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DRÔLE, adj. et subst.
I.− Adj. [En parlant de pers., d'attributs de la pers., de situations, de choses]
A.− [Attribut ou épithète postposé au subst.]
1. Qui divertit ou porte à rire par son originalité, sa singularité. Histoires, mots drôles; personnage drôle en société; faire une plaisanterie (très, assez) drôle. Quasi-synon. amusant, cocasse, comique, marrant, rigolo (pop.); anton. ennuyeux, triste.Cet homme est très drôle (Ac.1932).Réjane, au commencement, a eu l'air de trouver la chose drôle et riait beaucoup (Goncourt, Journal,1891, p. 151).Au dîner, Miguel racontait l'incident avec des mines si drôles et si gentilles qu'il donnait le fou rire à tout le monde (Sartre, Mots,1964, p. 169).
SYNT. Quiproquo, mascarade, jeu drôle; situation, scène drôle à voir; chercher, dire, faire, montrer, trouver des choses drôles; se croire drôle; vous trouvez cela drôle?
Fam. [En emploi négatif, pour marquer une situation, une chose pénible, peu supportable] La situation actuelle, la vie n'est pas drôle.
Ça (ce) n'est pas drôle (de + inf.). C'est pénible, désagréable. Ça n'est pas drôle d'être toujours seul :
1. ... elles sont à la merci d'un premier spectacle brutal, d'une infirmière qui veut montrer aux petites nouvelles que « ce n'est pas toujours drôle ». Traité de sociol.,1967, p. 503.
2. Qui intrigue, paraît étrange, surprenant. Être (tout, un peu) drôle; trouver à qqn un air drôle. Quasi-synon. bizarre, singulier, insolite; anton. normal, ordinaire.Je te trouve toute drôle depuis quelques jours!... qu'est-ce que tu as? (Gyp, Pas jalouse,1887, p. 297).Et puis, tout ça m'est égal. C'est drôle comme tout m'est égal (Duhamel, Nuit St-Jean,1935, p. 219):
2. Tu es une bonne femme, qu'il dit, faut que tu partages ma honte. Le plus drôle, monsieur, c'est que je le crois. Misère de misère! une épouse qui n'a rien à se reprocher, pas ça... Bernanos, Monsieur Ouine,1943, p. 1504.
Être, devenir, se sentir tout drôle. Être, devenir, se sentir pas comme d'habitude, mal à l'aise, pour une raison indéfinissable. (Quasi)-synon. (tout) chose :
3. Depuis que je suis mariée, je me sens drôle, mal à l'aise, comme dans une robe mal coupée, qui vous gêne sans que l'on sache exactement à quel endroit. Montherlant, Les Lépreuses,1939, p. 1531.
Vous êtes drôle! Qu'auriez-vous fait à ma place? Ah, ce que vous êtes drôle avec vos chiffres! (Zitrone, Courses,1962, p. 227).
Trouver drôle (de + inf.; que + subj.). Trouver anormal, surprenant. Elle a trouvé drôle de n'avoir pas réussi cette année aux concours. Vous ne pouvez pas trouver drôle que je commence une collection, moi aussi (Duhamel, Passion J. Pasquier,1945, p. 77).
C'est drôle (à + inf.). Ce n'est pas un père de tout repos. Ah! fichtre! Maman non plus, c'est drôle à dire, n'est pas très raisonnable (Duhamel, Désert Bièvres,1937, p. 256).
Cela fait (tout) drôle (de + inf.). Cela cause une impression bizarre. Ça fait drôle d'avoir perdu l'honneur (Claudel, Guerre de 30 ans,1945, p. 568).J'allais ajouter qui un lapin, par souci d'exactitude, mais je m'aperçois que cela ferait drôle (H. Bazin, Vipère,1948, p. 237).
Emploi subst., p. ell. du déterminé. En voir, apprendre, connaître, dire de drôles (de choses). J'en vois de drôles. Si je pouvais parler... (Zola, Conquête Plassans,1874, p. 1122).
B.− [Avec valeur d'adj.] Drôle de + subst.
1. [Avec le sens supra A 2] Bizarre, étrange. Une drôle d'idée, d'envie, de manie; drôle de bonne femme, de fille, d'individu; quelle drôle d'affaire, d'histoire, d'époque! Il y a ici dedans une drôle d'odeur. C'est vrai. Drôle peut-être, mais pas désagréable, sûrement. L'odeur des fruitiers de Fenouille... (Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1544).Curieux pays, drôles de gens (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 260):
4. − Raconte alors. − À côté de moi il y avait un drôle de type. − Comment? demanda René. − Grand, maigre, avec un drôle de cou. − Comment? demanda René. − Comme si on lui avait tiré dessus. − Une élongation, dit Georges. − Et son chapeau, j'y pense : un drôle de chapeau. − Comment? demanda René. − Pas de ruban, mais un galon tressé autour. − Curieux, dit Robert. Queneau, Exercices de style,1947, pp. 192-193.
