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DÉPRAVATION, subst. fém.
I.− Vieux
A.− Altération grave d'un organe ou d'une substance physique, physiologique dont le fonctionnement ou l'état a perdu sa force ou sa forme originelle. La dépravation du sang, de l'estomac, de la digestion (Ac.1878).La dépravation de leurs organes (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 222).
Spéc. Dépravation sensorielle. ,,Attirance vers ce qui normalement répugne`` (Rob.). Vraiment la dépravation de l'odorat, le cynisme de la vue (Sand, Hist. vie,t. 1, 1855, p. 189).
B.− P. anal.
1. [En parlant d'un instrument] Bidault-Coquille (...) observait le ciel à travers une mauvaise lunette (...). Son génie corrigeait les erreurs des instruments et son amour de la science triomphait de la dépravation des appareils (A. France, Île ping.,1908, p. 287).
2. [En parlant d'un texte] Altération grave causée par une reproduction non conforme à l'original. M. Monmerqué avait dès longtemps en main toutes les preuves de la corruption, et, comme auraient dit nos vieux éditeurs, de la dépravation du texte-Sévigné (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 1, 1863-69, p. 281).
II.− Usuel
A.− [Sans compl. déterminatif]
1. Attitude et comportement habituellement dénué de sens moral en particulier dans le domaine de la vie sexuelle. Dépravation complaisante, monstrueuse, profonde; la science, les pudeurs de la dépravation; tomber dans la dépravation. Ma rageuse passion imposait à la très chère les plus cruelles pratiques de la dépravation, les plus hideuses besognes de l'obscénité (Milosz, Amour. initiation,1910, p. 105).Entre la dépravation et le mariage, il ne concevait pas d'état moyen (Maurois, Ariel,1923, p. 212):
1. MmeMarneffe est donc en quelque sorte le type de ces ambitieuses courtisanes mariées qui, de prime abord, acceptent la dépravation dans toutes ses conséquences, et qui sont décidées à faire fortune en s'amusant, sans scrupule sur les moyens; mais elles ont presque toujours, comme MmeMarneffe, leurs maris pour embaucheurs et pour complices. Balzac, La Cousine Bette,1846, p. 140.
En partic. Il me fallut, (...) apprendre qu'elle [l'amitié] était accompagnée de cette déviation insensée ou maladive dont Cicéron disait : Quis est enim iste amor amicitiæ? Cela me causa une sorte de frayeur, comme tout ce qui porte le caractère de l'égarement et de la dépravation (Sand, Hist. vie,t. 4, 1855, p. 91).Les manifestations érotiques des garçons n'étaient pas seulement verbales ou mimées. (...) ils s'intéressaient aussi bien au sodomisme et autres dépravations qu'à la simple tradition familiale (Aymé, Jument,1933, p. 147).
[P. réf. au dogme du péché originel] La désobéissance biblique, (...) a introduit dans le monde intellectuel le mal moral, et dans le monde physique la dépravation matérielle; ces deux mondes s'étant altérés à la fois (Chateaubr., Mém.,t. 1, 1848, p. 631):
2. [béatrix :] − Quand pour rendre les hommes heureux, leur plaire et dissiper leurs ennuis, nous demandons au diable de nous aider... − Les hommes nous reprochent plus tard nos efforts et nos tentatives en les croyant dictés par le génie de la dépravation, dit Camille... Balzac, Béatrix,1839-45, p. 203.
[P. réf. aux idées de J.-J. Rousseau sur l'origine du mal, cf. dépraver II A 2 b] L'innocence de l'homme, corrélative à celle de la dépravation de la société (Proudhon, Syst. contrad. écon., t. 1, 1846, p. 325) On opposait la nature à l'ascétisme, la bonté congénitale de l'homme au péché originel; on imputait à la société la dépravation qui l'altérait, et on vantait les mérites du bon sauvage (Lefebvre, Révol. fr.,1963, p. 79).
Non péj. Ce que nous appelons la dépravation, l'anormal, sont la marque des âmes extraordinaires, de celles par qui s'accomplissent les grandes transmutations de valeur (Massis, Jugements,1924, p. 129).
2. P. méton.
a) État de ce qui est dépravé, caractère dépravé. C'est une créature d'une dépravation sans bornes (Balzac, Cous. Bette,1846, p. 158).Ce poème de dépravation enivrait ces décadents (Péladan, Vice supr.,1884, p. 215).Ma tante Chausson, (...) voyait dans cette espièglerie la preuve d'une dépravation profonde (A. France, Pt Pierre,1918, p. 125).
b) Source de dépravation. L'ennui, c'est une telle dépravation! Quelle morale tient contre l'ennui? (Colette, Mais. Cl.,1922, p. 191).
c) Au sing. et surtout au plur. Variété de dépravation; acte dénotant la dépravation. Les dépravations sexuelles; vices et dépravations; être rompu à toutes les dépravations. Une femme de quarante ans qui aimait un mineur commettait une espèce d'inceste, elle était incapable d'une pareille dépravation (Balzac, Béatrix,1839-45, p. 62).Cette espérance du choc explique la plupart des dépravations, et l'attrait de l'acte sexuel en général (Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 231).
