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* Dans l'article "JÉSUITE,, subst. masc. et adj."
JÉSUITE, subst. masc. et adj.
A. −
1. Subst. masc. Membre de la Compagnie de Jésus, ordre séculier fondé en 1540. La fin justifie les moyens, c'est là la morale des jésuites (Sand, Hist. vie, t. 1, 1855, p. 196).Oh! les jésuites, qu'ils sont fins, subtils! Ils font honneur à l'Église, sûrement (Bernanos, Joie,1929, p. 556).V. accommodement ex. 12 et aplatir ex. 3 :
1. Saint Ignace de Loyola et ses Jésuites. Quel mystère! Une compagnie si pharisaïque, si médiocre, si laide par tant de côtés, sortie d'un fondateur dont la sainteté est si certaine, et ne différant pas de lui essentiellement! Bloy, Journal,1904, p. 238.
SYNT. Docte, savant jésuite; ordre, général des jésuites; puissance occulte, subtilité des jésuites; enseignement, éducation, élève des jésuites; attaques de Port-Royal, des jansénistes contre les jésuites.
Jésuite à/de robe courte. Laïc affilié à la Compagnie de Jésus. En cas de dissolution de la Chambre (...) S'il [M. de Villèle] ne se jette pas dans les industriels, les jésuites auront assez de pouvoir pour faire élire des jésuites à robe courte (Stendhal, Corresp.,1825, p. 388).
Collège, école de jésuites et, p. ell., les jésuites. Collège, école tenu(e) par des jésuites. Mettre ses enfants aux (vieilli)/chez les jésuites; faire ses études chez les jésuites. On enseigne depuis plus d'un siècle et partout, chez les Jésuites comme à l'école normale d'instituteurs, que la vertu qui veut considérer l'utile en toutes choses est bien méprisable (Alain, Propos,1914, p. 187).
2. Adjectif
a) [En parlant d'une pers.] Qui appartient à la Compagnie de Jésus. Frère, Révérend Père jésuite; confesseur, missionnaire, prédicateur jésuite. L'abbé de Prémord était (...) hérétique parce qu'il était jésuite. La doctrine de Loyola est la boîte de Pandore. Elle contient tous les maux et tous les biens (Sand, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 294).
P. anal. [P. oppos. à janséniste] Qui a les mêmes opinions, les mêmes principes que les membres de la Compagnie de Jésus. Parti jésuite. Le maréchal d'Hocquincourt, jésuite ou janséniste, selon l'humeur de sa maîtresse et l'accueil qu'il reçoit au Louvre (Courier, Pamphlets pol., Livret de Paul-Louis, vigneron, 1823, p. 169):
2. On a dit parfois que si Racine était un poète janséniste, Corneille était un poète jésuite (...). Nous pouvons voir qu'il y a bien (...) quelques traits des Exercices Spirituels de saint Ignace dans le soldat chrétien et volontaire de Corneille, et bien des souvenirs de l'enseignement des bons Pères dans les pièces romaines. Brasillach, Corneille,1938, p. 226.
b) [En parlant d'une chose] Relatif, propre aux membres de la Compagnie de Jésus. Éducation, journal, revue jésuite. Toujours s'analyser, s'interroger anxieusement (...)! La méthode jésuite (...) aboutit à substituer la contemplation de soi-même à la contemplation de Dieu (Bloy, Journal,1895, p. 205).V. anti(-)français ex. 1 :
3. ... dans les collèges jésuites, les externes n'avaient à peu près pas de rapports avec les internes. (...) les Pères, désireux de former des hommes pour la société, pour le monde, préféraient de beaucoup l'externat. Brasillach, Corneille,1938p. 22.
ARCHIT. Caractérisé par une grande exubérance de composition et une multiplicité d'ornements aux formes bizarres (d'apr. Chabat 1881, s.v. jésuitique). Architecture, art, rococo jésuite. Les églises jésuites du xviiiesiècle ont toutes l'air de maisons à éléphants (Goncourt, Journal,1855, p. 222):
4. Nous nous arrêtâmes (...) devant un petit temple de style jésuite qui dressait devant nous son porche orné de ces demi-cercles de pierre, sortes de « consoles renversées », qui sont le propre d'une architecture qui n'a contribué en rien à la gloire du dix-septième siècle. G. Leroux, Parfum,1908, p. 16.
B. − Subst. masc. et adj., péj. (Celui) qui est dissimulé, hypocrite, voire retors. Être un vrai jésuite; être plus jésuite que les jésuites; avoir un air jésuite. N'a-t-on pas représenté ce grand penseur [Platon] comme utopiste dans la République, (...) hypocrite et presque jésuite dans l'Euthyphron! (Renan, Drames philos., Prêtre Némi, 1885, p. 527):
5. Le chef-d'œuvre de casuistique, d'hypocrisie retorse qu'est, dans le 3enuméro de la Revue du Siècle, le commentaire de la protestation que, par huissier, j'ai contraint ces jeunes jésuites d'insérer en réponse à leurs calomnies du 1ernuméro. Le sens (l'amour et le besoin) de la vérité et de la justice est chez eux profondément faussé. Gide, Journal,1933, p. 1178.
Subst. fém., rare. − Eh bien, mon petit ange, embrasse-moi. Tu n'aimes personne, ici? (...) − Non, ma chère maman, répondit la petite jésuite (Balzac, Modeste Mignon,1844, p. 108).
