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CRAINTE, subst. fém.
I.− [Crainte non accompagné d'un déterminant] Sentiment d'inquiétude déterminé par l'idée d'un mal à venir, d'un danger existant ou possible. La crainte gagne, frappe, paralyse, saisit qqn. La crainte est le commencement de la sagesse (Joffre, Mém.,t. 1, 1931, p. 54):
1. Lorsque, redoutant la mort, je me plaque contre terre pour éviter les balles, j'attends, je rampe, je cours, je fuis, il faut distinguer parmi ces réactions celles qui sont dues proprement à la crainte, et celles qui, encore qu'elles l'accompagnent nécessairement ou du moins généralement, sont inexplicables à partir de la crainte, et relèvent d'un tout autre principe. Si je considère en effet la crainte comme un véritable sentiment, et non comme une émotion, c'est que je lui attribue la triple vertu de se montrer circonstancielle adaptative et objective. J. Vuillemin, Essai sur la signif. de la mort,1949, p. 104.
A.− [Crainte en fonction de compl. non accompagné d'un caractérisant]
1. [En emploi de compl. d'obj. dir. ou indir. ou de compl. circ.] :
2. − Nom de Dieu! gueula Buteau, en revenant au labour qu'il examinait, le voleur a bien mordu sur nous d'un bon pied... Y a pas à dire, v'là la borne! Françoise avait continué de s'approcher, du même pas tranquille, en cachant sa crainte. Elle comprit alors la cause de leurs gestes furieux, la charrue de Jean devait avoir entamé leur parcelle. Zola, La Terre,1887, p. 445.
SYNT. a) Dissiper, provoquer la crainte; causer, manifester une crainte; céder à la crainte. b) Trembler de crainte; vivre dans la crainte. Inspirer de la crainte (cf. Sartre, Mots, 1964, p. 6).
[Compl. du verbe passif] Être saisi de crainte (G. Marcel, Journal,1919, p. 203).
2. Loc. verbales
a) Vieux
Prendre crainte. Synon. prendre peur.Lièvre prit crainte de cette grande machine vivante (Jammes, Le Roman du lièvre1903, p. 10).
Faire crainte. Synon. faire peur.Dieu! que vous m'avez fait crainte (Bernanos, Crime,1935, p. 727).
b) Avoir crainte. N'ayez crainte! − Calme-toi, petite fille. − Puis il me dit : « N'aie crainte (...) » (Benoit, Atlant.,1919, p. 305).Il n'y a pas de crainte (pop.). Ça ne craint pas d'arriver. Mais êtes-vous sûr de n'être pas dérangé? (...) S'il venait des pratiques dans votre cabaret? (...) − Il n'y a pas de crainte, bourgeois (Sue, Les Mystères de Paris,t. 6, 1842-43, p. 56).
3. Loc. adv.
Sans crainte. Parler sans crainte. Allez-y sans crainte! Soyez sans crainte à ce sujet! Les animaux se laissaient prendre par moi sans crainte (Claudel, Échange,1894, II, p. 695).
Avec crainte. S'avancer, observer avec crainte. Guillaume s'est embarqué avec crainte, avec répugnance, du point de vue de sa dynastie, de sa politique allemande (Barrès, Cahiers,t. 11, 1917-18, p. 337).
[P. allus. à l'ouvrage du philosophe Kierkegaard] La vie dont il parlait avec crainte et tremblement (Camus, Homme rév.,1951, p. 99).
4. Spéc. Don de crainte. Don du Saint-Esprit qui correspond à la vertu théologale d'espérance. Le don de crainte est faible chez moi. Je ne tremble pas assez devant Dieu (Green, Journal,Le Bel aujourd'hui, 1955-58, p. 324).Le don de crainte est également rattaché parfois à la vertu de tempérance (Foit. 11968).
B.− [Crainte accompagné d'un caractérisant]
1. Crainte + adj. qualificatif postposé ou antéposé.Crainte aiguë, irréfléchie, perpétuelle. Crainte respectueuse (Hugo, Bug-Jargal,1826, p. 24).Les plus vives craintes (Balzac, Gobseck,1830, p. 421).Juste crainte (Cocteau, Poèmes,1916-23, p. 266):
3. Ce n'était là qu'une crainte assez vague, mais j'ai eu plusieurs fois l'occasion de remarquer que les craintes précises ne sont pas toujours celles qui se réalisent exactement, alors qu'il faut redouter les craintes vagues, car elles sont l'ombre que l'avenir jette sur le présent... Green, Journal,1940, p. 15.
