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* Dans l'article "OMBRE1,, subst. fém."
OMBRE1, subst. fém.
I. − [P. oppos. à la pleine lumière en gén.]
A. −
1. Diminution plus ou moins importante de l'intensité lumineuse dans une zone soustraite au rayonnement direct par l'interposition d'une masse opaque. Ombre épaisse, froide; coin, trou d'ombre; chercher l'ombre; trouver un peu d'ombre; être noyé, plein d'ombre; se remplir d'ombre; être, se cacher, luire, rentrer dans l'ombre.
a) Interception de la lumière par le feuillage des arbres. Ombre verte; donner, faire, jeter de l'ombre. Les feuilles de palmier nous couvraient d'une ombre propice; mais, hors de cette ombre, l'embrasement de la terre et des cieux était tel que nos yeux n'en auraient pu supporter l'éclat (G. Leroux,Parfum,1908, p.74).L'ombre n'est pas un endroit du paysage où la lumière cesse, mais où elle est subordonnée à une lumière qui nous paraît plus intense (Mauclair,Maîtres impressionn.,1923, p.25):
1. La forêt masse en vain ses feuillages plus lents; Le soleil, à travers les cimes incertaines Et l'ombre où rit le timbre argentin des fontaines, Se glisse, darde et luit en jeux étincelants. Heredia,Trophées,1893, p.20.
BOT. Essence, plante d'ombre. Végétal capable de se développer en des lieux à faible luminosité, notamment sous le couvert des arbres. Les hêtres et les sapins sont par excellence des essences d'ombre. Les premiers aiment l'ombre froide, si froide qu'elle devient mauvaise aux autres individus (Pesquidoux,Livre raison,1928, p.23).Les sciophytes (...) sont des plantes d'ombre; elles se contentent d'une lumière atténuée et habitent même les stations obscures (Bot.,1960, p.1284 [Encyclop. de la Pléiade]).V. essence2ex. 1.
b) Interception de la lumière par un écran quelconque. Ombre bleuâtre, noire. On allait (...) détruire les petites rues, supprimer l'ombre, et il n'y aurait plus place pour les penseurs sans domicile dans les coins obscurs (Vallès,Réfract.,1865, p.55):
2. Quoique le soleil donnât en plein dans la cour dont le sol brillait inondé d'une lumière crue, une ombre bleue et fraîche, transparente dans son intensité, baignait l'appartement où l'oeil, aveuglé par les ardentes réverbérations, cherchait d'abord les formes et finissait par les démêler lorsqu'il s'était habitué à ce demi-jour. Gautier,Rom. momie,1858, p.195.
c) Locutions
À l'ombre (de). À l'abri du soleil, sous le couvert (de). V. ombrer ex. de Gressent.
Il fait, il y a, par (x) degrés à l'ombre. Il balance son parapluie, il y a trente-huit degrés à l'ombre (Nizan,Conspir.,1938, p.121).
Familier
Être, mettre qqc. à l'ombre. Être, mettre en lieu sûr. La servante du maire avait mis à l'ombre toutes ses provisions et ne nous avait réservé que ses injures (Mmede Chateaubr., Mém. et lettres,1847, p.97).
Être, mettre qqn à l'ombre. Être, mettre en prison. Ce n'est pas la première fois qu'on le met à l'ombre. Son Altesse a déjà fait trois ans de maison centrale (A. Daudet,Tartarin de T.,1872, p.128).
Vx. Mettre qqn à l'ombre. Mettre sous terre, tuer. Garcia devait te tuer. Ta garde navarraise n'est qu'une bêtise, et il en a mis à l'ombre de plus habiles que toi (Mérimée,Carmen,1847, p.64).
2. Au fig. Ce qui abrite, protège, exerce une influence bienfaisante. Plus notre vie est publique et plus nous avons besoin d'une tendresse cachée; plus nous sommes exposés aux regards et aux coups, et plus nous est nécessaire l'ombre d'un coeur (Mauriac,Journal 2,1937, p.197).
À l'ombre (de). Sous la protection de. Notre temps n'offre plus de ces facilités de développer à loisir les dons les plus délicats de l'esprit, à l'abri des misères du siècle, à l'ombre d'une immense institution (Valéry,Variété IV,1938, p.24).
