Police de caractères:

Surligner les objets textuels
Colorer les objets :
 
 
 
 
 
 

Entrez une forme

options d'affichagecatégorie :
POÉTIQUE1, adj.
A. − [Corresp. à poésie]
1. Relatif à un genre littéraire soumis à des règles prosodiques particulières Ce que nous disons des idées, il faudra bien le dire et des images, et des sentiments, et jusqu'à un certain point de la musique verbale elle-même. Aucun de ces éléments, pris en soi, et séparé du courant poétique, n'est poésie (Bremond,Poés. pure, 1926, p.63).La langue poétique est rigoureusement comparable aux «formules des mathématiques»: elles forment un monde en elles-mêmes et ne jouent qu'avec elles-mêmes (H. Friedrich,Struct. de la poés. mod., Paris, Denoël-Gonthier, 1976, p.29).
Art* poétique. V. aussi poétique2.
Licence* poétique.
LING. Fonction poétique. V. fonction I B c.La fonction poétique n'est pas la seule fonction de l'art du langage, elle en est seulement la fonction dominante, déterminante, cependant que dans les autres activités verbales elle ne joue qu'un rôle subsidiaire, accessoire. Cette fonction, qui met en évidence le côté palpable des signes, approfondit par là même la dichotomie fondamentale des signes et des objets. Aussi, traitant de la fonction poétique, la linguistique ne peut se limiter au domaine de la poésie (R. Jakobson,Essais de ling. gén., trad. par Ruwet, t.1, 1963, p.218).
Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Le fait poétique. Soyez de plus en plus sévère et pur dans vos vers, pur à l'oreille, pur dans le style; ne faites pas de mots nouveaux comme: espéreurs. Hélas! nous en avons trop fait, ç'a été notre mal. Le simple et le vrai, quand le poétique y est d'ailleurs, voilà ce qui triomphe (Sainte-Beuve,Corresp., t.3, 1840, p.335):
1. Nul acte de foi, si momentané soit-il, n'est requis de nous pour adhérer à un poème de Hardy: que malgré cela, ses poèmes soient vraiment de la poésie −non pas de la «poésie pure», et c'est ce qui explique qu'un Valéry se refuse à les reconnaître, −mais de la poésie, au même titre qu'un arc-boutant gothique est de l'art, −une poésie qui rejoint le poétique par la vigueur de poussée de sa masse, −c'est là son mérite propre. Du Bos,Journal, 1925, p.259.
SYNT. Art, courant, domaine, genre, jeu, langage, livre(s), mètre, miracle, mot, mouvement, mythe(s), sujet, style, symbolisme, thème, terme(s), verbe, vocabulaire poétique(s); beauté, cadence, création, expression(s), fantaisie, floraison, forme, matière, métamorphose, nuance, réalité, renaissance, signification, structure, valeur poétique(s).
2. Qui est riche de ce qui définit essentiellement la poésie. Traduction poétique (d'une oeuvre de Valéry). Quel est celui d'entre nous qui n'a pas (...) rêvé le miracle d'une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime (...)? (Baudel.,Poèmes prose, 1867, p.7).Les silences de la prose sont poétiques parce qu'ils marquent ses limites (Sartre,Sit.II, 1948, p.87):
2. ... entre la forme et le fond, entre le son et le sens, entre le poème et l'état de poésie, se manifeste une symétrie, une égalité d'importance, de valeur et de pouvoir, qui n'est pas dans la prose; qui s'oppose à la loi de la prose −laquelle décrète l'inégalité des deux constituants du langage. Le principe essentiel de la mécanique poétique −c'est-à-dire des conditions de production de l'état poétique par la parole −est à mes yeux cet échange harmonique entre l'expression et l'impression. Valéry,Variété V, 1944, p.152.
3. P. anal.
a) Qui est empreint de poésie, dans l'expression artistique, dans un domaine autre que littéraire. Paysage, tableau poétique; (peindre dans des) colorations (suaves et) poétiques; timbre, dons poétique(s) (de la flûte...); la poétique musique de Debussy. Sa conversation n'est pas sans charme. Il lui arrive assez souvent de ne pas achever ses phrases, ce qui donne à sa pensée une sorte de flou poétique. Elle fait de l'infini avec l'imprécis et l'inachevé (Gide,Faux-monn., 1925, p.1123):
