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LAISSER2, verbe (semi-)auxiliaire.
I. − Qqn/qqc. laisse qqn/qqc. + inf.
A. − Permettre de, ne pas empêcher de.
1. [Le verbe à l'inf. est intrans. (ou pronom.)] Laisser s'échapper/échapper un animal; laisser qqn passer/passer qqn; s'effacer pour laisser passer qqn; laisser qqn entrer, sortir, partir, venir, parler, mourir, dormir, travailler. Les Josserand allèrent passer quinze jours chez un ami, près de Pontoise, en laissant se répandre la rumeur qu'ils partaient pour une ville d'eaux (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 259).Il (...) baignait l'horrible plaie en laissant couler dessus un petit filet d'eau claire (Maupass., Contes et nouv., t. 1, En mer, 1883, p. 97).C'était une personne d'ordre qui ne laissait rien traîner (Aymé, Jument,1933, p. 72):
1. Les mondains qui ne veulent pas laisser la politique s'introduire dans le monde sont aussi prévoyants que les militaires qui ne veulent pas laisser la politique pénétrer dans l'armée. Proust, Prisonn.,1922, p. 235.
SYNT. Laisser paraître (un sentiment); laisser faire le temps; laisser aller les choses; laisser passer les voitures; laisser passer l'heure, le temps, une occasion; laisser dormir, mûrir, venir qqc. (au fig.); laisser errer son regard, laisser son regard errer au loin; laisser éclater sa joie.
Loc. verb. en emploi intrans. ou abs.
Laisser dire. Ne pas se soucier de ce que disent les autres. On disait aussi : « Ce petit a la soif de s'instruire; il dévore le Larousse! » et je laissais dire (Sartre, Mots,1964, p. 56):
2. ... on célébrait le confort du « petit hôtel » comme si mon oncle en avait le seul occupant, et il laissait dire, sans opposer le démenti formel qu'il aurait dû. Proust, Sodome,1922, p. 1057.
Loc. proverbiale. Bien faire et laisser dire (v. faire1II A 5).
Laisser faire. Ne pas intervenir (dans une action humaine ou dans le cours des événements); ne pas se soucier de ce que font les autres. Ils (...) empoigneront, exigeront la flotte française (...). L'Allemagne laissant faire (Barrès, Cahiers, t. 2, 1900, p. 171):
3. Ne pouvant plus compter sur Jacques II, Louis XIV prit le parti de laisser faire, dans l'idée que l'usurpation de Guillaume d'Orange entraînerait une longue guerre civile et immobiliserait l'Angleterre et la Hollande à la fois. Bainville, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 246.
Laissez faire, laissez passer (écon.). Devise du libéralisme économique (attribuée à Gournay ou à d'Argenson) excluant toute entrave à la production et au commerce. La liberté, c'est la solution de tous les problèmes économiques et sociaux, laissez faire, laissez passer (Fondateurs 3eRépubl., Clemenceau, 1884, p. 272).Pour le gouvernement, laisser faire et laisser passer ce serait livrer la nation à des troubles irrémédiables, car sous le choc de la libération l'inflation serait déchaînée et l'on verrait crouler toutes les digues (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 180).Au fig. Allez! laissez passer, laissez faire; l'Amour Reconnaîtra les siens; il est aveugle et sourd (Laforgue, Poés.,1887, p. 193).
Laisser faire à qqn (vieilli). Bah! maman, laisse faire à papa, le bon Dieu l'a toujours protégé (Balzac, C. Birotteau,1837, p. 102).Fais ton devoir en paix, et laisse faire aux dieux (Rolland, J.-Chr., Buisson ard., 1911, p. 1420):
4. Ici, le rayon de midi réapparaît. Il doit tomber à pic sur l'axe de la tuile. Et on laisse faire au soleil. Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 197.
Laisser tomber*, choir* (au fig.).
Laisser aller (v. aller1ex. 5 et I B 1 et laisser-aller).Je ne me soucie même pas de chercher des mots. Ça coule en moi, plus ou moins vite, je ne fixe rien, je laisse aller (Sartre, Nausée,1938, p. 21).Laisser aller les choses (v. chose1II A 1).Laisser tout aller. Négliger ses affaires. Elle laissait maintenant tout aller dans son ménage (Flaub., MmeBovary, t. 1, 1857, p. 75).