B. − P. méton. Partie d'une oeuvre figurant par des hachures, des couleurs plus sombres, etc., les aspects les moins lumineux d'un objet. Jeu d'ombre(s) et de lumière(s); ménager les ombres. Les réalistes de toutes les écoles ont aimé ces ombres violentes qui rendent fortement le relief des corps et font plus éclatantes les clartés (Hourticq,Hist. art,Fr., 1914, p.398).Rien n'est plus beau qu'un vrai dessin, tout nu, sans ombres ni hachures (Alain,Beaux-arts,1920, p.277):
3. ... [Velasquez] formulait la silhouette par un trait continu, le volume par de savantes gradations de l'ombre qui se superposaient au coloris indiquant la chair. Huyghe,Dialog. avec visible,1955, p.197.
Terre d'ombre. V. ombre3.
P. métaph. Il [le musicien] y trouve [dans les instruments de l'orchestre] tous les tons nécessaires pour revêtir sa pensée, son dessin mélodique, son tissu harmonique, pour y produire des lumières et des ombres (Lavignac,Mus. et musiciens,1895, p.214).
Locutions
Vx. C'est une ombre au tableau. C'est un léger défaut qui rehausse les qualités de telle chose ou personne, sans les effacer. (Dict. xixes. notamment).
Il y a une ombre au tableau, faire ombre au tableau. Il y a/présenter une disparité qui nuit à l'harmonie de l'ensemble. On s'extasiait à tout ce qu'il disait. C'était l'esprit gaulois dans sa fleur (...). Quand le train du château eut pris un cours brillant et régulier, on commença de remarquer qu'il faisait ombre et tache au tableau (Sandeau,Mllede La Seiglière,1848, p.88):
4. Il n'y eut, à l'aller, qu'une ombre à ce tableau innocent. Nous aperçûmes marchant devant nous Gilberte Poquelin. Elle avait (...) l'air doux et effronté d'une gamine qui devient une jeune fille. Alain-Fournier,Meaulnes,1913, p.216.
C. − P. anal.
1. (Endroit marqué par une) coloration foncée sur une surface plus claire. À travers une eau limpide on discerne les mousses vertes en taches d'ombre sur le fond (Louys,Aphrodite,1896, p.79).Je craignais que l'on pût lire sur mon visage les signatures éclatantes du plaisir, en ombres sous mes yeux, en relief sur ma bouche (Sagan,Bonjour tristesse,1954, p.122).
COSMÉT. Ombre à paupières. Poudre colorée qui s'applique sur les paupières. L'ombre et le fard à paupières crème, le crayon qui souligne (...) le bord des paupières (F Magazine,janv. 1978, no1, p.83).
2. Au fig. Faute, souillure morale; aspect négatif, répréhensible de quelque chose. Le rôle que tu joues est un rôle de boue et de lèpre (...); j'ai laissé l'ombre de ta mauvaise réputation passer sur mon honneur (Musset,Lorenzaccio,1834, iii, 3, p.179).Osons donc l'aimer [Villon] pour ses erreurs, qui ont été l'ombre de son rayonnement (Carco,Nostalgie Paris,1941, p.136).
Locutions
Vx. Jeter une ombre sur. V. jeter I E 1 au fig.
Sans (une) ombre. Sans défaut, sans tache. Cet amour s'était conservé intact, sans une ombre, sans une paille, durant douze années (Jammes,Mém.,1922, p.141).
D. − P. ext., littér.
1. Absence totale de lumière, nuit. Quand les longues ombres de la nuit descendent sur la terre et la peuplent d'images fantastiques (Cottin,Mathilde,t.2, 1805, p.274).Ah! ces voix des portraits quand le jour va finir! (...) Avec qui nous causions souvent dans le silence Quand l'ombre s'épandait en noirs tulles flottants (Rodenbach,Règne silence,1891, p.26):
5. L'ombre était nuptiale, auguste et solennelle; Les anges y volaient sans doute obscurément, Car on voyait passer dans la nuit, par moment, Quelque chose de bleu qui paraissait une aile. Hugo,Légende,t.1, 1859, p.86.
Poét. La reine des ombres. La lune. Le crépuscule encor jette un dernier rayon, Et le char vaporeux de la reine des ombres Monte (Lamart.,Médit.,1820, p.11).
