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RAISONNEUR, -EUSE, subst. et adj.
A. −
1.
a) (Personne) chez qui le raisonnement est la manière naturelle ou habituelle d'appréhender les choses; (personne) qui use du raisonnement pour convaincre quelqu'un, pour prouver ce qu'elle dit. Un subtil, un rigoureux raisonneur; un raisonneur profond. Son début à la Chambre le posa, dans une question de propriété (...) comme raisonneur habile plus que comme orateur politique (Sand, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 433).Avec son père instruit, subtil et raisonneur, elle parlait de tout (Noailles, Nouv. espér., 1903, p. 16):
1. Nous étions quelques bons fusils à la 6eCie, moi (...) Bikoff, l'homme froid, l'homme aux yeux clairs, le méthodique, le scientifique, le raisonneur, qui cherchait un angle de tir et une cible inédits, et qui faisait ses plus beaux coups sans en rien dire. Cendrars, Main coupée, 1946, p. 77.
[P. méton., en parlant de l'expr. d'une pers., de son comportement ou de ses activités] La nouveauté de cette Correspondance est la duchesse de Choiseul, que l'on connaissait déjà pour son mélange de grâce et de raison (...) mais pas à ce degré où la montrent au naturel cette suite de lettres vives, spirituelles, sensées, sérieuses, raisonneuses même, passionnées dès qu'il s'agit de la gloire et des intérêts de son époux (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 14, 1859, p. 220).
P. ext. Synon. de intellectuel.Madame Carraud n'a pas en elle cette mollesse féminine qui plaît. C'est une probité antique, une amitié raisonneuse qui a ses angles (Balzac, Lettres Étr., t. 1, 1834, p. 181).Une passion raisonneuse qui connut des froideurs et de longs détachements (Colette, Mais. Cl., 1922, p. 56).
En partic., rare. [P. oppos. à empirique] Personne qui fonde son jugement, son argumentation sur le raisonnement logique et non sur l'expérience. Ses parents eurent (...) très peur et firent venir quatre médecins, l'empirique, le persuasif, l'érudit et le raisonneur (Alain, Propos, 1928, p. 769).
b) (Personne) qui construit des raisonnements le plus souvent formalisés en un système d'idées. Synon. dialecticien, logicien, philosophe.Saint François de Sales, jusque dans ses élévations, est moins métaphysicien à proprement parler, et moins raisonneur que saint Anselme (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 7, 1853, p. 286).Nul (...) n'a mieux que ce raisonneur [Pascal] établi l'insuffisance de la tradition comme motif de crédibilité (Massis, Jugements, 1923, p. 233):
2. Où le spiritualiste emploie les mots de Dieu, création, volonté, lois divines, le raisonneur matérialiste est perpétuellement obligé de se servir d'expressions abstraites, telles que la nature, l'existence, les effets. Joubert, Pensées, t. 1, 1824, p. 318.
P. anal. Le XIXesiècle sera probablement encore plus raisonneur que son aîné, mais j'espère qu'instruit par l'exemple, il raisonnera juste (Stendhal, Corresp., 1801, p. 15).Quand on compare les œuvres timides que notre âge raisonneur enfante avec tant de peine aux créations sublimes que la spontanéité primitive engendrait, sans avoir même le sentiment de leur difficulté (Renan, Avenir sc., 1890, p. 89).
c) Avec valeur dépréc. [S'oppose à sensible, passionné] De froids raisonneurs qui contemplent notre souffrance avec la tranquillité de l'analyse philosophique (Sand, Jacques, 1834, p. 253).On vit d'un côté les indifférents, les tièdes, les raisonneurs, qu'aucune passion n'animait (A. France, Dieux ont soif, 1912, p. 151):
3. Ô hommes de marbre! Sublimes égoïstes, inimitables raisonneurs, qui n'avez jamais fait ni un acte de désespoir ni une faute d'arithmétique, si jamais cela vous arrive, à l'heure de votre ruine ressouvenez-vous d'Abélard quand il eut perdu Héloïse. Musset, Confess. enf. s., 1836, p. 89.
