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ABSTRAIRE, verbe trans.
Étymol. − Corresp. rom. : prov. mod. abstraire; ital. astrarre; esp. abstraer; a. cat. abstraer; cat. abstraure, abstreure; port. abstrair. 1. a) 1327 (1531) pronom. « s'arracher à, s'isoler de qqc. » (Jean de Vignay, Mir. hist., 32, 81 (éd. 1531) ds Quem. t. 1 1959 : celluy sainct... s'estoit abstraict du monde); b) fin xves. (?) trans. « détourner (son ardeur) de » emploi fig. (Therence en franç., fol. 377 a ds Gdf. Compl. : Que Pamphile presentement A du tout abstrait son courage Des nopces et du mariage Pour faire ainsi comme devant); c) 1510-12 « enlever (une femme) » (Lemaire de Belges, Illustr. II, 23 ds Hug. : la noble pucelle Cassandra se veit abstraire par force); 2. 1361-1364 pronom. « ne pas tenir compte, faire abstraction de soi », terme philos. (Oresme, Traité contre les divinations en général ds Meunier, 56 : on se doit acoustumer à oir le contraire, et doit on soy abstraire, en résistant à son inclination). Empr. au lat. abstrahere (avec adaptation d'apr. traire*), sens propre dep. Plaute, Mercator, 353 « enlever (une femme) », d'où 1 c; autres sens remontent au lat. tardif : cf. avec 1 a Isidore, Sententiae, 3, 8, 4 ds TLL s.v., 202, 82 : a mundi vanitatibus abstractum hominem; avec 2 b Claudian. Mamertus, De statu animae, p. 130, 7 ibid., 202, 29 : a corporeis ad incorporea... abstrahat [Varro] animum; sens 2 dep. vies. Arator, 1, 911 ds TLL s.v., 200, 64 : abstrahe quod sunt [gentiles] et tibi fac similes (cf. Albert le Grand, De Bono, 482, p. 252, 47 ds Mittellat. W., 62, 64 : intellectus... abstrahit ab omni differentia temporis; cf. abstrahere « sous-traire », terme de math., ixe-xes. Anonym. geometriae, I, 3, 20 ibid. 62, 40) [cf. avec abstractio, le sens philos. « isoler par la pensée un élément d'un tout pour y consacrer son observation » : Albert le Grand, De intellectu et intellegibili, 1, 2, 1 ibid., 62, 60 : propria operatio intellectus agentis est abstrahere, non quidem a materia tantum, sed universaliter ab hoc particulari]. HIST. − L'hist. du mot se caractérise par : la disparition rapide (dès le xvies.) du sens premier, concernant les séparations quasi physiques que l'on peut opérer entre des réalités, qui par définition ont une existence propre (choses matérielles, personnes, composantes des unes et des autres comme le corps et l'esprit); le développement d'un sens fig., intellectuel, issu de la scolast., concernant non les « réalités » mais les « abstractions » qui n'existent que par le travail de l'esprit : dès le xviies. les dict. de l'usage ne connaissent plus abstraire que comme ,,terme de philosophie`` (Rich. 1680), ,,terme dogmatique`` (Ac. 1694), ,,terme didactique`` (Ac. 1762), etc. I.− Le sens premier et sa disparition. − A.− « Arracher, enlever, séparer », sens premier, phys. qui est celui du lat. et ne vit guère qu'au xvies. en fr. : Que les Lucains conduisoient leurs enfans a la maniere des Spartains, et que abstrais du laict maternel les metoient habiter entre les pasteurs. J. Fossetier, Chronique margantique (Gdf.). Cf. aussi : J'abstrais and j'arrache. Palsgrave, Éclaircissement, p. 669 (Gdf.). B.− Accept. et emplois disparus. − 1. « enlever (une femme) » : cf. étymol. 1 c; 2. abstraire son courage de « détourner son ardeur » de : cf. étymol. 1 b; 3. emploi pronom. « s'abstraire » (avec l'ambiguïté inhérente à cet emploi) : a) ou bien le suj. s'abstrait du monde pour ne plus considérer sa personne et ne considérer que le monde (cf. étymol. 2 : on doit soy abstraire en résistant à son inclination), accept. qui semble n'avoir eu qu'une existence éphémère; b) ou bien au contraire, le suj. s'abstrait pour se consacrer entièrement à lui-même en négligeant le monde : cf. étymol. 1 a : celluy sainct (...) s'estoit abstrait du monde), accept. qui disparaît jusqu'au xixes. cf. résurgence ds sém. : s'abstraire : être entièrement et continuellement absorbé dans... 1854-60, Poit., Nouv. dict. universel de la lang. fr.; 4. en alchim. abstraire « extraire », c.-à-d. « distiller un corps pour en extraire des essences subtiles », cf. ex. unique ds Hug. : Un sommaire, qui est comme un elixir et quinte-essence, tirée et abstraicte, non seulement des harangues, mais aussi des intentions et prétentions des principaux personnages. (Satyre Ménipée, la Vertu du Catholicon). − Rem. 1. Cet ex., grâce à la comparaison qu'il contient, atteste la coexistence à la fin du xvies. du sens phys. qui disparaît et du sens intellectuel qui se développe (cf. inf. II). 2. Cette accept. techn. a disparu du fait du discrédit relatif de l'alchim. à partir de la Renaissance (cf. disparition analogue du mot abstracteur du fait de son emploi quasi unique dans l'expr. techn. abstracteur de quintessence). II.− Le sens fig. et son développement. − « Considérer isolément dans un obj. un de ses caractères » (cf. sém.) : issu du lat. médiév. (cf. étymol.), ce sens se dégage en fr. à la fin du xvies. (cf. sup. I 4) quand la sc. et la philos. commencent à s'exprimer en « vulgaire ». Les excès de la scolast. en matière d'abstraction − s'ils ont affecté d'autres mots de la famille d'une nuance péj. pouvant même entraîner leur disparition (cf. abstracteur mort du fait de l'expr. abstracteur de quintessence passée de la terminol. de l'alchim. elle aussi compromettante, à celle de la philos.) − ne semblent pas avoir compromis l'avenir de ce sens du verbe. Du xviies. jusqu'à Ac. 1878 il s'impose comme sens de philos. (Rich. 1680; Ac. 1694 à 1762) et de math. (Fur. 1690; Trév. 1704, 1752, 1771; Ac. 1835); cf. aussi : xviies. : Pour connaître l'accident comme accident, il faut l'abstraire du sujet de la substance. (Ac. 1694). xviiies. : Analyser, c'est décomposer, séparer, c'est-à-dire abstraire. (Condillac, L'art de penser ds DG). xixeet xxes. grande vitalité du sens (cf. sém.). − Rem. Le verbe est cependant défectif : Il y a plusieurs temps de ce verbe qui ne sont point usités comme l'imparfait, le prétérit indéfini, etc. D'autres sont fort durs à l'oreille. Alors on dit mieux faire abstraction. (Trév. 1771).