3. C'est le xixesiècle, et tout particulièrement Delacroix, qui ont pris conscience de ces pouvoirs irrationnels de la couleur. En témoigne le passage célèbre du grand peintre romantique: «Qui dit un art dit une poésie. Il n'y a pas d'art sans un but poétique...» Huyghe,Dialog. avec visible, 1955, p.206.
P. méton. La poétique viole personnifia donc à la fois au cours de son existence, la musique terrestre et la musique céleste (Grillet,Ancêtres violon, t.2, 1901, p.272).
b) [Dans une accept. souvent métaph., d'une manière parfois hypocor. ou péj.] Je possédais, gamin, un poétique objet de bazar. C'était, captive dans une boule de verre bleu: Moscou (Cocteau,Potomak, 1919, p.268).Je ne veux plus entendre parler de derrière poétique, ni de rut poétique, ni de sexe poétique (Aymé,Confort, 1949, p.180).
4. IMPR., vx. Caractère poétique. Caractère romain plus étroit et allongé que le caractère ordinaire, dont on se servait pour imprimer des ouvrages en vers alexandrins. (Dict. xixeet xxes.).
B. − [Corresp. à poète]
1. Qui est propre au poète. Comment faire de bons vers sans ivresse poétique? (Lasserre,Philos. goût mus., 1922, p.146):
4. Selon Jakob (...) Le rêve n'est rien autre que poésie involontaire. Cette formule si nouvelle se retrouve presque mot pour mot, sept ans plus tard, chez Jean-Paul, dans son traité de 1798, et ce rapprochement entre le songe et la création poétique sera l'un des thèmes constants du romantisme. Béguin,Âme romant., 1939, p.8.
SYNT. Don, enthousiasme, fureur, instinct, monde, talent poétique; tour(s) poétique(s); conception, création, exaltation, fiction, imagination, inspiration, intuition, production, puissance, recherche, sensibilité, tendance, vision poétique.
2. Qui est capable de sentir, d'exprimer, la beauté des choses; qui a des affinités, des dispositions pour la poésie. Il y avait en 1800 un grand rôle à prendre d'avocat poétique du Christianisme; l'auteur [du Génie du Christianisme] se sentit la force, le saisit et s'y précipita (Sainte-Beuve,Chateaubr., t.1, 1860, p.285):
5. Cherchez dans l'écriture elle-même. Vous trouverez des poètes poètes, et des poètes poétiques. Ils forment deux races distinctes. Villon, Baudelaire, Rimbaud poètes poètes. Ronsard, Musset, Verlaine, poètes poétiques. Cocteau,Crit. indir., 1932, p.103.
[P. méton. En parlant d'un attribut, d'une disposition naturelle de la pers.] Émotion, nature, sensibilité poétique:
6. Nul poète n'a pensé mieux choisir et régler sa langue que Mallarmé; un poème, disait-il, est un «hasard vaincu mot par mot». Comprendre le poème, c'est pour le lecteur vaincre à son tour l'apparence du fortuit et retrouver, non pas nécessairement par entendement, mais par accueil poétique «l'air du chant sous le texte conduisant la divination d'ici là»... Ricoeur,Philos. volonté,1949,p.380.
3. [En parlant d'une pers.; p.méton., de sa manière de voir, de réfléchir et p.réf. au monde du poète côtoyant le rêve, l'idéal, l'imaginaire...] Éloigné du réel, des événements, des choses terre-à-terre. Anton. réaliste.Réflexion poétique sur (qqc.). Avec ma soeur et moi, il changeait un peu de caractère (...). Il se faisait moins réel et, j'ose dire, plus poétique (A. France,, Putois1904, p.74).
REM. 1.
Poétisme, subst. masc.a) Rare. Aspect, caractère particulièrement poétique. Pareillement, le bel optimisme de George Sand nous fait lui pardonner le poétisme souvent irréel de ses idylles (Bourget,Physiol. amour mod., 1890, p.387).b) Hist. littér. Mouvement littéraire et artistique tchèque, inspiré du dadaïsme et originaire de Prague (troisième décennie du xxes.). Bien que son manifeste soit paru quelque temps avant celui d'André Breton, il est évident que le poétisme est la forme tchèque du surréalisme, mais forme très originale, comme l'a bien montré Nezval, qui prétend «cultiver la rime pour en faire jaillir des éclairs nouveaux, tâcher d'obtenir des étincelles des assonances, essayer des rythmes insoupçonnés, subordonner l'image au jeu du vers et de la rime alors que les surréalistes travaillent avec l'image sans autre accessoire technique» (Arts et litt., 1936, p.50-6).
