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NATURE, subst. fém.
I. − Ensemble de la réalité matérielle considérée comme indépendante de l'activité et de l'histoire humaines.
A. −
1. Milieu terrestre particulier, défini par le relief, le sol, le climat, l'eau, la végétation. Une nature aride, désertique, désolée, luxuriante, tropicale, sauvage. Le ciel était pur et serein, l'air frais; la nature aussi donnait sa fête. Toute la population de Paris était sur pied (Maine de Biran, Journal, 1814, p.15).À Dettelbach réapparition des vignes. Quatre végétaux marquent la limite de quatre natures et de quatre climats: le bouleau, la vigne, l'olivier et le palmier, toujours en marchant vers le soleil (Chateaubr., Mém., t.4, 1848, p.295).C'était la continuation de la solitude avec le commencement de la liberté; un jardin fermé, mais une nature âcre, riche, voluptueuse et odorante; les mêmes songes que dans le couvent, mais de jeunes hommes entrevus; une grille, mais sur la rue (Hugo, Misér., t.2, 1862, p.83).C'était à la fois Asnières, Saardam et Puteaux, un de ces paysages parisiens des bords de la Seine, tels que les peint Hervier, sales et rayonnants, misérables et gais, populaires et vivants, où la nature passe çà et là, entre la bâtisse, le travail et l'industrie, comme un brin d'herbe entre les doigts d'un homme (Goncourt, R. Mauperin, 1864, p.12):
1. Je pourrais aller au gré de ma fantaisie, m'arrêter à l'endroit où le soir viendrait me surprendre, avoir des nuits paisibles et connaître des réveils délicieux, en pleine nature, dans la lumière de l'aube. T'Serstevens, Itinér. esp., 1933, p.15.
[Comme source d'émotions ou de sensations, dans une conception romantique] Déjà les premières ombres de la nuit commençoient à envelopper le bosquet d'orangers, et donnoient à la nature cette teinte de mélancolie qui favorise si bien les méditations religieuses et les tendres rêveries (Cottin, Mathilde, t.1, 1805, p.147).Au travers des murs de charmille on apercevait çà et là, par les trouées du feuillage, une belle lune éclairant un paysage étendu et tranquille. Cette nature ravissante était d'accord avec les nouveaux sentiments qui cherchaient à s'emparer du coeur de Madame de Chasteller (Stendhal, L. Leuwen, t.1, 1836, p.311):
2. Et que sera-ce si ces objets qui se présentent à vos yeux sont ces vallons, ces forêts, ces monts sans nombre, ces glaces infinies, en un mot cette nature tantôt riante, tantôt sublime des grandes Alpes; si à chaque instant un spectacle attachant provoque cette admiration expansive, ce besoin de partager des émotions dont le flot ne peut tenir tout entier dans le coeur, et que leur religieuse pureté affranchit du joug d'une pudique réserve? Toepffer, Nouv. genev., 1839, p.383.
[Comme milieu-refuge opposé à la ville ou à tout espace modelé par l'activité humaine, pris pour symboles de la société, de la civilisation] Le retour à la nature. Aussi, son premier soin fut-il de chercher un asile écarté aux environs des eaux. Il sentait instinctivement le besoin de se rapprocher de la nature, des émotions vraies et de cette vie végétative à laquelle nous nous laissons si complaisamment aller au milieu des champs (Balzac, Peau chagr., 1831, p.277).
Fam. Disparaître, être dans la nature. Disparaître, être dans un lieu inconnu. On m'avait parachuté quelque part dans la nature. Je suis tombé dans le noir, j'avais bien atterri, je n'avais rien de cassé (Triolet, Le Rendez-vous des étrangers, Paris, Laffont, 1973 [1956], p.32).
Se cacher, déserter, s'évader:
3. −Mauron, c'est le pitaine. Il est dans la nature. −Dans la nature? répéta-t-elle. −Il croit que c'est meilleur pour sa santé. Sartre, Mort ds âme, 1949, p.130.
2. Environnement terrestre, en tant qu'il sert de cadre de vie à l'espèce humaine, qu'il lui fournit des ressources. Les objets que la nature ne livre pas tout préparés pour satisfaire nos besoins, peuvent y être rendus propres par notre industrie (Say, Écon. pol., 1832, p.59).[Les hautes cheminées éteintes témoignaient] des combats de l'industrie et de la concurrence, dans ces profondeurs de la terre. Dans cette violente et rapide conquête de la nature par l'homme, on va, on va à l'aveugle: les règlements sont méprisés, les eaux inondent les mines, les champs, la route même s'affaissent (Michelet, Journal, 1839, p.300).Les forces et les processus que l'homme parvient maintenant à maîtriser commencent à égaler en grandeur et en intensité la nature elle-même, et la totalité de notre milieu ambiant est à présent soumise à l'influence humaine (Science, 1957, no125, p.143 ds Moscovici, Essai sur l'hist. hum. de la nature, Paris, Flammarion, 1968, p.7):
4. Or, la nature dans son ensemble, sans doute parce qu'elle a paru inépuisable, n'a pas figuré pendant fort longtemps dans la comptabilité des entreprises ni dans celle des nations d'Europe ou d'Amérique; l'eau, l'air ou les paysages ont été considérés comme des dons gratuits de la nature, dont chacun pouvait disposer à sa guise... P. Aguesse, L'Écol., Paris, Seghers, 1975 [1971], p.180.
