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MÂCHONNER, verbe trans.
I. − [Correspond à mâcher1]
A. −
1. [L'obj. désigne une substance comestible] Mâcher lentement, négligemment ou avec difficulté. Vous mettez à chaque repas une bonne heure pour vous lester; vous mâchonnez comme des boeufs qui ruminent (Sand, Maîtres sonneurs,1853, p. 78).Il mâchonnait ce pain sans pouvoir l'avaler (Pourrat,Gaspard,1931, p. 188).
2. Au fig. Mâchonner des paroles, des injures (ou un terme du même paradigme). Prononcer négligemment ou avec difficulté. Synon. marmonner.Il se surprenait à mâchonner à demi-voix des lambeaux de phrases qu'il croyait avoir oubliés (Goncourt,Ch. Demailly,1860, p. 123).Une jeune fille (...) mâchonnant avec mépris quelques injures où revenait le mot de «Polaks» (Ambrière,Gdes vac.,1946, p. 77).
B. − [L'obj. désigne une substance gén. non comestible] Réduire machinalement quelque chose en poudre ou en pâte en mordillant ou en humectant de salive. Il tirait des boules de gomme qu'il mâchonnait lentement, comme des chiques (Genevoix,Raboliot,1925, p. 15).Daniel, allongé à l'ombre des platanes, mâchonnant sa chique, l'œil vague et les mains sous la nuque (Martin du G.,Thib.,Épil., 1940, p. 862).Elle sortit de son cabas un tricot grenat et se mit à faire cliqueter ses aiguilles tout en mâchonnant son chewing-gum (Beauvoir,Mandarins,1954, p. 84).
C. − Mordiller longuement, saisir entre les dents à plusieurs reprises avec difficulté ou avec négligence. Mâchonner un cigare, sa moustache. Il tirait de lentes bouffées de sa pipe au tuyau mâchonné et rêvassait à la foire Saint-Romain (Dorgelès,Croix de bois,1919, p. 43).Un crayon dont il mâchonne le bout et au moyen duquel, à d'autres instants, il se gratte et se cure l'oreille (Duhamel,Nuit St-Jean,1935, p. 172).
Au fig., littér. Penser sans cesse (à quelque chose de pénible). Synon. remâcher, ruminer.Mâchonner sa douleur, sa jalousie. Vingt minutes il erra à travers l'atelier, rêvant, mâchonnant ses rancunes (Courteline,Linottes,Pendule, 1890, p. 184):
. J'ai le sournois plaisir de voir cet homme d'encyclopédie et de libéralisme, (...) gêné comme un domestique et mâchonnant l'embêtement et la jalousie de voir à côté de la femme qu'il rêve un homme jeune et qui doit un peu à son âge la grande place qu'il occupe. Goncourt,Journal,1861, p. 999.
II. − [Correspond à mâcher2] Rare. Découper quelque chose de façon peu précise; meurtrir. Nous vîmes passer entre les buissons tout mâchonnés, un long troupeau de chèvres (Fabre,J. Savignac,1863, p. 196).Visage à la chair nerveuse, tourmentée, comme mâchonnée (Goncourt,Journal,1886, p. 548).Poinçonneuse, qui, du reste, habituée à mordre en plein carton, mâchonna lamentablement le papier (H. Bazin,Vipère,1948, p. 223).
REM. 1.
Mâchon, subst. masc.,région. (Lyonnais) et fam. Repas. Je me suis offert un petit mâchon au wagon-restaurant. Dans ces popotes-là, la cuisine n'est jamais fameuse (San Antonio,Réglez-lui son compte,Paris, Fleuve noir, 1981, p. 100).
2.
Mâchonnage, subst. masc.,hapax. Action de mâchonner. Cette face distante qui la fixait, insensible et spectrale comme le halo lunaire, mais toujours mâchonnant, mordant sa gomme, agitée sans répit de mouvements destructeurs, comme si c'était sa chair à elle, Dominique, qu'il déchiquetait; et pourtant dans ce mâchonnage elle voyait en même temps quelque chose d'enfantin, ou plutôt de gosse (Montherl.,Songe,1922, p. 184).
3.
Mâchonnant, -ante, part. prés.Qui mâchonne (v. mâcher1A 1). Bouche crispée, tournée, tordue et toujours mâchonnante à vide (Goncourt,Journal,1858, p. 498).
Prononc. et Orth.: [mɑ ʃ ɔne], [ma-], (il) mâchonne [-ʃ ɔn]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. 1. 1521 (P. Gringore, Menus propos, XV ds Gdf. Compl.: machonnant sa pitance; cf. Ch. Oulmont, La Poésie ... à la veille de la Renaissance, P. Gringore, p. 463); 2. 1611 «murmurer entre les dents» (Cotgr.); 3. 1873 mâchonner la paume de sa canne (Lar. 19e). Dér. de mâcher1*; suff. -onner*. Fréq. abs. littér.: 67.
DÉR.
Mâchonnement, subst. masc.a) Action de mâchonner; bruit que fait celui qui mâchonne. On entendait derrière le mur le mâchonnement monotone d'une vache ruminant devant sa crèche (Moselly,Terres lorr.,1907, p. 37).Au fig. Action de prononcer de façon négligente ou avec difficulté. Ursus continuait entre ses gencives son mâchonnement de paroles courroucées (Hugo,Homme qui rit,t. 1, 1869, p. 160).b) Mouvement incessant de mastication à vide qui peut être le symptôme de certaines affections cérébrales. Son menton à barbiche, tout écourté et ravalé par l'édentement, a un mouvement perpétuel de mâchonnement maniaque. Il semble mâcher des restes d'idées, de souvenirs, de mots (Goncourt,Journal,1863, p. 798). [mɑ ʃ ɔnmɑ ̃], [ma-]. 1resattest. a) 1832 «action de mâchonner, de mâcher lentement» (Raymond), b) α) 1863 pathol. mâchonnement maniaque (Goncourt, loc. cit.), β) 1867 [de singes] mâchonnement continuel (Id, Man. Salomon, p. 142), c) 1864 mâchonnement de mots (Id., G. Lacerteux, p. 182); de mâchonner, suff. -(e)ment1*.