Laisser courir (v. courir I A 1 b β).
Laisser pisser* le mérinos.
Laisser courre (vén.). Découpler les chiens pour attaquer une bête de chasse. (Ds Baudr. Chasses 1834, Duchartre 1973). V. aussi laisser-courre.
Laisser arriver, laisser porter (mar.). Changer d'allure pour arriver vent arrière. Synon. laisser abattre. (Ds Bonn.-Paris 1859).Vent d'est. Dans la matinée, vers quatre heures, au lieu de courir en travers du détroit on laisse porter (Bellot, Voyage mers polaires,1863, p. 102).Le Pourquoi-Pas? est un rude bateau; petit à petit il gagne au vent lentement et à 4 h 30, avec un soupir de soulagement je « laisse arriver » dans le détroit de Magellan (Charcot, « Pourquoi-Pas? »1908-10, 1910, p. 364).
2. [Le verbe à l'inf. est trans.]
a) [Inf. trans. dir.] Laisser qqn reprendre ses esprits. Si vous avez confiance en ma tendresse, laissez-moi vous guider dans la vie (Balzac, Gobseck,1830, p. 380).Heureux d'avoir trouvé un confident à qui se plaindre, ne le laissant pas placer un mot, il se soulagea (Zola, Terre,1887, p. 297).Elle estimait qu'il n'aurait pas été séant de le laisser faire un pas de plus, sans le reconduire (Jouhandeau, M. Godeau,1926, p. 64):
5. D'abord, il laissa le cocher suivre la rue jusqu'au bout, sans l'arrêter; puis, il la lui fit redescendre, et cela à trois reprises. Zola, Pot-Bouille,1882, p. 308.
Rem. Je le/lui laisse lire ce livre. Laisser + inf. + à peut introduire un compl. d'agent, mais peut aussi être considéré comme le suj. de la prop. infinitive. Pour la nuance de sens entre le laisser + inf. et lui laisser + inf., v. lui1, leur. « Est-ce qu'il n'y a pas qu'une maman qu'on peut aimer toute seule? » laissant faire à sa mère le complément du raisonnement (Goncourt, Journal, 1891, p. 124).
Loc. Laisser entendre, supposer que. Donner à penser que. Le concierge laissa même entendre que, s'il en poussait un quatrième, le propriétaire leur donnerait congé, car trop de famille dégradait un immeuble (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 360).Si un mot de moi pouvait laisser supposer que je ne resterais pas à la maison, son air inquiet donnait à penser que la joie qu'elle aurait à me voir sortir sans cesse, n'était peut-être pas très sincère (Proust, Prisonn.,1922, p. 129).
b) [Inf. trans. indir.] Laisser (qqn) parler de, rêver à. Marinette se passerait plutôt de pain que de m'en laisser manquer (Pesquidoux, Chez nous,1921, p. 78).
B. − Qqn/qqc. se laisse + inf.Consentir à, céder à, s'abandonner à.
1. [Se est suj. de l'inf., dans des tours pronom. à sens réfl.] Se laisser mourir de faim, se laisser glisser. Il eut un geste vague de protestation, en se laissant tomber sur une chaise (Zola, Joie de vivre,1884, p. 1037).
Au fig. Se laisser aller. S'abandonner; se négliger. Joseph se laissait aller, et commençait à devenir plus communicatif et plus animé qu'elle ne l'eût souhaité (Sand, Consuelo, t. 2, 1842-43, p. 312).J'ai tâché de le remonter, je lui ai dit : « Il ne faut pas se laisser aller (...) » (Proust, Guermantes 1,1920, p. 310):
6. ... avec ma redingote défraîchie et mes souliers à semelle de bois, je n'avais vraiment pas bonne mine (...); Scriassine arrivait d'Amérique où les femmes sont si soignées, il allait remarquer mes sabots. « Je n'aurais pas dû tant me laisser aller », pensai-je. Beauvoir, Mandarins,1954, p. 67.
Se laisser aller à. V. aller1ex. 33.
Fam. Se laisser vivre. Ne pas se faire de soucis. Volontiers il (...) flâne et se laisse vivre, et, à ce prix, il se résigne fort bien à n'avoir qu'un habit râpé (Taine, Philos. art, t. 1, 1865, p. 236).François retomba dans une fausse quiétude. (...) il continuait à se laisser vivre à la merci de la minute présente (Radiguet, Bal,1923, p. 159).
