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RÉELLEMENT, adv.
A. − [Réellement signifie que le fait dont il est question existe, s'accomplit, que ce n'est ni une représentation, ni une fiction]
1. [Exprime l'accomplissement physique du procès] Tenez, je frémis, rien que d'y penser! Et elle frémissait réellement (A. France,Bonnard, 1881, p. 452):
1. Mais, séduits par la considération des rapports naturels qu'ils reconnoissent entre les objets qu'ils ont rapprochés, presque tous croient encore que les genres, les familles, les ordres et les classes qu'ils établissent sont réellement dans la nature. Lamarck,Philos. zool., t. 1, 1809, p. 33.
[Exprime que le procès n'est pas mimé, simulé] À la façon dont s'appliquait la bouche, l'on pouvait se rendre compte du plus ou du moins de ferveur et d'affection des pères et des frères; les uns appuyaient les lèvres, embrassaient réellement (...); d'autres, au contraire, frôlaient seulement, se bornaient à remplir un devoir, sans y attribuer plus d'importance (Huysmans,Oblat, t. 2, 1903, p. 218).
[Exprime le caractère historique, non fictif d'un personnage, d'un événement] Si enfin le nom ou le pseudonyme d'un de mes « héros » se trouvait appartenir à un personnage existant réellement, ce serait pure coïncidence, indépendante de ma volonté et sans aucune signification (Vailland,Drôle de jeu, 1945, p. 5).
[Exprime la sincérité du comportement d'une pers.] Longtemps j'ai pu douter si Proust ne jouait pas un peu de sa maladie pour protéger son travail (...); mais hier, et déjà l'autre jour, j'ai pu me convaincre qu'il était réellement très souffrant (Gide,Journal, 1921, p. 694).Il vous souriait, même fatigué, même agacé par votre présence, et vous disait toujours: « Comme je suis content de vous voir! » Au bout d'une demi-heure, il l'était réellement (Fargue,Piéton Paris, 1939, p. 174).
Rem. Par déf., réellement est exclu dans une phrase à la 1repers., le locuteur n'ayant pas à se préciser qu'il dit vrai. Noter seulement qu'il est rendu possible avec presque: [Je] m'excusai en me prétendant malade. Je l'étais presque réellement; l'idée de ces bottes mal récurées de la paille de l'étable et traînant sur le pavé noble m'écœurait (Gracq, Syrtes, 1951, p. 72); ou encore, à la faveur de la métaph.: Je ne vis plus réellement. Je me fais l'effet d'un reflet d'homme dans l'eau (Renard, Journal, 1906, p. 1052).
2. [Invite à interpréter un mot, une métaph., une expr. fig. d'une manière concr., littérale] [Les pins] dominent Sauternes et la vallée brûlante où le soleil est réellement présent dans chaque grain de chaque grappe (Mauriac,Baiser Lépreux, 1922, p. 208).On croirait que le petit visage se décolore. Non, il ne se décolore pas, il s'efface, il s'efface réellement, ainsi qu'une vieille image, usée, ternie (Bernanos,M. Ouine, 1943, p. 1460):
2. Le faubourg des Minimes était réellement un faubourg, je veux dire un de ces lieux hybrides où l'on se trouve exilé de la ville sans être accueilli par la campagne, ce qui explique une mentalité complexe et proprement « faubourienne » où la sensation d'un rejet s'accompagne de l'esprit d'éveil et d'agressivité né de situation marginale. Abellio,Ma dernière mémoire, Paris, Gallimard, 1971, p. 12.
Comme si réellement. Il se sentait bizarrement rejeté au large, vers la droite, comme une jument ombrageuse, comme si réellement les montagnes, à sa gauche, pesaient contre lui (Saint-Exup.,Courr. Sud, 1928, p. 56).Ils ouvrirent un passage entre le catafalque et la porte, à travers la foule qui s'était épaissie comme si Jaurès avait réellement eu des quantités de frères, de parents et d'amis inconsolables (Nizan,Conspir., 1938, p. 37).
B. − Adv. d'énonciation
1. [Le locuteur affirme la vérité de ce qu'il dit] À partir du soir où j'ai été appelé, car j'ai été appelé réellement, j'ai dû répondre ou du moins chercher la réponse (Camus,Chute, 1956, p. 1516).