2. Au fig.
a) Ce qui attriste, inquiète, assombrit le moral, nuit à la sérénité de l'esprit. Ma vie n'aurait peut-être pas été complète sans cette angoisse, ce sera une ombre qui fera valoir des jours célestes (Balzac,Ferragus,1833, p.113).Enchantement (...) à qui rien ne résiste. Ni les désillusions, les lassitudes, les déboires, ces ombres qui assaillent l'homme (Pesquidoux,Livre raison,1928, p.248).
Loc., littér., vieilli
Faire ombre sur; donner, jeter de l'ombre à qqn. Rendre défiant, jaloux, etc. Synon. plus cour. donner, faire, porter ombrage* à (qqn).Mazetto: Prenez garde à la jettatura, seigneur Fabio! (...) Fabio, seul: Je suis fatigué de voir la tête de ce coquin faire ombre sur mon amour (Nerval,Filles feu,Corilla, 1854, p.666).
Rare. Prendre une ombre. Synon. de prendre ombrage*.Nous (...) avons eu la sottise de moquer une petite crise d'orgueil fort excusable à cet âge. Le jeune homme en a pris une ombre que nous ne soupçonnions pas (Cocteau,Bacchus,1952, i, 3, p.49).
P. méton. Expression de tristesse, d'inquiétude. Une ombre passa sur le visage de Condé, éteignit le sourire paterne et durcit les traits (Chardonne,Varais,1929, p.185).
b) Ce qui dissimule, empêche de connaître; ce qui est caché, oublié, mystérieux. Si l'Essai fut un moment connu en France, il fut presque aussitôt oublié (...); une ombre subite engloutit le premier rayon de ma gloire (Chateaubr.,Mém.,t.1, 1848, p.472).L'ombre complice qui s'élève de toutes parts pour cacher l'assassinat (Faure,Hist. art,1921, p.67):
6. Ce que nous avons de plus nôtre, de plus précieux est obscur à nous-mêmes (...) je suis transparente pour quelqu'un [M. Teste], je suis vue et prévue, telle quelle, sans mystère, sans ombres, sans recours possible à mon propre inconnu, −à ma propre ignorance de moi-même! Valéry,Soirée avec M. Teste,1895, p.47.
Locutions
Agir, se passer, se tramer dans l'ombre. Agir,... en secret. Le père Walter, député muet (...), sachant s'effacer, s'occupait dans l'ombre, disait-on, d'une grosse affaire de mines de cuivre, au Maroc (Maupass.,Bel-Ami,1885, p.290).
Laisser, rejeter, etc. qqc. dans l'ombre. Laisser,... dans le doute, sans explication; ne pas mettre en évidence. En clinique, laisser dans l'ombre les altérations des vaisseaux lymphatiques (...), mettre en pleine lumière les altérations bronchiques (Cadet de Gassicourt,Mal. enf.,t.2, 1880, p.193).
Laisser qqn dans l'ombre ou, [le suj. désignant une pers.], demeurer, être, rentrer, rester, végéter, vivre, etc. dans l'ombre/ (plus rarement) à l'ombre. Laisser... dans le retrait, l'effacement, l'oubli. Comment la femme qui a été vantée peut-elle se résoudre à ne l'être plus? Se croit-elle vivante si elle reste à l'ombre, et s'il y a silence autour de sa beauté? (Musset,Confess. enf.s.,1836, p.365).En couple heureux et sage, Ils vivent là dans l'ombre (Lorrain,Modern.,1885, p.34).
Sortir de l'ombre. Sortir de l'anonymat, devenir célèbre. Lorsqu'aux environs de 1889 il sortit de l'ombre, où il avait jusque-là vécu, Carrière ne jugea point qu'il était un homme arrivé (Séailles,E. Carrière,1911, p.93).
Vivre dans l'ombre de qqn. Vivre dans l'entourage et la dépendance de quelqu'un en restant au second plan, généralement par modestie, abnégation. Si du moins il pouvait avoir un tort grave envers moi, qui d'un coup me libérerait! (...) Il y a six ans que je vis dans son ombre. (...) c'est une ombre qui me fait un froid dont je meurs (Montherl.,Malatesta,1946, iv, 4, p.517).
Littér., vx. Sous ombre de, que. Sous couvert d'un prétexte, de raisons fallacieuses. Il a attrapé bien des gens sous ombre de dévotion (Ac.1798-1935).
c) Littér. Mort. Ô terreur! C'est la mort qui brusquement se dresse, La grande aveugle, l'ombre implacable et sans yeux (Hugo,Année terr.,1872, p.319):
7. Comme tout nous surprend dès qu'un homme est passé Dans l'ombre où ne vient pas l'aurore! Se peut-il que l'on soit, l'un du côté glacé, L'autre du côté tiède encore? Noailles,Forces étern.,1920, p.65.