B. −
1. Ensemble de l'univers, en tant qu'il est le lieu, la source et le résultat de phénomènes matériels. Les lois* de la nature. La physique, se délivrant peu à peu des explications vagues introduites par Descartes, comme elle s'était débarrassée des absurdités scolastiques, n'est plus que l'art d'interroger la nature par des expériences, pour chercher à en déduire ensuite, par le calcul, des faits plus généraux. La pesanteur de l'air est connue et mesurée; on découvre que la transmission de la lumière n'est pas instantanée, on en détermine la vitesse; on calcule les effets qui doivent en résulter pour la position apparente des corps célestes; le rayon solaire est décomposé en rayons plus simples, différemment réfrangibles et diversement colorés (Condorcet, Esq. tabl. hist., 1794, p.178).La loi suivant laquelle cette force [dans les atomes] varie en fonction de la distance n'est peut-être pas la loi de Newton, mais c'est une loi analogue; au lieu de l'exposant 2, nous avons probablement un exposant différent, et c'est de ce changement d'exposant que sort toute la diversité des phénomènes physiques, la variété des qualités et des sensations, tout le monde coloré et sonore qui nous entoure, toute la Nature en un mot (H. Poincaré, Valeur sc., 1905, p.191).
[Comme agent extérieur opposé au vivant] :
5. De même dans l'ordre organique, une fois admis ce pouvoir mystérieux de la vie, aussi petit et aussi élémentaire que possible, il [Lamarck] le supposait se développant lui-même, se composant, se confectionnant peu à peu avec le temps; le besoin sourd, la seule habitude dans les milieux divers faisait naître à la longue les organes, contrairement au pouvoir constant de la nature qui les détruisait: car M.de Lamarck séparait la vie d'avec la nature. La nature, à ses yeux, c'était la pierre et la cendre, le granit de la tombe, la mort! La vie n'y intervenait que comme un accident étrange et singulièrement industrieux, une lutte prolongée, avec plus ou moins de succès et d'équilibre çà et là, mais toujours finalement vaincue; l'immobilité froide était régnante après comme devant. Sainte-Beuve, Volupté, t.1, 1834, p.193.
2. [Très fréq., dans des formulations ayant une origine anthropomorphique ou finaliste] Étudiez-la, suivez-la, cette nature atroce: vous ne la verrez jamais créer que pour détruire, n'arriver à ses fins que par des meurtres, et ne s'engraisser, comme le Minotaure, que du malheur et de la destruction des hommes (Sade, La Nouvelle Justine, 1797ds Desné, Les Matérialistes fr. au 18es., Paris, éd. Buchet-Chastel, 1965, p.164).Au reste, en demeurant toujours dans les bornes que les conditions nécessaires de l'existence prescrivoient, la Nature s'est abandonnée à toute sa fécondité dans ce que ces conditions ne limitoient pas; et sans sortir jamais du petit nombre des combinaisons possibles entre les modifications essentielles des organes importans, elle semble s'être jouée à l'infini dans toutes les parties accessoires (Cuvier, Anat. comp., t.1, 1805, p.58).À l'égard des corps qui jouissent de la vie, la nature a tout fait peu à peu et successivement: il n'est plus possible d'en douter (...). En composant et compliquant de plus en plus l'organisation animale, la nature a créé progressivement les différents organes spéciaux ainsi que les facultés dont les animaux jouissent (Lamarck, Philos. zool., t.1, 1809, p.17):
6. On peut considérer le phénomène de l'explosion stellaire comme une nouvelle astuce de la nature pour avancer encore sur la voie de la complexité. Pour engendrer des noyaux lourds, il a fallu créer des lieux de grande chaleur: les creusets stellaires. H. Reeves, Patience dans l'azur, Paris, éd. du Seuil, 1981, p.88.
Qqn est une force de la nature. V. force I B 3 e.
[Comme puissance maternelle, comme principe cosmique de fécondité] Ces hauts monts que blanchit un éternel hiver, ce chaos, semblent les débris d'un monde, les Titans... on croit voir là dans ces enfantements monstrueux sans forme, sans ordre, la nature mère travaillée, agitée, déchirée, gémir dans les travaux d'un avortement (Chénier, Amérique, 1794, p.85).Je n'avais pas cette ressource; la nature, ma mère chérie, depuis que j'étais seul, me semblait au contraire plus vaste et plus vide que jamais (Musset, Confess. enf. s., 1836, p.42).
C. −
1. BIOL. Force spécifique au vivant. Synon. force vitale*.On peut donc assurer, avec vraisemblance, que la puberté de la fille naturelle ne se manifestera (au moins dans un climat semblable au nôtre) qu'après que le corps aura presque fini sa croissance, et l'on peut assurer avec certitude que, dans tous les climats, la nature, livrée à elle-même, n'accordera à une fille la faculté de devenir mère qu'après lui avoir donné la force d'en remplir les devoirs (Laclos, Éduc. femmes, 1803, p.437):
7. On peut dire certainement qu'il y a dans les êtres vivants la force vitale qui donne à l'être son évolution, sa forme. Cette forme est indépendante de la matière; c'est le pouvoir législatif qui est au-dessus de la matière et qui la dispose; mais le pouvoir exécutif de cet arrangement est tout à fait matériel et physico-chimique (...). La nature intervient donc avec ses propriétés comme une force exécutive de toute idée. Cl. Bernard, Princ. méd. exp., 1878, p.243.
