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RAISON, subst. fém.
Étymol. et Hist. Fin xes. « parole, langage, récit » vera raizun (Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 1), en a. et m. fr.; I. A. 1. fin xes. « ce qui est conforme à la justice, l'équité » de raizon « à juste titre, à bon droit » (ibid., 445); 1135 « ce qui revient à quelqu'un, son droit » (Couronnement Louis, éd. Y. G. Lepage, rédaction AB, 2100); d'où les expr. a) ca 1130 est resun que « il est juste que » (Lois de Guillaume, éd. J. E. Matzke, 4); 1203 est bien raisons que (Chastellain de Couci, Chansons, éd. A. Lerond, I, 2); 1450 c'est bien la raison que (Myst. vieux Testament, éd. J. de Rothschild, 28179); b) 1532 contre raison (Rabelais, Pantagruel, éd. V. L. Saulnier, XVIII, ligne 9, p. 145: il a faict follement et contre raison de assaillir ainsi mon pays); 1604 contre toute raison (Montchrestien, Les Lacènes, acte I ds Tragédies, éd. L. Petit de Julleville, p. 162); c) 1535 comme de raison « comme il est juste » (J. d'un bourgeois de Paris sous François Ier, éd. V. L. Bourrilly, p. 378); d) 1549 plus que de raison (Est.); e) 1656 à telle fin que de raison (Scarron, Léandre et Héro, 55 ds Œuvres, Paris, J. F. Bastien, t. 7, p. 289); f) 1690, 4 janv. il n'y a point de raison « cela est sans mesure » (Mmede Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, t. III, p. 800); g) 1694 dr. pour valoir ce que de raison (Ac.); 2. ca 1170 « ce qui est conforme à la vérité, à la réalité » avoir reison... de + inf. « être fondé à dire ou à faire quelque chose » (Chrétien de Troyes, Erec et Enide, éd. M. Roques, 644); a) ca 1180 aveir tort... aveir raison (Marie de France, Fables, 88, 11 ds T.-L.); b) 1775 donner raison à qqn (Beaumarchais, Barbier, II, 2); c) 1797 à tort ou à raison (Sénac de Meilhan, Émigré, p. 1585). B. 1. Ca 1170 « faculté de bien juger » reisun entendre (Marie de France, Lais, éd. J. Rychner, Equitan, 307); d'où expr. a) 1544 mettre qqn à la raison (Bonaventure des Périers, Nlles récréations, éd. K. Kasprzyk, LII, p. 206); en partic. 1673 « réduire quelqu'un par la force » (Hauteroche, Crisp. méd., I, 2 ds Littré); b) 1690 l'âge de raison (Bossuet, 8eAvert., 12, ibid. [1534, Rabelais, Gargantua, éd. R. Calder, XII, ligne 115, p. 92: tu as de raison plus que d'aage]); c) 1692 parler raison (Bouhours, Rem. nouv. sur la lang. fr., p. 63); 2. ca 1170 « intelligence discursive » (Chrétien de Troyes, op. cit., 10); d'où a) 1641 être de raison « qui n'existe que dans la pensée » (Descartes, Réponses aux 2esobjections ds Œuvres philos., éd. F. Alquié, t. II, p. 557: Dieu [...] n'est qu'un Etre de raison); b) 1826 mariage de raison (Scribe, Varner, Mariage raison, I, 10, p. 393: je contracterai un mariage de raison); 3. ca 1175 « la connaissance naturelle, ici opposée à l'amour » (Chrétien de Troyes, Chevalier Charrette, éd. M. Roques, 365 et 371); apr. 1433 c'est contre Dieu et raison (Jean Regnier, Fortunes et adversitez, Le Livre de la prison, éd. E. Droz, 4625, p. 162); en partic. 