P. méton., vieilli. Ombres de la mort. Manifestations (physiques notamment) de l'approche de la mort. Il perdit connoissance. Les ombres de la mort, ainsi qu'une sueur froide, inondèrent bientôt son visage (Crèvecoeur,Voyage,t.2, 1801, p.368).
II. − [P. réf. à un corps précis]
A. −
1. Figure sombre projetée par un corps qui intercepte la lumière, et reproduisant plus ou moins exactement le contour de ce corps. Ombre projetée; grande(s), longues, petite ombre(s); les ombres du soir; jeter, projeter une/son ombre; les ombres s'allongent. À mes pieds l'ennemie, Mon ombre! La mobile et la souple momie, De mon absence peinte effleurait sans effort La terre où je fuyais cette légère mort (Valéry,J. Parque,1917, p.100).Son ombre répétant ce geste dessinait sur le sol une silhouette mince et biscornue (Lacretelle,Silbermann,1922, p.94):
8. C'est l'heure où l'on allume les lanternes. Alors les ombres s'éveillent sur les grands espaces blancs des murs. Les unes dessinent des nez grotesques dans des visages sans yeux (...); elles surgissent de la paroi par une sorte de prodige, grandissent soudain, montent jusqu'au plafond. D'autres, impalpables, effleurent à peine la blancheur du mur de leur frôlement... Moselly,Le Rouet d'ivoireds Cahiers de la quinzaine, 1907, no4-6, p.26.
[P. allus. à l'oeuvre de Chamisso, Hist. merveilleuse de Peter Schlemihl ou l'Homme qui a vendu son ombre, 1814] Vendre son ombre au diable. Le héros d'Adelbert, Peter Schlemihl, avait vendu son ombre au diable: j'aurais mieux aimé lui vendre mon corps (Chateaubr.,Mém.,t.3, 1848, p.61).
Loc. fig.
Avoir peur de son ombre. Être très peureux. [Les révolutionnaires] se ruaient à l'insanité avec une sorte d'allégresse et de défi, entraînant derrière eux ces stagnants, qui ont peur des mots et de leur ombre (L. Daudet,Le Stupide XIXes.,1922, p.24).
Courir après son ombre. V. courir I B 2 b.
Sauter au delà/hors de son ombre; vous me feriez sauter mon ombre. (Vous me feriez) tenter l'impossible. Sortir de son cadre est une convoitise; sauter hors de notre ombre nous tente les uns et les autres comme la plus délicieuse des espiègleries à faire à notre destinée. (...) on rêve l'impossible (Amiel,Journal,1866, p.200).
2. Spécialement
a) ASTRON. Cône d'ombre. V. cône A 1 a.
b) BEAUX-ARTS, PHYS., etc.
Ombre absolue, droite, infinie, relative, renversée; ombre au flambeau, au soleil:
9. L'ombre portée qui se projette sur le plan horizontal d'un objet perpendiculaire à celui-ci est une ombre droite. L'ombre qui se projette sur un plan vertical est une ombre renversée. Ces deux ombres, appelées toutes deux relatives peuvent se produire ensemble; au contraire, une ombre qui ne rencontre pas de surface sur laquelle elle peut se projeter, comme l'ombre de la terre dans l'espace, est dite absolue. Lorsque la source lumineuse se trouve plus bas que le sommet de l'objet projetant une ombre, cette dernière a tendance à s'allonger indéfiniment; elle est dite pour cela ombre infinie. (...) L'ombre au flambeau est celle qui est produite par une source lumineuse artificielle, par opposition à l'ombre solaire, dite naturelle ou ombre au soleil. Bég.Dessin1978, pp.398-399.
Ombre méridienne. V. méridien I A.
Ombre portée. Ombre projetée par un corps sur un plan quelconque. V. ex. 9.P. métaph. La présence d'une secrétaire amie ne détruit pas en son centre la méditation solitaire, mais l'effleure de l'ombre portée d'une tutélaire tendresse (Du Bos,Journal,1927, p.213).
c) SPECTACLES
Ombres chinoises. V. chinois II A 3 b.