2. Crainte panique. Sentiment d'inquiétude aigu, caractérisé par un affolement soudain et généralement contagieux. La crainte panique de la damnation (Green, Journal,t. 6, 1950-54, p. 290).
3. Spéc., DR. Crainte révérentielle. Celle qui naît du respect des parents. La seule crainte révérentielle envers le père, la mère, ou autre ascendant, sans qu'il y ait eu de violence exercée, ne suffit point pour annuler le contrat (Code civil,1804, art. 1114, p. 202).
II.− Crainte + déterminant.Inquiétude éprouvée à l'égard de quelqu'un, de quelque chose, d'un fait, d'une action, qui constituent une source de danger. Crainte des ennemis, du feu, de la mort; crainte de parler.
A.− [Le déterminant désigne l'obj. de la crainte]
1. [L'obj. est désigné par un subst.]
a) [L'obj. désigne un animé dont l'existence est effective ou supposée] Crainte des assaillants, des fantômes, du voisin. La crainte des Espagnols (Voy. La Pérouse,t. 2, 1797, p. 272).Ce n'est jamais par crainte des voleurs vulgaires qu'on s'enferme (Gracq, Beau tén.,1945, p. 79):
4. Le premier moment de surprise passé, il [Arsène] ne pensa plus qu'à la rejoindre [la Vouivre] et à son tour entra dans le sous-bois. La crainte des vipères ne l'effleurait même pas. Aymé, La Vouivre,1943, p. 13.
En partic. [Le déterminant désigne l'autorité hum.] Respect mêlé d'une certaine timidité. Crainte du directeur, des autorités; la crainte de ses parents. La crainte du roi (Musset, Lettres Dupuis Cotonet,1836, p. 673).
Spéc., RELIG. Crainte de Dieu. Religion, piété envers Dieu. La crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse (Prov., I, 7; IX, 10;cf. Bible1912).Le Pape Pie. − Dans tout ce que vous dites je ne vois que la passion et les sens et aucun esprit de prudence et de crainte de Dieu (Claudel, Père humil.,1920, II, 2, p. 523).
b) [Le déterminant désigne un objet matériel, un phénomène naturel, un fait, un élément de situation de la vie hum.] La crainte des obus, de la pluie, de la guerre, du ridicule. Un bouledogue que fait obéir (...) la crainte du bâton (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p. 11).La crainte d'un scandale affreux (Maupass., Une Vie,1883, p. 193).La crainte du froid en voyage (Goncourt, Journal,1887, p. 635):
5. La crainte de la mort paralyse notre recherche du bonheur et trouble la tranquillité de notre âme : avec la crainte des dieux, à laquelle elle est toujours étroitement associée, elle est la véritable cause du malheur de l'homme. J. Vuillemin, Essai sur la signif. de la mort,1949, p. 41.
SYNT. Crainte d'un affront, des avions, de l'escalade nucléaire, de la guerre atomique, d'un refus, du surpeuplement, des voitures.
Loc. De crainte de. De crainte du feu (Zola, Terre,1887, p. 411).Par crainte de. Par crainte des représailles (Benoit, Atlant.,1919, p. 226).Dans la crainte de. Dans la crainte de l'Inquisition (Bern. de St-P., Chaum. ind.,1791, p. 68).Sans crainte de. Affirmer sans crainte d'erreur (Guyot, Rapp. agric. Lorr.,1889, p. 38).
Rare, adverbialement et elliptiquement. Crainte de pis, crainte de pis faire. Je m'en tais donc ici, de crainte de pis faire (Courier, Lettres Fr. et It.,1799, p. 661).
2. [L'obj. est désigné par un énoncé verbal]
a) Crainte de + inf.Crainte d'apercevoir, d'avoir, de compromettre, de perdre. Je suis vraiment affligée, mon bon ami, de ne pouvoir aller chez toi, et la crainte de te faire de la peine est la seule raison qui me retient (Staël, Lettres jeun.,1787, p. 202):
6. − Est-ce que vraiment, disait-elle, la terre est aussi belle que le racontent les oiseaux? Pourquoi ne le dit-on pas davantage? Pourquoi, vous, ne me le dites-vous pas? Est-ce par crainte de me peiner en songeant que je ne puis la voir? Gide, La Symphonie pastorale,1919, p. 891.
SYNT. Crainte d'être ridicule; crainte de déplaire; crainte d'éprouver, d'éveiller, de froisser, de gêner, de laisser, de manquer, d'offenser, de paraître, de rencontrer, de se tromper, de voir.
