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RÊVE, subst. masc.
A. − [Pendant le sommeil]
1. Suite d'images, de représentations qui traversent l'esprit, avec la caractéristique d'une conscience illusoire telle que l'on est conscient de son rêve, sans être conscient que l'on rêve. Rêve nocturne; rêve agréable, enchanteur, érotique, idyllique, inextricable, insensé; beau, doux rêve; écrire, se rappeler ses rêves; mémoriser ses rêves; faites de beaux rêves. Cette nuit-là il eut un rêve. Il revit en songe l'entrée de la forêt de Sonneck, la métairie, les quatre arbres et les quatre oiseaux (Hugo,Rhin, 1842, p. 190):
1. Le valet de chambre entrait. Je ne lui disais pas que j'avais sonné plusieurs fois, car je me rendais compte que je n'avais fait jusque-là que le rêve que je sonnais. J'étais effrayé pourtant de penser que ce rêve avait eu la netteté de la connaissance. La connaissance aurait-elle, réciproquement, l'irréalité du rêve? Proust,Sodome, 1922, p. 985.
Loc. En rêve. Synon. en songe.Apparaître en rêve; entendre, revoir qqn en rêve; parler en rêve. Il s'était réveillé la nuit, croyant voir sa mère en rêve, qui lui reprochait son départ (Krüdener,Valérie, 1803, p. 212).
Absol. [P. oppos. à l'état de conscience de veille] Activité psychique pendant le sommeil. Le rêve, l'état de rêve. Le Rêve est une seconde vie. Je n'ai pu percer sans frémir ces portes d'ivoire et de corne qui nous séparent du monde invisible (Nerval, Œuvres, t. 1, Aurélia, 1960 [1855], p. 359).Herder demande au rêve ce que lui demande le romantisme: sa légèreté contrastant avec la pesante réalité, son atmosphère de féerie, et surtout la révélation des secrets de l'âme (Béguin,Âme romant., 1939, pp. 157-158).
2. En partic.
a) [Le rêve considéré comme annonçant l'avenir et pouvant inspirer la conduite de qqn] Synon. songe.Rêve initiatique, prophétique, télépathique, visionnaire; rêve-pressentiment (Symboles 1969, p. 647). L'Égypte ancienne prêtait aux rêves une valeur surtout prémonitoire: Le dieu a créé les rêves pour indiquer la route aux hommes quand ils ne peuvent voir l'avenir, dit un livre de sagesse (Symboles1969, p. 646).
Rêve d'incubation. Synon. de songe* thérapeutique.Le rêve d'incubation est aussi pratiqué par les Juifs, et dans le même état d'esprit que celui des Hittites (M.-A. Descamps, La Maîtrise des rêves, 1983, p. 112).
b) [Le rêve comme expression de l'inconscient, de la vie mentale] Analyse, mécanisme, sens, structure du rêve. Le langage du rêve va chercher très loin ses métaphores et paraît se référer à une langue inconnue de nous, où chaque objet possède des qualités très éloignées de celles que nous lui reconnaissons d'ordinaire (Béguin,Âme romant., 1939, p. 109).Le symbolisme est le langage par excellence du rêve; il est à la fois expression et masque, satisfaisant en cela à la double contrainte du rêve (Poinso-Gori1972).
[Avec déterm. dépréc.] Synon. de cauchemar.Rêve effrayant. Puis viennent des symboles hideux, des larves, des figures grimaçantes, comme dans un mauvais rêve (Michelet,Hist. romaine, t. 1, 1831, p. 38).
Rêve de qqc.Rêve d'eau, de feu; rêve d'escalier, de gare, de labyrinthe, de lac, de navire, de vol. C'était un rêve de combat et de meurtre. (...) j'avais une épée flamboyante (...) je fondais sur les bataillons ennemis, je les mettais en déroute, je les précipitais dans le Rhin (Sand,Hist. vie, t. 2, 1855, p. 412).
[Chez Freud] Science des rêves. Freud considérait l'interprétation des rêves comme « la voie royale de la connaissance de l'inconscient » et l'étude de ses propres rêves comme le mode initiatique le plus adéquat à la formation psychanalytique (Poinso-Gori1972).
[Chez C. G. Jung] Rêve allégorique, mythique. La fonction générale des rêves est d'essayer de rétablir notre équilibre psychologique à l'aide d'un matériel onirique qui, d'une façon subtile, reconstitue l'équilibre total de notre psychisme tout entier (C. G. Jung,L'Homme et ses symboles, 1964, pp. 49-50).
PSYCHOL. EXP. Centre, clinique, laboratoire des rêves; état, phase de rêve; ondes du rêve. On sait depuis longtemps ce qui se passe si on prive l'homme de nourriture ou de boisson. Mais qu'adviendrait-il si on arrivait à le priver de rêves? (...) Ne pas rêver peut conduire à la mort (Psychol.1969, p. 497).
c) [Le rêve dans ses rapports avec les agents extérieurs, avec les sensations] Rêves cénesthésiques, physiologiques. Une même stimulation extérieure provoque des rêves différents chez des sujets différents (Psychol.1969, p. 491).Descartes (...) a (...) pu faire des découvertes sur le rêve et apercevoir, par exemple, l'origine de certains rêves dans des sensations. Ainsi il note qu'il rêve qu'il est percé par une épée et s'aperçoit en se réveillant qu'il est piqué par une puce (M.-A. Descamps, La Maîtrise des rêves, 1983, p. 29).