Théâtre d'ombres. Spectacle à base d'ombres chinoises. En 1784, François-Séraphin Dominique (...) obtint de Louis XVI l'autorisation de présenter au Palais-Royal un théâtre d'Ombres chinoises, ou Figures à la Silhouette (...). Toute une littérature naquit de pièces écrites pour le théâtre d'ombres, les plus célèbres étant Le Pont cassé et La Chasse aux canards de Guillemain (Cl. Aveline, Le Code des jeux,Paris, 1961, p.372).
Arg. polytechnique. Séance des ombres. Fête annuelle où officiers, professeurs, membres du personnel, sont caricaturés par les élèves (1861) (d'apr. Esn. 1966). Chaque année a lieu la séance des ombres, où l'on montre aux deux promos les ombres, ou silhouettes, de tout le personnel de l'École [avec des laïus cocasses] (Moch,X-Lex.,1878, p.43).
B. − P. anal. Forme vague (notamment humaine). Ombres mouvantes, silencieuses; ombres d'hommes; une/des ombre(s) passe(nt). Je le suivis quelque temps du regard. Bientôt il ne fut plus qu'une silhouette mouvante, une ombre, un rêve dans la nuit (Tharaud,Fête arabe,1912, p.291).Elle crut apercevoir une forme, une ombre dans une attitude menaçante; elle se signa. L'ombre disparut (Jouve,Paulina,1925, p.206).
Spécialement
BROD. Point d'ombre. Broderie exécutée sur un tissu transparent, caractérisée par des points croisés d'un bord à l'autre du motif sur l'envers du tissu et soulignant en point de piqûre le contour du motif sur l'endroit du tissu. Robe de bébé en linon blanc (...) ornée de fleurs brodées en guirlande au point d'ombre (...). Le point d'ombre est utilisé dans la lingerie et plus encore, dans la layette fine (linon, nansouk, organdi) (Les Points de broderie, Lille-Paris, coll. Thiriez et Cartier-Bresson, s.d., p.27).
HÉRALD. Figure réduite à son contour. Croix d'azur, cantonnée de quatre ombres de soleil de gueules (Grandm.1852).
C. − P. anal. ou au fig.
1. Chose, personne qui accompagne obligatoirement, fidèlement telle autre (parfois en l'imitant exactement). Être l'ombre de qqn. Guénegaud était le chien et l'ombre de la Faustin au théâtre (E. de Goncourt,Faustin,1882, p.139).Si le souvenir n'est que l'exact décalque, l'ombre de la perception, d'où la représentation peut-elle jaillir? (Sartre,Imagination,1936, p.56).J'ai la vanité de me croire supérieur (...) à la mère de mes enfants, à cette ombre tranquille qui m'accompagne (Arnoux,Algorithme,1948, p.12).
Littér. [P. réf. à l'Antiq. romaine] Personne amenée par un invité, convive. Elle bâillait haut, tapait du poing son estomac exigeant, et descendait entraînant les ombres de son festin (...). Point d'hommes à table, ni de rivale (Colette,Apprent.,1936, p.27).
Locutions
Être comme l'ombre et le corps; c'est l'ombre et le corps. Être/ce sont des personnes inséparables. (Dict. xixeet xxes.).
Ne pas lâcher, quitter, etc. qqn plus que son ombre; suivre qqn comme son ombre. Suivre pas à pas, inéluctablement. Ce jeune homme (...) qui ne lâche pas le vicomte plus que son ombre. (...) le meilleur ami de M. le vicomte (Hermant,M. de Courpière,1907, i, 1, p.4).La légende suit l'homme public comme son ombre. Mais c'est presque toujours une ombre fausse (Morand,Excurs. immob.,1944, p.36).
2. Apparence trompeuse, image imparfaite de quelque chose; phénomène éphémère. Ombres vaines. Cette rapide fantasmagorie (...) ces ombre fugitives de gouvernement qui se chassaient les unes les autres (A. de Broglie,Diplom. et dr. nouv.,1868, p.171).Je me mets au travail (...). Ce visage de l'écriture étant somme toute mon vrai visage. L'autre, une ombre qui s'efface. Vite, que je construise mes traits d'encre pour remplacer ceux qui s'en vont (Cocteau,Diff. d'être,1947, p.220).
