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* Dans l'article "REJETER,, verbe"
REJETER, verbe
I. − Empl. trans.
A. − Jeter de nouveau. Synon. relancer, renvoyer.Vous n'avez pu prendre la balle quand je vous l'ai jetée; renvoyez-la moi, je vous la rejetterai (Ac.).
B. −
1. Repousser, renvoyer en lançant à quelque distance ou à son lieu d'origine. Rejeter un poisson dans l'eau. Il a feuilleté la Revue des deux mondes, puis a rejeté le numéro sur la table, en disant: « Rien d'intéressant » (Gide, Journal, 1906, p. 213).[Les lamproies] s'enroulent autour des jambes nues. Leur bouche froide s'y applique et aspire (...). L'homme qui est libre les arrache et les rejette au fond du bac (Pesquidoux, Chez nous, 1921, p. 154).
Au fig. Rejeter qqc. sur qqn.Faire retomber sur. C'est par un sentiment juste que chacun rejette la faute sur le voisin (Alain, Propos, 1921, p. 236).Je ne contribuerai pas à ces divisions, en rejetant la responsabilité du désastre sur ceux des miens qui pensent autrement que moi (Saint-Exup., Pilote guerre, 1942, p. 367).
Empl. pronom. réciproque. Se rejeter la balle. V. balle1.
HIST. DE LA FISC. ,,Rejeter une imposition, une taxe sur une ville, sur les habitants.`` (Ac. 1835, 1878 ,,Faire une réimposition pour achever le payement d'une taxe qui n'a pu être payée entièrement par ceux sur qui elle avait été imposée`` (Ac. 1835, 1878).
2. Faire sortir par la bouche. Synon. expulser.Rejeter un caillot de sang. Il aperçoit le noyé (...). Il soulève le jeune homme sans dégoût, et lui fait rejeter l'eau avec abondance (Lautréam., Chants Maldoror, 1869, p. 212).Sam Latour, fumait un cigare, rejetant la fumée en cercles (Roy, Bonheur occas., 1945, p. 178).En partic. Vomir (un aliment). Un mouvement nerveux m'a fait rejeter mon déjeuner (Balzac, Lettres Étr., t. 2, 1842, p. 1).
P. anal. Le volcan, n'a cessé de rejeter des laves basaltiques (Lapparent, Abr. géol., 1886, p. 392).Dans l'obscurité brillaient çà et là des débris de pourriture rejetés par l'océan, des poissons morts (...) la carcasse d'un requin (Green, Journal, 1937, p. 98).
C. −
1. Repousser avec plus ou moins de force.
a) [L'obj. désigne un inanimé concr.] Un bruit de volets rejetés contre le mur nous fit tourner la tête (G. Leroux, Myst. ch. jaune, 1907, p. 98).Philippe rejette l'édredon et les couvertures (Renard, Journal, 1908, p. 1193).
En partic. [L'obj. désigne un vêtement, une pièce d'habillement, la chevelure] Envoyer vers l'arrière d'un mouvement brusque. Rejeter son écharpe. Le fier jeune homme, rejetant son manteau en arrière, avait (...) saisi la garde de son sabre (Hugo, Han d'Isl., 1823, p. 60).
b) [L'obj. désigne une pers.] Rejeter quelqu'un de côté. Je courus chez le gouverneur. Trébassof me fit rejeter à sa porte à coups de crosse par ses cosaques (G. Leroux, Roul. tsar, 1912, p. 78):
Des cavaliers apparaissent, menaçants, le sabre au poing, faisant cabrer leurs chevaux, dont les ruades rejettent les promeneurs de la chaussée sur les trottoirs. Goncourt, Journal, 1871, p. 818.
Empl. pronom. réfl. Se rejeter + compl. de lieu.Se reculer d'un mouvement brusque. Se rejeter en arrière. Il ne fit qu'un bond jusqu'à la portière. Rinette, déjà, l'avait ouverte. Il remarqua qu'elle s'était rejetée au fond de la banquette (Martin du G., Thib., Belle sais., 1923, p. 859).