REM. 1.
Jésuitement, adv.,hapax. Synon. de jésuitiquement (s.v. jésuitique).Prendre jésuitement des mines effarouchées (cf. Clemenceau, Iniquité,1899, p. 182).
2.
Jésuitesse, subst. fém.Religieuse ou laïque appartenant à une communauté ou à une congrégation dont la règle s'inspire de celle des jésuites. Où prenaient-elles l'argent [les Dames de la Foi]? Les Jésuitesses comme les Jésuites n'en ont jamais manqué (Mmede Chateaubr., Mém. et lettres,1847, p. 46).
3.
Jésuitisant, -ante, adj.Sympathisant des jésuites. Dans le concile, il y a une majorité d'imbéciles fanatiques. Les évêques allemands et les nôtres sont, je crois, jésuites ou jésuitisants (Mérimée, Lettres Panizzi,1870, p. 397).
4.
Jèze, subst. masc.,arg. scol. Jésuite (v. ce mot A 1). Rébarbatifs, les Jèzes, mais déférents (H. Bazin, Mort pt cheval,1949, p. 12).
Prononc. et Orth. : [ʒezɥit]. Att. ds Ac. dep. 1835. Parfois avec une majuscule (supra ex. 1 et rem. 2, ex. de Mmede Chateaubr.). Étymol. et Hist. 1. a) 1585 subst. « membre de la compagnie de Jésus » (N. du Fail, Contes et discours d'Eutrapel, éd. J. Assézat, t. II, p. 41); b) av. 1594 adj. la Secte Jésuite (E. Pasquier, Lettre à Florimont de Raemond [Lettres XX, 1] ds Lettres historiques, éd. D. Thickett, livre IV, p. 159, note 6); 2. 1749 « personne qui cache son jeu » ici adj. (D'Argenson, Journal, V, 428 ds Brunot t. 6, p. 18 et note 1 : mon frère, le plus fin, le plus « jésuite » de tous); 3. 1808 arg. « dindon » (Hautel). Dér. du nom de la Compagnie de Jésus, fondée en 1540 par Ignace de Loyola [1491-1556]; suff. -ite*; le sens 3 parce qu'on devait aux Jésuites l'acclimatation du dindon en Europe. Fréq. abs. littér. : 1 603. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 034, b) 1 841; xxes. : a) 2 035, b) 2 016.
DÉR. 1.
Jésuiterie, subst. fém.,péj. a) Ensemble des jésuites, des personnes qui ont les mêmes opinions, les mêmes principes qu'eux. Il m'a fallu batailler contre toute la jésuiterie et les forces d'oppression dressées contre cette idée de progrès que j'ai voulu faire triompher (Aymé, Vaurien,1931, p. 152).b) Action, propos hypocrite, voire retors. Arthur Meyer (...) prétend m'enrégimenter parmi ceux qui refusent le salut au drapeau. Une phrase de mon article d'hier, mise là tout exprès en prévision des jésuiteries, m'en sépare nettement pour la centième fois (Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 207).[ʒezɥitʀi]. 1reattest. 1879, 5 juill. un air de jésuiterie (Sarcey, Le xixesiècle ds Delb. Matér. 1880, p. 183); de jésuite, suff. -erie*.
2.
Jésuitière, subst. fém. péj.Maison, école, collège de jésuites. Il fallait mettre la main sur l'armée. On l'a fait, par la complicité des « classes supérieures », dont l'éducation se trouve accaparée par les jésuitières (Clemenceau, Vers réparation,1899p. 111).En ce temps-là, nous habitions deux étages du vieil hôtel solennel (...) tout près de la jésuitière (que Combes était au moment de vider de ses pieux habitants et dont la chapelle, dite chapelle Margaux, était fort achalandée) (Mauriac, Écrits intimes, Commenc. d'une vie, 1932, p. 32).[ʒezɥitjε:ʀ]. − 1reattest. 1850 la jésuitière de Fribourg (Gobineau, Corresp. [avec Tocqueville], p. 142); de jésuite, suff. -ière*. Fréq. abs. littér. : 24.
3.
Jésuitiser, verbe trans.,péj. a) Soumettre à l'influence des jésuites. À l'heure qu'il est, elle [la doctrine de la Grâce] n'a plus d'asile dans le catholicisme tout jésuitisé et sophistiqué à la Liguori (Sainte-Beuve, Port-Royal, Paris, Hachette, t. 3, 1912 [1848], p. 595).b) Emploi pronom. réfl. Devenir semblable aux jésuites. Les explications des journaux ministériels (...) sont d'une tartuferie idéale. Nos Juifs de sacristie n'ont pu se frotter d'eau bénite sans se jésuitiser au delà de la commune mesure (Clemenceau, Iniquité,1899, p. 294).[ʒezɥitize], (il) jésuitise [ʒezɥiti:z]. 1reattest. 1840 jésuitiser « faire le Jésuite » (Ac. Compl. 1842); de jésuite, suff. -iser*.
BBG. - Darm. 1877, p. 212. - Delb. Matér. 1880, p. 183 (s.v. jésuiterie). - Quem. DDL t. 18 (s.v. jésuitesse). - Sain. Arg. 1972 [1907], p. 92.