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MÉLANCOLIQUE, adj.
A. − PATHOLOGIE
1. MÉD. ANC.
a) Qui est sujet à la bile noire, à la mélancolie; p. méton., qui est triste, qui a l'humeur noire. Synon. atrabilaire, bilieux, hypocondriaque.Werther ne sera pas indifféremment sanguin ou mélancolique; Lovelace, flegmatique ou bilieux (Baudel.,Salon,1846, p.150).Tout homme, né sous le signe de Saturne, est mélancolique et pituiteux, taciturne et solitaire, pauvre et vain (Huysmans,Là-bas, t.2, 1891, p.229).
b) Qui est dû à la bile noire. Humeur mélancolique. Quelquefois, il [le lait] cause directement des affections mélancoliques, qui (...) amènent bientôt à leur suite, tous les désordres de l'imagination et tous les écarts de la volonté (Cabanis,Rapp. phys. et mor., t.2, 1808, p.59).Emploi subst. Les engorgements hypocondriaques, lorsqu'ils se forment dans un tempérament sanguin, le font passer au bilieux s'ils sont légers, au mélancolique s'ils sont prononcés très-fortement (Cabanis,Rapp. phys. et mor., t.2, 1808p.437).
2. PSYCHOPATHOLOGIE
a) Qui est atteint de mélancolie, de neurasthénie. Synon. bilieux, humoriste (vx), neurasthénique, dépressif, névrosé.Placez cette fille-là dans une maison de santé, si elle ne recouvre pas la raison en accouchant, si toutefois elle devient grosse, elle finira ses jours folle-mélancolique (Balzac,Splend. et mis.,1844, p.332).
Emploi subst. Prostration du mélancolique. Charles, avec cette énergie et cette furie de volonté des mélancoliques qui veulent mourir de faim, recrachait le bouillon à mesure (Goncourt,Ch. Demailly,1860, p.399):
1. Le mélancolique, dans ses phases dépressives, se refuse à toute initiative, fût-ce la moindre initiative musculaire. On le voit immobile, prostré sur lui-même, fuyant la lumière et les présences. Mounier, Traité caract.,1946, p.272.
b) Qui concerne la mélancolie. Dépression mélancolique. Les états mélancoliques les plus avancés, où le malade s'installe dans la mort et y place pour ainsi dire sa maison (Merleau-Ponty,Phénoménol. perception,1945, p.339).
B. −
1. Qui est d'humeur chagrine, enclin à la mélancolie par tempérament. Synon. pessimiste, sombre, ténébreux (littér.), triste; anton. gai.Les hommes du Nord sont plus mélancoliques comme Shakespeare (Vigny,Journal poète,1834, p.1004):
2. ... sa faiblesse physique l'avait rendu de bonne heure un petit garçon mélancolique, rêvasseur, qui avait peur de la mort, et qui était très mal armé pour la vie. Il restait seul, par sauvagerie et par goût... Rolland,J.-Chr., Antoinette, 1908, p.833.
[P. méton.] Synon. de chagrin, maussade, morose.Esprit, humeur, tempérament mélancolique. Les âpres inégalités d'un caractère plein d'aigreur, la recherche de la solitude, un regard oblique (...) trahissent, dès la jeunesse, la disposition mélancolique de Louis XI (Stendhal,Hist. peint. Ital., t.2, 1817, p.58).
2. Qui est momentanément en proie à la mélancolie ou à la tristesse. Synon. abattu, affligé, triste; anton. gai, joyeux.Paraître mélancolique, rendre qqn mélancolique, trouver qqn bien/tout mélancolique. J'eus la sottise de me désespérer; je devins taciturne, mélancolique; je cessai de manger et de dormir (Jouy,Hermite, t.4, 1813, p.178):
3. Joseph (...) rentra dans le château (...). Il était mélancolique jusqu'à l'amertume, jusqu'au dégoût. Il avait surtout le sentiment que ces choses auxquelles il avait donné sa vie, tout l'effort de sa vie, pourraient soudain cesser de lui plaire et de l'amuser. Duhamel,Passion J. Pasquier,1945, p.183.
[P. méton.] Qui exprime la mélancolie. Guernico sourit, de ce mélancolique sourire qui lui donnait souvent une expression d'enfant malade (Malraux,Espoir,1937, p.694).[Le] désoeuvrement mélancolique qui suit le départ des invités cordiaux (Gracq,Beau tén.,1945, p.42):
4. Allons, baisez maîtresse, vous qui n'avez pas de chagrins. Puis, considérant la mine mélancolique du svelte animal qui bâillait avec lenteur, elle s'attendrissait, et, le comparant à elle-même, lui parlait tout haut, comme à quelqu'un d'affligé que l'on console. Flaub.,MmeBovary, t.1, 1857, p.50.