[P. allus. à La Caverne de Platon] :
10. Je crois que le monde des apparences est le seul qui nous sera jamais connu, que notre esprit ne peut atteindre une réalité essentielle, distincte de ces apparences (...) et que, pour l'homme, les ombres de la caverne, telles qu'elles ont été perçues par lui ou par d'autres hommes, sont la seule réalité. Maurois,Mes songes,1933, p.218.
Locutions
Courir après une ombre. Tenter d'atteindre un objectif irréalisable. En poursuivant en moi quelque secret, vous courez après une ombre (Bernanos,Crime,1935, p.786).
[P. allus. à La Fontaine, Fables vi, 17: Le chien qui lâche sa proie pour l'ombre] Lâcher, laisser, etc. la proie pour l'ombre. Négliger une certitude pour se livrer à un espoir chimérique:
11. ... beaucoup d'autres spéculations et inventions de mon père ne se sont réalisées (...) qu'au bout d'un quart de siècle et d'autres spéculateurs ou financiers en touchèrent les bénéfices (...), mon père ayant depuis longtemps lâché la proie pour l'ombre. Cendrars,Bourlinguer,1948, p.111.
Passer comme une ombre. Être fugace, n'avoir qu'un rôle transitoire. Mais vous m'oublierez, j'aurai passé comme une ombre. (...) Oh! non, n'est-ce pas, je serai quelque chose dans votre pensée, dans votre vie? (Flaub.,MmeBovary,t.1, 1857, p.171).
Vieilli. Prendre l'ombre pour le corps. Prendre l'apparence pour la réalité. (Dict. xixeet xxes.).
3. Image affaiblie d'une réalité passée. La Cène, hélas! à demi effacée, ombre d'un chef-d'oeuvre qui fait pâlir tous les chefs-d'oeuvre (Gautier,Guide Louvre,1872, p.29).À chaque pas un sentiment se lève, l'ombre d'un souvenir, la trace fraîche ou effacée d'une passion (Ghéon,Promenades Mozart,1932, p.255).
Loc. N'être plus que l'ombre de soi-même. Avoir perdu la majeure partie de ses forces physiques et/ou morales. Il lui répondit que sa santé était bonne, mais qu'il n'était plus que l'ombre de lui-même (L. de Vilmorin,Sainte,1934, p.18).
En partic.
MYTH. (notamment gréco-romaine). Ce qui survit d'un défunt aux Enfers:
12. ... je souhaitais ardemment de converser avec l'ombre de Virgile. Ayant dit, je (...) m'élançai sans peur dans le gouffre fumant qui conduit aux bords fangeux du Styx, où tournoient les ombres comme des feuilles mortes (...). Charon me prit dans sa barque, qui gémit sous mon poids, et j'abordai la rive des morts... A. France,Île ping.,1908, p.160.
Loc. Ombres heureuses (v. ce mot II A). Empire, royaume, séjour des ombres. Les Enfers. Ce vivant qui, peut-être, s'engagerait bientôt dans le royaume des ombres (Vialar,Rendez-vous,1952, p.226).
Littér. Défunt tel qu'il se présente à la mémoire des survivants ou lors d'une apparition. Les spirites ne sont jamais parvenus (...) à évoquer une ombre authentique, un spectre pour de bon (Coppée,Bonne souffr.,1898, p.121):
13. «(...) Quelle population entraîne dans l'oubli un vieillard qui meurt! Déjà, les salons sont remplis de parents, peints, sculptés (...). Je suis gardien d'un cimetière; non, pas d'un cimetière, je ne peux pas les croire morts: je me glisse au milieu des ombres: pardon, jolie grand'mère; mes excuses, l'oncle!» Les figures devenaient de plus en plus précises... La Varende,Homme aux gants,1943, p.352.
P. anal. Personne à l'aspect fantomatique. La phtisie l'a diaphanisé. De petit et maigre, il est devenu une ombre. Ses rares poils ont blanchi sur sa figure spectrale (Goncourt,Journal,1865, p.144).
4. Ce qui est sans poids, sans épaisseur, sans importance. Ombre légère. La matière tout entière n'est qu'une parcelle de métal, (...) une bulle d'eau (...); une ombre, enfin, où rien ne pèse que sur soi (Joubert,Pensées,t.1, 1824, p.142).Qu'avait-elle choisi? D'offrir sa vie (...) à des ombres, à des fumées (...). Elle avait donné sa vie à des ombres, à des fantômes. Elle avait donné sa vie à des rêves (Duhamel,Suzanne,1941, p.295).
