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POÈTE, subst. masc.
A. − LITTÉRATURE
1. Écrivain qui s'adonne à la poésie, qui est auteur de poèmes en vers. Synon. versificateur; anton. prosateur.Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d'amour, de souffrance, de folie; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n'en garder que les quintessences (...). Donc le poète est vraiment voleur de feu (...). Mais inspecter l'invisible et entendre l'inouï étant autre chose que reprendre l'esprit des choses mortes, Baudelaire est le premier voyant, roi des poètes, un vrai Dieu (Rimbaud,OEuvres, Lettre à Demeny, 1969 [1871], pp.346-349).L'explication orphique de la Terre, qui est le seul devoir du poëte et le jeu littéraire par excellence: car le rythme même du livre, alors impersonnel et vivant, jusque dans sa pagination, se juxtapose aux équations de ce rêve (Mallarmé,OEuvres compl., Autobiographie, 1965 [1885], p.663):
1. Il faudrait faire voir que le langage contient des ressources émotives mêlées à ses propriétés pratiques et directement significatives. Le devoir, le travail, la fonction du poète sont de mettre en évidence et en action ces puissances de mouvement d'enchantement, ces excitants de la vie affective et de la sensibilité intellectuelle, qui sont confondus dans le langage usuel avec les signes et les moyens de communication de la vie ordinaire et superficielle. Le poète se consacre et se consume donc à définir et à construire un langage dans le langage... Valéry,Variété II, 1929, pp.151-152.
[À propos d'une femme, avec un déterm. au masc.] Mmede Noailles est le poète des jardins et de la jeunesse (Barrès,Cahiers, t 3, 1904, p.211):
2. ... c'est pour le père [Daudet] une occasion de s'étendre sur l'atavisme, de se demander si le style ne vient pas d'un certain mécanisme du cerveau, qui se lègue et dont sa fille a hérité. Car elle a toutes ses qualités de fabrication jointes à «une essence poétique», qu'il confesse ne pas avoir et qui doit faire d'elle, si elle continue, un poète tout à fait remarquable. Goncourt,Journal, 1891, p.10.
Rare. [Avec un déterm. au fém.] Synon. poétesse.Le style à moi, qui m'est naturel, c'est le style dithyrambique et enflé. Je suis un des gueulards au désert de la vie. Adieu, ma poète chérie (Flaub.,Corresp., 1853, p.224).Vu aussi à la Bibliothèque une Anglaise à laquelle Trebutien m'a présenté, une poëte, −une MmeCarey, je crois (Barb. d'Aurev.,Memor. 3, 1856, p.31).
Empl. adj., attribut. [P. méton. En parlant d'une période littér., d'un peuple, d'une pers.] Être poète dans l'âme; se piquer d'être poète. Le moyen âge était poète: sa naïveté attendrie avait tant à coeur la dignité de l'espèce humaine que, ne voulant pas croire le mal ouvrage de l'homme, il en faisait l'oeuvre du diable (Péladan,Vice supr., 1884, p.66).
2. En partic.
a) Le poète, au sens de créateur par excellence. J'entends par poète un écrivain qui, en vertu d'une idée ou en vue d'un idéal, transforme notablement la réalité et, ainsi modifiée, la fait vivre. À ce compte, beaucoup de romanciers et d'auteurs dramatiques sont donc des poètes (Lemaitre,Contemp., 1885, p.253).Tu n'expliques rien, ô poète, mais toutes choses par toi nous deviennent explicables (Claudel,Ville, 1901, i, p.428):
3. ... nous avons perdu la clef de cette vie intégrale avec le tout. Le poète en est le mage. Pour nous, il ouvre de temps à autre la porte mystérieuse. Il nous entraîne vers un usage visionnaire de l'imagination qui nous livre le monde dans sa réalité profonde et chaque être dans sa liaison à l'unité du tout. Mounier,Traité caract., 1946, p.389.
b) [Avec une épithète postposée, correspondant aux diverses espèces de poésie traditionnellement établies] Poète dramatique, épique. Jacques Richepin attrape Gregh qui, dans son livre sur Victor Hugo, n'a pas dit un mot de Jean Richepin, «le plus admirable poète lyrique après Victor Hugo» (Renard,Journal, 1905,p.965).
c) OEillet de poète. Variété d'oeillet dont les fleurs sont réunies en corymbes. Voir A. Huxley, Fleurs de montagne, Paris, Fernand Nathan, 1973, p.192.