HIST. DE LA MÉD. Nature curative, médicatrice. ,,Propriétés inhérentes aux tissus et aux humeurs, qui font qu'un organe lésé dans certaines limites revient peu à peu à son état naturel`` (Littré). D'ailleurs, la médecine antique ou d'observation, concluant forcément à l'expectation comme traitement, était passive et se résumait essentiellement dans le pronostic, se bornant à rechercher les bonnes influences, à éviter les mauvaises et à favoriser les bonnes dispositions de la nature curative ou médicatrice (Cl. Bernard, Princ. méd. exp., 1878, p.10).
[Dans des expr. de la lang. cour. reflétant les conceptions anciennes de la méd., et notamment de la méd. hippocratique] Laisser faire la nature. Mon remède est de rien faire, de laisser faire dame Nature qui s'en tire seule, à moins de cas aigus. La santé est comme les enfants, on la gâte par trop de soins (E. de Guérin, Lettres, 1839, p.262).
Au fig. Payer son tribut à la nature. Mourir. (Dict. xixeet xxes.).
2. Conditionnements physiologiques de l'individu. Besoins de la nature. −L'amour! −Mais qu'est-ce donc que l'amour? −On l'a poétisé à l'usage des niais. −Un grossier besoin périodique, une loi criarde de la nature, de la nature éternelle qui reproduit et multiplie, un penchant brutal, un charnel croisement de sexe, un spasme! (Borel, Champavert, 1833, p.192).
D. − ARTS PLAST., ESTHÉT.
1.
a) Réalité sensible qui constitue l'objet ou le point de départ de l'oeuvre artistique. Synon. réel, visible.L'imitation de la nature. Il ne faut pas que les objets que l'on peint soient d'une vérité matérielle; il faut que les chairs ne soient pas les chairs de la nature; en un mot, il faut rendre les vérités par des illusions (Chênedollé, Journal, 1807, p.21).Le premier [type de dessin] est négatif, incorrect à force de réalité, naturel, mais saugrenu; le second est un dessin naturaliste, mais idéalisé, dessin d'un génie qui sait choisir, arranger, corriger, deviner, gourmander la nature; enfin le troisième qui est le plus noble et le plus étrange, peut négliger la nature; il en représente une autre, analogue à l'esprit et au tempérament de l'auteur (Baudel., Salon, 1846, p.120).L'artiste, si réaliste soit-il, a planté son chevalet devant le «motif» et ce terme même, dans sa bouche, indique déjà que la Nature ne lui fournit qu'un prétexte et un départ (Huyghe, Dialog. avec visible, 1955, p.72):
8. J'embrasse d'un regard l'humanité qui a vécu et qui, devant la nature, à toute heure, sous tous les climats, dans toutes les circonstances, s'est senti l'impérieux besoin de créer humainement, de reproduire par les arts les objets et les êtres (...). Chaque grand artiste est venu nous donner une traduction nouvelle et personnelle de la nature. La réalité est ici l'élément fixe, et les divers tempéraments sont les éléments créateurs qui ont donné aux oeuvres des caractères différents. Zola, Les Paysagistesds Mon Salon/Manet, Paris, Garnier-Flammarion, 1970 [1867], p.98.
Loc. et expr.
D'après nature. À partir du réel, du modèle. Vers la rue du Renard, du côté de ces bons endroits où nous allions dessiner d'après nature (Flaub.,Corresp., 1845, p.41).
Sur (la) nature. À partir du réel, du modèle. Je vois un bel enfant qui n'est pas rose comme le Mars de M. Landi; qui n'est pas étiolé comme l'Adonis de M. Prudhon, dont le ton de couleur rappelle l'Amour du Caravage, et paraît avoir été étudié sur la nature (Jouy,Hermite,t.3, 1813, p.335).Nul abstracteur de quintessence, réfugié dans son atelier, matelassé de mépris pour les apparences, n'a atteint à l'invention plastique de Van Gogh, peignant exclusivement sur nature (Lhote,Peint. d'abord,1942, p.136).
Aussi, moins, plus ... que nature. Aussi, moins, plus... que ne l'est le modèle, le sujet. Ces miroirs qui défigurent à tel point, qu'en s'y regardant on peut se croire ou plus petit ou plus grand que nature (Balzac,Méd. camp.,1833, p.70).
P.iron. [Avec des adj. d'évaluation esthétique impliquant la modification du réel par l'artiste] Plus beau, plus vrai que nature. Mon Dieu! peut-on s'amuser à faire laid... plus laid que nature! (Goncourt,R. Mauperin,1864, p.205).L'égotisme littéraire consiste finalement à jouer le rôle de soi; à se faire un peu plus nature que nature (Valéry,Variété II,1929, p.96).