1665 « au xviiies., les acquisitions de la philosophie des lumières » (Saint-Evremond, Conversation maréchal d'Hocquincourt avec P. Canaye [in Guerlac] ds Rob.); 4. ca 1200 « règle de la pensée et de l'action humaine qui permet à l'homme de réfléchir, de connaître; bon sens » (Chanson Guillaume, éd. J. Wathelet-Willem, 1479); d'où expr. a) 1559 perdre la raison (Grévin, La Trésorière ds Théâtre compl. et poés. choisies, éd. L. Pinvert, p. 110); b) 1796 recouvrer la raison (Dupuis, Orig. cultes, p. 208); 5. ca 1210 « ensemble des principes directeurs de la pensée » vivre selonc reson (Guiot, Bible, 49 ds Gdf. Compl.); en partic. a) 1810 raison pure « chez Kant, tout ce qui dans la pensée ne résulte pas de l'expérience » (Staël, Allemagne, t. 4, p. 121); b) 1831 raison spéculative (Lamennais ds L'Avenir, p. 274); 6. 1677 « faculté qui permet de saisir l'être véritable des choses; l'absolu lui-même » une raison première et universelle (Boss., Conn., V, 2 ds Littré). II. A. 1. Ca 1112 « cause, motif d'une action » par quel raisun (St Brendan, éd. I. Short et B. Merrilees, 343); d'où expr. a) ca 1170 sanz reisun (Marie de France, Lais, éd. J. Rychner, Bisclavret, 208); 1647 avec raison (Corneille, Héraclius, I, 4, p. 337); b) 1527 par plus forte raison (Isambert, Rec. gén. des anc. lois fr., t. 12, n o151, p. 301); 1580 à plus forte raison (Montaigne, Essais, éd. Villey-Saulnier, II, III, p. 350); c) 1609 la raison d'estat (M. Regnier, Satyres, XI, 27 ds Œuvres compl., éd. G. Raibaud, p. 131); d) 1789 il n'y a pas de raison pour (Sieyès, Tiers état, p. 34); 1802 ce n'est pas une raison pour (Baudry des Loz., Voy. Louisiane, p. 23); e) 1792 raison de plus (Florian, Fables, p. 199); 2. 1119 « ce qui rend compte de quelque chose, ce qui l'explique » (Philippe de Thaon, Comput, 2203 ds T.-L.); d'où expr. a) déb. xiiies. rendre raison [de qqc.] (Raoul de Houdenc, Vengeance Raguidel, 1008 ds Œuvres, éd. M. Friedwagner, t. II, p. 31); b) 1661 faire raison de qqc. « donner l'explication de quelque chose » (Molière, Les Fâcheux, II, 2, vers 331); c) av. 1755 se faire une raison (St-Sim., 296, 42 ds Littré); d) 1829 raison d'être (Cousin, Hist. philos. XVIIIes., p. 553: elles ont leur raison d'être); 3. déb. xiiies. « argument, preuve qu'on avance » tantes bieles paroles et tantes bieles raisons (Henri de Valenciennes, Hist. de l'empereur Henri de Constantinople, éd. J. Longnon, 692, p. 120); d'où expr. a) 1732 entrer dans les raisons de qqn (Lesage, Guzm. d'Alf., IV, 7 ds Littré); b) 1811 comparaison n'est pas raison (Jouy, Hermite, t. 1, p. 302); c) 1813 avoir des raisons avec qqn (J.-F. Rolland, Dict. mauv. lang., p. 115); 4. apr. 1433 « satisfaction que l'on réclame, que l'on obtient » a) faire raison et justice à qqn (Jean Regnier, op. cit., 1rerequête au duc de Bourgogne, 132, p. 174); 1604 pronom. se faire raison de qqn (Montchrestien, David, acte III ds Tragédies, éd. L. Petit de Julleville, p. 218); b) 1544 avoir la raison de qqn (Bonaventure des Périers, op. cit., LXXVIII, p. 277); 1819 avoir raison de qqn (Courier, Lettres Fr. et Ital., p. 887); c) 1580 avoir raison d'une offense (Montaigne, op. cit., I, XXIII, p. 118); d) 1580 demander raison de qqc. (Id., ibid., I, IX, p. 37); e) 1629 tirer sa raison de qqc. « se venger » (Corneille, Mélite, II, 3, vers 491). B. 1. Ca 1200 « compte » (Jean Bodel, Jeu St Nicolas, éd. A. Henry, 811 [mil. xiies. « taxe due » Jeu Adam, éd. W. Noomen, 711]); 1290 livre des Raisons (Charta [...] inter Probat. Hist. Sabol. pag. 346 ds Du Cange, s.v. ratiocinium); 1551 livre de raison (Cotereau, trad. Columelle, I, 8 ds Hug.); 2. 