SYNT. Drôle d'endroit; drôle d'amusement, de jeu; drôle de façon de parler; regarder qqn d'un drôle d'air; avoir de drôles de manières, de goûts; faire, avoir un drôle d'air, de genre, de museau, de sourire, une drôle de figure, de gueule, de mine, de tête, de bobine, de touche, de grimace; croire, trouver, voir, entendre, remarquer, apercevoir, dire de drôles de choses; faire un drôle de métier.
Fam. ou pop. Drôle de corps, de pistolet, de phénomène, de paroissien, de coco, de zigoto, de zigomar, de numéro, de zèbre, etc. Personne singulière, bizarre (dont il convient de se méfier). Ah, Monsieur Voussois, dit Paul, vous êtes un drôle de zigoto (Queneau, Pierrot,1942, p. 186).
Loc. fam., rare. Filer un drôle de coton (cf. filer un mauvais coton*). Quasi-synon. être sur une mauvaise pente.Il est en train de filer un drôle de coton, dit Robert. Tu as vu le genre de gens qu'il fréquente? (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 401).
Spéc., HIST. La drôle de guerre. Première phase (1939-1940) de la seconde guerre mondiale, ainsi nommée à cause de l'absence d'opérations militaires sur l'ensemble du front. C'est une drôle de guerre, dit-il. À présent c'est les civils qui se font tuer et les soldats qui en réchappent (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 44):
5. Après l'interdiction de l'Humanité et de Ce Soir par le gouvernement Daladier, l'unanimité se fit autour du drapeau. La presse d'opposition... etc., rallia spontanément le « clan belliciste » qu'elle dénonçait la veille, et leurs dirigeants et rédacteurs furent souvent parmi les héros de cette « drôle de guerre » qui fit 120 000 victimes en quelques mois. Coston, L'A.B.C. du journ.,1952, p. 55.
2. Fam. [Avec valeur d'intensif; cf. drôlement C] Remarquable, étonnant. Avoir une drôle d'ambition, de force, de carrure, de poigne; une drôle de patience; une drôle d'érudition. Quasi-synon. rude, sacré, vache de (pop.).Je bavouche un peu c'est forcé... Il me faut faire des drôles d'efforts pour m'intéresser aux copains. Facilement je les perdrais de vue. Je suis préoccupé (Céline, Mort à crédit,1936, p. 41).Mais à midi comme ça, heure d'affluence, c'est un drôle d'enchevêtrement (Queneau, Exerc. style,1947, p. 109):
6. Il regarda Henri dans les yeux : « On ne s'en rend pas compte, mais il faut une drôle d'arrogance pour placer ses rêves au-dessus de tout. Si on était modeste, on comprendrait qu'il y a d'un côté la réalité, et de l'autre rien. » Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 555.
SYNT. Aller à une drôle de vitesse; faire un drôle de tapage, de vacarme; avoir une drôle de soif, une drôle de faim.
II.− Subst. fam.
A.− Vieilli. [En parlant d'un adulte] Personnage roué à l'égard duquel on éprouve de la défiance et une certaine supériorité. Voilà un parfait drôle, un drôle bien rusé; ce vieux drôle. Quasi-synon. maraud, coquin.En vérité, cet homme a quelque chose (...) de repoussant; (...) on croirait que la nature (...) a jeté mon drôle dans quelque coin (Dumas père, Intrigue et amour,1847, I, tabl. 1, 4, p. 197).Le drôle nous a trahis une fois déjà, il pourrait bien nous trahir encore (Ponson du Terr., Rocambole,t. 5, 1859, p. 232).
[En appellatif] :
7. Le garçon de bureau ouvrit la porte (...). Chapeau bas, drôle! En même temps, j'envoyai (...) le feutre du pauvre diable s'aplatir contre le mur. Dumas père, Comment je devins auteur dramatique,1833, introd., p. 21.
[En parlant d'un enfant ou d'un adolescent] Personnage rusé et fripon. Un jeune drôle; beau, vilain, petit drôle; un petit drôle bien éveillé. − Où avez-vous arrêté ce pleurard? demanda Corentin au brigadier en désignant le petit écuyer de Laurence. − (...) le drôle allait gagner le bois des Closeaux (Balzac, Tén. affaire,1841, p. 118).
Spéc., péj. [En parlant d'un adulte ou d'un adolescent; cf. fém. drôlesse] Mauvais sujet. Vous êtes un drôle, un grand drôle (Ac.1835, 1932).Don Juan, héros d'opéra bouffe, pose devant notre esprit le problème du mal. Ce drôle charmant, ce grand seigneur canaille et irrésistible (Mauriac, Journal 2,1937, p. 140):
8. À vingt ans (...) les mauvais drôles de cette espèce peuvent très bien s'amender et deviennent parfois des jeunes gens fort sensibles. Le cas est plus grave lorsque le drôle en question a la figure déjà vieillotte et fanée... Alain-Fournier, Le Grand Meaulnes,1913, p. 213.