Vieilli. (Tableau, statue) de demi-nature, de quart de nature, etc. (Tableau, statue) qui représente la réalité réduite à la moitié, au quart, etc. Mille cierges allumés sur le maître autel éclairent deux statues de cette Notre-Dame: l'une de demi-nature (...) l'autre, de dix-huit pouces environ (Dusaulx,Voy. Barège,t.2, 1796, p.43).Vers cent mille francs, le portrait serait un sixième de nature. −Vers deux cent mille francs, un quart de nature (Taine,Notes Paris,1867, p.170).
b) Vieilli. Réalité choisie en vertu de sa valeur significative ou à partir de conventions esthétiques. Synon. modèle, sujet.On craint de dégrader son burin, sa plume ou son pinceau, en descendant à la peinture des scènes populaires; et abusant du principe que les arts ne doivent se proposer que l'imitation d'une nature choisie, on s'expose à retomber dans l'afféterie et dans le maniéré (JouyHermite,t.3, 1813p. 26):
9. Cette pureté de trait que l'on vante tant dans les ouvrages de Raphaël et des Grecs, dépend absolument du beau genre des natures qu'ils choisissaient. Elle eût été impraticable pour eux-mêmes, s'ils n'avaient eu à exprimer que des natures communes. Ainsi, il ne faut pas confondre le trait pur avec le trait exact. Rubens est un très-grand dessinateur; mais la qualité des objets qu'il avait à peindre, leurs formes inégales et raboteuses, leurs gros contours, exigeaient qu'il donnât à son dessin une terminaison plutôt bossante, si je puis ainsi parler, que finie et arrêtée en ligne élégante et précise. Joubert, Pensées, 1824, p.17.
Belle nature. [Idéal valorisant l'art antique élaboré dans la 1remoitié du 17es. par les milieux romains en réaction contre la peinture de l'époque, et devenu un concept-clé de la critique esthétique en France aux 17eet 18esiècles (d'apr. B. Tocanne, L'Idée de nature en France dans la seconde moitié du 17es., Presses univ. de Lille, 1978, II, pp.752-755)] On pourrait comparer les proportions du corps des hommes de différentes nations, avec celles que suivent les dessinateurs, pour représenter la belle nature, en divisant la hauteur du corps en huit parties (Voy. La Pérouse,t.1, 1797, p.166).
Nature morte*.
2. Représentation du réel par les moyens spécifiques de l'art. L'auteur, dans son oeuvre, doit être comme Dieu dans l'univers, présent partout, et visible nulle part. L'art étant une seconde nature, le créateur de cette nature-là doit agir par des procédés analogues. Que l'on sente dans tous les atomes, à tous les aspects, une impassibilité cachée et infinie (Flaub., Corresp., 1852, p.62):
10. En dépit des insolentes théories modernes, défendant, ici le réalisme intégral, là l'abstraction pure (deux visages d'un Janus anti-pictural), l'artiste complet ne poursuit qu'un but: rendre ses symboles plastiques transparents, de façon qu'on perçoive, derrière leurs irisations, −inespérée, et comme silhouettée −la réalité. Cette «nature» transposée, le public ne consent à la reconnaître qu'après un siècle, ou deux. Lhote, Peint. d'abord, 1942, p.7.
3. Vieilli. Caractère de sincérité, de vérité. Sa naïveté [du conteur] pleine de sens, de force, et son ton de nature, supérieur aux règles de l'art, nous charmaient tellement, que nous resserrions notre cercle pour ne rien perdre de ses contes (Dusaulx, Voy. Barège, t.2, 1796, p.183).La littérature du dix-huitième siècle, à part quelques beaux génies qui la dominent, cette littérature, placée entre la littérature classique du dix-septième siècle et la littérature romantique du dix-neuvième, sans manquer de naturel, manque de nature (Chateaubr., Mém., t.1, 1848, p.477).
E. −
1. HIST. DE LA PHILOS. Principe (caché, immatériel) de production et de génération. Dans les philosophies du Moyen Âge, comme dans celles de l'Antiquité, un être naturel est une substance active, dont l'essence cause les opérations et les détermine avec nécessité. La nature n'est que l'ensemble des natures; ses attributs restent donc la fécondité et la nécessité (Gilson, Espr. philos. médiév., 1932, p.162).Sans être des choses en soi ou des substances comme les éléments, ces agrégats [d'atomes], ces «formes» douent les corps auxquels elles adhèrent de véritables propriétés spécifiques: Épicure les nomme «natures» (J. Vuillemin, Essai signif. mort, 1949, p.44).
2. Nature des choses. Ordre nécessaire ou gouverné par une finalité. Synon. nécessité, providence.Il est dans la nature des choses que la marche de la Raison soit lentement progressive (Robesp., Discours, Guerre, t.8, 1792, p.81).Après cela, je ne puis croire que la nature des choses permette qu'un gouvernement aussi monstrueux subsiste (Staël, Lettres div., 1794, p.613):
11. ... [une] condition servile qui résulte, selon le philosophe [Platon], d'une inégalité qui est dans la nature des choses. A. Bonnard, De l'Iliade au Parthénon, Paris, Union gén. d'éd., 1968 [1954], p.171.