En partic. Faire reculer, repousser (un ennemi). À la suite d'une violente préparation d'artillerie, la brigade de gauche (...) fut rejetée sur la rive gauche de l'Aisne par les ponts de Vailly et de Chavonne... (Joffre,Mém., t. 1, 1931, p. 458).
2.
a) Jeter, mettre dans un autre endroit. Il faut rejeter l'eau de ce bassin dans cette cuve, la terre de ce fossé sur cette couche. Rejeter les notes à la fin du volume (Ac. 1835-1935).
STYL. Déplacer en fin de phrase, à des fins d'expressivité. On peut mettre l'adverbe en relief en le rejetant à la fin de la phrase (...): « Il vit un œil tout grand ouvert... Et qui le regardait dans l'ombre fixement » (Hugo, Lég., La Conscience ds Le Bidois1967, § 977).
b) Diriger vers l'arrière ou sur le côté (une partie du corps). Rejeter les bras, les épaules en arrière. Alban (...) rejette le buste en arrière dans le même moment où le taureau dresse le poitrail (Montherl., Bestiaires, 1926, p. 559).Elle rejette la tête en arrière, dilate les narines et parle d'une voix de théâtre (Sartre, Nausée, 1938, p. 180).
c) Jeter, écarter (quelque chose d'inutile ou d'encombrant). Synon. fam. balancer, ficher en l'air.Tout en soufflant sa fumée, il se mit à feuilleter les esquisses (...), puis, vite dégoûté de ces vaines recherches (...), il rejeta sa cigarette (Maupass., Fort comme la mort, Paris, L. Conard, 1929 [1889], p. 5).
3. Au fig. Synon. de replonger, renvoyer.Ce drame rejette Tourguéneff dans les souvenirs de son enfance (Goncourt, Journal, 1873, p. 931).
D. − Au fig.
1. [L'obj. désigne un inanimé abstr.] Ne pas accepter, refuser. Synon. repousser.Rejeter un conseil, un sentiment, une idée, une hypothèse, une méthode, une offre, une théorie. Ce qui n'est pas généreux, c'est de rejeter mon amour, après m'avoir laissé croire que vous m'aimiez (Theuriet, Mais. deux barbeaux, 1879, p. 117).Kant (...) rejette les preuves classiques de l'existence de Dieu par voie de causalité (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 885).
DR., POL. Synon. récuser.Rejeter une loi, une motion, une requête, un recours en grâce. Le débat sur la fixation de date a souvent un caractère politique. En effet le gouvernement peut désirer voir rejeter l'interpellation à une date lointaine (Vedel, Dr. constit., 1949, p. 457).
2. [L'obj. désigne une pers.] Être rejeté par sa famille, par son milieu. Autant Taine philosophe rejette et déclasse Cousin, autant il se déclare admirateur et disciple de Guizot (Thibaudet, Hist. litt., 1936, p. 306).
[Dans un cont. bibl. ou relig.] Le Paradis est pour ceux qui y croient. Nous autres, nous restons dans ce que vous appelez les ténèbres extérieures. Nous sommes rejetés. Le mot est dur, mais il est dans l'Évangile (Green,Chaque homme dans sa nuit, 1960, p. 302).
PSYCHOL. Avoir une attitude de rejet envers un enfant. Vous avez perdu votre mari et j'ai perdu ma mère. Nous sommes quittes. Mais vous ne l'avez perdu qu'une fois, après en avoir joui pendant des années et sans qu'il vous ait rejetée. Moi, ma mère m'a rejetée. Maintenant elle est morte et je l'ai perdue deux fois (Camus, Malentendu, 1944, iii, 3, p. 176).
E. − ARBORIC. Pousser, produire à nouveau, le plus souvent après un recépage. Depuis qu'on a étêté cet arbre, il a rejeté beaucoup de branches (Ac.1835-1935).
Absol. On imposait autrefois la même règle pour l'abattage des arbres au-dessous d'un certain diamètre correspondant à l'âge limite à partir duquel la souche perd sa faculté de rejeter (Cochet, Bois, 1963, p. 131).