2.
Poético-, élém. de compos.,entrant dans la constr. d'adj. au sens de «qui est à la fois poétique et (cet autre adj.)». a)
Poético-féminin, -ine. Je crains que ce mélange d'amour sacré et d'amour profane ne soit mal compris. On y verra l'équivalent de certains transports poético-féminins que je déteste, et cependant c'est tout le contraire: l'un tire l'âme à la chair, l'autre ne se sert de la chair qu'en façon de figure et de symbole à demi ironique d'une réalité bien autrement forte (Claudel,Corresp.[avec Gide], 1911, p.176).
b)
Poético-musical, -ale, -aux. Le 19 février, elle [Annie Girardot] créera «Revue et corrigée», au Casino de Paris. Le jeu de mots du titre traduit assez bien l'astuce du projet: un divertissement comico-sentimental-poético-musical qui raconte la renaissance d'un théâtre abandonné grâce à une vedette acharnée autant que populaire, Annie (L'Express, 12 févr. 1982, p.13, col. 1).
c)
Poético-philosophique. Telle est l'interprétation poético-philosophique en laquelle se complaisait Wagner (Prod'homme,Symph. Beethoven, 1921, p.335).
d)
Poético-réaliste. Sorti au début de l'occupation nazie, ce film poético-réaliste [«Nous les gosses», de Louis Daquin], conçu par des militants du Front populaire, apporta une grosse bouffée d'air pur (Elle, 10 nov. 1980, p.153, col. 1).
Prononc. et Orth.: [pɔetik]. Littré: ,,Dans la prononciation ordinaire, de deux syllabes``: [pwetik]. V. poème. Ac. v. poésie. Étymol. et Hist.1. a) 1372-74 art poëtique (N. Oresme, Politiques, éd. A. D. Menut, VIII, 12, p.355a); b) 1377 «relatif ou propre à la poésie» (Id., Ciel et monde, éd. A. D. Menut, I, 36, p.256: moz impropres et ainsi comme poëtiques); c) 1480 licence poetique (Regnaud Le Queux, Barâtre infernal, ms. BN 450 ds Le Jardin de Plaisance, éd. E. Droz et A. Piaget, t.2, p.80: le sixieme cercle [de l'enfer], lieu perpetuel des dampnetz selon la licence poetique); 1676 fig. licence poétique (Mmede Sévigné, Corresp., 1erjanv., éd. R. Duchêne, t.2, p.207); d) 1486 [date de l'éd.] «propre aux fictions cosmogoniques des poètes» (Raoul de Presles, Cité de Dieu, VI, 1, éd. 1486 ds Gdf. Compl. [cf. Z. Rom. Philol. t.72, p.360]); 2. 1549 «porté à la poésie, doué pour la poésie» (Du Bellay, Deffence et Ill. de la Lang. fr., éd. H. Chamard, p.170: les espris poëtiques); 3. 1552 fureur poétique «puissance créatrice qui anime le poète» (Pontus de Tyard, Solitaire premier, ou Prose des Muses, et de la fureur poetique, Lyon ds OEuvres, éd. S. F. Baridon, p.VIII); 4. 1572 typogr. Italicque Poëticque (Typographica Plantiniana II, 33 ds Wolf Buchdruck 1979, p.93); 1581 Cursiue Poeticque (op. cit., 70, ibid.); 1764 caractères poétiques (Fournier, Manuel typogr., p.167); 5. 1588 «apte à émouvoir, à inspirer, à éveiller le sentiment de la poésie» (Montaigne, Essais, III, 9, éd. Villey-Saulnier, p.994: l'alleure poetique); 6. 1963 ling. la fonction poétique du langage (R. Jakobson, loc. cit.). Empr. au lat. poeticus «poétique», et celui-ci au gr. π ο ι η τ ι κ ο ́ ς «capable de créer; inventif, poétique». Bbg. Cohen (J.). Struct. du lang. poétique. Paris, 1966, pp.7-51. _Dufrenne (M.). Le Poétique. Paris, 1963, pp.5-6. _ Jung (M.-R.). Poetria. Vox rom. 1971, t.30, p.44-64. _ Kristeva (J.). La Révolution du lang. poétique. Paris, 1974, 646 p._ Quem. DDL t.15 (s.v. poético-); 26 (s.v. poétisme). _ Wagner (R.-L.). Lang. poétique. In: [Mél. Lerch (E.)]. Stuttgart, 1955, pp.416-430.