II. − Nature humaine ou absol. nature (p.oppos. à civilisation, culture)
A. −
1. Ensemble des caractères qui définissent l'homme, considérés comme innés, comme indépendants à la fois des déterminations biologiques et des déterminations sociales, historiques, culturelles. Un roi est un homme ayant les facultés et les besoins de la nature humaine: un roi qui se voit ou qui pense à soi ne se voit pas roi mais homme qui cherche à se connaître (Maine de Biran, Journal, 1817, p.75).Le thème de la nature humaine n'avait cessé de susciter l'interrogation, de Socrate à Montaigne et Pascal, mais c'était pour y découvrir l'inconnu, l'incertitude, la contradiction, l'erreur (...). Lorsqu'enfin, avec Jean-Jacques, la nature humaine émergea comme plénitude, vertu, vérité, bonté, ce fut aussitôt pour nous en reconnaître exilés et la déplorer comme un paradis irrémédiablement perdu. Et il fallut peu, par la suite, pour découvrir que ce paradis était aussi imaginaire que l'autre (E. Morin, Le Paradigme perdu: la nature humaine, Paris, éd. du Seuil, 1973, p.20):
12. La civilisation, la vie est une chose apprise et inventée (...). Les hommes après quelques années de paix oublient trop cette vérité; ils arrivent à croire que la culture est chose innée, qu'elle est la même chose que la nature. La sauvagerie est toujours là à deux pas, et, dès qu'on lâche pied, elle recommence. Sainte-Beuve, Cahiers, 1869, p.99.
2. Principe normatif découlant de l'essence humaine. Que toutes ces sectes hypocrites qui s'élèvent au milieu de vous cessent de vouloir étouffer, par leurs croassements impies, la voix sacrée de la Nature et les cris touchans de l'humanité (Robesp., Discours, Guerre, t.8, 1792, p.147).Le goût du morbide, l'attirance vers les spectacles et les actes qui heurtent la saine nature (Druon, Gdes fam., t.2, 1948, p.16):
13. [L'époque moderne] fut celle des massacres religieux, des guerres sacrées, de la dépopulation du Nouveau Monde. Elle y vit rétablir l'ancien esclavage, mais plus barbare, plus fécond en crimes contre la Nature... Condorcet, Esq. tabl. hist., 1794, p.134.
Contre-nature*; cf. aussi infra IV B.
Sensibilité morale, attachement fondé sur la parenté. Roger: C'est [à] regret que je vous afflige, mais je te l'ai déjà dit, je ne puis quitter mes camarades... Un serment solemnel m'attache à eux... Clémence: Eh quoi? Tu pourrois être insensible au cri de la nature?... Victor: Ah, Roger! rends-moi mon père, je le sens à mon coeur; il m'est impossible d'étouffer la voix qui me parle pour toi (Guilbert de Pixér., Victor, 1798, iii, 10, p.50).
3. État de nature. État de l'homme antérieur à la constitution de la société. Ainsi il n'y eut rien de parfait en législation que la loi naturelle; en religion que la religion naturelle; en droit que le droit naturel; en société que la société naturelle; et même comme si la famille n'étoit pas une société ou que l'homme pût naître et vivre sans famille, on opposa l'état de pure nature à tout état de société. C'est là la grande erreur de J-J Rousseau, et même de l'Esprit des lois (Bonald,Législ. primit., t.1, 1802, p.172).
P.euphém. et p.plaisant. Être dans l'état de nature. Être nu. (Dict. xixeet xxes.). Synon. in naturalibus.
B. − Dispositions psycho-physiologiques dominantes qui déterminent la personnalité d'un individu. Synon. complexion, naturel, tempérament.Avoir, être d'une nature agressive, aimante, gaie, maladive, morbide, ouverte, passive, passionnée, renfermée, sanguine, sournoise, vicieuse. Il est des défauts de complexion, qui s'opposent au libre développement de l'âme: il est des natures sombres et grossières, où pénètre mal le rayon de Dieu (Ozanam, Philos. Dante, 1838, p.130).Je ne savais pas qu'une nature exagérément primesautière n'excluait en lui ni la sincérité ni la droiture (Billy, Introïbo, 1939, p.97).
Seconde nature. Trait de caractère acquis modifiant la personnalité originelle. La tristesse qui depuis un an est devenue ma seconde nature (Hugo, Lettres fiancée, 1821, p.43).J'y ai été soumis [à l'École des Chartes] à une certaine méthode de travail, à certaine discipline intellectuelle et morale, qui me sont devenues une seconde nature (Martin du G., Souv. autobiogr., 1955, p.li).
[P.méton.] La personne elle-même. Quelqu'une de ces natures riches et embrasées, telles qu'en produit encore Naples ou la ville aux gondoles (Toepffer, Nouv. genev., 1839, p.464).Sa marche assurée, sa taille souple, ses narines roses et ouvertes, ses grands yeux légèrement cerclés de bleu, dénotaient une de ces natures ardentes qui répandent autour d'elles un parfum de volupté (Dumas fils, Dame Cam., 1848, p.89).Oh! cette Julia!... Quelle femme! hein?... Quelle nature! (Pailleron, Âge ingrat, 1879, i, 6, p.26):
14. Je lis les conversations de Goethe par Eckermann, et je trouve que l'écrivain allemand divisait l'humanité en deux classes, les poupées jouant un rôle appris, et les natures [it. ds le texte], le petit groupe d'êtres tels que Dieu les a créés. Goncourt, Journal, 1892, p.286.