3. Absol. [P. oppos. avec la réalité] Pays, royaume du rêve.
a) [Réalité du rêve; le rêve vécu comme réel, comme surréel; la réalité perçue comme une illusion] Beauté, évidence, merveille du rêve. Herder fut le père du romantisme (...) [il] oppose, au monde du temps et de l'espace, celui du rêve et de la poésie. Le rêve est proposé en exemple au poète pour la souveraineté de l'esprit qui se délivre des contingences (Béguin,Âme romant., 1939, p. 157).
b) [Irréalité du rêve; le rêve perçu comme irréel] Être dans un rêve, comme dans un rêve. Ces murs abandonnés, croulant et s'effaçant dans le sable! Smara (...) c'est une cité de nuages qui se défont, un rêve à peine matérialisé, un mirage (Mauriac,Journal 1, 1934, p. 16).
Expressions
Il a fait un beau rêve. Il ,,a joui d'un bonheur fort court ou (...) n'a eu qu'une espérance trompeuse et de peu de durée. Aussi (...) il [lui] arrive un succès, un bonheur que rien ne lui laissait espérer`` (Ac.).
C'est un rêve; est-ce un rêve? Ainsi, ce n'était pas un rêve, Juliette irait chez cet homme. Après-demain (Zola,Page amour, 1878, p. 985).Rêve! dit la femme. Illusion vaine! C'est moi qui suis la réalité (Claudel,Femme, 1923, p. 643).
B. − [Dans l'état de veille]
1. [P. anal. avec le rêve nocturne] Élaboration de la pensée imaginative qui transforme la réalité. Champ, espace, puissance du rêve. C'est ce pouvoir de rêve qui lui fait apercevoir dans toute existence, même médiocre, une solitude et une poésie. C'est ce pouvoir de rêve qui l'a sauvé des misanthropies desséchantes du pessimisme (Bourget,Nouv. Essais psychol., 1885, p. 249).Quand un esprit est porté au rêve, il ne faut pas l'en tenir écarté, le lui rationner (...). Si un peu de rêve est dangereux, ce qui en guérit, ce n'est pas moins de rêve, mais plus de rêve, mais tout le rêve (Proust,J. filles en fleurs, 1918, p. 843).
P. méton. Ce qui en résulte; le fait lui-même. Rêve d'évasion. Une rêverie perpétuelle, que l'action et la parole dérangent, voilà quelle a été ma vie (...). C'est le rêve qui est ma vie réelle, et la vie en est la distraction (Vigny,Journal poète, 1851, p. 1285).Tes cheveux contiennent tout un rêve, plein de voilures et de mâtures, ils contiennent de grandes mers dont les moussons me portent vers de charmants climats (Baudel.,Poèmes prose, 1867, p. 83).
PSYCHOL., PSYCHOTHÉRAPIE. Rêve diurne. ,,Scénario imaginé à l'état de veille, soulignant ainsi l'analogie d'une telle rêverie avec le rêve`` (Mantoy Psychol. 1971, p. 426). Les rêves diurnes constituent, comme le rêve nocturne, des accomplissements de désir; leurs mécanismes de formation sont identiques, avec prédominance de l'élaboration secondaire (MantoyPsychol.1971,p. 426).Rêve éveillé dirigé. ,,Technique consistant à provoquer, à l'état de veille, une sorte de rêverie riche en images que le patient exprime à haute voix devant le psychothérapeute`` (Carr.-Dess. Psych. 1976).
2. Projet d'avenir plus ou moins difficile à réaliser. Faire un rêve.
a) [Rêve chimérique, impossible, insensé] Ah! si nous étions libres, nous voyagerions ensemble. C'est un rêve que je fais souvent, va. Quels rêves n'ai-je pas faits d'ailleurs? C'est là mon infirmité à moi (Flaub.,Corresp., 1846, p. 316).Jamais (...) Barrès n'a nié son penchant pour le rêve, ni pour la dissolution de l'être (...). Il fait à l'évasion une place dans sa vie; il s'accorde des répits (Mauriac,Journal 1, 1934, p. 76).
Péj. Ce n'est pas avec des absences et des rêves que l'on impose à la parole de si précieux et de si rares ajustements (Valéry,Variété[I], 1924, p. 62).
b) [Rêve possible] Les rêves de la (sa) jeunesse; réaliser un vieux rêve. Son rêve était de s'installer au Crillon (...) d'entrer peu à peu dans l'intimité de la clientèle de cet établissement (Fargue,Piéton Paris, 1939, p. 225):
2. ... le jour où il leur serait donné de revoir leur pays (...) était-ce donc un rêve irréalisable? Mais ce rêve, il n'y avait que deux manières de le réaliser: ou un navire se montrerait quelque jour dans les eaux de l'île Lincoln, ou les colons construiraient eux-mêmes un bâtiment assez fort pour tenir la mer jusqu'aux terres les plus rapprochées. Verne,Île myst., 1874, p. 540.
