que l'on voit. Alain, Propos,1930, p. 931.
B.− P. méton. [Suivi d'un adj. déterminatif ou d'un compl. déterminatif prép. de] Composition musicale destinée à la voix.
1. Genre particulier de la musique vocale. Chant ambrosien, choral; chant d'église, d'opéra; chant folklorique, liturgique. Il révisa le chant grégorien dont les chantres avaient altéré les textes (Huysmans, L'Oblat,t. 1, 1903, p. 281):
2. Les deux souverains ayant pris leur place accoutumée, l'office commence par le beau chant des psaumes qu'accompagne l'assistance toute entière. C'est le plain-chant du moyen âge, où vibre encore l'âme du peuple. Michelet, Sur les chemins de l'Europe,1874, p. 331.
3. ... en les entendant, Durtal jaillissait, transporté hors de lui-même par ce chant étrange et pénétrant; c'était une sorte de mélopée courant dans le récit, revenant avec des retours flottants de ritournelles; ce chant était monotone et angoissant et presque câlin, aussi; et cette impression de bercement et de peine, on l'éprouvait également pendant les lamentations de ténèbres, chantées sur quelques tons à peine, ... Huysmans, L'Oblat,t. 2, 1903, p. 63.
2. Type particulier de chant. Chant d'adieu, de deuil, de marche, de triomphe, de victoire; chant patriotique, populaire, profane, religieux, révolutionnaire, sacré. C'étaient [les forgerons du Smiasen révoltés] des hommes (...) qui marchaient (...) sans autre chant de guerre que les psaumes et les cantiques de la bible (Hugo, Han d'Islande,1823, p. 391).Un chant flamenco monta : guttural, intense, il tenait du chant funèbre et du cri désespéré des caravaniers (Malraux, L'Espoir,1937, p. 535):
4. ... Vous qui chantez − c'est votre chant − vous qui chantez tous bannissements au monde, ne me chanterez-vous pas un chant du soir à la mesure de mon mal? un chant de grâce pour mes lampes, un chant de grâce pour l'attente, ... Saint-John Perse, Exil,Poème à l'étrangère, 1942, p. 285.
3. Procédé de chant. Chant alterné, polyphonique; chant en canon; chant en ison, ou chant égal, qui utilise seulement deux notes. Le chant antiphonique, ou à deux chœurs, chez les Grecs, répétait une même mélodie à l'octave supérieure (J. Combarieu, La Mus.,1910, p. 151).Comme un chant repris « en voix de tête » une octave au-dessus (Proust, Du côté de chez Swann,1913, p. 64).
4. Tel chant particulier. Le chant du Départ, de la Marseillaise; le chant des Pêcheurs de Perles. Le Chant des chants. Synon. du plus usuel le Cantique des cantiques.Ah! c'est le chant des chants, Démétrios! C'est le cantique nuptial des filles de mon pays. « J'étais endormie, mais mon cœur veillait, c'est la voix de mon bien-aimé... » (Louÿs, Aphrodite,1896, p. 178).
En compos. Guide-chant. Le maître fait marcher de pair l'enseignement du solfège et les exercices vocaux accompagnés le plus possible au piano ou, à défaut, au guide-chant (L'Enseign. en France. L'enseign. de la mus. et l'éduc. musicale, 2, 1950, p. 11).
Expr. fig. Le chant des sirènes. Un langage séduisant et trompeur.
II.− P. ext.
A.−
1. Usuel [En parlant d'oiseaux ou d'insectes] Chant de l'alouette, du coucou, du rossignol, de la tourterelle; chant des cigales, du grillon.
Loc. fig. Le chant du cygne. Dernière composition, supposée la plus belle, d'un artiste ou d'un poète, par allusion à la légende de l'Antiquité suivant laquelle le cygne chanterait au moment de sa mort.
P. ext. On peut dire que la Chambre des pairs eut son chant du cygne dans ce dernier discours de M. de Montalembert (Sainte-Beuve, Causeries du lundi,t. 1, 1851-62, p. 87).
2. [En parlant de phénomènes de la nature] Le chant des arbres, de l'eau, des fontaines, de la mer, du vent. Ô bruit doux de la pluie Par terre et sur les toits! Pour un cœur qui s'ennuie, Ô le chant de la pluie! (Verlaine, Romances sans paroles,Ariettes oubliées, 1874, p. 14).Le chant grave de la forêt ondulait lentement et frappait là-haut dans le nord, contre les montagnes creuses (Giono, Le Chant du monde,1934, p. 17).
