MÉTIER, subst. masc.
Étymol. et Hist. I. 1. 881
lo Deo menestier «le service divin (spirituel, liturgique, pastoral)» (
Eulalie, 10, ds
Henry Chrestomathie, p. 3); 2
emoitié
xes.
mistier (
St Léger, éd. J. Linskill, 81: Et sancz Lethgiers fist son
mistier, Missae cantat, fist lo mul ben; 103: Et sancz Lethgiers fist so
mistier, Ewrui prist a castïer);
2. «fonction, service»
a) ca 1050 (
St Alexis, éd. Chr. Storey, 376); 1130-40 (
Wace,
Ste Marguerite, éd. E. A. Francis, 403: Au deable se retorna, Hardiement li demanda, Son nom et ses
mestiers);
ca 1165 (
Guillaume d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 1824: ... uns forestiers Cui la baillïe et li
mestiers Estoit de le forest garder); 1
erquart
xiiies. en parlant de la fonction de roi (
Renclus de Molliens,
Carité, 32, 7 ds T.-L.);
b) ca 1170
femme de mestier «prostituée» (
Marie de France,
Lais, éd. J.Rychner,
Guigemar, 515) [
cf. ca 1170
dameisele menestrale «
id.»,
Rois, éd. E. R. Curtius, III, III, 16, p. 117];
3. exercice d'une profession, d'un art
a) demandant un certain savoir-faire
α) 1160-74 en parlant du métier des armes (
Wace,
Rou, éd. A. J. Holden, II, 3226);
ca 1280 (
Adenet le Roi,
Cleomadès, éd. A. Henry, 16018: Car d'armes est teus li
mestiers Que il i couvient aperté);
β) ca 1170 (
Marie de France,
Lais, Milun, 181: Jeo sui uns huem de tel
mestier, D'oisels prendre me sai aidier); 1174-87 (
Chrétien de Troyes,
Perceval, éd. F. Lecoy, 5698: ... ovriers, Qui feisoient divers
mestiers, Si com li
mestier sont divers: cil fet hiaumes et cil haubers, Et cil lances et cil blazons)
b)procurant une rémunération
ca 1200 (
Aiol, 971 ds T.-L.: Il vous aprendera quir a taillier; vous viverés mout bien de cest
mestier);
4.ca 1165 «manière de procéder, d'agir, d'en user» (
Benoît de Ste-
Maure,
Troie, 24094
ibid.);
5. a) ca 1180
genz de mestiers «ceux dont le métier exige des connaissances, les lettrés» (
Proverbe au vilain, 229, 1 ds T.-L.);
ca 1260 (
Philippe de Novare,
Quatre âges, éd. M. de Fréville, 213 : cil de
mestier sont mout grant genz; car cil qui ont les soverains mestiers, ce sont prestres et clers);
b) début
xves.
gens de mestier «artisans» (
Livre des faicts du Maréchal de Boucicaut, ds
Michaud et
Poujoulat,
Mém. relatifs à l'Hist. de Fr., II, 10, t. 2, p. 266b); fin
xve-début
xvies.
gens de mestier «ouvriers» (
Ballade des Haulx-Bonnets ds
Anc. poésies fr., éd. A. de Montaiglon, t. 4, p. 332);
6. ca 1316
les mestiers «les gens de métier, les corporations» (
Geffroy,
Chron. métr. 5078 ds T.-L.).
II. Ca 1200 «instrument servant à tisser les textiles» (
Jean Renart,
Escoufle, 4965,
ibid.: uns
mestier por gimples faire). Du lat.
ministerium «fonction de serviteur [
minister], service, fonction», spéc. «service divin» à l'époque class., puis, dans la langue chrét. «service de Dieu, ministère du service de Dieu; ministère de prêtre; sacerdoce; administration des sacrements»; du sens «service de la table» est issu, à basse époque et p. méton. ceux de «ustensile, objet de la table, vaisselle, vase» (
anno 136 ds
TLL s.v.) et de «mobilier» (
viiie-
ixes. ds
Nierm.); du sens de «service» sont issus au Moy. Âge ceux de 1. «usage, besoin» (861-882,
Hincmar de Reims ds
Nov. gloss., s.v.), d'où le sens, usuel en a.fr., de «utilité, besoin»
ca 1100
avoir mester [
a aucun] «(d'une chose) être utile, servir à» (
Roland, éd. J.Bédier 1742; début
xiies.
avoir mester d'aucune rien «d'une personne) avoir besoin de» (
Benedeit,
St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 1484),
2.«métier, profession» (864,
Capit. reg. Franc. ds
Nov. gloss.,
s.v.), d'où est dér. celui de «corps de métier» (
ca 961,
Folcuin,
ibid.).
Mestier repose sur un lat. vulg. *
misterium qui, plutôt qu'à une contraction de
ministerium, est dû à un croisement avec le lat.
mysterium dont les sens, dans la langue chrét., sont très voisins: «rites, célébration; les saints mystères, la messe» (
cf. F.
Blatt ds
Arch. Lat. Med. Aev. t. 4, 192, p. 80-81 qui explique comment le
ministerium et le
mysterium se sont confondus dans la personne du prêtre, serviteur [
minister] de Dieu, qui renouvelle le mystère [
mysterium] du Christ):
cf. mysterium au sens de
ministerium ds
Itala I
Cor., XII, 5:
divisiones mysteriorum «la diversité des ministères» [
Vulgate:
div. ministrationum] et
veCommodien,
Instr., II, 27, 1:
mysterium Christi, zacones, exercite casti [
= ministerium exercece] ds
TLL,
s.v mysterium, 1758, 12
sqq.;
cf. également le lat. médiév.
mysterium au sens de «table, étal» (
anno 1116 ds
Nov. gloss., s.v. mysterium (à rapprocher de
ca 1200
mestier «table» ds T.-L.) et l'a.fr.
mistere «métier» (doc. 1334 ds
Gdf.).