2. Péjoratif
a) (Personne) qui abuse du raisonnement, qui lasse son auditoire par des raisonnements sans fin. Synon. argumenteur, discuteur, ratiocineur.Un raisonneur assommant, perpétuel. Il n'a point à souffrir vingt discours odieux De raisonneurs méchants encor plus qu'ennuyeux (Chénier, Élégies, 1794, p. 158).Les gens du monde, les oisifs, parfumés et raisonneurs, l'ennuyaient et même le rebutaient (L. Daudet, Sylla, 1922, p. 143).
[P. méton.; en parlant d'une production de l'esprit] Il est étrange de voir à quel point ces théories raisonneuses de notre époque mènent à l'abstraction absurde, comme dans notre architecture ou nos dogmes politiques (Écho de la mode, Suppl., 1erjanv. 1967, p. 15, col. 2).
b) [Le plus souvent en parlant d'un enfant] (Celui, celle) qui réplique sans cesse, qui trouve des justifications à tout ce qu'il/elle fait, qui invente toujours de nouvelles raisons de ne pas faire ce qu'on lui demande. Synon. insolent, ergoteur.Faire un enfant raisonneur, disputeur, critique, c'est chose insensée (Michelet, Peuple, 1846, p. 344).Ce qu'elle a tiré [Suzette Mais] de son rôle délicieux de soubrette raisonneuse, jalouse, insolente (Colette, Jumelle, 1938, p. 83).
Loc. verb. Faire le raisonneur. George: Si Monsieur me retient, je puis rester, je pense. Ambroise: Tu fais le raisonneur! (Collin d'Harl., Vieux célib., 1792, ii, 3, p. 39).
P. anal. Louis XIV, malgré son amitié pour Catinat, avait fini par être un peu ennuyé de cette opposition rétive, raisonneuse, de cette résistance continuelle (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 8, 1864, p. 471).
B. − Au masc., THÉÂTRE. Personnage de comédie dont l'auteur se sert comme d'un porte-parole pour exprimer l'idée qu'il a voulu mettre à la scène et préciser le sens et la portée de sa pièce (d'apr. Ac. 1935). Je suis l'opinion publique, Un personnage symbolique, Ce qu'on appelle un raisonneur (Crémieux, Orphée, 1858, I, av.-scène, p. 4).Il parla, je crois bien, des droits sacrés de la passion. Ce fut la tirade que, depuis un demi-siècle, les auteurs de comédie font débiter par le raisonneur de leur pièce (Mauriac, Robe prétexte, 1914, p. 103).
En appos. Le comédien-raisonneur [chez Molière] dépasse le cadre immédiat de la scène, servant au public de point de repère pour mesurer le comique du héros dès le début de la pièce, et met en lumière les excès comiques auxquels il le pousse lui-même plus tard (R. McBride, La Question du « raisonneur » dans lesÉcoles de Molière ds XVIIesiècle, 1976, n o113, p. 72).
Empl. adj. Son rôle [de M. de Tocqueville] (...) est celui que, dans la haute comédie, on appelle le rôle raisonneur, celui des Ariste, des Cléante, un rôle qui honore et ennoblit la pièce, mais qui n'intéresse pas l'action (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 10, 1865, p. 311).
Prononc. et Orth.: [ʀ εzɔnœ:ʀ], fém. [-ø:z]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1345 Oléron « avocat » (Coutumier de l'île d'Oléron, 81 ds B. philol. et hist., 1917, p. 260); 2. 1666 « celui qui fatigue, qui importune par ses raisonnements » (Molière, Médecin malgré lui, II, 1); 3. 1668 « qui réplique sans cesse, discute, cherche à se disculper » (Id., L'Avare, I, 3); 4. 1678 « celui qui raisonne » (La Fontaine, Fables, VIII, 10, 55 ds Œuvres, éd. J. Régnier, t. 2, p. 262); en partic. 1821 « personnage de comédie dont l'auteur se sert pour exprimer l'idée qu'il a voulu mettre dans sa pièce » (Picard, Théâtre, t. 2, Coméd. ambul., Paris, J. N. Barba, II, 2, p. 126). Dér. de raisonner*; suff. -eur2*. Fréq. abs. littér.: 225. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 299, b) 214; xxes.: a) 402, b) 344. Bbg. Gohin 1903, p. 233.