Petite nature. Personne faible, physiquement ou moralement. Visiblement, elle retrouvait en lui quelque chose de son propre goût du plaisir, mais le tempérament, hélas! est celui de sa mère. «Ta mère! Une si petite nature!» (Bernanos, Mauv. rêve, 1948, p.902).
De nature, par nature, loc. adv. Synon. par tempérament.Je conteste fort peu: j'aime la liberté par instinct, par nature (Courier, Pamphlets pol., Réponses aux anon., 1, 1822, p.148).Brave autant qu'Achille, la bravoure d'Hector est cependant d'une tout autre qualité. Non bravoure de nature, mais de raison. Courage conquis sur sa propre nature, discipline qu'il s'est imposée (A. Bonnard, De l'Iliade au Parthénon, Paris, Union gén. d'éd., 1968 [1954], p.68).
III. − [La nature d'une chose, d'un être]
A. − Ensemble des qualités, des propriétés qui définissent un être, un phénomène ou une chose concrète, qui lui confèrent son identité. Comment, en effet, connaître les causes qui procurent l'opulence aux nations, quand on n'a pas des idées claires sur la nature des richesses elles-mêmes? (Say, Écon. pol., 1832, p.28).C'est la nature de la femme d'être volontiers regardée, palpée, curieusement observée, c'est-à-dire adorée (Michelet, Journal, 1857, p.336).
La nature + adj. + compl. en de.La nature divine de Jésus-Christ. Par sa nature spongieuse (...) [la couche d'humus] filtre et retient l'eau des pluies, en ralentit l'évaporation (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p.12).
Par nature, de nature (plus rare), loc. adv. En raison des propriétés de la chose, de l'être dont il est question. Le pouvoir n'étant qu'un homme semblable en tout aux autres hommes, sans aucun privilège, aucune supériorité de nature (Lamennaisds L'Avenir, 1831, p.179).Toute définition est par nature partielle: elle est restrictive (J. Bousquet, Trad. du silence, 1936, p.101).L'unité de mesure de son style [de J. Renard], c'est la phrase. D'une phrase à l'autre il n'y a ni mouvement, ni passage. Il n'y a rien: le vide. Il est voué par nature au discontinu (Sartre, Carnets de la drôle de guerre, nov. 1939-mars 1940, Paris, Gallimard, 1983, p.420).
[Avec art. poss.] Les biens sont immeubles, ou par leur nature, ou par leur destination, ou par l'objet auquel ils s'appliquent (Code civil, 1804, art. 517, p.95).Le pouvoir, étant répressif de sa nature, a besoin d'une grande concentration pour opposer une résistance égale au mouvement populaire (Balzac, Méd. camp., 1833, p.157).
Être de nature à, loc. verb. Être susceptible d'avoir pour effet de. Cette philosophie pouvait être vraie, mais elle était de nature à faire désirer la mort (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p.499).Comprises et appliquées comme elles devaient l'être, ces mesures étaient de nature à arrêter net toute menace d'épidémie (Camus, Peste, 1947, p.1258).
PHILOS., THÉOL. Essence. L'origine de la pensée a occupé tous les véritables philosophes. Y a-t-il deux natures dans l'homme? S'il n'y en a qu'une, est-ce l'âme ou la matière? (Staël, Allemagne, t.4, 1810, p.15).Le Christ s'avance, sous les traits d'un griffon, dont le corps terrestre et les ailes aériennes rappellent l'union hypostatique des deux natures humaine et divine (Ozanam, Philos. Dante, 1838, p.152).
GRAMM. La nature des constituants de la phrase est différente de leur fonction (...). Un groupe du nom peut avoir des fonctions différentes; il peut être sujet (mon père) ou objet (sa lecture) dans la phrase: mon père achève sa lecture (J. Dubois, R. Lagane,La Nouv. gramm. du fr.,Paris, Larousse, 1973, p.19).
B. − Synon. de type, sorte.Les modifications que les mêmes natures de terrain ne manquent point de faire subir à l'homme (Cabanis, Rapp. phys. et mor., t.2, 1808, p.162).Ces trois natures de dépenses formaient un total mensuel de soixante-six francs (Balzac, Cous. Pons, 1847, p.48).Les natures d'activité et les pouvoirs de négociation des entreprises (Perroux, Écon. XXes., 1964, p.400):
15. Il y a donc plusieurs natures d'espérances, plusieurs sortes de charités, diverses essences de foi? Flaub., Tentation, 1849, p.345.
[Fréq. dans un compl. introd. par de] Des obstacles de toutes natures; un tissu de même nature. On n'a distingué jusqu'à présent dans les organisations politiques, que trois pouvoirs. J'en démêle cinq, de natures diverses, dans une monarchie constitutionnelle (Constant, Princ. pol., 1815, p.19).
Rem. Le sentiment que ces expr. sont grammaticalisées entraîne parfois le sing.: Dans ces expéditions de toute nature, j'étais souvent à l'avant-garde (Latouche, L'Héritier, Lettres amans, 1821, p.30).