B.− Mod. et région. (Ouest et Sud). [Sans nuance péj.] Enfant. Synon. gamin, gosse, garçon.On n'aurait aucune idée de ce qui se passe, sans deux ou trois petits drôles branchés dans un gros platane (A. Daudet, Tartarin Alpes,1885, p. 268).Elle pense, à d'humbles et redoutables choses, à la maie qui est vide, (...) aux drôles qui vont rentrer de l'école (Genevoix, Raboliot,1925, p. 226):
9. Il [Daniel] chercha ailleurs son plaisir, mais sut que Marie faisait réciter leur catéchisme aux drôles de Bourideys, coiffait les mariées et les communiantes après avoir tué leurs poux, veillait les morts. Mauriac, Le Fleuve de feu,1923, p. 28.
Rem. On rencontre ds la docum. a) La forme archaïsante drolle(s), subst. masc., pour drôle dans ce même sens. Le prêtre entra à son tour, suivi de ses deux « drolles », ses enfants de chœur (Pesquidoux, Livre raison, 1932, p. 3). b) Drôline, subst. fém., région. (Sud). Petite fille, jeune fille. Sylvie, la dernière-née, une drôline de treize mois (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 58).
Prononc. et Orth. : [dʀo:l], fém. drôlesse [dʀolεs]. Comparer [o] fermé long (anal. de mots comme pôle car l'anc. fr. est drolle) ds drôle, drôlement, drôlerie, drôlesse, drôlet, drôline et parfois drôlichon dans lesquels le timbre et la durée sont protégés par l'accent circonflexe et par une coloration souvent péj. avec [ɔ] ouvert bref dans drolatique, drolatiquement écrits sans accent, ds lesquels l'o est très éloigné de l'accent tonique et par conséquent s'ouvre. Noter qu'on rencontre ds la docum. des ex. de ces 2 derniers mots écrits avec l'accent circonflexe, p. anal. avec les mots de la même famille (cf. drolatique et dér.). Enq. : /dʀol,D/. Le mot est admis ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. I. Subst. 1. [fin xves. (publ. d'apr. une éd. de ca 1670) drolle « bon vivant » (Basselin, Vaux-de-Vire, LIII ds Littré)]; 1549 draule (Fr. Habert, trad. d'Horace, Satyres, II, 4, Paraphrase ds Hug.); 1584 drolle (Bouchet, Serées, Préf. ds DG); 1680 drôle (Rich.); 2. a) 1652 « mauvais sujet, personne dont il faut se méfier » (Scarron, Don Japhet, I, 1 ds Œuvres (éd. 1786), t. 6, p. 398); b) 1718 « personne méprisable » (Le Roux); 3. a) 1688 petit drôle « enfant rusé et fripon » (La Fontaine, La Coupe enchantée, X ds Œuvres, éd. H. Régnier, t. 7, p. 468, 481); b) [1739 mon drôle « mon fils » (Caylus, Les Ecosseuses ds Œuvres badines, t. 10, p. 512)]; 1868 drôle (A. Daudet, Pt Chose, p. 78); 4. 1842 « côté plaisant d'une personne ou d'une situation » (Balzac, Autre ét. femme, p. 421). II. Adj. 1. a) 1636 « (personne) qui fait rire, qui amuse par ses propos » (Monet); b) 1670 « id. (d'une situation, d'un objet) » (Molière, Le Bourgeois gentilhomme, IV, 7); 2. 1664 un, une drôle de (+ subst.) « (personne, etc.) bizarre, inquiétante » (Loret, Muze histor. ds Livet Molière t. 2, p. 136); 3. 1842-43 un, une drôle de augmentatif (Sue, Myst. Paris, t. 8, p. 218). Prob. empr. au m. néerl. drolle, drol « lutin » (Verdam) d'où, au fig. « bon vivant, joyeux compagnon », v. FEW t. 15, 2, pp. 72-74. Le sens d'« enfant » s'est développé au xviiies. dans le midi de la France et s'y est maintenu, d'où son emploi chez les aut. méridionaux. Pour une autre hyp. sur l'orig. de drôle, v. Sain. Sources t. 1, pp. 160-161 et t. 3, pp. 305-306; la base proposée (pic. droller, drôler) se rattache à *tragulare, cf. FEW t. 13, 2, p. 174. Fréq. abs. littér. : 4 161. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 581, b) 7 755; xxes. : a) 8 743, b) 6 079. Bbg. Gottsch. Redens. 1930, p. 235. − Mellot (J.). « Sagesse d'un Louis Racine je t'envie ». Vie Lang. 1969, p. 639. − Rat (M.). Sur le front du vocab... Déf. Lang. Fr. 1966, no33, pp. 14-15. − Sain. Sources t. 1 1972 [1925] p. 160, 161; t. 2 1972 [1925] p. 279; t. 3 1972 [1930] p. 305, 307. − Schone (M.). L'Épithète inadmissible drôle. Fr. mod. 1940, t. 8, pp. 65-66. − Thurneysen 1884, p. 98. − Tournemille (J.). Ét. de : Un drôle de pistolet... Vie Lang. 1960, pp. 671-672.