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ESPÈCE, subst. fém.
I.− Gén. au plur.
A.− HIST. PHILOS. (métaphys. scolast.). Image extérieure des objets affectant les sens et y produisant le phénomène de la perception.
Espèces sensibles. Images perçues par les sens (espèces-images) :
1. ... Locke n'est pas sceptique sur l'existence des corps; malgré sa théorie des idées, il s'en faut bien qu'il soit idéaliste. Loin de là, il se rattache à la grande famille péripatéticienne et sensualiste, dans laquelle la théorie des espèces et des espèces sensibles, avait l'autorité d'un dogme et la fonction de donner et d'expliquer le monde extérieur. Des espèces sensibles, le dix-septième siècle en masse, et Locke en particulier ont fait les idées sensibles, pourvues de toutes les qualités des espèces, représentatives de leurs objets et en émanant. Cousin, Hist. philos.,xviiies., t. 2, 1829, p. 346.
Espèces intelligibles, espèces-idées. Images ainsi perçues, interprétées en concepts par l'intelligence. Il est certain que les universaux, les espèces intelligibles et les essences des choses n'ont de rapport avec aucune chose actuellement existante (Gilson, Espr. philos. médiév.,1932, p. 25).
P. métaph., lang. cour. Sous les espèces (l'espèce) de. Sous l'image, la représentation d'une personne ou d'une chose. N'est-il pas remarquable de voir le clerc, et sous la haute espèce du métaphysicien, enseigner au laïc que le réel est seul considérable et que le supra-sensible n'est digne que de ses risées? (Benda, Trahis. clercs,1927, p. 126).
Loc. fig. Brouiller, confondre les espèces. Semer la confusion dans les esprits en mêlant les images et représentations qui s'y forment.
Rem. Attesté uniquement ds les dictionnaires.
B.− P. ext., THÉOL. CATH. Pain et vin consacrés au cours de la célébration eucharistique en signe de la présence du Christ offert à la communion du prêtre et des fidèles. Espèces consacrées, eucharistiques, sacramentelles, saintes; communier (communion) sous les deux espèces; les espèces du pain et du vin. La dévotion de Pécuchet s'était développée. Il aurait voulu communier sous les deux espèces, chantait des psaumes (Flaub., Bouvard,t. 2, 1880, p. 126).Si Jésus vous était indifférent, il vous serait bien égal de consommer ou de ne pas consommer les espèces saintes (Huysmans, En route,t. 1, 1895, p. 247):
2. Notre humanité assimilant le monde matériel, et l'hostie assimilant notre humanité, la transformation eucharistique déborde et complète la transsubstantiation du pain de l'autel. De proche en proche, elle envahit irrésistiblement l'univers. C'est le feu qui court sur la bruyère. C'est le choc qui fait vibrer le bronze. En un sens second et généralisé, mais en un sens vrai, les espèces sacramentelles sont formées par la totalité du monde, et la durée de la création est le temps requis pour sa consécration. Teilhard de Ch., Milieu divin,1955, p. 154.
Rem. S'emploie plus rarement au sing. Cette pomme n'est pas plus un mythe que l'espèce eucharistique (Bloy, Journal, 1903, p. 200).
II.− Au sing. ou au plur.
A.− TAXINOMIE. Niveau de la classification des êtres vivants, placé immédiatement sous le genre et comprenant lui-même des sous-espèces et des variétés. Lorsqu'un genre est bien fait, toutes les races ou espèces qu'il comprend, se ressemblent par les caractères les plus essentiels et les plus nombreux (Lamarck, Philos. zool., t. 1, 1809, p. 32):
3. Un genre est naturel, lorsque les espèces du genre ont tant de ressemblances entre elles, et par comparaison différent tellement des espèces qui appartiennent aux genres les plus voisins, que ce rapprochement d'une part, cet éloignement de l'autre ne peuvent avec vraisemblance être mis sur le compte du jeu fortuit de causes qui auraient fait varier irrégulièrement, d'une espèce à l'autre, les types d'organisation. Cournot, Fond. connaiss.,1851, p. 249.
HIST. NAT.