Spéc. Le chant du grisou. Un petit bruissement (...) que les mineurs appellent chant du grisou. On dit également que le gaz frise (J.-N. Haton de La Goupillière, Cours d'exploitation des mines,1905, p. 708).
3. Tout bruit assez agréable. Le chant des fourchettes, des machines, d'une scie. Le chant modulé de la lampe qui file (Giono, Colline,1929, p. 133).J'entendis s'éteindre sur la grand-route le chant du moteur (P. Vialar, Le Bon Dieu sans confession,1953, p. 168).
B.− MUS. INSTRUMENTALE
1. Littér. Mélodie très harmonieuse. Le chant de la flûte, des guitares :
5. Et un chant perçait déjà l'air, chant de sept notes, mais le plus inconnu, le plus différent de tout ce que j'eusse jamais imaginé, à la fois ineffable et criard, non plus roucoulement de colombe comme dans la sonate, mais déchirant l'air, (...) quelque chose comme un mystique chant du coq, un appel, ineffable mais suraigu, ... Proust, La Prisonnière,1922, p. 250.
2. Spéc. Partie d'une composition de musique instrumentale exprimant la mélodie principale. Le chant de la main droite. Le chant de violon s'exprime en ut majeur, dans la tonalité la plus apaisée (R. Rolland, Beethoven,t. 2, 1928, p. 389).Il suivait le chant du piano avec une attention de toutes les fibres (G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Jardin des bêtes sauvages, 1934, p. 24):
6. Les mêmes personnes [les amateurs], dans l'exécution d'un morceau de piano à 4 mains, disent « jouer le chant » pour jouer la partie supérieure, celle qui est notée en clef de sol, parce que, dans la musique moderne, la mélodie se trouve le plus souvent placée à l'aigu. M. Brenet, Dict. pratique et historique de la mus.,1926, p. 66.
C.− LITTÉRATURE
1. Poème lyrique ou épique; partie d'un poème. Une épopée en vingt-quatre chants. Pour lui [Byron], en écoutant le troisième chant de Childe Harold, il fut ému et découragé (Maurois, Ariel ou la Vie de Shelley,1923, p. 212).Homère, au chant XVI de l'Odyssée, montre Ulysse et le divin porcher préparant le repas du matin (Arts et litt. dans la société contemp.,1935, p. 6401).
Au plur. Les chants du poète; les chants du Crépuscule de V. Hugo.
2. Ce qui constitue la poésie : l'euphonie verbale, le rythme. Le chant des mots; le chant d'un style. Le poète est celui qui dit par le chant et par une magie particulière son dialogue avec l'univers (Béguin, L'Âme romantique et le rêve,1939, p. 146):
7. Que ma parole encore aille devant moi! et nous chanterons encore un chant des hommes pour qui passe, un chant du large pour qui veille : ... Saint-John Perse, Exil,Pluies, poème numéro 6, 1942, p. 252.
8. Un chant jusque-là inouï fait éclater le chant du vers classique. La modulation déplace le rythme, suspend un instant la voix comme perdue dans la solitude du veuvage éternel, et prolonge le récitatif par l'ampleur du mot qui s'étend à la rime sur un espace de désolation − tandis qu'au vers suivant se lève aux confins du rêve un personnage de légende détruite : Je suis le ténébreux, − le veuf, − l'inconsolé, le prince d'Aquitaine à la tour abolie... M.-J. Durry, Gérard de Nerval et le mythe,1956, p. 167.
III.− P. métaph. [Le chant; expression d'un contenu]
A.− Le chant en tant que parole musicale exprimant dans une composition lyrique les désirs, la nostalgie, la joie, tous les sentiments de l'âme humaine. Beau chant, chant triste; chant d'amour. Le chant de Sole Mio s'élevait comme une déploration de la Venise que j'avais connue, et semblait prendre à témoin mon malheur (Proust, La Fugitive,1922, p. 653):
9. ... le charme désespéré mais fascinateur de ce chant. Chaque note que lançait la voix du chanteur avec une force et une ostentation presque musculaires venait me frapper en plein cœur. Quand la phrase était consommée en bas et que le morceau semblait fini, le chanteur n'en avait pas assez et reprenait en haut comme s'il avait besoin de proclamer une fois de plus ma solitude et mon désespoir. Proust, La Fugitive,1922p. 654.
10. ... le chant qui conjure et célèbre. Orphée est le dieu du Chant : (...); le chant est existence. Célébrer, c'est cela! être dont l'office est de célébrer. Ricœur, Philos. de la volonté,1949, p. 446.