[Dans une situation de dialogue; confirme la vérité d'une assertion contredite] Mais qu'est-ce que tu crois? Je ne jouais pas la comédie... J'étais réellement obsédée, je t'assure... (Mauriac,Mal Aimés, 1945, iii, 2, p. 230).
[Invite, dans une question, à une réponse sincère] − Oh! Vous avez perdu votre monocle, dit Sir John Elsbooth. − Réellement? − Réellement, cher (Hamp,Champagne, 1909, p. 235).− Quelle semaine j'ai passée! − Réellement, vous avez beaucoup souffert? − Oui, beaucoup (Montherl.,Bestiaires, 1926, p. 484).C'est pour me faire plaisir... Alors réellement, je ne vous pèse pas trop? (Druon,Gdes fam., t. 1, 1948, p. 185).
2. [Affirme la pertinence et le caractère incontestable d'une évaluation, d'un jugement de valeur] Vous êtes réellement extraordinaire; c'est une maison réellement sérieuse. L'un des moments où Garine s'est montré réellement à la hauteur, c'est quand il a organisé l'école des Cadets (Malraux,Conquér., 1928, p. 34).Rien ne prouve que ses supérieurs [du curé de Mégère] lui permettront de reprendre une place qu'il a quittée dans des circonstances un peu... réellement un peu suspectes (Bernanos,Crime, 1935, p. 809).
[Nég. + réellement signifie que l'énonciateur se refuse à franchir le pas d'affirmer que... (cf. je n'irai pas jusqu'à dire que...)] Il n'est pas réellement méchant. [Le directeur] demandait souvent à Tarrou d'évaluer la durée probable de l'épidémie: « On dit, remarquait Tarrou, que les froids contrarient ces sortes de maladies. » Le directeur s'affolait: « Mais il ne fait jamais réellement froid ici, monsieur (...) » (Camus,Peste, 1947, p. 1311).
3. [Réellement, incident à un verbe désignant l'acte de croire, exprime le degré d'adhésion du locuteur] [Porel] tout hostile qu'il était à la pièce et peu confiant dans le succès, ce soir, y croit réellement (Goncourt,Journal, 1896, p. 936).Quelquefois, le soir, quand tout est calme, pendant qu'Escartefigue fait la conversation avec Panisse et M. Brun, il nous semble réellement que tu n'es pas parti si loin, que tu es tout juste monté à la gare (Pagnol,Fanny, 1932, i, 1ertabl., 14, p. 62).
[Nég. + réellement exprime la difficulté à admettre, à adhérer pleinement] Ne pas penser réellement à qqc. Je prends intérêt, je prétends même parfois prendre part à « ce qui arrive »; mais, à vrai dire, il faut bien que je l'avoue: je ne parviens pas réellement à y croire (Gide,Ainsi soit-il, 1951, p. 1226):
3. Quand je suis entré en prison, j'ai compris au bout de quelques jours que je n'aimerais pas parler de cette partie de ma vie. Plus tard, je n'ai plus trouvé d'importance à ces répugnances. En réalité, je n'étais pas réellement en prison les premiers jours: j'attendais vaguement quelque événement nouveau. C'est seulement après la première et la seule visite de Marie que tout a commencé. Camus,Étranger, 1942, p. 1175.
Prononc. et Orth.: [ʀeεlmɑ ̃]. Ac. 1694: réellement; 1718: ree-; dep. 1740: rée-. Étymol. et Hist. 1. 1310 reaument (Fauvel, éd. A. Långfors, 347); 1353 realment (Doc. ds Livre Roisin, éd. Brun-Lavainne, p. 398); 1588 reellement (Montaigne, Essais, II, 28, éd. Villey-Saulnier, p. 702); 2. 1680 dr. saisir réellement (Rich.). Dér. de réel*; suff. -ment2*. Fréq. abs. littér.: 3 415. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 6 578, b) 4 802; xxes.: a) 3 456, b) 4 258. Bbg. Danjou-Flaux (N.). L'Oppos. en fr.: le connecteur adversatif au contraire et ses parad. Thèse, Paris, [1984], pp. 440-445; Réellement et en réalité. Lexique. 1982, n o1, pp. 105-143.