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DISSIPER, verbe trans.
I.− Emploi trans.
A.− [Avec une idée de violence ou d'anéantissement plus ou moins grands]
1. Rare, vieilli. [Le compl. d'obj. désigne un ensemble d'êtres animés] Dissiper une armée; dissiper la foule, une émeute. Tout le monde sait que Votre Majesté vient de conquérir l'Angleterre et que Dieu a dissipé ses ennemis (Claudel, Soulier,1929, 4ejournée, 4, p. 874).
2. [Le compl. désigne un phénomène nature] Faire disparaître en dispersant, en écartant; faire s'évanouir. Le vent, le soleil dissipe les nuages; dissiper les ténèbres, la nuit, l'obscurité :
1. Le soleil dissipait le brouillard : nous voyions, à trois quarts de lieue environ sur notre droite, une vieille ville, les toits en pointe... Erckmann-Chatrian, Le Conscrit de 1813,1864, p. 99.
P. anal. [Le compl. désigne]
a) [un parfum] Crainte d'en faner les couleurs et d'en dissiper les parfums (Zola, Mes haines,1866, p. 148).Un baume subtil dissipe quelquefois tout son parfum, avant que l'on se soit aperçu de l'émanation qui s'en fait (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 237).
b) [une quantité de chaleur, d'énergie] Celui-ci [le corps vibrant] dissipe alors progressivement l'énergie qu'il contenait, tant par rayonnement d'ondes sonores que par échauffement interne (Schaeffer, Rech. mus. concr.,1952, p. 216).Cette opération s'effectuant avec un mauvais rendement, il faut dissiper des quantités de chaleur plus grandes (Hist. gén. sc.,t. 3, vol. 2, 1964, p. 322).
c) [un objet immatériel] Cette armure inaltérable dont le toucher dissipait les fantômes (Gracq, Syrtes,1951, p. 46):
2. Dans toute société paraît un homme préposé aux Choses Vagues (...). C'est le prêtre, le mage, le poète (...). Ils construisent de vapeurs des édifices qui ne sont pas solides, mais en revanche, qui sont éternels. Toute attaque les dissipe, nulle ne les détruit. Valéry, Tel quel II,1943, p. 47
3. P. métaph. et/ou au fig. [Le compl. d'obj. désigne]
a) [un état de conscience] Faire cesser. Ces images (...) dissipent la tristesse d'une vie languissante, et reposent sur le cœur flétri comme un songe aimable (Lamennais, Lettres Cottu,1822, p. 138).Je voulais absolument dissiper cette espèce de rancune que je pressentais chez Henri (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 189):
3. Il existe pour toute pensée et pour toute chose profonde, amour, haine, un poison singulièrement énergique qui est tout le reste du monde, tout ce qui n'est pas elle, et qui la distrait, la dilue, la dissipe... Valéry, Tel quel I,1941, p. 60.
SYNT. Dissiper une impression, une anxiété, un chagrin, une crainte, des inquiétudes, un malaise; dissiper un songe, un rêve, une chimère, des illusions.
b) [p. ext., une impression, un mal physique] Dissiper une migraine. L'usage journalier de l'eau [carminative] dissipe les cuissons occasionnées par le feu du rasoir (Balzac, C. Birotteau,1837, p. 48).
P. méton., vx. [L'obj. désigne une pers.] Faire cesser les soucis de quelqu'un; distraire, amuser. J'entends qu'on me dissipe, Je veux être un peu gai! (Hugo, Cromw.,1827, p. 190).Absol. Allons, une prise! lui dit-il. Acceptez, cela dissipe (Flaub., MmeBovary,t. 2, 1857, p. 189).
c) [une réalité mensongère ou erronée] Faire cesser, éclaircir. Dissipant à jamais (...) les aberrations métaphysiques du siècle dernier (Comte, Philos. posit.,t. 4, 1839-42, p. 432).Dissiper tous les préjugés, dissoudre toutes les erreurs, déshonorer tous les mensonges, voilà la tâche que je me suis imposée (Hugo, Corresp.,1870, p. 253):
4. Si donc on ne veut pas que le malentendu éclate, il faut le dissiper; si l'on veut éviter le scandale, c'est-à-dire la brutale publication du pacte noir, il faut favoriser l'« éclaircissement » qui préviendra la formation d'un ordre du mensonge... Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 193.
SYNT. Dissiper une ambiguïté, une confusion, une équivoque, une erreur; dissiper un doute, un malentendu, un préjugé, une prévention, un soupçon; dissiper de(s) faux bruits, un mystère, une rumeur.