C. − En nature, loc. adv.
1. DR. [En parlant d'un bien meuble] Dans sa réalité physique (s'oppose à en valeur, en argent). Ils rendront la valeur estimative de ceux des meubles qu'ils ne pourraient représenter en nature (Code civil, 1804, art. 453, p.84).Mais M. de Capmas étant convenu avec vous que vous auriez deux lits de plume et ceux-ci étant les seuls existants dans notre mobilier, je vous les restituerai en nature ou en argent (Lamart., Corresp., 1831, p.133).Un négociant possède un magasin entier rempli d'indigo qui ne peut servir en nature, ni à nourrir, ni à vêtir, et qui n'en est pas moins une richesse (Say, Écon. pol., 1832, p.257).
Payer en nature. Payer avec des produits ou avec du travail. Scapin battra la caisse devant la porte promettant un spectacle extraordinaire et mirifique aux badauds ébahis avec cette facilité de payer leur place en nature (Gautier, Fracasse, 1863, p.161).P.plaisant. [En parlant d'une femme] Accorder ses faveurs en échange d'un service.
2. [En parlant de plantes, de produits] Vieilli. En l'état, sans transformation. Nous aborderons la droguerie en la révolutionnant, en vendant ses produits concentrés au lieu de les vendre en nature (Balzac, C. Birotteau, 1837, p.92).La matière glycogène serait-elle portée en nature dans tous les organes, seulement les uns la conserveraient, les autres la changeraient en sucre? (Cl. Bernard, Notes, 1860, p.167).
3. Synon. de en réalité, en vrai (p.oppos. à sous une forme représentée).Au théâtre, tu entends parler du plaisir de bien faire: ici tu vas l'éprouver et le sentir; tu vas trouver en nature la misere, la générosité et la reconnoissance (Saint-Martin, Homme désir, 1790, p.172):
16. C'est alors que je suis tombé pile sur ce livre (...) et que je l'ai ouvert sur le Martyre de Saint Maurice, qu'on voit ici mieux qu'en nature, ce tableau que j'avais longuement contemplé à l'Escorial. Aragon, Blanche ou l'oubli, Paris, Laffont, 1974 [1967], p.88.
Synon. de en chair et en os.Comment d'ailleurs ne songerais-je pas à votre jolie mine, puisque je l'ai là, devant moi, clouée sur mon armoire aux pipes! Je voudrais bien la voir en nature (Flaub., Corresp., 1867, p.336).
IV. − En emploi adj.
A. −
1. Qui est conforme à la réalité. Le Christ, mitré, rouge, à barbe fourchue, byzantin par l'immobilité, d'un idéal profond, terrible plus que noble, est pourtant réel, nature, s'il en fut jamais (Michelet, Chemins Europe, 1874, p.261).
En emploi adv. Il paraît que les Martial de La Touche y sont [dans un livre] peints nature (Benoit, Atlant., 1919, p.16).
Grandeur nature. V. grandeur I B 1.
P.méton. Banal, trivial. Tu ne sens pas que (...) tous ces personnages-là sont légers comme des rhinocéros, qu'ils parlent pour ne rien dire et que c'est trop nature? (Flaub., Corresp., 1858, p.295).Leverdet: Balbine amoureuse de ce gandin, que c'est nature! (Dumas fils, Ami femmes, 1864, v, 3, p.189).
2. [En parlant d'une pers. ou d'un comportement] Spontané. Réjane est admirable par son dramatique, tout simple, tout nature (Goncourt, Journal, 1888, p.866).
3. [En parlant d'aliments] Sans accompagnement, sans préparation particulière. Steak, yaourt nature. Le dîner (...) était composé d'un bouillon épaissi par des îles réunies de semoule, d'un boeuf nature, d'un gigot aux haricots (Huysmans, Oblat, t.1, 1903, p.58).Le mari, grand blessé de guerre, commandait un café nature, sa femme un café rhum (Dabit, Hôtel Nord, 1929, p.41).
B. − Contre nature. Qui n'est pas naturel (dans les diverses accept. normatives de l'adj.). Des amours contre nature. Quand Rome eut des vertus, ce furent des vertus contre nature. Le premier Brutus égorge ses fils, et le second assassine son père (Chateaubr., Génie, t.2, 1803, p.578).Cette interpolation [du Richard III de Shakespeare] est tout à fait de mauvais goût et contre nature (Delécluze, Journal, 1828, p.492).Est-il possible que des hommes se tuent pour une cuisinière! C'est tout à fait contre nature (Erckm.-Chatr., Ami Fritz, 1864, p.146).V. aussi contre-nature*.
V. − En emploi adv., rare, pop. Synon. de naturellement (v. ce mot).Seulement ça ne me dit pas où qu'turbine mon homme −Nature (F. Carco, Jésus-la-Caille, Paris, Le Livre de poche, 1914, pp.56-57).Alors c'est sur lui que Sulphart passa sa rage: −nature, toi tu t'en fous, bouseux, t'as pas soif. C'est pas dans l'usage de boire quand on est aux champs (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p.233).−Je vous écoute, inspecteur: je vous serais seulement obligé de me dire ce que j'ai à voir dans l'affaire dont vous me parlez... −Oh, nature! Vous ferai pas griller. Simple. Savez-vous que la femme du professeur Beurdeley a été assassinée? (Aragon, Beaux quart., 1936, p.435).
REM.
Naturopathe, subst.,naturopathie, subst. fém.V. -pathe, -pathie.
