RÉSERVE, subst. fém.
Étymol. et Hist. A. 1. 1342 « clause qui modifie et limite un document contractuel » (
Comptes de travaux exécutés en Saintonge, 11 ds
Delb. Notes mss);
2. a) mil.
xves.
sans quelconque réserve « sans aucune restriction » (
G. Chastellain, Epistre au Duc de Bourgogne, Œuvres, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 6, p. 150);
b) 1628 « restriction, exception » (
Stoer, Dict. fr. all. lat., f
o311 v
o);
c) 1629
à la réserve de « à l'exception de » (
G. de Balzac, Lettres, 41,
Œuvres, éd. 1665, t. 1, p. 310);
d) 1671
à la réserve que « sauf que » (
Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, t. 1, p. 254);
e) 1804
sous réserve (
Code civil, art. 601, p. 111); 1843
sous toute réserve (
Nerval, Corresp., éd. J. Marsan, 1911, p. 145).
B. 1. 1561
avoir en réserve « avoir encore, garder » (
G. Chastellain, Déprécation pour Pierre Brézé, Œuvres, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 7, p. 41);
2. 1535
hommes de réserve (
Calvin, Institution, Epistre au roy, éd. J.-D. Benoît, t. 1, p. 42); 1667
corps de réserve (
Arnaud d'Andilly, Mém., t. 1, p. 353); 1740
la réserve de l'armée (
Mably, Parall. rom. fr., t. 2, p. 116);
ca 1791
réserve nationale (
Projet de décret, Arch. Parl., 1
èreSer. t. L, p. 718, col. 2 ds
Brunot t. 9, p. 930);
3. a) 1550 « conservation pour plus tard, provision »
vin de réserve (
Ronsard, Odes, II, XIV,
Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 1, p. 216); 1555
mettre en réserve (
Id., Meslanges, ibid., t. 6, p. 162);
b) 1588 plur. « biens, sommes d'argent pour plus tard » (
Montaigne, Essais, I, XIV, éd. P. Villey, p. 64);
cf. aussi 1580 sing. « biens (gardés pour les héritiers) » (
Id., ibid., II, XXXVII, p. 784);
c) 1636 « attribution, du vivant du possesseur, d'une partie d'une succession indépendamment des décisions du testateur » (
Monet);
d) 1704 « hosties consacrées que l'on garde » (
Bossuet, Méd. sur l'Évangile, p. 433);
e) 1752 « cartes mises à l'écart pour tricher » (
Trév.);
4. a) 1765 « zone forestière gardée pour une exploitation ultérieure »
réserve de bois ou
bois de réserve (
Encyclop. t. 14);
b) 1798 (
Ac.: On appelle, en terme de chasse,
Réserve ou canton de réserve, Un canton qui est réservé pour celui à qui la chasse appartient);
c) 1832 « partie d'un domaine exploitée directement par le maître ou en son nom, non divisée en tenures » (
Sand, Indiana, p. 90);
d) 1854 bibl. (
Nerval, Filles feu, Angélique, p. 512);
e) 1868 « territoire réservé aux indigènes dans un pays colonisé par des européens » (
Verne, Enf. cap. Grant, t. 2, p. 168);
5. a) 1804 « partie d'un objet que l'on recouvre par badigeonnage ou impression d'un produit le protégeant d'une teinture, d'une encre ou d'un acide de gravure » (
Stendhal, Journal, t. 1, p. 54);
b) 1828 p. méton. « produit que l'on met pour protéger ces parties » (
Doin, Dict. teint., p. I);
6. 1831 « endroit où sont entreposées les choses en réserve » ici « vaisseau désarmé faisant fonction de magasin mobile auprès d'autres navires » (
Will.); 1854 (
Frey Typogr.:
Réserve. − 1. On nomme ainsi les armoires ou autre partie du local où l'on emmagasine les paquets de distribution, etc.).
C. 1549 « avantage, prérogative ou exclusivité donnée à quelqu'un » (
Est.); 1560 spéc. « exclusivité pour remettre certains péchés graves » (
cf. cas réservés) (
Calvin, op. cit., III, IV, éd. J.-D. Benoît, t. 3, p. 106).
D. 1664 « limitation à son expression, circonspection » (
Sévigné, op. cit., t. 1, p. 70); 1751
être sur la réserve (
Prévost, Lettres angloises ou hist. de Clarisse Harlove, t. 2, p. 119). Déverbal de
réserver* qui traduit souvent le lat.
reservatio (v.
réservation1). Au sens B 4 e, traduit l'angl.
reservation (1789 aux États-Unis ds
DAE et
Americanisms, v. aussi
NED Suppl.2pour les empl. au Canada, en Afrique et en Australie).