Loc. Une ombre de, l'ombre de. La plus faible quantité de, une trace, un soupçon de. Une ombre de moustache; sans l'ombre d'un doute; sans une ombre de malice, de pitié. Dès qu'une ombre de bonté s'ébauche dans un acte humain, cette ombre est un reflet de la bonté divine (Bremond,Hist. sent. relig.,t.4, 1920, p.441).V. doute C 1 ex. de Dumas père et faux-semblant ex. de Mauriac.
REM. 1.
Ombromane, subst.Personne qui pratique l'ombromanie. L'ombromane chinois s'aidait de petits accessoires, cartonnages découpés ou autres (Alber,Le Théâtre d'ombres chinoises,Paris, E. Mazo, 1896, p.124).
2.
Ombromanie, subst. fém.Art de projeter avec ses mains, disposées de manière variée, des ombres figurant des sujets divers. À cette époque [fin du XIXesiècle] paraissent quelques livres et de nombreux articles qui traitent de l'ombromanie (D. Bordat, F. Boucrot,Les Théâtres d'ombres,Paris, L'Arche, 1956, p.131).L'ombromanie est une forme particulière des ombres chinoises. Les silhouettes découpées sont remplacées par les mains de l'opérateur, qui se tient entre une source lumineuse et un écran (Cl. Aveline, Le Code des jeux,Paris, 1961, p.374).
3.
Ombrophile, adj.,bot. Qui croît principalement dans les endroits pluvieux. La plupart des Sélaginelles vivent dans les régions tropicales ou subtropicales, et elles sont à la fois amies de la pluie (ombrophiles) et amies de l'ombre (sciophiles) (Bot.,1960, p.667 [Encyclop. de la Pléiade]).
Prononc. et Orth.: [ɔ ̃:bʀ ̥]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 938-50 umbre «protection que donne un ombrage contre les rayons du soleil; espace privé de lumière par l'interposition d'un corps opaque» (Jonas, éd. G. de Poerck, 146); b) mil. xiies. fig. «abri, protection» (Psautier de Cambridge, éd. Fr. Michel, 56, 1: en l'umbre de tes eles espererai); c) 1640 porter ombre «nuire» (Oudin Ital.-Fr.); d) 1667 terme de peint. (Séb. Bourd., Conf., Jouin, p.82 ds Brunot t.6, p.734); 1667 fig. c'est une ombre au tableau (Boileau, Satire IX, éd. A. Cahen, p.131); e) 1745 arg. mettre qqn à l'ombre «le tuer» (Fougeret de Monbron, La Henriade travestie, IV ds Littré); 2. a) ca 1160 par umbre de moi «en prenant prétexte de moi» (Enéas, éd. J. J. Salverda de Grave, 9849); b) 1280 sous ombre de «sous prétexte de» (Clef d'Amour, 1196 ds T.-L.); 3. a) ca 1165 «image réfléchie de quelqu'un, reflet (dans l'eau)» (Benoît de Sainte-Maure, Troie, éd. L. Constans, 17692); b) 1176-81 (Chrétien de Troyes, Chevalier Lion, éd. W. Foerster, 1865: qui peor a de son ombre); c) 1547 «ce qui est vain, ne dure pas» (Melin de Sainct-Gelays, OEuvres, éd. P. Blanchemain, t.1, p.202); d) 1549 combatre son ombre (Est., s.v. combat); e) 1611 courir après son ombre (Cotgr.); f) 1680 c'est l'ombre et le corps (Sévigné, Lettres, éd. Monmerqué, t.6, p.349); g) 1776 ombres chinoises (Arch. de Grenoble, FF 53 ds Brunot t.6, p.1099); 4. 1549 «[dans la mythologie gréco-latine] aspect que prenaient les morts» (Du Bellay, Vers lyriques, II, 18 ds OEuvres, éd. H. Chamard, t.3, p.9); 5. 1585 «ce qui attriste» (Noël du Fail, Contes d'Eutrapel, éd. J. Assézat, t.2, p.243). Du lat. umbra «ombre produite par l'interposition d'un corps; ombre d'un objet; ombre d'un mort, fantôme, spectre; lieu ombragé; apparence»; le mot est souv. masc. jusqu'au xvies. Fréq. s.v. ombre3. Bbg. Gilliéron (J.). Pathol. et thérap. verbales. Genève-Paris, 1977, pp.1-7.