SYNT. Chant doux, mélancolique, mystérieux, plaintif, pur, suave.
B.− Ce qui monte, s'élève, s'exhale d'un pays, d'une œuvre d'art, d'un ensemble, d'une personne; ce qui se dégage de particulier ou d'essentiel. Le Chant général (titre d'une œuvre de P. Neruda); le Chant du monde (titre d'une œuvre de J. Giono). Il y avait un chant triste au bord de tout (J. Bousquet, Traduit du silence,1935-36, p. 173).Le chant de la terre entière (Camus, Noces,1938, p. 88).Trop longtemps il n'avait entendu que le chant profond de son propre cœur (Guéhenno, Jean-Jacques,En marge des « Confessions », 1948, p. 145).Derrière eux, les klaxons, les sifflets, les sirènes : un ramage d'oiseaux de fer, le chant de la haine (Sartre, La Mort dans l'âme,1949, p. 16).Le musée imaginaire est le chant de l'histoire (Malraux, La Voix du silence,1951, p. 622):
11. ... elle [Donna Marie] parle, et voici que, douce, timide, toujours soumise, elle devient forte, et d'une voix nette desséchée, elle dit tous ses griefs, ce qu'elle a deviné (...). C'est le chant de la fierté, du naturel dédain, de l'antique et claire hauteur. Antoine ne reconnaît pas son amie plaintive et penchée. A. de Noailles, La Domination,1905, p. 167.
12. Nous l'aimons [Pascal] parce que cette sensibilité qui s'exhale de son œuvre c'est le chant de notre destinée morale, c'est un phare où s'oriente notre destin. Barrès, Mes cahiers,t. 7, 1907, p. 203.
13. Le chant grave des espaces intérieurs de Sainte-Sophie, et des hypogées d'Égypte, de la mosquée impériale d'Ispahan et des bas-côtés de la cathédrale de Bourges, donne tout leur sens à la colonnade de Karnak et à celle du Parthénon, aux tours épiques de Laon, à la place du Capitole... Malraux, La Voix du silence,1951, p. 625.
SYNT. Le chant des colonnes, du désert, du silence; le chant des couleurs; le chant de l'absence, de la reconnaissance.
C.− Expression de la beauté, du bonheur. [Sertorius :] ... sans toi, ma fille, je ne jouirais de rien au monde (...) Tu es le soleil qui éclaire tout; tu fais le chant de ma vie! (O. Feuillet, Scènes et comédies,1854, p. 82).[Dans le Moulin de la Galette, par Renoir] il y a là un chant de la lumière, un hymne de joie, (...) le poète a transfiguré le vrai (C. Mauclair, Les Maîtres de l'impressionnisme,1904, p. 131).
Rem. On rencontre ds la docum. le subst. masc. chantement (prob. un occitanisme). Chant. Le chantement pieux des petites filles porteuses de roses et de lys sur les pavés doux et naïfs (Jammes, Correspondance avec A. Gide, 1893-1938, p. 50).
Prononc. et Orth. : [ʃ ɑ ̃]. Ds Ac. 1694-1932. Homon. champ. Étymol. et Hist. 1. Début xiies. « émissions de sons musicaux par la voix humaine » (Psautier Oxford, 68, 35 ds T.-L.); 1541 « genre particulier de musique vocale » chants à quatre parties (Calv[in], Instit., 711 ds Littré); 1690 partie mélodique de la musique (Fur.); 2. fin xiiies. p. anal. chant des oisiaus (Clef d'amour, éd. Doutrepont, 2597); xives. « jeu d'un instrument » (Batard de Bouillon, 3521 ds T.-L.); 1857 son mélodieux d'un instrument [le] chant des violons (Baudelaire, Les Fleurs du mal, p. 169); 3. 1521 [date de composition] Chant Royal « poème à forme fixe, composé de 5 couplets construits sur les mêmes rimes et terminés par un refrain » (Cl. Marot, Chant Royal de la Conception nostre Dame ds Œuvres diverses, éd. Mayer, p. 175); 1644 division d'un poème épique (Scarron, Le Typhon ou la Gigantomachie, [éd. 1786] : chant premier, chant second, etc.). Du lat. class. cantus « chant d'un humain, d'un oiseau », « son d'un instrument », « poème ». Bbg. Gottsch. Redens. 1930, p. 106. − Guiraud (P.). Mél. d'étymol. arg. et pop. Cah. lexicol. 1970, t. 17, p. 6.