3. Loc. à valeur adj. De poète. Caractéristique d'un poète.
a) [P. allus. à la perception aiguë, à la sensibilité fine du poète] [Nos peintres] portent dans leurs paysages des délicatesses, des raffinements et des émotions de citadins et de poètes (Taine,Philos. art, t.2, 1865, p.74).Le talent: voir vrai avec des yeux de poète (Renard,Journal, 1905, p.1009).Il me prit à témoin, avec une mélancolie de poète: −Crois-tu que c'est triste, un jardin sans tombeaux? (Colette,Mais. Cl., 1922, p.95).
SYNT. Cerveau, coeur, génie, talent de poète; sentiments de poète; âme, fantaisie, idée, imagination, nature, tête, vie, voix de poète; extases, idées, images, rêveries de poète.
b) [P. allus. à l'imagerie romantique du poète barbu et chevelu, le front haut et large abritant une imagination débordante] Un front impérial d'artiste et de poète, Occupant à lui seul la moitié de la tête, Large et plein, se courbant sous l'inspiration (Gautier,Prem. poés., 1830-45, p.166).Elle remarqua un jeune homme, un étudiant, qui habitait un hôtel garni du voisinage et qui passait plusieurs fois par jour devant la boutique. Ce garçon avait une beauté pâle, avec de grands cheveux de poëte et une moustache d'officier (Zola,Th. Raquin, 1867, p.98).
SYNT. Bon, divin, éminent, excellent, grand, humble, illustre, mauvais, méchant poète; poète ardent, célèbre, courtois, décadent, favori, hermétique, incompris, médiocre, militant, original; poète de génie, de renom, de talent; poète de cour, poète lauréat; poète officiel; poète français, italien, latin, provençal; les anciens poètes; les poètes modernes; les poètes dadaïstes; les poètes maudits; les poètes parnassiens, romantiques, surréalistes, symbolistes; poète(s) chrétien(s), mystique(s), païen(s); poète(s) comique(s), érotique(s); poète(s) populaire(s); poète de l'amour, de l'enfance, de la vie intérieure, de la révolte; art, don, idéal, métier, souffle, talent du poète; fonction, inspiration, mission sociale, sensibilité, sensualité, solitude, verve du poète; la lyre, la muse du poète.
4. Empl. en appos. Enfant poète, ouvrier poète, psychologue poète, etc. femme poète (v. poétesse). Votre ami Horace a laissé une postérité moins généreuse, et je vois un de ses petits-fils en la personne du cabaretier poète qui, présentement, verse du vin dans des tasses, sous son enseigne épicurienne (A. France,Bonnard, 1881, p.304).
B. − P. ext.
1. [Dans le domaine littér.]
a) En empl. adj. [En parlant d'une pers.; p.méton., d'une nation, d'un peuple] Qui a des affinités pour la poésie. Ici, chez nous, en famille, sachons dire la vérité: la France n'est pas poëte; elle éprouve même, pour tout dire, une horreur congénitale de la poésie (Baudel.,Art romant., Th. Gautier, 1859, p.477):
4. Comme un jeune olivier sauvage dont les enfants ont barbouillé en passant le tronc d'ocre et de chaux, Mistral rejeta cette mauvaise écorce; il reprit sa teinte naturelle, et il éclata dans son tronc et dans ses branches de toute sa séve et de toute sa liberté, en pleine terre, en plein soleil, en pleine nature. Il se sentait poëte sans savoir ce que c'était que la poésie; il avait une langue harmonieuse sur les lèvres sans savoir si c'était un patois. Lamart.,Cours litt., 1859, p.242.
b) Écrivain (ou romancier) dont l'oeuvre révèle une rare activité créatrice. Balzac est parmi nous le grand poète en prose, Et jamais nul esprit sondeur du gouffre humain, N'a fouillé plus avant la moderne névrose (Rollinat,Névroses, 1883, p.57).