B.− [Avec une détermination adj. ou subst. (prép. de suivie ou non de l'article)]
1. [La détermination précise l'origine de la dépravation]
a) Dépravation + compl. de nom.Soustraire à la dépravation des camaraderies scolaires (Colette, Cl. Paris,1901, p. 146).Être livré à la dépravation des fabriques (A. Daudet, Jack,t. 2, 1876, p. 87).La mort répond à cet état de dépravation du péché, et fait, par contraste, jaillir en nous la représentation d'un état libre précédant la faute (Vuillemin, Essai signif. mort,1949, p. 251).
b) Dépravation + adj.Plongé en naissant dans un foyer de dépravation domestique (Sue, Myst. Paris,t. 6, 1842-43, p. 5).
2. [La détermination précise ce qui est affecté par la dépravation]
a) [L'être ou une partie de l'être]
α) [L'être] Dépravations précoces des étiolés de la ville (Loti, Spahi,1881, p. 31).Le grand lit blanc laqué qui est un piment de plus, une dépravation de vieux passionné (Huysmans, À rebours,1884, p. 87).
P. ext. [Les manifestations de l'être individuel ou social] Luther annonçait aux peuples étonnés, que ces institutions révoltantes n'étaient point le christianisme, mais en étaient la dépravation et la honte (Condorcet, Esq. tabl. hist.,1794, p. 124).Il [Gamelin dans ces peintures] reconnaissait la dépravation monarchique et l'effet honteux de la corruption des cours (A. France, Dieux ont soif,1912, p. 13).
β) [Une partie ou une fonction de l'être] La dépravation de l'âme, des sens; les dépravations de l'esprit et de la sensibilité. La dépravation précoce de tes instincts m'épouvante sur ton origine (A. Daudet, Jack,t. 1, 1876, p. 238).La régence, (...) avait été le règne de la dépravation du cœur, du dévergondage de l'esprit, de l'immoralité la plus profonde en tout genre (Las Cases, Mémor. Ste Hélène,t. 1, 1823, p. 972).La culture serait comme un stupéfiant de la volonté, une dépravation de l'intelligence, un vice qu'on aime (Massis, Jugements,1923, p. 151).
b) [Domaine ou type de comportement] Elle [l'idolâtrie] n'en était pas moins un des crimes les plus graves que l'homme put commettre, et un principe toujours agissant de dépravation morale et intellectuelle (Lamennais, Indifférence t. 2, 1817-23, p. 305).
α) [Comportement individuel]
− Domaine de la vie mor.Cette jeune personne, malgré la dépravation de ses mœurs, avoit une violente passion pour lui (Genlis, Chev. cygne,t. 3, 1795, p. 313).Dans sa dépravation morale, Zidore avait gardé un reste de tendresse et de pitié pour sa mère (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 184).
− Domaine intellectuel ou esthétique.Dépravation intellectuelle; dépravations de/du langage; dépravations de la sensibilité poétique. Les artistes l'accusent [le public], le traitent d'ignorant, gémissent sur la dépravation du goût, et ils ont tort (Viollet-le-Duc, Archit.,1872, p. 251).Par un étrange renversement des valeurs et une sorte de dépravation logique, il [Gide] désire donner une explication qui lui soit favorable (Massis, Jugements,1924, p. 55):
3. Contemplant avec un égal dégoût la vérité et l'erreur, il [l'homme] affecte de croire qu'on ne les saurait discerner, afin de les confondre dans un commun mépris; dernier excès de dépravation intellectuelle où il lui soit donné d'arriver... Lamennais, Essai sur l'indifférence en matière de religion,t. 1, 1817-23, p. 4.
Non péj. En vantant les délicieuses dépravations de pensée qui constituent la coquetterie parisienne, ces deux corrupteurs plaignaient d'Arthes (...) de n'avoir pas goûté les délices de la haute cuisine parisienne (Balzac, Secrets Cadignan,1839, p. 320).Le génie ne peut être qu'un vice sublime des sens de l'âme, une dépravation morale, analogue à celle des sens (Cocteau, Poés. crit. 2,1960, p. 118).
− Domaine de la vie spirituelle.C'est dans cette dépravation du sens de l'infini que gît, selon moi, la raison de tous les excès coupables (Baudel., Paradis artif.,1860, p. 349).Par une sorte de dépravation des exigences naturelles que l'appétit de la béatitude a mises dans le cœur de l'homme, M. Gide nous convie à réaliser dès ici-bas la vie béatifique (Massis, Jugements,1924, p. 64).
β) [Comportement social] C'était l'horrible et dégoûtante dépravation des mœurs publiques, indiquée par les mouvements des danseurs (Lamart.Voy. Orient,t. 2, 1835, p. 193).Il sentait douloureusement le mal dont souffrait l'Empire, (...) la dépravation féroce de la multitude (A. France, Pierre bl.,1905, p. 57).L'avilissement dans lequel la dépravation du goût public et le mercantilisme des principales scènes parisiennes avaient plongé l'art dramatique (Martin du G., Souv. autobiogr.,1955, p. LXV).
Prononc. et Orth. : [depʀavasjɔ ̃]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1532 [des mœurs] (P. Desrey, Mer des croniques, 179 vods R. Hist. litt. Fr., t. 9, p. 485 ds Quem. Fichier); 1541 « corruption, déformation [de l'écriture] » (J. Calvin, Institution de la religion chrétienne, éd. J. D. Benoît, IV, XVI, § 21). Empr. au lat. class. depravatio « torsion, dépravation ». Fréq. abs. littér. : 196. Bbg. Quem. 2es. t. 2 1971.