B.− P. anal. [Le compl. d'obj. désigne un bien matériel] Dépenser follement, inutilement. Dissiper une fortune, un héritage, une dot. Synon. gaspiller, dilapider.Il faudrait savoir si l'avion, qui livre des centaines de journées de travail pour être dissipées par une seule main, n'est pas un plus exact symbole de l'esclavage où nous allons (Alain, Propos,1934, p. 1196):
5. ... alors que le prix de toutes choses montait irrésistiblement, on n'avait jamais tant gaspillé d'argent, et quand le nécessaire manquait à la plupart, on n'avait jamais mieux dissipé le superflu. On voyait se multiplier tous les jeux d'une oisiveté qui n'était pourtant que du chômage. Camus, La Peste,1947, p. 1377.
Au fig. Dissiper son temps, sa jeunesse, sa santé. Synon. perdre, gâcher.Les jeunes gens, qui ne savaient à quoi employer leurs forces, (...) les dissipaient dans les plus étranges excès (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 463).Diderot vieillissant se demandait s'il avait bien employé sa vie et s'il ne l'avait point dissipée (Sainte-Beuve, Caus. lundi,t. 3, 1863-69, p. 311).
C.− Au fig. [Sans idée de destruction ou d'anéantissement; avec une idée de diminution]
1. [Le compl. d'obj. désigne un être humain] Empêcher (quelqu'un) d'être concentré; divertir. La moindre sortie me dissipe et me condamne à l'ennui le reste de la journée, par la difficulté de retrouver de l'entrain pour le travail ensuite (Delacroix, Journal,1854, p. 287).
Absol. Les plaisirs épars qui endurcissent, (...) les poursuites mondaines qui dissipent et dessèchent (Sainte-Beuve, Volupté,t. 2, 1834, p. 141).
2. [Le compl. d'obj. désigne une faculté hum.] Disperser sur plusieurs objets ce qui devrait être concentré sur un seul. Dissiper ses efforts, son attention. Il [le baron de Guénic] devait donc réserver son esprit, lui et les siens, pour agir, sans le dissiper sur aucune des choses jugées inutiles, mais dont s'occupaient les autres (Balzac, Béatrix,1839-45, p. 22):
6. Je payais cher mon optimisme et mon relâchement; j'avais dissipé ma densité et mes pouvoirs; j'avais peine à les regrouper, malgré mes efforts de concentration. Arnoux, Royaume des ombres,1954, p. 163.
II.− Emploi pronom.
A.− [Avec une idée de violence ou d'anéantissement plus ou moins grande]
1. Rare, vx. [Le suj. désigne un ensemble d'êtres animés] Se disperser. La foule en émeute se dissipe. La loi martiale a été publiée, le drapeau rouge déployé : on ordonne au peuple de se dissiper en menaçant de faire feu (Le Moniteur,t. 2, 1789, p. 438).
P. métaph. [Suivi d'un compl. prép. introd. par en + subst. marquant la direction] La liberté, dans ces singuliers pays, consiste à (...) se dissiper en mille occupations patriotiques plus sottes les unes que les autres, en ce qu'elles dérogent au noble et saint égoïsme qui engendre toutes les grandes choses humaines (Balzac, Massimilla Doni,1839, p. 406).
2. [Le suj. désigne un phénomène naturel] Disparaître progressivement, en se dispersant. Le brouillard, les nuages, l'ombre se dissipe(nt). Synon. s'évanouir.La grisaille se dissipa après une pluie fine (Bosco, Mas Théot.,1945, p. 137):
7. L'après-midi déclinait déjà, la légère gaze blanche qui embue le ciel dans les journées chaudes des Syrtes retombait et se dissipait, rendant à l'air une transparence merveilleuse. Gracq, Le Rivage des Syrtes,1961, p. 227.
Se dissiper en + subst. marquant le résultat.Disparaître en se transformant en (quelque chose). Les nuages et les brouillards amoncelés se dissipent en flocons légers (Gautier, Italia,1852, p. 27).