3. Objet d'un projet, d'un désir.
a) [Le rêve désigne qqc.]
[Un objet matériel, un pays, un événement, une manière de vivre, etc.] Rêve de campagne, de châteaux, d'îles lointaines, de pays chauds. Toute ma vie l'Orient avait été le rêve de mes jours de ténèbres dans les brumes d'automne et d'hiver de ma vallée natale (Lamart.,Voy. Orient, t. 1, 1835, p. 27).Elle voulait (...) un homme qui (...) lui permît enfin de réaliser son rêve: avoir une chambre avec du papier à fleurettes, un lit et une table en noyer, des rideaux blancs aux fenêtres (Huysmans,Sœurs Vatard, 1879, p. 56).
[Une grande idée, un grand sentiment] Rêve d'amour, de bonheur, de concorde, de fraternité, de paix. C'était l'essai de réaliser un rêve, celui de la république universelle, sous la présidence du peuple français (Bainville,Hist. Fr., t. 2, 1924, p. 104).Rêve américain. ,,Culte du profit, de l'esprit d'entreprise, de l'individu et du businessman avec toutes les impulsions contestataires, voire libertaires`` (Le Nouvel Observateur, 4 mars 1978, p. 43, col. 1). (Grand) rêve vert. Le grand rêve vert. Le retour à la terre? C'était une mode. Voilà qu'on en rêve parfois aujourd'hui comme d'une solution aux problèmes de l'emploi (Le Point, 26 avr. 1976, p. 112, col. 1).
Expressions
C'était son rêve de + inf. C'était son rêve de marier sa fille en Bretagne, et d'acheter une grande propriété dans les environs de la Trélade (Sandeau,Sacs, 1851, p. 16).
Rêve de qqc. Et moi j'étais seule à porter la beauté du monde (...) avec au creux de l'estomac un rêve de chocolat et de pain grillé (Beauvoir,Mém. j. fille, 1958, p. 80).
Qqc. de ses rêves. La maison de ses rêves. Il lui était loisible d'imaginer qu'il roulait sur la bicyclette de ses rêves, aux nickels flatteurs et persuasifs (Aymé,Vouivre, 1943, p. 165).
b) [Le rêve désigne qqn] Il, elle est mon rêve, le rêve de ma vie. Tu [mon fils] étais ma vie, mon rêve, mon seul espoir (Maupass.,Une Vie, 1883, p. 242).
Qqn de son rêve. Le marquis de Bruyères (...) avait retrouvé la Lisette, la Marton, la Sméraldine de son rêve! Il était aux anges (Gautier,Fracasse, 1863, p. 210).
C. − [Le plus souvent dans des loc. ou expr. figées] Ce qui ressemble à un rêve par son apparence immatérielle, supra-terrestre, ou/et sa beauté idéale.
De rêve. Blancheur, vapeur de rêve; forêt, île, pays, univers, ville de rêve. Navire de rêve, plein de feux et d'anges, plus beau encore que ceux qui revenaient à Séville (Montherl.,Bestiaires, 1926, p. 478).
Être un rêve; qqn est un rêve. Sous la fleur d'oranger la jeune dame Peloux était un rêve (Colette,Chéri, 1920, p. 92).
Cela tient du rêve. Leur effet [des sons harmoniques de la harpe] tient du rêve (Widor,Techn. orch. mod., 1904, p. 167).
D. − Vieilli
1. Méditation. Le rêve des philosophes. Le résultat de son rêve, c'est-à-dire de ses réflexions, fut qu'il serait à souhaiter que la nation fût animée de l'esprit qui règne à la Chine (Chamfort,Caract. et anecd., 1794, p. 112).
2. ,,Délire d'une imagination déréglée`` (Encyclop. méthod. Méd. t. 12 1827).
Prononc. et Orth.: [ʀ ε:v]. Ac. 1694, 1718: resve; dep. 1740: rêve. Étymol. et Hist. a) 1674 « combinaison plus ou moins confuse de faits imaginaires qui se présente spontanément à l'esprit pendant le sommeil » (Malebranche, Rech. de la vérité, II, III, VI ds Rob.); b) 1794 « projet sans fondement, idée chimérique » (A. Chénier, L'Invention ds Littré); c) 1819 « ce qu'une personne se représente par l'imagination et à quoi elle aspire de toutes ses forces » (Boiste). Déverbal de rêver*. Fréq. abs. littér.: 11 699. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 9 667, b) 18 203; xxes.: a) 19 719, b) 19 893. Bbg. Faïk (S.). Rêve ds la lang. littér. contemp. Gembloux, 1974, 273 p. − Spitzer (L.). En soñar un sueño. Vox rom. 1936, t. 1, pp. 51-53.