Prononc. et Orth.: [naty:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. 1. 1119 «force active qui a établi et maintient l'ordre de l'univers» (Philippe de Thaon, Comput, éd. E. Mall, 389); 1580 les lois de nature (Montaigne, Essais, I, 33, éd. P.Villey, I, 218); 1668 payer le tribut à la nature (La Fontaine, Fables, V, XII, Les Médecins, éd. A. Régnier, I, 402); 1673 laisser faire la nature (Molière, Malade Imaginaire, III, 3); 2. 1426 «organisation particulière de chacun des êtres vivants, mouvement qui le porte vers les choses nécessaires à sa conservation» (Alain Chartier, Le Quadrilogue invectif, éd. E. Droz, 16, 22); 3. 1535 contre* nature; 4. 1580 «faculté innée qui rend l'homme capable de discerner le bien et le mal» (Montaigne, op. cit., I, 16, 70); 5. 1584 «ensemble du monde, des êtres et des choses, univers en tant qu'ordonné et régi par les lois» (Jacques de Romien, Palinodies ds Satires françaises du 16es., II, 89); d'où 1690 «opérations, productions de la nature (par opposition à celles de la civilisation)» (Fur.); 1696 «le monde physique» (La Bruyère, Des Jugements, 110, éd. G. Servois, III, 123); 6. 1580 «la nature considérée comme modèle des arts» (B. Palissy, Disc. admirables, p.194 ds IGLF); 1663 d'après nature (Molière, Critique de l'École des Femmes, VI, éd. R. Bray, 2, p.329); 1671 plus grand, plus petit que nature (Pomey); 1763 la nature inanimée (Bachaumont, Mém., t.1, p.104); 7. 1734 en nature «en objets réels, dans un échange» (Dubos, Hist. mon franc., 1, p.108). II. 1. a) 1remoitié du xiies. «ensemble des caractères, des propriétés qui définissent les objets» (Lapidaire de Marbode ds Anglo-Norman Lapidaries, éd. P.Studer et J. Evans, p.48, 496); b) ca 1165 «essences, attributs propres à un être» (Eneas, éd. Salverda de Grave, 436); spéc. xiiies. nature humaine (Isopet de Lyon, 1669 ds T.-L.); 1755 la nature animale (Mirabeau, Ami Hommes, t.1, p.14); 1761 nature végétale (Rousseau, Nouv. Héloïse, t.3, p.229); 2. ca 1170 «disposition, tendance que l'être apporte en naissant» par nature (Chrétien de Troies, Roman de Perceval, éd. Lecoy, 241); d'où a) ca 1480 «complexion, tempérament de chaque individu» (Mistere du Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 43144); b) 1559 «la personne elle-même» (Amyot, Agésilas, 11 ds Littré); 3. début du xiiies. «constitution du corps humain, principe de vie qui l'anime et le soutient» (Li Epistle S. Bernart a Mont Deu, éd. V. Honemann, p.244); 1690 forcer nature (Fur.); 4. 1607 «affections naturelles de l'homme qui ont pour objet des personnes auxquelles il est uni par les liens du sang» (E. Pasquier, Recherches, V, 3 ds Gdf. Compl.). III. 1560 théol. «état naturel de l'homme (par opposition à la grâce)» (Bible, éd. A. Rebul, p.15 vod'apr. FEW t.7, p.46b); 1690 état de nature «état de l'homme non régénéré par le baptême» (Fur.); 1738 le pur état de nature (Argens, Lettres Juives, t.3, p.149); 1761 l'homme de la nature «homme tel que la nature le fait» (Rousseau, op. cit., t.4, p.144). IV. Emploi adj. 1. 1808, 10 déc. «conforme à la nature» c'est nature (L'Ambigu, t.23, p.473 ds R. Philol. fr. t.20, p.75); 1836 (Stendhal, L. Leuwen, t.2, p.364: ceci est moitié nature, moitié comédie); 2. 1860 «spontané» (Michelet, Journal, p.524: La dernière fut très spontanée, toute naïve et toute nature); 3. 1865 «au naturel» un boeuf-nature (Vallès, Réfract., p.11). V. Emploi adv. 1914 (Carco, loc. cit.). Empr. au lat. natura «le fait de la naissance, état naturel et constitutif des choses, tempérament, caractère, cours des choses». Fréq. abs. littér.: 29921. Fréq. rel. littér.: xixes.: a)62436, b) 37771; xxes.: a) 29876, b) 35766. Bbg. Ehrard (J.). L'Idée de nature en France dans la première moitié du 18es. Paris, 1963, passim. _ Gohin 1903, p.297, 338. _ Gritti (J.). La Notion de nature chez Bonald... Cah. Lexicol. 1969, no14, pp.26-32. _ Lenoble (R.). Hist. de l'idée de nature. Paris, 1969, pp.217-238. _ Mauzi (R.). L'Idée du bonheur au xviiies. Paris, 1965, pp.559-570. _ Merleau-Ponty (M.). Résumés de cours. Collège de France 1952-1960. Paris, 1968, pp.91-137; 171-180. _ Tocanne (B.). L'Idée de nature en France dans la seconde moitié du xviies. Lille, 1978, 1072 p.(Thèse. Paris IV. 1975. 2 vol.).