P. anal.
a) [En parlant d'un parfum, d'un son] Un accord joua dans l'air, se dissipa, se répéta (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 60).Seul l'inquiétait cette odeur qui ne se dissipait pas. De la couche entière elle montait comme d'un corps tiède, une odeur de chair mêlée à l'odeur de lilas (Green, Moïra,1950, p. 230).
b) [En parlant d'une quantité de chaleur, d'énergie] La pile envisagée sera de puissance presque nulle, limitée aux quelques kilowatts de chaleur pouvant se dissiper naturellement par les parois sans système d'extraction de chaleur (Goldschmidt, Avent. atom.,1962, p. 77).Les ondes acoustiques se dissipent rapidement en chaleur au cours de leur propagation dans la chromosphère (Schatzman, Astrophys.,1963, p. 55).
c) [En parlant d'un objet immatériel, d'une idée ou d'une représentation] Ces ombres ennemies se dissipent bientôt en nuées (Nerval, Faust,1840, introd., p. 18).Voir se dissiper le sens de cette vie, disparaître notre raison d'exister, voilà ce qui est insupportable (Camus, Caligula,1944, II, 2, p. 34):
8. Nous avons vu qu'on reprochait au temps, envisagé comme homogène, de se dissiper entièrement, de tomber en poussière par la division sans fin de ses parties. O. Hamelin, Essai sur les éléments princ. de la représentation,1907, p. 75.
3. P. métaph. et/ou au fig.
a) [Le suj. désigne un état de conscience] Cesser progressivement. Toute fatigue s'en va, toute mélancolie se dissipe quand je pense à vous, princesse (Flaub., Corresp.,1871, p. 312).Toute sa rancune fondait, ses griefs secrets se dissipaient (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 239).
b) P. ext. [Le suj. désigne une impression, un mal phys.] Coma peu profond qui va s'atténuer et se dissiper assez rapidement (Quillet, Méd.1965, p. 339).
Vx. [Le suj. désigne une pers.] Mettre un terme à ses soucis, se distraire, s'amuser. Synon. fam. se changer les idées.Dimanche, jour où les industriels se dissipent et abandonnent leurs laboratoires (Balzac, C. Birotteau,1837, p. 177).
Se livrer à la dissipation (cf. dissipation B 1 b) :
9. Il [Malouet] avait à peine dix-huit ans, et il courait risque, ainsi livré à lui-même dans les hasards de Paris, de se dissiper et de tourner aux habitudes légères. Sainte-Beuve, Nouveaux lundis,t. 11, 1863-69, p. 279.
c) [Le suj. désigne une réalité mensongère ou erronée] Disparaître, être éclairci. Ce malentendu fut momentané comme ceux qui se forment au deuxième acte d'un vaudeville pour se dissiper au dernier (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 703).Son sale prestige se dissipe, s'évapore (Céline, Voyage,1932, p. 416).
B.− P. anal. [Le suj. désigne un bien matériel] Être follement dépensé. Synon. fondre, s'en aller en fumée.Le plus clair de leur gain s'est dissipé dans cette ripaille impromptue (T'Serstevens, Itinér. esp.,1933, p. 51).
C.− Au fig., usuel, dans le lang. scol. [Le suj. désigne une pers.] Devenir, être inattentif; p. ext., devenir indiscipliné. Les élèves qui percevaient cette absence et cette lassitude étaient moins attentifs qu'à l'ordinaire et en profitaient pour se dissiper (Aymé, Uranus,1948, p. 210):
10. La leçon est récitée tambour battant, et personne n'a envie de se « dissiper » parce qu'on sent souffler un vent menaçant de retenues et de pensums. Colette, Claudine à l'école,1900, p. 114.
Rem. On rencontre ds la docum. a) Deux attest. du part. prés. dissipant empl. adj. La vie d'ici est toute dissipante; on y fait mille choses, et jamais l'importante et l'unique (Sainte-Beuve, Corresp., t. 5, 1818-69, p. 540; cf. aussi Id., Portr. littér., t. 1, 1844-64, p. 473). b) L'adj. dissipatif. Qui dissipe (de l'énergie). Mécanisme, milieu dissipatif; p. ext. terme dissipatif. L'oscillateur intra-atomique est un émetteur de rayonnement, et l'on peut justifier partiellement l'introduction du terme dissipatif par la perte d'énergie qui en résulte (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 262).
Prononc. et Orth. : [disipe], (je me) dissipe [disip]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1170 dissipées part. passé « faire disparaître, anéantir » (G. de Saint-Pair, Roman du Mont St Michel, 1474 ds T.-L.); 2. 1350 « gaspiller, dépenser sans compter » (Anc. Cout. de Norm., p. 49 ds Gdf. Compl.); 3. 1651-56 adj. dissipé « distrait, rendu inattentif » (Corneille, Imitation, I, 3 ds Littré); 4. 1701 gaieté dissipée (Du Fresny, Double veuvage, I, 1, ibid.). Empr. au lat. class.dissipare « disperser; mettre en déroute, anéantir ». Fréq. abs. littér. : 1 579 (dissipant : 46). Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 860, b) 1 833; xxes. : a) 1 830, b) 2 190. Bbg. Gohin 1903, p. 234 (s.v. dissipant).Quem. 2es. t. 1 1972.