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SÉGRÉGATION, subst. fém.
A. − Action de séparer quelqu'un ou quelque chose d'un ensemble; résultat de cette action. Pour nous il [le monde] ne commence ni ne finit nulle part, car la ségrégation que l'existentialiste veut lui faire subir par rapport à la nature, ou plutôt à la condition humaine, est irréelle (Sartre, Existent., 1946, p. 123).Parmi les influences qui depuis les origines ont diversifié les formes humaines de la préhistoire et de l'histoire et que l'on reconnaît être la ségrégation géographique, les métissages et les conditions du milieu, il semble bien que ces dernières soient appelées à jouer un rôle important (Hist. sc., 1957, p. 1431).
B. −
1. Séparation radicale, régie par des lois, de la population de couleur d'avec la population blanche, qui affecte tous les lieux et moments de la vie quotidienne. Les hommes de couleur dans son fameux Hallelujah! sont tous, comme il se doit, puérils, superstitieux, naïfs, sensuels, criminels, bornés. Les problèmes de la « ségrégation » et du quasi-esclavage ne sont pas posés dans un film où l'on cueille le coton, en chantant et en dansant (Sadoul, Cin., 1949, p. 226).[En Afrique du Sud] la ségrégation a toujours été la politique officielle, en pratique ou en théorie. Mais, dans le passé, la ségrégation était une ségrégation horizontale. Les gens de couleur se rendent compte qu'aujourd'hui il n'en est plus ainsi et qu'il s'agit si l'on peut dire d'une ségrégation verticale. En d'autres termes, ils peuvent maintenant s'élever aussi haut qu'ils le veulent ou qu'ils le peuvent (Réalités, mai 1968, p. 35, col. 1).
2. Discrimination sociale de fait à l'égard d'individus ou de groupes d'individus en raison de leurs race, ethnie, religion, mœurs, sexe, âge, condition sociale. Cette ségrégation qui dans la vie civile sépare les jeunes bourgeois des jeunes ouvriers, il la ressentit comme une mutilation (Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p. 180).[Pour les femmes] ségrégation à tous les échelons de la vie publique, barrage devant les postes de responsabilité, etc. (L'Express, 6-12 juin 1966, p. 43, col. 2).
C. − Spécialement
1. BIOL. Séparation de chromosomes homologues, ceux d'origine paternelle et maternelle, au moment de la méiose. Le savant doit s'efforcer de découvrir comment la ségrégation et la liaison, la dominance et les interactions géniques ou gènes-milieu, contribuent aux moyennes, aux variances (Tiers Monde, 1956, p. 102).
2. CONSTR. Rupture de l'homogénéité dans un mélange de matériaux de maçonnerie. Si le béton a terminé sa prise, si la majeure partie de l'eau de gâchage se trouve combinée et passée à l'état solide, s'il n'existe pas de cavité contenant de l'eau libre (ce qui peut se produire si le béton a été gâché avec un excès d'eau et si une ségrégation s'est produite), le béton peut, sans inconvénient, subir un froid assez rigoureux (Cléret de Langavant, Ciments et bétons, 1953, p. 72).
3. GÉOL. Séparation, hors du corps endogène, de certains minéraux qui se concentrent sous des formes diverses à l'intérieur même de la roche. Les silex résultent de la ségrégation d'une silice, primitivement disséminée dans les sédiments, à l'état de restes organiques (Cayeux, Causes anc. et act. géol., 1941, p. 36).
4. MÉTALL. Séparation des diverses parties d'un alliage durant sa solidification. La différence de densité des divers constituants accentue ces séparations, ce qui fait que vers la tête, la composition est des plus hétérogène. Ces phénomènes ont reçu le nom de « ségrégation » (Barnerias, Aciéries, 1934,p. 240).
REM. 1.
Ségrégabilité, subst. fém.,techn. Dans un mélange hétérogène, aptitude des plus gros grains à se séparer des autres par gravité (pendant le transport, en cas de secousses,etc.). (Dict. xxes.).
2.
