SÛR, SÛRE, adj.
Étymol. et Hist. I. A. 1. 1100 « qui est en sécurité » (
Roland, éd. J. Bédier, 562:
Soürs est Carles, ne crent hume vivant);
2. 1176-81 se dit d'un endroit où l'on ne court aucun danger (
Chrétien de Troyes,
Chevalier de la Charrete, éd. M. Roques, 2149); 1447
lieu seur et sauf (
Cartulaire de l'abbaye de Flines, éd. K. Ewald, p. 337); 1549
en lieu seur (
Est.); 1531
il n'y faict poinct seur (
Marguerite d'Angoulême,
Lettres, n
o97, éd. F. Genin, 1841, p. 278);
3. a) fin
xiie-déb.
xiiies. se dit de ce qu'il est impossible de mettre en doute (
Jean Bedel,
Del Couvoiteus et de l'envieus éd. Montaiglon et Raynaud, t. 5, p. 211: que ce fu veritez
seüre); 1657
il est donc sûr que (
Pascal,
Les Provinciales, p. 330); 1679, 29 nov.
il n'y a rien de si sûr que (M
mede Sévigné,
Corresp., éd. R. Duchêne, t. 2, p. 753); 1689, 27 nov.
ce qui est sûr, c'est... (
Id.,
ibid., t. 3, p. 765); 1690, 30 juill.
ce qu'il y a de sûr, c'est... (
Id.,
ibid., p. 924);
b) empl. subst. 1580
le plus seur (
Montaigne,
Essais, I, 5, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 26); 1656, 20 mars (
Pascal,
op. cit., V, p. 84: je cherche le
sûr);
4. 1215-35 « sur quoi l'on peut compter, fiable » (
Le Roman de Tristan, éd. R.-L. Curtis, p. 209, 420-423: l'armerent des meillors armes et des plus
seüres); 1655
remède sûr (
Pascal,
L'Esprit géométrique, p. 123);
5. fin
xves. fig. « qui produit les résultats escomptés » (J.
Molinet,
Faictz et Dictz, éd. N. Dupire, t. 1, p. 342: Vous n'eustes point l'avys, notez ce point, De mettre a point une cheville
seure, Pour, sans tomber, estre tousjours asseure);
α) 1662
c'est un jeu sûr pour (
Pascal,
Pensées sur la Religion, p. 53); 1679
à jeu sûr (Cardinal de
Retz,
Mémoires, t. 1, p. 242);
id. jouer à jeu sûr (
Id.,
ibid., t. 2, p. 539);
β)1686
à coup sûr (P.
Bayle,
Comment. Philos. Paroles J.-C., p. 457); 1770
parier à coup sûr (Abbé F.
Galiani,
Dialogues sur commerce Bleds, p. 201); 1782
jouer à coup sûr (
Mercier,
Tableau de Paris, t. 1, p. 246);
γ) 1738
affaire sûre (J.-B. D'
Argens,
Lettres juives, p. 188) .
B. 1. 1100 « qui a reçu une garantie » (
Roland, 549:
soürs est Carles, que nuls home ne crent);
2. ca 1165
sëurs de + subst. « qui sait d'une manière certaine » (
Benoît de Ste-
Maure,
Troie, éd. L. Constans, 21268:
sëurs puet estre de la mort); spéc. 1680
seur de son fait (
Rich.);
α) ca 1170
sëure que (
Chrétien de Troyes,
Erec et Enide, éd. M. Roques, 4332); 1176
certainne et seüre que (
Id.,
Cligès, éd. A. Micha, 3087); 1751
ne pas être sûr que (l'abbé
Prévost,
Lettres angloises, t. 3, p. 462);
β) 1655
être sûr de + inf. (
Pascal,
L'Esprit géométrique, p. 144); 1674, 29 janv.
sans être sûr de + inf. (M
mede Sévigné,
op. cit., t. 1, p. 684);
3. a) 1176-81 se dit d'une personne en qui on a confiance (
Chrétien de Troyes,
Chevalier du Lyon, éd. M. Roques, 4784: Et cele qui estoit
seüredel meillor chevalier del monde);
b) 1690
être sûr de soi (Le Père G.
Daniel,
Voiage au monde de Descartes, p. 114).
C. 1. Ca 1165 « sur qui on peut compter » (
Benoit de Ste-
Maure,
op. cit., 28949); 1481-91
seurs chiens (
Jacques de Brezé,
La Chasse, éd. G. Tilander, p. 31);
2. a) 1549 « qui agit avec efficacité » (
Est.,
s.v. main: main
seure); 1672, 5 févr. fig. (M
mede Sévigné,
op. cit., t. 1, p. 431: les voilà retombés en main
sûre et chrétienne);
b) 1690 (
Fur.: ce cheval est
seur du pied, il ne bronche point);
3. 1685 « qui ne se trompe pas »
goût sûr (
La Fontaine,
Philemon et Baucis, 165); 1719
jugement sûr (
La Motte,
Fables, 102); 1754
un coup d'œil sûr (Ch.
Bonnet,
Essai de psychol., p. 134).
II. A. Adv. 1160-70 (
Béroul,
Tristan, éd. E. Muret, 2442).
B. Loc. adv.
1. ca 1160
estre a seür (
Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 1510);
ca 1170
tot a seür (
Chrétien de Troyes,
Erec et Enide, éd. M. Roques, 2775);
2. 1176
savoir de seür (
Id.,
Cligès, 1985);
3. 1665
pour sûr (
La Fontaine,
Contes, Le Mari confesseur, éd. H. Regnier, t. 4, p. 104); 1888
pour sûr que (
Courteline,
Train 8 h. 47, p. 173);
4. 1782
bien sûr (
Laclos,
Liaisons dangereuses, p. 96); 1886
bien sûr que (
Zola,
L'Œuvre, p. 173);
5. 1783
sûr, très sûr (
Jacquot et Colas duellistes, 39 ds
Quem. DDL t. 19); 1846
pas sûr (
Dumas père,
Monte-Cristo, t. 1, p. 492);
6. 1791, 24 juin
sûr que (H.
Ferrières,
Correspondance ds
Rec. textes hist., p. 35). Du lat.
securus « libre de soucis » d'où « confiant, assuré », en parlant de choses « qui ne cause pas de soin, de souci », comp. de
sē
prép. arch. marquant la privation et
cura « soin, souci ».