SYNT. Air, attitude, regard, visage mélancolique; idée, rêverie, sentiment mélancolique; accent, charme, douceur mélancolique (de la voix, d'un geste); adieux mélancoliques.
C. − [En parlant de choses concr. ou abstr.] Qui inspire la mélancolie. Synon. morose, nostalgique, plaintif, triste; anton. clair, gai, joyeux.Chanson, musique, nocturne, note mélancolique; nature, paysage, site mélancolique. Des airs de Chopin, tous mélancoliques et lugubres à donner la fièvre (Taine,Notes Paris,1867, p.340).En fait de poésies anciennes, il ne lisait guère que Villon, dont les mélancoliques ballades le touchaient (Huysmans,À rebours,1884, p.191):
5. Partout l'automne est mélancolique, chargé du regret de ce qui s'en va et de la menace de ce qui s'en vient; mais sur le sol canadien, il est plus mélancolique et plus émouvant qu'ailleurs, et pareil à la mort d'un être humain que les dieux rappellent trop tôt... Hémon,M. Chapdelaine,1916, p.109.
Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre, littér. Le genre mélancolique et romantique. Un ciel d'azur avec un beau soleil est très peu poétique. Il n'y a de poésie que dans le sombre et le mélancolique (Chênedollé,Journal,1818, p.98).
REM. 1.
Mélanc(h)olier,(Mélancolier, Mélancholier) verbe,vx, littér. a) Emploi trans. Rendre mélancolique. Synon. affliger, attrister, chagriner, mélancoliser.Des semaines relativement et positivement délicieuses, bien que mélancholiées par l'état lentement empirant du jeune homme (Verlaine, Œuvres compl., t.4, Mes hôp., 1891, p.320).b) Emploi intrans. et pronom. S'abandonner à la mélancolie. Bien qu'on ne l'eût pas appelé, [il] prit sur lui d'entrer et d'allumer les bougies, ne voulant pas laisser son maître se mélancolier dans l'ombre, mère des humeurs noires (Gautier,Fracasse,1863, p.345).Nous pûmes bientôt mélancholier et ratiociner devant la stèle mesquine sous quoi dort tant de gloire littéraire (Verlaine, Œuvres posth., t.2, Souv. et prom., 1896, p.180).
2.
Mélancolifier, verbe trans.,rare. Synon. de mélancoliser.Emploi abs. Pourquoi n'aurais-je pas atteint Hugo?... Eh bien, il y a des jours où cela mélancolifie (Goncourt,Journal,1868, p.445).
3.
Mélanco, adj. inv.,fam., par apocope de mélancolique. Pas fougueuse, la Fantaisie pour piano et orchestre, du Widor (...) construite sur un thème (...) de fort-en-idem un peu mélanco (Willy,Entre deux airs,1895, p.57).Il est naïf et péremptoire, généreux et vaniteux et avec ça mélanco (L. de Vilmorin,Migraine,1959, p.61).
Prononc. et Orth.: [melɑ ̃kɔlik]. Ac. 1694 et 1718: me-; dep. 1740: mé-. Étymol. et Hist. 1. a) 2emoitié xiiies. adj. «relatif à la bile noire» (Introd. d'astron., B.N. 1353, fo35c ds Gdf. Compl.) − xvies., Aubigné ds Hug.; b) 1306 «affecté de mélancolie, qui a trop de bile noire» (Guillaume Guiart, Branche des royaus lignages, éd. N. Wailly et L. Delisle, 20920); début xives. subst. (Antidotaire Nicolas, éd. P. Dorveaux, p.14); 2. a) 1532 adj. «triste» (Marot, Epîtres, éd. C.A. Mayer, p.101); b) 1545 «qui engendre la tristesse» (J. Bouchet, Epîtres familières du Traverseur, 4: lieu... merencolique); 3. 1816 «celui qui est atteint de la maladie mentale appelée mélancolie» (Encyclop. méthod. Méd. t.9, s.v. mélancolie). Empr. au lat. melancholicus (transcrivant le gr. μ ε λ α γ χ ο λ ι κ ο ́ ς ) «causé par la bile noire» et «mélancolique, atrabilaire»; le sens 2a est att. antérieurement en a. prov. (xiiies. ds Rayn.). Fréq. abs. littér.: 2060. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3209, b) 3548; xxes.: a) 3534, b) 1995. Bbg. Quem. DDL t.23 (s.v. mélanco).