2. [Se est compl. d'obj. dir. de l'inf., dans des tours pronom. à sens passif] Se laisser battre, bercer, charmer, emporter, prendre, séduire, intimider, impressionner, tromper, toucher. J'ai fait amitié à un chat angora charmant qui me suivait et qui s'est laissé caresser (Delacroix, Journal,1853, p. 44).Laisse-toi soigner puisque tu es malade (Maupass., Pierre et Jean,1888, p. 377).De jeunes touffes de lilas se laissaient balancer par la brise (Proust, Guermantes 1,1920, p. 157):
7. Obéir n'est pas se laisser passivement conduire, ainsi qu'un aveugle suit son chien. Une vieille religieuse comme moi ne souhaite rien de plus que mourir dans l'obéissance, mais dans une obéissance active et consciente. Bernanos, Dialog. Carm.,1948, 5etabl., 12, p. 1711.
Se laisser mener par le bout du nez. V. bout ex. 22.
Se laisser gagner à, prendre à. Je ne me laisserais pas prendre à ses flatteries (Dumas père, Halifax,1842, I, 11, p. 44).Il se laissa gagner à la gaieté commune (Pesquidoux, Livre raison,1928, p. 157).
Se laisser faire. Ne pas s'opposer à la volonté de quelqu'un, céder à ses désirs; ne pas réagir. Au plus vif de mon plaisir je me demande si l'incomparable causeur − et l'auditeur qui se laisse faire − ne pèchent pas également par insincérité (Proust, Past. et mél.,1919, p. 190).Ce qu'elle offrait d'un cœur impuissant, Dieu se prépare à le prendre, et pour de bon, si toutefois elle consent à se laisser faire (Bremond, Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 612):
8. ... le paysan Patience, naïf, madré, rusé, rossé, volé, se laissant faire, − sa femme baisée, ses champs pillés, se laissant faire, − (...) − forcé d'aller en guerre, recevant tous les coups, se laissant faire... Rolland, J.-Chr., Maison, 1909, p. 1072.
En partic., fam. Accepter ce qui est offert. Synon. se laisser tenter.On joue le Mystère de la Tour Eiffel à Tivoli... Allons, laissez-vous faire (Dabit, Hôtel,1929, p. 110).
Ne pas se laisser faire. Réagir, s'opposer, protester. Il ne se laisserait pas faire. Contre Volat, contre Bourrel, il se défendrait à force (Genevoix, Raboliot,1925, p. 107).Alors on songerait à marier Zaza. « Je ne me laisserai pas faire » me disait-elle (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 220).
Fam. Cela se laisse boire; cela se laisse manger; livre qui se laisse lire; film qui se laisse voir. Être bu, mangé, lu, vu avec un certain plaisir; ne pas être mauvais. − C'est du vin de Bracieux. − Il est bon. − I's' laisse boire, oui... (Genevoix, Raboliot,1925, p. 204).
3. [Se est compl. d'obj. indir. de l'inf.] Se laisser pousser la barbe, la moustache, les cheveux.
Se laisser dire que. Entendre dire que (mais sans avoir la preuve de l'assertion et sans y ajouter vraiment foi). À propos, je me suis laissé dire que la régence lui avait offert la couronne du pays en souveraineté (Fongeray, Soir. Neuilly, t. 1, 1827, p. 315).Je me suis laissé raconter à ce propos un fait assez piquant (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 463):
9. On m'a conté, ces jours-ci, la façon dont le gouvernement achète les savants. Cela n'est pas long. Je m'étais laissé dire que pour corrompre les hommes, il fallait des tâtonnements, des ménagements, un abouchement par des tiers, enfin un peu de temps et quelques façons. Goncourt, Journal,1860, p. 772.
S'en laisser accroire (v. accroire ex. 11), conter (v. conter B).
Loc. fig. Se laisser manger la laine sur le dos (v. laine A 3 b).