Loc. prép. Par crainte de. Par crainte de laisser échapper des bêtises (Zola.Nana,1880, p. 1225).Dans la crainte de. Dans la crainte d'être dupé (Zola., Terre,1887, p. 86).Sans crainte de. Sans crainte d'exagérer (Bremond, Hist. sent. relig.,t. 3, 1921, p. 65).Crainte de. Crainte de l'irriter (Montherl., Lépreuses,1939, p. 1404).De crainte de. De crainte de laisser voir (Prévert, Paroles,1946, p. 157).
Loc. verbale
Avoir crainte, avoir crainte de. N'ayez crainte d'ajouter (Milosz, Amour. initiation,1910, p. 221).« Noblesse, dignité, grandeur » ... Ces termes, j'ai crainte et presque honte à m'en servir (Gide, Ainsi soit-il,1951, p. 1225).
b) Loc. conj. Dans la crainte que, de crainte que, par crainte que ou, vieilli, crainte que (avec le subj.). Dans la crainte qu'il ne périsse. De crainte que le loup garou ne vous mange (A. France, Les Sept femmes de la Barbe-Bleue,1909, p. 21).Tiens-moi bien, crainte que je ne disparaisse un beau jour (Claudel, Échange,1954, I, p. 738).Par la crainte que les Allemands ne soient sur la même voie (Goldschmidt, Avent. atom.,1962, p. 35).
7. − « S'il y a danger de mort et qu'on n'ait pas la faculté de se confesser à son propre prêtre, l'Église, de crainte que quelqu'un ne périsse dans ces circonstances, permet à n'importe quel prêtre, unicuique sacerdoti, d'absoudre de toute sorte de péché. » Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 316.
Rem. Les loc. de crainte que, par crainte que, sont suivies de la négation ne explétive dans les mêmes conditions que craindre que (cf. craindre I B 2 rem. 1). ,,Comme avec craindre, distinguez bien ne explétif et la négation ne pas : Je prendrai encore un livre de crainte que celui-là ne soit ennuyeux; mais : de crainte que celui-là ne soit pas intéressant.`` (Hanse 1949).
Loc. verbales
Avoir crainte que (pop.). Justement j'y disais, monsieur devait avoir crainte que mademoiselle ne vienne plus (Proust, Sodome,1922, p. 735).
Être en crainte que (vx). Jusqu'à la fin, il [Fénelon] est en crainte que ce naturel [du duc de Bourgogne] ... (Sainte-Beuve, Nouveaux lundis,t. 2, 1863-69, p. 137).
B.−
1. Souvent au plur. [Le déterminant (adj. poss. ou compl. prép. de) désigne la pers. qui éprouve la crainte face à une menace qui la concerne elle-même] Les craintes des parents; dissiper, confirmer ses craintes; ajouter à ses craintes. Bannis tes craintes (Saint-Martin, Homme désir,1790, p. 327).Il [Mathieu] rit de mes craintes et son éternelle réponse est : « Narbonne n'est pas un million de fois fou; Narbonne ne partira pas » (Staël, Lettres L. de Narbonne,1793, p. 182).Tout d'un coup, elle revint à ses craintes (Zola, Débâcle,1892, p. 562).
2. [Un compl. introd. par la prép. pour désigne une pers. menacée autre que le suj.] Crainte de qqn pour qqn.Les craintes de la mère pour son fils; ses craintes pour son aînée; nos craintes pour la France. Je vous jette des idées qui me viennent d'une grande crainte et d'un grand amour pour votre âme (E. de Guérin, Lettres,1837, p. 118).J'ai eu des tristesses et des craintes vagues pour vous (Michelet, Journal,1837, p. 782).
Prononc. et Orth. : [kʀ ε ̃:t]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1remoitié xiies. crieme « sentiment de peur, frayeur » (Psautier Oxford, 63, 1 ds T.-L.); ca 1280 crainte (Clef d'Amour, éd. A. Doutrepont, 952); 2. ca 1180 crieme « respect, déférence (à l'égard de Dieu) » (Partonopeus de Blois, éd. J. Gildea, 1933); 3. 1579 loc. de crainte que (R. Garnier, La Troade, 512, Tragédies, éd. W. Foerster, t. 2, p. 101 ds IGLF). Déverbal de craindre* et, à l'orig., des anc. formes de celui-ci. Fréq. abs. littér. : 6 826. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 12 254, b) 7 097; xxes. : a) 8 905, b) 9 414. Bbg. Bastin (J.). Ne explétif après avant que, sans que. In : B. (J.). Nouv. glanures gramm. Riga, 1907, pp. 60-63.