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DÉSŒUVRÉ, ÉE, adj. et subst.
I.− Adjectif
A.− [Qualifie une pers. ou un de ses aspects] Qui n'exerce pas ou plus d'activité.
1. [L'activité interrompue est de nature concr. ou gén.] Qui a interrompu, cessé son travail. Comme à votre question, Monsieur, je peux, (...) vous croire très-désœuvré (Fiévée, Dot Suzette,1798, p. 112).Un personnage socratique, confortablement établi dans son fauteuil et qui, désœuvré parce que c'était dimanche, avait le désir de bavarder (Estaunié, Ascension M. Baslèvre,1919, p. 191).Je l'ai [Françoise] surprise, inattentive et désœuvrée, près de son ouvrage (Bosco, Mas Théot.,1945, p. 342).
[P. méton. du déterminé; en parlant d'une partie du corps, etc.] Qui est le fait d'une personne désœuvrée. Un visage (...) extraordinairement désœuvré et accueillant (Romains, Hommes bonne vol.,1932, p. 116).Je suivis longtemps d'un œil désœuvré les jeux de lumière de la lune sur la mer (Gracq, Syrtes,1951, p. 44).
En partic.
a) [En parlant d'une collectivité] Qui est sans emploi, sans occupation socialement reconnue. Les populations désœuvrées de la Grèce et de Rome (Comte, Philos. posit.,t. 5, 1839-42, p. 549):
1. ... il faudra faire des villes proportionnées à cette foule désœuvrée et déshéritée qui n'aura plus rien à faire aux champs... Delacroix, Journal,1853, p. 52.
b) [En parlant de malades, de vieillards, etc.] Qui ne peut rien faire. Les Jacobins désœuvrés [ne savaient] à quoi amuser leurs jours (Chateaubr., Mém.,t. 2, 1848, p. 322).Un de ces vieillards désœuvrés qui regardaient d'un œil distrait par les glaces des portières (Lamart., Raphaël,1849, p. 237).Altesses phtisiques ou désœuvrées (Maupass., Sur l'eau,1888, p. 247).
2. [L'activité interrompue est de nature spirituelle] Qui n'a plus d'activité essentielle par suite de la perte de l'objet qui concentre ordinairement l'attention. Mon esprit impatient et désœuvré (Barrès, Cahiers,t. 10, 1913-14, p. 330).Mon cerveau désœuvré fabrique de la tristesse, du dégoût, de l'ennemi (Gide, Journal,1931, p. 1042).
3. [L'activité interrompue est de nature affective]
a) Qui a perdu la possibilité de fixer son intérêt. Je sentais mon cœur désœuvré (Gide, Si le grain,1924, p. 570).Il y a des maux qui disparaissant tout à coup, laissent l'homme vide et l'âme comme désœuvrée (Valéry, Tel quel I,1941, p. 86).
b) En partic. [Avec une forte connotation affective]
α) Qui est mal à l'aise, désemparé, prostré parce que soudain privé de son centre d'intérêt. Les parents, désœuvrés d'une longue attente, causent entre eux (A. Daudet, Jack,t. 2, 1876, p. 248).Dès que je ne suis plus requis par quelque occupation précise, je me sens vague, errant, désœuvré (Gide, Journal,1937, p. 1262).
β) Qui est atteint d'ennui, d'incuriosité, de fatigue psychologique. Quasi-synon. neurasthénique, mélancolique.J'étais tourmenté, agité, désœuvré surtout, même en plein travail (Fromentin, Dominique,1863, p. 73).Fernand désœuvré s'arrête (Mauriac, Génitrix,1923, p. 389).
B.− [S'applique à un lieu, un laps de temps, un obj.]
1. [Lieu] Où ne s'exerce plus aucune activité. Quasi-synon. désaffecté, abandonné.Par un long usage, toutes les affaires aboutissaient encore à mon désœuvré cabinet (Beaumarchais, Époques,1793, p. 138).Au long du haut mur triste de cette ruelle désœuvrée (Gracq, Beau tén.,1945, p. 52).
2. [Laps de temps] Durant lequel on n'exerce pas d'activité. Que d'heureux passe-temps De leurs jours désœuvrés amusent les instans! (Delille, Homme des champs,1800, p. 63).Un de ces après-midi tout à fait désœuvrés et très mornes (Breton, Nadja,1928, p. 57).
3. [Objet] Dont on ne se sert plus. Parmi des pioches rouillées, des râteaux à foin, des herses hors d'usage, j'ai fini par découvrir un char à bancs vermoulu, délaissé, désœuvré, les deux bras à terre (A. Daudet, R. Helmont,1874, p. 59).
II.− Emploi subst. masc. et fém. Celui ou celle qui est désœuvré(e).
A.− Personne sans activité matérielle ou générale.
1. Personne qui ne fait (plus) rien, personne sans travail, sans activité. Les potins, les espionnages et les délations de ces désœuvrés minés d'ennui (Colette, Cl. s'en va,1903, p. 102).Ce passe-temps de désœuvrés qu'ils appelaient religion (Larbaud, Barnabooth,1913, p. 307):
2. Le peuple est-il laborieux? Je ne le crois pas. Il n'y a que des désœuvrés partout, dans la campagne, comme dans les villes. Fromentin, Voyage en Égypte,1869, p. 110.
2. En partic. Personne sans activité obligatoire, vivant en dehors de toute activité professionnelle. Doctes désœuvrés (Mérimée, Mél. et littér.,1855, p. 362).Ces essais qu'elle [Léa] fit pour rentrer dans la vie remuante des désœuvrés lui causèrent une fatigue qu'elle ne comprenait pas (Colette, Chéri,1920, p. 182):
3. C'était [Waldeck] un des derniers désœuvrés, un homme d'autrefois : le matin il faisait du fleuret, l'après-midi il recherchait les éditions originales du xviiesiècle, puis les cartomanciennes... Morand, Lewis et Irène,1924, p. 30.
B.− Personne atteinte d'ennui, de lassitude. Quasi-synon. neurasthénique, blasé.C'est ici que les riches, les désœuvrés et les valétudinaires viendront chercher le repos (Crèvecœur, Voyage,t. 1, 1801, p. 246).Le public, (...) composé, en majorité, de désœuvrés qui cherchaient uniquement à se désennuyer (Rolland, J.-Chr.,Maison, 1909, p. 992).
Rem. Dans un ex., on peut hésiter entre la valeur d'adj. et celle de part. passé de désœuvrer*. D'autres enfin, désœuvrés par la facilité de l'argent et par la dispersion de leurs camarades de lycée (Nizan, Conspir., 1938, p. 76).
Prononc. : [dezœvʀe]. Étymol. et Hist. 1692 (De Caillières, Des mots à la mode, 2eéd., p. 52 d'apr. Riffaterre ds Fr. mod., t. 22, p. 62 : voicy un mot... qui commence à s'introduire, c'est celuy de desœuvré, pour dire qu'on n'a rien à faire, il convient particulièrement à ceux qui ont accoûtumé de faire quelque chose, et qui n'ont plus de quoy s'occuper); fin xviie-début xviiies. subst. (Mmede Maintenon, Lettre au Cardinal de Noailles, t. IV, p. 115 d'apr. Pougens ds Littré). Dér. de œuvre*; préf. dé(s)-*; suff. *. Fréq. abs. littér. : 306. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 323, b) 373; xxes. : a) 537, b) 502.