Rem. 1. La forme arch. du fut. je lairrai, tu lairras subsiste dans le refrain d'une vieille chanson française (chanson pop. du xviiies.) Compère Guilleri. Mon petit monsieur, écoute une chanson. Et elle fredonna imperceptiblement : Compère Guilleri, Te lairreras-tu mouri? (France, Pt Pierre, 1918, p. 105). 2. Le part. passé laissé s'accorde avec le compl. d'obj. dir. qui le précède lorsque ce dernier désigne la personne qui fait l'action exprimée par le verbe à l'inf.; sinon laissé reste invariable : Je les ai laissés partir. À combien d'autres espiègleries ne se fussent-elles pas laissé prendre (Boylesve, Leçon d'amour, 1902, p. 98). Les conclusions que nous avons déjà laissé entrevoir (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum., 1921, p. 8). Toutefois cette règle n'est pas toujours respectée. Je les ai laissé faire (cf. Grev. 1975, § 794). Je me suis souvent demandé par quel prodige la peinture était en avance, et comment il se faisait que la littérature se soit ainsi laissée distancer? (Gide, Faux-monn., 1925, p. 1199). 3. Vieilli. Laissez que + subj. Permettez que. Laissez que je vous voie, que je vous contemple! (Flaub., MmeBovary, t. 1, 1857, p. 171). Étranger qui viendras, lorsque je serai morte, Contempler mon lac génevois, Laisse que ma ferveur dès à présent t'exhorte À bien aimer ce que je vois (Noailles, Forces étern., 1920, p. 97). « Au moins », supplia-t-elle, « laissez que je vous donne une couverture... » (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 557).
II. − Littér. Ne pas laisser de + inf.Ne pas cesser de, ne pas manquer de (sert à exprimer une affirmation renforcée, notamment dans un contexte d'opposition = néanmoins, pourtant, n'en... pas moins). Ce qu'il y a de certain, c'est que je ne laisserai jamais de m'employer, pour vous, à tout ce qui pourra vous être utile (Chateaubr., Corresp., t. 3, 1822, p. 156).La vie de la duchesse ne laissait pas d'ailleurs d'être très malheureuse (Proust, Temps retr.,1922, p. 1015):
10. J'étais bien décidé à ne pas souffler mot de mon histoire; mais la certitude que ma mère allait me demander des éclaircissements ne laissait pas de m'exaspérer. Duhamel, Confess. min.,1920, p. 30.
Vieilli et plus recherché. Ne pas laisser que de + inf.Même sens. Le contraste de ce ton crayeux avec la couleur brune et foncée des poutres, des toits et du balcon, ne laisse pas que de produire un bon effet (Gautier, Tra los montes,1843, p. 18).Les hommes de 1793 ne laissaient pas que d'avoir leur bon côté pour les Bourbons (Mmede Chateaubr., Mém. et lettres,1847, p. 58):
11. Margaritone, (...) nouvellement établi dans la ville (...) y remarqua [dans l'atelier d'un jeune peintre] une madone encore toute fraîche, qui, bien que sévère et rigide, grâce à une certaine exactitude dans les proportions et à un assez diabolique mélange d'ombres et de lumières, ne laissait pas que de prendre du relief et quelque air de vie. France, Île ping.,1908, p. 151.
Prononc. et Orth. Cf. laisser1. Étymol. et Hist. V. laisser1. Fréq. abs. littér. Laisser 1 et 2: 58 143. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 78 994, b) 85 901; xxes. : a) 84 016, b) 83 307. Bbg. Laisser 1 et 2. Bissell (C.H.). Faire, laisser, avoir and entendre with a dependent infinitive. Mod. Lang. J. 1944, t. 28, pp. 325-337. - Danell (K.J.). Rem. sur la constr. dite causative. Stockholm, 1979, 124 p. - Johansson (A.). Ét. syntaxique sur le verbe faire en fr. mod. In : [Mél. Wahlund (K.)]. Mâcon, 1896, pp. 102-103. - Kalepky (T.). Zwei Erklärungsbedürftige que im Neufranzösischen. Z. für fr. und engl. Unterricht. 1913, t. 12, p. 1. - Kayne (R.S.). Synt. du fr. Paris, 1977, pp. 196-224. - Langacker (R.W.). Les Verbes faire, laisser, voir, etc. Langages. Paris. 1966, t. 3, pp. 72-89. - Lanly (A.). Morphol. hist. des verbes fr. Paris, 1977, pp. 91-93. - Muller (Ch.). Les Verbes les plus fréq. du fr. Fr. Monde. 1974, no103, pp. 14-17.