1. ZOOL. Ensemble d'êtres vivants possédant des caractères anatomiques, morphologiques et physiologiques communs, qui reproduisent entre eux des êtres semblables et également féconds :
4. On a appelé espèce, toute collection d'individus semblables qui furent produits par d'autres individus pareils à eux. Cette définition est exacte; car tout individu jouissant de la vie, ressemble toujours, à très-peu près, à celui ou à ceux dont il provient. Mais on ajoute à cette définition, la supposition que les individus qui composent une espèce ne varient jamais dans leur caractère spécifique, et que conséquemment l'espèce a une constance absolue dans la nature. Lamarck, Philos. zool.,t. 1, 1809, p. 54.
5. La génération étant le seul moyen de connaître les limites auxquelles les variétés peuvent s'étendre, on doit définir l'espèce, la réunion des individus descendus l'un de l'autre ou de parens communs, et de ceux qui leur ressemblent autant qu'ils se ressemblent entre eux... Cuvier, Le Règne animal,Paris, Déterville, t. 1, 1817, p. 19.
6. Flourens fait remarquer avec raison que ce signe secret de la reproduction annonce l'unité d'espèce chez les animaux à travers les plus grandes dissemblances de formes, tandis que les plus grandes ressemblances de formes n'indiquent rien sur (ce) point quand la faculté de reproduction manque. C'est ainsi que le bouledogue et la levrette de manchon, quoique deux animaux d'un aspect si différent, se reproduisent, tandis que l'âne et le cheval, qui se ressemblent au point de se confondre presque à l'œil, ne peuvent faire qu'un mulet improductif. Tocqueville, Corresp.[avec Gobineau], 1852, p. 197.
7. Si nous ne tenons pas compte d'animaux tels que le chat et l'abeille qui ne modifient pas profondément l'existence humaine, nous pouvons compter sur nos doigts les espèces domestiques importantes. Quand nous aurons énuméré les chiens, les vaches, les moutons, les chèvres, les cochons, les chevaux, les ânes, les chameaux et les rennes, nous en aurons presque épuisé la liste. Lowie, Anthropol. cult.,1936, p. 52.
SYNT. a) [Suivi ou précédé d'un adj.] Espèce animale, antédiluvienne, bovine, canine, chevaline, commune, domestique, fossile, inférieure, protégée, sauvage, supérieure, vivante, zoologique; grande, petite espèce. b) [Suivi d'un déterminant introduit par de] Espèce de mammifères, de poissons, de reptiles; espèces d'insectes, d'oiseaux. c) [Suivi d'un subst.] L'espèce méduse, l'espèce bouvreuil. d) [Précédé d'un déterminant] Classification, conservation, croisement, division, évolution, origine, propagation, reproduction de l'espèce (des espèces). e) Espèces en voie de disparition.
2. BOT. Espèce botanique, cultivée, fruitière, végétale; espèce de plantes, de végétaux, d'arbres :
8. Heureux d'avoir enfin appris, hier, le nom de la curieuse plante dont j'élève ici, dans sept pots grande quantité de rejetons. C'est une des trente-six espèces connues de « kalanchoé(s) », crassulacées, toutes tropicales. Elle a cette particularité de se reproduire, non seulement par graines (sans doute), mais aussi bien, ou mieux, par rejetons... Gide, Journal,1942, p. 150.
Espèce linnéenne. Espèce définie par Linné dans la classification des végétaux (et ensuite des animaux). Les débuts de la génétique (...) ébranlèrent (...) la notion d'espèce linnéenne (Hist. gén. sc.,t. 3, vol. 2, 1964, p. 772).
Spéc., gén. au plur. Variété(s) de plantes utilisées soit en infusions soit en décoctions et dont chaque mélange possède des vertus thérapeutiques et curatives qui lui sont propres. Espèces amères, apéritives, diurétiques, émollientes, pectorales, purgatives :
9. C'est l'époque de l'année où les plantes sont en plein développement, c'est le moment où on les cueille pour les tisanes; ce sont entre autres les fameuses « herbes de la Saint-Jean », composées de vingt-cinq espèces différentes, d'une valeur officinale reconnue et dont on fait, en outre, des croix que l'on cloue aux portes des étables (Île-de-France). Menon, Lecotte, Vill. Fr.,t. 1, 1954, p. 113.
B.− Autres domaines
1. BIOL., CHIM. BACTÉRIOL. Corps, substances simples ou composées ayant des propriétés identiques. Il est fort probable qu'il y a eu évolution génétique des espèces chimiques (Ruyer, Esq. philos. struct.,1930, p. 313).Tous les virus d'une espèce donnée ne sont pas de taille uniforme (P. Morand, Confins vie,1955, p. 47).