II. − Empl. pronom., au fig.
A. − Se consacrer à nouveau à, s'engager à nouveau dans. Christophe s'était rejeté dans la création, avec un entrain décuplé (Rolland, J.-Chr., Maison, 1909, p. 1072).
B. − Se reporter sur quelqu'un ou quelque chose d'autre, pour compenser un manque, une absence. Synon. fam. se rabattre sur.Mouret, après les refus de Denise, s'était rejeté sur cette grande rousse à tête de cheval, sans doute par calcul (Zola, Bonh. dames, 1883, p. 679).Rentré, dis-je, à Paris où la bière est affreuse, ce fut sur l'absinthe que je me rejetai (Verlaine, Œuvres compl., t. 5, Confess., 1895, p. 107).
C. − Se réfugier dans un lieu, après avoir été repoussé d'un autre. Sa retraite coupée, l'armée royale se rejeta en Brie (A. France, J. d'Arc, t. 2, 1908, p. 10).
Prononc. et Orth.: [ʀ ə ʒ əte], (il) rejette [-ʒ εt]. Ac. 1694, 1718: rejetter; dep. 1740: rejeter. Conjug. v. jeter. Étymol. et Hist. A. Trans. 1. 1176-81 regieter « jeter, abandonner » (Chrétien de Troyes, Chevalier charrette, éd. M. Roques, 4842); 2. ca 1190 « renvoyer loin de soi » (quelque chose) (Renart, éd. M. Roques, Br. XI, 11794); 3. xiiies. « régurgiter, vomir » (Aldebrandin de Sienne, Régime du corps, 77, 32 ds T.-L.); 4. xves. regetter « jeter de nouveau, renvoyer » (Sept Sages de Rome, éd. G. Paris, version dérimée, p. 41); 5. 1464 rejetter « annuler » (lettre du duc François II, 5 août ds Dom H. Morice, Mém. pour servir à l'Hist. eccl. et civile de Bretagne, t. 3, p. 71); 6. ca 1480 rejetter « repousser » (quelqu'un) (Mist. Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 1750, t. 1, p. 69); 7. 1539 rejecter « refuser » (une opinion, un présent, etc.) (Est.); 8. id. rejecter sur ung autre le souspecon qu'on avoit sur aucung (ibid.); 9. 1810 rejeter en arrière (un vêtement, une partie du corps) (Chateaubr., Martyrs, t. 3, p. 10). B. Intrans. 1. ca 1200 regeter « ruer » (du cheval) (Chevalier au cygne, 166 ds T.-L.), seulement a. et m. fr.; 2. ca 1393 « donner des rejetons » (d'une plante) (Ménagier de Paris, éd. G. Brereton et J. M. Ferrier, p. 118). C. Pronom. réfl. 1. 1567 « se jeter de nouveau, se réfugier » (Amyot, Vies des hommes illustres, Pyrrhus, t. III, p. 1488: Voyant qu'il ne la [la Sicile] pouvoit tenir non plus qu'une navire agitee de la tourmente, il cherchoit quelque couleur honeste pour en sortir, et fut la cause veritable pour laquelle il se rejetta en Italie); 2. 1805 se rejeter en arrière (Cottin, Mathilde, t. 1, p. 103). Du lat. rejectare « renvoyer, répercuter » (le son) qui prit en lat. d'époque impériale les sens de « rejeter, repousser, vomir », dér. de jactare (jeter*). Fréq. abs. littér.: 3 961. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 5 057, b) 4 658; xxes.: a) 5 525, b) 6 712.
DÉR.
Rejetable, adj.Que l'on doit rejeter, refuser. Proposition rejetable; pièce de monnaie rejetable. (Dict. xixeet xxes.). Si l'ennui et le mépris peuvent être considérés comme des passions, pour eux aussi [les vrais artistes] le mépris et l'ennui ont été les passions les plus difficilement rejetables (Baudel., Curios. esthét., 1859, p. 285). [ʀ ə ʒ ətabl̥]. Att. ds Ac. dep. 1762. 1reattest. 1552 rejetable (Est., p. 1138, s.v. rejectactaneus); de rejeter, suff. -able*.
BBG.Quem. DDL t. 27.