2. [Dans les arts autres que la litt.] Créateur dont les oeuvres sont pénétrées de poésie. (Claude Lorrain) poète de la lumière; le (grand) poète [Corot] des brumes argentées; les grands poètes de la nature, de la peinture; (Liszt) au premier rang des grands poètes de la musique:
5. Il y a dans ces quatre actes une trouvaille délicieuse et c'est l'arrivée de cendrillon au bal, l'instant où les instruments se taisent −comme le dit Perrault −«car on était attentif à contempler les grandes beautés de cette inconnue». La page est d'un poète, d'un musicien qui sait la valeur du silence −chose si rare. Dumesnil,Hist. théâtre lyr., 1953, p.160.
3. [En dehors du domaine littér. ou artist.]
a) Personne dont les actions témoignent d'une force créatrice remarquable. De la réunion de ces remarques il résulte que Bonaparte était un poète en action, un génie immense dans la guerre, un esprit infatigable (Chateaubr.,Mém., t.2, 1848, p.640).
b) Personne qui se laisse emporter par son imagination, son idéalisme, qui s'élève au-dessus des contingences. Je vois que tu es resté ce que je t'ai laissé, le plus noble, le plus enthousiaste garçon du monde, un poëte enfin! un poëte qui met la poësie dans sa vie au lieu de l'écrire, croyant au bien, au beau! (Balzac,Marâtre, 1848, ii, 8, p.30).
En empl. attribut (avec une nuance péj.) Synon. rêveur.Si nous [idéalistes] persistons (...) ils [les grands politiques] nous disent un gros mot, la plus grosse injure qu'ils puissent trouver, ils nous appellent poëtes! (Hugo,Actes et par.2, 1875, p.48).
c) Poète de + subst.Personne douée d'une activité créatrice dans tel domaine (précisé par de + subst.). L'homme puissant, les grands réformateurs, les poètes de la finance et de l'industrie n'éprouvent plus guère que l'âpre allégresse des destructions et des transformations (Chardonne,Éva, 1930, p.48):
6. Il gesticulait, il était debout (...) en vérité, il devenait grand, le geste dans les étoiles, en poète de l'argent que les faillites et les ruines n'avaient pu assagir. Zola,Argent, 1891, p.260.
REM. 1.
Poète-, élém. de compos.,[entrant dans la constr. de subst. masc.] a)
Poète-cinéaste. Lorsque Pino Pelosi, dit la rana (la grenouille), dix-sept ans et demi, assassin du poète-cinéaste Pier Paolo Pasolini, se présente le 13 janvier devant le tribunal des mineurs à Rome, il est tiré à quatre épingles: pull moulant, veston beige ajusté, chaussures noires à talons hauts (Le Nouvel Observateur, 23 févr. 1976, p.44, col. 2).
b)
Poète-musicien. Max-Pol Fouchet a placé son récit sous la double invocation de Malcolm Lowry, l'auteur d'«Au-dessous du volcan», qui le révéla aux Français, et d'Atahualpa Yupanqui, le merveilleux poète-musicien dont les chansons, brûlantes comme le feu, sont parfois interdites par les dictateurs chatouilleux (Le Point, 13 sept. 1976, p.112, col. 2).
2.
-poète, élém. de compos.,[entrant dans la constr. de subst. masc.] a)
Artisan-poète. L'histoire de «Jean des Cévennes», un homme rude et tendre comme sa terre. Vigoureux et attachant. Du bon travail d'artisan-poète (Le Nouvel Observateur, 12 sept. 1977, p.11, col. 4).
b)
Cordonnier-poète. Il est donc indispensable d'écouter de près ce Wagner insolite. Et surtout cette cinquième intégrale (en France) qu'Eugen Jochum, au pupitre de l'orchestre de l'Opéra de Berlin, conduit avec le plus de légèreté, d'ironie, de grâce autorisées par la partition. (...) Dietrich Fischer-Dieskau donne une âme au cordonnier-poète (Elle, 31 janv. 1977, p.15, col. 2).
c)
Dessinateur-poète. Fred, un dessinateur-poète, promène son personnage Philémon dans un monde totalement onirique («Philémon, le chat à neuf queues») (L'Express, 2 févr. 1980, p.105, col. 3).
d)
Paysan-poète. L'hommage officiel rendu au paysan poète, Serge Essenine, auteur de «Pougatchev», poème dramatique à la gloire du leader de la révolte paysanne que Catherine II écrasa en 1775 (L'Express, 30 mai 1977, p.38, col. 2).
e)
Président-poète. Au cours d'une soirée à la Comédie-Française donnée en l'honneur de Léopold Sédar Senghor, on avait en effet entendu une comédienne déclamer des vers du Président-poète évoquant «l'agonie d'une princesse pitoyable»: l'Afrique (Le Point, 28 août 1978, p.35, col. 1).