2. MATH. Ensemble de figures ou de formes géométriques semblables. Un genre de solides compris dans la classe des prismes, et comprenant l'espèce du cube (Cournot, Fond. connaiss.,1851, p. 334).
3. MÉD. [Appliqué aux maladies] On classe les maladies ou espèces morbides en genre, ordre, espèce, exactement comme les espèces animales ou végétales (Bernard, Princ. méd. exp.,1878, p. 97).
4. MINÉR. Espèces minérales cristallines. Ensemble de minéraux ayant même composition chimique et même structure cristalline. L'argonite, le marbre, la craie, qui sont autant d'espèces pour le géologue, sont pour lui identiques comme corps chimiques (Bernard, Princ. méd. exp.,1878p. 83).
C.− Cour., gén. au sing. L'espèce humaine ou absol. l'espèce. L'espèce humaine est âgée d'un million d'années à peu près (P. Rousseau, Hist. transp.,1961, p. 7).
Plus spéc.
1. [Envisagée relativement à la notion d'individu] Dans une famille animale, les individus sont identiques (...) dans l'espèce humaine chaque individu veut être étudié et approfondi pour lui-même (Vuillemin, Essai signif. mort,1949, p. 66):
10. Les Pharisiens et les Esséniens méditèrent, après Moïse et d'après lui, sur l'individualité de chaque homme considérée relativement à l'espèce; et, tandis que Moïse avait surtout enseigné l'unité de cette espèce et le lien éternel, au point de vue virtuel et divin, de l'individu, dans sa vie présente et en tant que vivant actuellement, avec cette espèce, ils ont fait pour ainsi dire aux hommes particuliers ou aux individus la répartition de la vie spécifique et collective, affirmant non seulement ce que Moïse avait affirmé, c'est-à-dire l'unité de vie entre l'individu et l'espèce, mais encore la vie éternelle de l'individu dans l'espèce. P. Leroux, Humanité,t. 2, 1840, p. 662.
2. [Envisagée relativement à la notion de genre ou de race dans l'humanité] Les peuples qui habitent ces terres sont en général de l'espèce des nègres (Voy. La Pérouse,t. 1, 1797, p. 115):
11. ... que la fatalité soit mise directement dans une certaine organisation de la matière ou dans la volonté de Dieu qui a voulu faire plusieurs espèces humaines dans le genre humain et imposer à certains hommes l'obligation, en vertu de la race à laquelle ils appartiennent, de n'avoir pas certains sentiments, certaines pensées, certaines conduites, certaines qualités qu'ils connaissent sans pouvoir les acquérir, cela importe peu au point de vue où je me place qui est celui de la conséquence pratique des différentes doctrines philosophiques. Tocqueville, Corresp.[avec Gobineau], 1853, p. 202.
SYNT. Conservation, devenir, dignité, origine, perpétuité, propagation, unité de l'espèce.
Rare. L'espèce homme (pour l'espèce humaine). Qu'était-ce donc que ce premier homme, sinon l'homme même, l'espèce homme, l'humanité? (P. Leroux, Humanité,t. 2, 1840p. 505).
P. ext. [Suivi d'un subst. de qualité] Le père Malgras (...) était dans l'espèce journaliste et dans l'espèce homme un accident (Goncourt, Ch. Demailly,1860, p. 20).Cf. aussi l'espèce commis-voyageurs (Stendhal, Lamiel, 1842, p. 169), l'espèce escroc (Hugo, Travaill. mer, 1866 p. 165), l'espèce princes-marchands (Larbaud, Barnabooth, 1913, p. 291).
Le génie de l'espèce. L'ensemble des caractères distinctifs propres à l'espèce humaine. Avec la passion amoureuse, l'homme (...) remplit les desseins du génie de l'espèce (Gaultier, Bovarysme,1902, p. 194).
L'espèce femelle ou absol. l'espèce. Jamais je ne conviendrai avec une dame qu'elle a raison : c'est donner à votre invincible espèce trop d'avantage sur nous (J. de Maistre, Corresp.,t. 1, 1793, p. 44).
3. Loc. diverses
Gén. péj.
