MAIS1, conj. de coordination
Étymol. et Hist. I. Adv.
A. Temporel
1. 2
emoitié
xes.
ja non...
mais «jamais plus ... ne»;
ca 1130
ja mais «à partir de maintenant et dans l'avenir», v.
jamais;
2. a) fin
xes.
magis [+ imparfait du subj.]«à un moment, un jour (dans le passé)» (
Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 88);
ca 1100
mais [+ fut.] «à l'avenir, désormais» (
Roland, éd. J. Bédier, 543);
b) ca 1050
mais ... ne, ne ... mais «ne plus jamais, ne plus» (
St Alexis, éd. Chr. Storey, 36: Quant veit li pedre que
mais n'avrat amfant; 187: ,,Certes`` dist il, ,,
n'i ai
mais ad ester``);
3. ca 1100
unkes mais ne [+ parfait] «jamais, jamais encore (durée indéfinie dans le passé)» (
Roland, 2223);
4. 1130-40
desormais (
Wace, Conception N.-D., éd. W.R. Ashford, 1302, v. aussi
désormais);
5. ca 1165
hui mais, mais hui «à partir de maintenant, désormais» (
Benoît de Ste-
Maure, Troie, 2108 [+ fut.], 2275 [+ ind. prés.] ds T.-L.);
id. ne ... hui mais [+ fut.] «ne ... plus» (
id. 7943,
ibid.);
6. id. toz jorz ... mais [+ fut.] «toujours (durée indéfinie)» (
id., 2269,
ibid.).
B. Quantitatif fin
xes.
mais «davantage» (
Passion, 498);
ca 1160
ne poöir mais «ne rien y pouvoir» (
Eneas, 4390 ds T.-L.,
s.v. poöir);
ca 1165
n'en poöir mais (
Benoît de Ste-
Maure, op. cit., 13164,
ibid.).
II. Conj.
A. Adversative
1. marque une opposition
a) 2
emoitié
xes. introduit une idée contraire à celle déjà exprimée (
St Léger, éd. J.Linskill, 58 apr. une phrase négative; 113 apr. une phrase positive);
b) ca 1200 marque une préférence (
Jean Bodel, St Nicolas, éd. A. Henry, 801: Pinchedé, hocherons as crois? −
Mais a le mine, entre nous trois);
c) ca 1160 marque une précision, une rectification, un renchérissement apr. une interr. dir. (
Eneas, 1754 ds T.-L.);
ca 1200 (
Jean Bodel, op. cit., 294: Soit pour un parti: a pais faire − Pour un?
Mais pour canques tu dois);
2. marque une transition
ca 1050 dans un récit «et voici que ...» (
St Alexis, 213);
ca 1100 (
Roland, 1154);
3. dans un entretien assez vif, renforce une affirmation, une interr., un doute précédemment exprimés
a) ca 1135 précède le verbe d'une prop. impér. (
Couronnement de Louis, éd. E. Langlois, 2120: De quei le dotez vos?
Mais chevalchiez et poignez tresqu'al pont);
b) 1176-84 [ms. fin
xiiies.] introduit une intervention répondant à une mise en doute, un étonnement (
Gautier d'Arras, Ille et Galeron, éd. A. G. Cowper, 3797, var. ms. P: Oïstes me vos ainc requerre se vostre pere ot rice tere U s'il ert besogneus d'avoir? −
Mais voel je vostre pere avoir U vos amer por vostre pere?);
c) 1178 introduit la réponse à une interr. précise (
Renart, éd. M. Roques, 13257: ,,Avroie ge poisons assez Tant que seroie respassez De cest mal qui m'a confondu?`` Et Renart li [Ysengrin] a respondu ,,
Mais tant con vos porrez mangier``).
B. Restrictive
1. mais que «à l'exception de» fin
xes. apr. une phrase positive (
Passion, 99);
ca 1050 apr. une phrase négative (
St Alexis, 37);
2. ne mais que «
id.»
ca 1100 apr. une phrase négative (
Roland, 1934); apr. une phrase positive (
ibid., 217).
C. Hypothétique, exprimant la supposition , la condition
ca 1100
mais que + subj. «pourvu que, à condition que» (
ibid., 234).
D. Concessive
ca 1165
mais bien + subj. «bien que, même si» (
Benoît de Ste-
Maure, Troie, 8621 ds T.-L.);
ca 1170
mes que bien + subj. (
Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 4684). De l'adv. lat.
magis «plus, davantage» employé notamment pour exprimer le compar. (en remplacement des formes synthétiques pour les adj. en
-eus, -ius, -uus; dès l'époque pré-class. pour marquer une oppos., une mise en relief de l'adj. [
cf. disertus magis quam sapiens, Cic., Att., 10, 1, 4], le tour périphrastique devenant de plus en plus fréquent à basse époque sans valeur expressive particulière), d'où
mais adv. quantitatif (I A), et, appliqué à une quantité de temps, adv. temporel, le plus souvent combiné à d'autres adv. de temps (I B). Du sens secondaire «plutôt», notamment dans les tours
non ...
sed magis, ac magis, magis autem (
TLL, s.v., 68, 1
sqq.), est issu l'emploi adversatif [
cf., d'abord dans la langue poétique
Catulle, 68, 30:
id. ...
non est turpe magis miserum est; en prose dep.
Salluste, Jug., 96, 2:
ab nullo repetere [
sc. beneficia]
magis id laborare ut...] (II A), ses représentants rom. (
FEW t. 6, 1, p. 31b) montrant que
magis avait dès l'époque prérom. assumé les emplois de
sed (oppos. forte) et de
autem (oppos. faible); pour sa part, à partir du m.fr.,
mais empiétera de plus en plus sur
ainz (employé surtout dans les antithèses dont le premier terme est négatif, pour énoncer le second sous une forme positive, Ph.
Ménard, Synt. de l'a.fr., § 309, 3
orem.;
G. Moignet, Gramm. de l'a. fr., p. 335) qu'il finit par supplanter. L'emploi restrictif (II B) semble issu du tour compar. «pas plus ... que» [non magis ... quam], d'où «seulement; rien, si ce n'est que» [
ne ... mais que; mais que], v.
Lat. Gramm. t. 2,
Syntax und Stilistik, p. 497, § 268 Zusatz 2. De l'emploi restrictif seraient issus l'emploi hypothétique (II C): «seulement, excepté, mis à part» d'où «sous la réserve que, à condition que, pourvu que» − et l'emploi concessif: «mis à part le fait que», d'où «sans tenir compte du fait que, bien que», v.
Ph.
Ménard, op. cit., §§ 263 C, 270 c, 273; v. aussi
FEW, loc. cit., p. 32a et b.