3.
Poéterie, subst. fém.,p.dénigr. [À propos d'une société de poètes] Ce n'est pas ici la place de vous raconter les mésaventures et les avatars de ce «brave Guy» (...) recevant devant des tables à thé compliquées −on n'avait pas encore inventé les poéteries −de grandes dames (...) régulièrement enjuivées (L. Daudet,Idées esthét., 1939, p.185).
Prononc. et Orth.: [pɔ εt]. Littré: ,,Dans la prononciation ordinaire, de deux syllabes'': [pwεt]. V. poème. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1150 subst. masc. poete «écrivain qui fait de la poésie» ``(Everard de Kirkham, Distiques de Caton, éd. E. Stengel, p.135); b) 1547 adj. (M. d'Amboise, Propos fantastiques, 2 ds Hug.); c) 1723 subst. fém. (C. Buffier, Abrégé des Régles de la Poësie françoise ds Gramm. fr. sur un plan nouv., Paris, p.523: cette ingénieuse Poëte); 1817 subst. masc., en parlant d'une femme (Stendhal, Hist. peint. Ital., t.1, p.170: Quel poète que mademoiselle de Lespinasse); 2. 1546 fig. «être étrange, un peu fou, maniaque; rêveur» (Rabelais, Tiers livre, chap.XVIII, éd. M. A. Screech, p.138: folz comme poëtes, et resveurs comme philosophes); 1578 (H. Estienne, Deux dialogues, éd. P. Ristelhuber, t.1, p.288: C'est un poete [= il est fantasque, lunatique]); 3. 1661 «personne dont les oeuvres sont pénétrées de poésie» (Somaize, Dict. des précieuses, éd. Ch.-L. Livet, Paris, 1856, t.1, p.202: les Peintres: Les poëtes muets [MlleLe Brun]); 4. 1669-73 «celui qui est doué pour la poésie» (Boileau, Art poétique I, 4, éd. Ch.-H. Boudhors, p.81: Si son Astre en naissant ne l'a formé Poëte). Empr. au lat. poeta «poète», et celui-ci au gr. π ο ι η τ η ́ ς «auteur, créateur; fabricant, artisan; qui compose des vers, poète; p.ext. qui compose des ouvrages de prose, des discours, de la musique, etc.» dér. de π ο ι ε ́ ω (v. poème). Fréq. abs. littér.: 11040. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 18926, b) 15226; xxes.: a) 13266, b) 14664.
DÉR. 1.
Poétaillon, subst. masc.,péj., fam. Poète médiocre. Au lieu de quelque désoeuvré de trente ans sans auréole, ou de quelque poétaillon besogneux et un rien comique, elles avaient devant elles l'explorateur qui (...) vient se détendre au soleil de la côte, rêver, classer des impressions, des notes (Romains,Hommes bonne vol., 1939, p.106). [pɔetɑjɔ ̃], [-a-]. 1reattest. 1899 (Gyp, M. de Folleuil, p.195: un poétaillon quelconque); de poète, suff. -aillon (-aille*, -on1*).
2.
Poétastre, subst. masc.,rare, péj. Petit et fort mauvais poète. C'est effrayant ce que nous nous sentons D'affinités avecque les moutons Enrubannés du pire poétastre (Verlaine,OEuvres compl., t.2, Parall., 1889, p.166).[pɔetastʀ ̭]. 1reattest. 1550 Poëtastre (Ronsard, Odes, Préf. au lecteur ds OEuvres, éd. P. Laumonier, t.1, p.47); de poète*, suff. -âtre*. Cf. le lat. poetaster (1521, Erasme Lettre, 25 mars, d'apr. NED).
BBG.Françon (M.). Notes sur le vocab.: poète, poésie, humaniste, traduire, cavillation. Bibl. Hum. Renaiss. 1967, t.29, pp.159-161. _ Quem. DDL t.14, 21 (s.v. poétastre); 15 (s.v. poète-amant et poète-poète).