[Avec ellipse du déterminant] (De) la pire espèce. Un militaire qui trahit, un traître en uniforme... C'est la pire espèce de toutes! (Scribe, Bertrand,1833, I, 6, p. 133).
De ton (son, votre, cette) espèce. Comme toi (lui, elle, vous). Nul rapport entre ceux-là et moi, je ne suis pas de leur espèce (Montherl., Pasiphaé,1936, p. 118).Jl'aperçois qui discute le bout de gras avec autre zozo de son espèce (Queneau, Exerc. style,1947, p. 78).
[Qqf. avec une valeur laudative] De la grande, de nouvelle espèce. Philosophe de la grande espèce (Taine, Philos. art,t. 1, 1865, p. 252).
De toute espèce. De toute condition, de toute sorte :
12. ... je n'ai jamais senti de haine en moi contre mon prochain de toute espèce. Moi. − Qu'entendez-vous par votre prochain de toute espèce? Lui. − Je m'entends, monsieur : je veux dire les hommes, les choses, les bêtes, et même les arbres et les plantes, tout ce qui est notre parent de corps ou d'âme, enfin, monsieur, ici-bas, tout ce qui est proche de nous, tout ce qui habite ou tout ce qui compose ce monde où Dieu nous a mis comme j'ai mis ces animaux dans cet enclos pour vivre en paix et en amitié autour de moi. Lamart., Tailleur pierre,1851, p. 433.
Rem. S'emploie plus rarement au plur. pour désigner aussi bien des animés que des inanimés concr. ou abstr. Quatre rangées de voitures de toutes sortes, de toutes espèces (Goncourt, Journal, 1870, p. 597). Des oiseaux de toutes espèces (Morand, Londres, 1933, p. 269).
4. [Appliqué par restriction à une pers., gén. en mauvaise part]
a) Vieilli. (C'est) une sotte, une pauvre espèce. Une personne sans grand mérite, ni valeur morale. Pauvre espèce! toute l'ambition d'un vilain est d'avoir un bel attelage de bœufs et un beau fumier (Mérimée, Jacquerie,1828, p. 261).
Absolument
Homme mal élevé, ou de basse condition. Quand les femmes s'affichent, ce n'est presque jamais pour un honnête homme, c'est pour une « espèce » (Chamfort, Max. et pens.,1794, p. 40):
13. C'est à cette même époque [le xviiies.] que paraît le terme nouveau d'espèce, par où l'on exprime le contraire des qualités qui constituent l'honnête homme. Je n'oserais pas affirmer qu'on ne pût trouver ce mot chez les écrivains du siècle précédent. Je ne me rappelle pas l'y avoir jamais vu; en revanche, je le rencontre sans cesse dans les livres de Chamfort, de Duclos, de Rivarol. Sarcey, Mot et chose,1862, p. 149.
Femme entretenue, ou de mauvaise réputation. Un homme (...) passant sa vie à jouer, à ripailler (...) le soir assis au boulevard à côté d'une espèce (A. Daudet, Rois en exil,1879, p. 128).
b) Loc. (rare). En l'espèce de. En la personne de. Elle n'hésita pas (...) à demander la protection des Turcs, en l'espèce de l'Atâbeg d'Alep Zengi (Grousset, Croisades1939, p. 134).
D.− P. ext. Une (toute, chaque, cette) espèce de.
1. Sorte, catégorie, variété de.
a) [Le compl. déterm. désigne un animé] :
14. Deux espèces d'hommes sont aujourd'hui le fléau de la société : d'une part, ce sont ces vieux écoliers de Diderot et de d'Alembert qui se plaisent encore aux moqueries sur la Bible, aux déclamations de l'athéisme, aux insultes au clergé; de l'autre, ce sont ces esprits bornés et violents qui disent la religion en péril, parce que nous avons une charte, parce que les divers cultes chrétiens sont reconnus par l'État et surtout parce que nous jouissons de la liberté de la presse. Chateaubr., Essai Révol.,t. 1, 1797, p. xlviii.
b) [Le compl. déterm. désigne un inanimé concr. ou abstr.] Le bienheureux gastronome peut arroser tout cela d'au moins trente espèces de vins à choisir (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 291).Chaque espèce de gouvernement a son caractère propre (Lamennais, Religion,1825, p. 33).