1637 « rapport existant entre deux quantités » (Descartes, Lettre à Huygens, 5 oct. ds Œuvres et Lettres, éd. A. Bridoux, p. 977: à cause que les circonférences ont même raison entre elles que les diamètres); d'où expr. a) 1734 en raison inverse (Voltaire, Lett. philos., XV ds Rob., s.v. inverse); b) 1805 en raison directe de (Cuvier, Anat. comp., t. 2, p. 447); c) 1834 en moyenne et extrême raison (ds Claris, Éc. polytechn., p. 263); d) 1840 la raison d'une progression (Proudhon, Propriété, p. 246: la progression arithmétique dont la raison est 3); 3. 1675 « part de chaque associé dans une société commerciale » la raison de la société (J. Savary, Le Parfait négociant, t. 1, chap. XL, p. 350); 1789 raison de commerce (Beaumarchais, Époques, p. 89); 1807 raison sociale (Code de comm., Paris, livre premier, p. 5). III. Loc. 1. a) 1466 loc. prép. à la raison de « sur la base de » (Jean de Bueil, Jouvencel, éd. L. Lecestre, t. 2, p. 190); cf. 1534 a raison de cent sols (Isambert, op. cit., n o199, p. 385); b) 1514 id. a raison de quoy « à cause de » (Le Grand coutumier de Fr. de 1514, publ. par E. Laboulaye et R. Dareste, Paris, 1868, p. 239); 2. 1546 loc. conj. pour cette raison que (Rabelais, Tiers Livre, éd. M. A. Screech, XX, ligne 41, p. 146); 3. a) 1748 loc. prép. en raison de « à proportion de » (Montesquieu, Esprit des lois, VII, 1, éd. J. Brethe de La Gressaye, t. I, p. 180); b) 1797 id. « à cause de » (Sénac de Meilhan, Émigré, p. 1576: en raison de sa sensibilité). Du lat. rationem, acc. de ratio, propr. « calcul, compte » d'où le sens B 1 livre de raison « livre de compte » usuel jusqu'au xvies.; à partir du sens du lat. class. « justification, argument qui justifie une action » se développe celui de « dispute, discussion » (testament de 615 ds FEW t. 10, p. 113b) d'où enfin « parole, discours » att. en fr. dès la fin du xes. (supra), sens qui s'est maintenu jusqu'au xvies. bien qu'en France, le lat. médiév. ne soit pas att. (mais au xes. chez Hrotsvitha, v. FEW loc. cit. et Flasche, Die begriffliche Entwicklung des Wortes ratio... ds Leipz. Stud. t. 10, p. 57); du sens de « argument, preuve, justification » on arrive à celui de « ce qui est de droit, d'équité », au vies. Leges Burgundionum, 163, 4 (FEW t. 10, p. 114a, v. aussi Flasche, op. cit., p. 31); de même, à partir du sens de « argument » on trouve déjà en lat. class. (Cicéron, Pro Murena, 17, 36) celui de « point de vue acceptable, explication d'un phénomène », distinguant par là ratio de causa « cause réelle »; la philos. médiév. confondant ces deux concepts, cette distinction se perd au Moy. Âge et c'est à la Renaissance, à la faveur de l'empr. de cause que raison retrouve le sens utilisé par Cicéron; enfin le lat. class. connaît aussi le sens de « faculté de connaître le vrai », dû au double sens du gr. λ ο ́ γ ο ς « compte; faculté de connaître ». On retrouve ce même développement de sens dans les autres lang. rom., v. FEW t. 10, p. 114b.