Ségrégateur, adj. masc.,hapax. Le surmoi se fait (...) ségrégateur et obsédant dans l'automatisme mental (Mounier, Traité caract., 1946, p. 704).
Prononc. et Orth.: [segʀegasjɔ ̃]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. 1374 segregacion « action de séparer » (J. Goucain, Trad. du Ration. de G. Durant, B. N. 437, f o313, v ods Gdf. Compl.); av. 1535 segregation (Fabri, Art de Pleine rhetorique, éd. A. Héron, t. I, p. 112); 1550 partition ou ségrégation (Meigret, Le Traité de la gramm. fr., éd. Fr. J. Hausmann, p. 119); en partic. 1. a) 1864 « séparation en amas distincts de corps préalablement mélangés » (Baudel., Eurêka, p. 148); b) 1904 biol. (Nouv. Lar. ill.); c) 1927 métall. (Champly, Nouv. encyclop. prat., t. 8, p. 4); 2. a) 1930 « séparation absolue, organisée et réglementée, de la population de couleur d'avec les blancs » (Morand, Magie noire, p. 118); b) 1935 p. ext. « discrimination, de droit ou de fait, de personne, de groupes sociaux ou de collectivités, suivant la condition sociale, le niveau d'instruction... » (Carrel, L'Homme, p. 55: l'exagération de la spécialisation, l'augmentation du nombre des travailleurs scientifiques, et leur ségrégation en sociétés limitées à l'étude d'un petit sujet). Empr. au b. lat.segregatio « séparation » formé sur le supin segregatum de segregare, v. ségréger; le sens 2 a empr. à l'anglo-amér. segregation (lui-même dér. de to segregate, v. ségréger), att. dès 1903 (B. T. Washington, etc., Negro Problem, 215 ds DAE). Fréq. abs. littér.: 15.
DÉR. 1.
Ségrégationnisme, subst. masc.Politique de ségrégation raciale. (Dict. xxes.). P. anal. Attitude de discrimination. Rien ne me met plus hors de moi que ce ségrégationnisme à la fois social et esthétique qui consiste à reconnaître comme un fait courant que les ouvriers sont incapables de beauté, comme hier (mais on ne s'y risque plus) les Noirs d'intelligence (Arts et loisirs, 29 mars 1967, p. 6, col. 1). [segʀegasjɔnism]. 1resattest. ca 1950 ségrégationnisme d'apr. Rob. Suppl. 1970, 1964 ségrégationisme (Lar. encyclop.); de ségrégation étymol. 2 a, suff. -isme*.
2.
Ségrégationniste, adj. et subst.,socio-pol. a) Adj. et subst. (Celui, celle) qui défend la ségrégation raciale. Se convertir au catholicisme, jadis religion de défavorisés plus ou moins persécutés, aujourd'hui symbole de réussite et d'honorabilité, est parfois regardé par les Noirs comme une promotion sociale, une rupture avec la morale puritaine et ségrégationniste des W.A.S.P., des Anglo-Saxons blancs et protestants (La Nef, oct. 1970, p. 93).b) Adj. Relatif à la ségrégation raciale ou à une autre forme de ségrégation. Synon. ségrégatif.Nous tenions essentiellement à éviter tout caractère ségrégationniste à notre station, ce qui a été d'autant plus facile à obtenir que les lieux du sport et ceux des vacances sont les seuls où peuvent se mêler sans la moindre contrainte tous les milieux, toutes les classes, sans exception (Le Monde, 15 janv. 1972, p. 15, col. 3). [segʀegasjɔnist]. 1reattest. ca 1950 ségrégationniste d'apr. Rob. Suppl. 1970, a) 1964 adj. ségrégationiste « relatif au ségrégationnisme » (Lar. encyclop.), 1968 ségrégationniste « qui a le caractère ou qui tend à une ségrégation quelconque » (Le Monde, 17 mars ds Gilb. 1980), b) 1964 subst. ségrégationiste « partisan de la ségrégation » (Lar. encyclop.), 1965 ségrégationniste (Cl. Fohlen, Les Noirs aux États-Unis, Paris, P.U.F., p. 120); de ségrégation étymol. 2 a, suff. -iste*.