2. [Avec une valeur d'approximation] Catégorie de personnes ou de choses que l'on a du mal à définir ou à classer.
a) [Le déterm. désigne un animé] Un personnage d'une soixantaine d'années qui avait une espèce de figure d'homme d'affaires et l'air d'un coquin (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 333).Une espèce de savant, un membre de je ne sais quelle académie (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 48):
15. C'était une espèce de géant roux, aux cheveux plantés droit sur le crâne, aux pieds et aux mains monstrueux, et qui avait dans tout son corps cette gaucherie particulière aux êtres démesurés. Moselly, Terres lorr.,1907, p. 257.
b) [Le déterm. désigne un inanimé concr.] Sur sa tête une espèce de petit bonnet de veuve, ou de béguin d'enfant ou de pensionnaire en pénitence (Chateaubr., Mém., t. 4, 1848, p. 427).C'est le tombeau d'un évêque dont j'ai oublié le nom, personnage gras et barbu, vautré dans une espèce de baignoire (Green, Journal,1935, p. 17):
16. ... après m'être aventuré sous une espèce de porte cochère dans une espèce de cour terminée vers la gauche par une espèce de corridor, j'ai débouché tout à coup sur une assez grande place parfaitement obscure et déserte. Hugo, Rhin,1842, p. 82.
Rem. On peut rencontrer dans la lang. pop. le tour en espèce de, raccourci pour en une espèce de. Un jeu d'dames en papier avec des pions en espèce de pain à cacheter (Barbusse, Feu, 1916, p. 190).
c) [Le déterm. désigne un inanimé abstr.] Une espèce de pudeur l'empêchait de raconter nûment ce qu'avait été là-bas sa vie de chaque jour (Martin du G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 791).Une espèce de rage le dévorait, noire et féroce (Pourrat, Gaspard,1931, p. 200).
SYNT. Une espèce d'admiration, d'amour, d'angoisse, de bonheur, de colère, de culte, de curiosité, de délire, d'effroi, de fierté, de fièvre, de folie, de fureur, de honte, d'horreur, d'ivresse, de sourire, de stupeur, de terreur.
3. [Avec une valeur de renforcement, le tour espèce de remplit souvent une fonction adj.]
Fam. ou péj.
a) [Dans des phrases affirmatives ou négatives] C'est une espèce d'andouille à qui j'ai mis un marron (Courteline, Client sér.,1897, 2, p. 30).
b) [Dans des phrases exclamatives, sert à renforcer une injure] Voulez-vous bien lâcher mon cheval, espèce d'enflé! (A. Daudet, Nabab,1877, p. 55):
17. Il me raconte avec enthousiasme le courage de B. qui, dans le métro, lorsqu'il voit un curé, a soin de se mettre contre lui, puis après quelques instants, à voix très haute : « Est-ce que vous avez bientôt fini de me tripoter comme ça? espèce de salaud! vieux cochon! ... et dire qu'on confie des enfants à des êtres pareils ... » Gide, Journal,1931, p. 1071.
c) [Dans des phrases négatives, en partic. dans le tour aucune espèce d'importance] On est comte ou on n'est pas comte, ça n'a aucune espèce d'importance (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 722).
Rem. La valeur adj. que peut prendre le tour espèce de se traduit qqf. dans la lang. parlée (plus rarement dans la lang. écrite) par l'accord du mot avec son compl. Un espèce de tuberculeux (Céline, Voyage, 1932, p. 329). Cet espèce de Jean-Foutre (Druon, Gdes fam., t. 1, 1948, p. 164). Cet espèce de beau garçon (Aragon, Rom. inach., 1956, p. 242).
III.− Gén. au sing. [Avec une valeur abstr.] Nature, essence, qualité d'une personne ou d'une chose. Je ne sais de quelle espèce est l'amitié que le brave homme (...) peut avoir pour vous (Musset,Le Temps, 1831, p. 66).
A.− Expr. diverses, lang. cour.
En espèce de (rare). En qualité de. On l'avait fait demander non pour soigner, mais pour constater, en espèce de notaire (Proust, Guermantes,1921, p. 342).
De cette espèce. C'est la vertu récompensée et autres gentillesses de cette espèce (Chênedollé, Journal,1805, p. 10).
De nouvelle espèce. D'une nouvelle nature. Une foi humaine d'une espèce toute nouvelle (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 4, 1859, p. 82).Des sensations d'espèce neuve (Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 81).Une sorte de pudeur de nouvelle espèce (Valéry, Variété IV,1938, p. 169).
