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MANANT, subst. masc.
A.− HIST. Celui qui habitait une circonscription. Les manan(t)s et habitan(t)s de telle paroisse (Ac.1798-1878).L'orgueil du plus puissant potentat ne peut arracher à la religion d'autre prière, que celle-là même qu'elle offre pour le dernier manant de la cité (Chateaubr., Génie,t. 2, 1803, p. 326).Tous les honnêtes gens de Genets, vilains et manans, sont prêts à tordre le cou à messire Philippe de Batefol (Mérimée, Jacquerie,1828, p. 147).
DR. FÉOD. [P. oppos. à bourgeois, à vassal, à seigneur] Roturier habitant dans la circonscription d'une paroisse, ne bénéficiant pas du statut du bourgeois et dépendant de la juridiction seigneuriale. Bourgeois et manants. À la campagne, du seigneur au chevalier, du chevalier au vavasseur, du vavasseur au riche manant, la hiérarchie sociale comportait des degrés assez nombreux pour que les distinctions entre classes ne fussent pas toujours vivement tranchées (Faral, Vie temps st Louis,1942, p. 257).Plus souvent qu'on ne croit, des familles − celle du marquis de Ferrières par exemple − vécurent paisiblement au milieu de leurs anciens manants et sous leur protection tacite (Lefebvre, Révol. fr.,1963, p. 598):
1. Du temps de Montaigne, un vilain, son seigneur le voulant tuer, s'avisa de se défendre. Chacun en fut surpris, et le seigneur surtout, qui ne s'y attendait pas, et Montaigne qui le raconte. Ce manant devinait les droits de l'homme. Courier, Pamphlets,Au réd. « Censeur », 1819-20, p. 11.
Rem. L'adj. de l'a. fr. manant au sens de « riche » se trouve repris par Hugo : la jolie danseuse qui danse là sur le pavé, et qui tambourine au milieu des bourgeois manants! (N.-D. Paris, 1832, p. 280).
B.− P. ext., vx et gén. péj. Homme de condition inférieure, roturier, plébéien :
2. Moi, je suis un grand seigneur, un noble lord. Vous, vous êtes un passant, un manant, un homme du peuple. Un gentilhomme qui tue un juif paie quatre sous d'amende. Un homme du peuple qui en tue un autre est pendu. Hugo, M. Tudor,1833, I, 7, p. 61.
Emploi adj. À présent (...) qu'avant de se battre on ne demande plus à un homme s'il est de bonne race ou manant (Barb. d'Aurev., Memor. 1,1837, p. 122).
En partic. Homme de la campagne, paysan. Songez que, quand il se promène dans la campagne, il écarte les paysans d'un air bonasse, avec sa canne, en disant : « Allez, manants! » (Proust, Guermantes 2,1921, p. 523):
3. Toujours pauvre, vêtu en paysan, couchant sur un ais au lieu de lit (...), sa vie fut une humilité, une mortification et une fuite continuelles. (...) On l'aurait jugé, à le voir [un Monsieur de Port-Royal], un homme du commun et un manant des environs... Sainte-Beuve, Volupté,t. 2, 1834, p. 186.
C.− Au fig., vieilli, littér. et péj. Personnage mal dégrossi, rustre, sans éducation. J'aime mieux paraître un manant sans philosophie, que de passer pour homme du monde sans cœur (Delécluze, Journal,1825, p. 241).Le saint Joseph de « La fuite en Égypte » [dans une peinture de retable] demeurait un rustre accompli et un parfait manant (Huysmans, Oblat,t. 1, 1903, p. 302):
4. ... qu'un banquet trop copieux rallume aux reins du cuistre la vieille ardeur héréditaire, le manant reparaît aussitôt sous la redingote officielle, l'éloquence d'Académie prend tout à coup le graillon des plaisanteries de cantine... Bernanos, Gde peur,1931, p. 140.
[Souvent comme terme d'insulte, en apostrophe] Le vieillard saisit avec force le bras du jeune homme et lui dit : − Tu ne vois rien, manant! maheustre! bélître! bardache! Pourquoi donc es-tu monté ici? (Balzac, Chef-d'œuvre,1831, p. 33).
Emploi adj. Une confidence à faire n'est pas une chose si aisée qu'on pense. Il faut y être provoqué, sous peine de ressembler à un parleur manant et grossier (Soulié, Mém. diable,t. 1, 1837, p. 136).
Rem. Exceptionnellement le mot apparaît au fém. dans des emplois correspondant à B et C. La femme se fâcha, révoltée d'instinct, injuriant à pleine gueule sa fille en larmes, la traitant de « manante » et de « traînée » (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Sabots, 1883, p. 93). La manante portait sous son bras un grand bâton de sucre de pomme (Moselly, Terres lorr., 1907, p. 95).
Prononc. et Orth. : [manɑ ̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1175 « possesseur de grands biens » (Benoît de Ste-Maure, Ducs de Normandie, éd. C. Fahlin, 17238); 2. ca 1200 « habitant, résident » (Dialogue Grégoire, 124, 22 ds T.-L.); 3. 1287 dr. « habitant né dans la ville, ayant et tenant maison et qui y est couchant et levant » (Hist. de Metz, III, 231 ds Gdf., s.v. manantise); 4. 1579 « paysan » (Fauchet, Antiquitez, IV, 5 ds Hug.); 5. 1694 « homme grossier, mal élevé » (Ac.). Part. prés. subst. de l'a. fr. manoir « demeurer », du lat. manere (v. manoir). Fréq. abs. littér. : 168.