De la première, de la seconde espèce. Les péchés de la seconde espèce sont plus graves (Rivière, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1906, p. 322).
B.− Emplois techn.
1. DR. Point particulier et litigieux sur lequel il s'agit de statuer. Un juriste dirait : voilà des « espèces ». Un casuiste : des « cas » (Maurras, Avenir intellig.,1905, p. 25).Cas d'espèce. Cas non prévu par la loi et qui doit être spécialement examiné. P. ext., lang. cour. Un système de primes à étudier dans chaque cas d'espèce (Brunerie, Industr. alim.,1949, p. 176):
18. Le pouvoir judiciaire est, en fait, et beaucoup plus que le pouvoir gouvernemental, préposé à l'exécution des lois, puisque juger c'est, à l'occasion d'un différend, appliquer la loi à un cas d'espèce. Vedel, Dr. constit.,1949, p. 160.
L'espèce du crime, du délit. Sa nature. Éclairés sur l'espèce des délits et des crimes à réprimer et disposant d'une échelle assez élastique de peines, les tribunaux apprécieront (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 178).
Loc. prép. Dans, en l'espèce. Dans le cas juridique présent. Considérant qu'en l'espèce, Lagoupille (...) ne semble avoir scandalisé la moralité des clients (...) [le Tribunal] acquitte Lagoupille (Courteline, Client sér.,1897, p. 78).P. ext., lang. cour. En la circonstance. La Jérusalem du Diable, qui, dans l'espèce, se trouvait être le palais épiscopal de Nancy (Barrès, Colline insp.,1913, p. 155).
2. MATH. D'une espèce donnée. Dont la nature est connue. Courbes de la première espèce (Lebesgue, Intégr. et rech. fonctions primit.,1904, p. 3).L'équation intégrale de deuxième espèce (Gds cour. pensée math.,1948, p. 416).Grandeurs d'une même espèce (Bourbaki, Hist. math.,1960, p. 157).Triangle donné d'espèce. Dont la mesure des trois angles est connue (attesté ds la plupart des dict. gén.).
PHYS. Mouvement perpétuel de deuxième, de troisième espèce (cf. Ruyer, Cybern.,1954, p. 13 et 28).
Prononc. et Orth. : [εspεs]. Enq. : /espes/. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) xiies. vraie espesse « signe, révélation (de Dieu) » (Alexis, ms. S, éd. Paris et Pannier, 1298), attest. isolée; b) 1314 « apparence » (H. de Mondeville, Chirurgie, éd. A. Bos, § 210 et 215); c) 1545 spéc. théol. « présentation matérielle de l'eucharistie, apparence (le pain) sous laquelle est offert le corps du Christ » (Calvin, Institution chrétienne, éd. J.-D. Benoît, IV, XVII, 13); av. 1656 « id. » au plur. (A. Arnauld, Lettre citée par Pascal, Provinciales, XVI, éd. L. Lafuma, Œuvres, p. 447); 2. a) 1269-78 « catégorie d'êtres vivants du même type » ici « genre humain » (J. de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 6939); b) 1314 plus gén. « catégorie, sorte » (H. de Mondeville, op. cit., 1826); d'où 3. 1587 espèce de « sorte de » ceste espece de magiciens (Lanoue, Discours politiques et militaires, 136 ds Littré); 1725 report de l'accord de l'article sur le nom complément un espèce de Dictionnaire (Grandval, Le Vice puni ou Cartouche, p. IV). 4. 1670-81 dr. (O. Patru, Plaidoié, 9 ds Rich.). Empr. au lat. class. species « vue, regard » d'où « apparence, aspect, type, cas particulier (terme de dr.), catégorie » et spéc. en lat. chrét. « matière d'un sacrement (en parlant du sel du baptême) ». Fréq. abs. littér. : 14 891. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 29 685, b) 20 020; xxes. : a) 13 789, b) 18 978. Bbg. Dauzat Ling. fr. 1946, p. 9, 15, 49. − Gohin 1903, p. 295. − Laboriat (J.). Le Sexe des anges. Déf. Lang. fr. 1974, no74, p. 15. − Mat. Louis-Philippe 1951, p. 229. − Raymondis (L.-M.), Le Guern (M.). Le Lang. de la justice pénale. Paris, 1976, pp. 127-128.