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CLEF, CLÉ, subst. fém.
I.
A.− SERR., usuel. Petit levier métallique servant à ouvrir et à fermer une serrure. La meilleure manière d'être le maître chez soi, c'est d'en avoir les clefs dans sa poche (Joffre, Mémoires,t. 2, 1931, p. 372).Pardon. Les serrures ne s'ouvrent qu'avec des clefs, et les clefs des deux portes sont à l'extérieur. Ça s'appelle être enfermé (R. Martin du Gard, Vieille France,1933, p. 1083).
SYNT. a) Clef + adj. Longue clef, grosses clefs de fer, vieille clef rouillée, petite clef en argent doré, clef étiquetée, clefs passées dans un anneau. b) Clef + subst. Clef de la maison, du jardin, du secrétaire, du tiroir, du coffre(-fort), du piano, des valises. c) Subst. + clef. Bruit, cliquetis de clefs; (à grands) tours de clef; donner un/deux/plusieurs (vigoureux/violent (s)) tour(s) de clef; lourd trousseau de clefs; jeu de clefs (de rechange); étui à clefs. d) Clef en position d'obj. dir. d'un verbe trans. Demander, donner, confier une clef à qqn; prendre la clef chez le concierge; avoir, posséder, fabriquer une seconde clef; forcer, fausser une clef; tirer, sortir sa clef de sa poche; trouver, prendre la clef sous le paillasson; faire sonner, agiter son trousseau de clefs; mettre, introduire, rentrer, tourner, essayer la clef dans la serrure; faire jouer la clef dans sa serrure; laisser, retrouver la clef dans la serrure/sur la porte; ôter la clef de la serrure; accrocher une clef à un clou. e) Verbe + obj. + à clef. Fermer une porte à clef; enfermer qqn à clef dans sa chambre. f) Subst. + verbe + à clef. Serrure, porte fermée à clef; pièce, bahut fermant à clef.
B.− [Clef en syntagme nom. : clef + déterm.]
Une double clef. Un double de la clef. J'ai (...) une double clef de l'appartement (A. Dumas Père, Angèle,1834, I, 7, p. 117).
La bonne (ou la mauvaise) clef. La clef correspondant (ou ne correspondant pas) à la serrure que l'on se propose d'ouvrir ou de fermer. Ce n'est pas la bonne clef.
Fausse clef. Clef fabriquée dans un but illicite. Le vol a-t-il été commis la nuit? ... à plusieurs? ... dans un édifice habité? ... avec fausses clefs ou effraction? (Gide, Souvenirs de la Cour d'assises,1913, p. 624).
Rem. Cf. passe-partout.
Spéc. Clef de contact (d'une voiture). Clef permettant de mettre en marche ou d'arrêter le moteur.
HISTOIRE
1. Clefs (des portes) d'une ville. Dans une ville fortifiée, clefs servant à ouvrir ou fermer les portes ménagées dans l'enceinte. La clef de la cave, énorme, menaçante comme la clef d'une porte de ville (J. Lorrain, Contes pour lire à la chandelle,1897, p. 166).
[En tant que symbole de la possession d'une ville]
a) [Dans un cont. de conflit] Présenter, remettre les clefs de la ville à (l'ennemi vainqueur). Se rendre et lui livrer les clefs de la ville en signe de reddition.
b) [Dans un cont. de paix] Présenter, remettre, offrir les clefs de la ville à (un hôte de marque). Lui offrir les clefs de la ville en signe de bienvenue et pour l'honorer. La Reine Isabelle. − (...) Et n'aurai-je pas la joie de recevoir ici (...) mon ami, le grand Sultan Miramolin, qui vient m'apporter les clefs de Grenade? (Claudel, Le Livre de Christophe Colomb,1929, II, p. 1192).
2. Clef de chambellan. Marque distinctive de la charge de chambellan. Voyez comme il se retourne pour qu'on aperçoive sa clef de chambellan (L.-B. Picard, Théâtre, t. 8, Les Charlatans et les compères, 1821, p. 465).
P. méton. La charge de chambellan elle-même. Ah! Napoléon, si vous saviez à quels dangers vous vous exposez! ... vous ne m'auriez pas refusé la clef de chambellan (Mérimée, Mosaïque,1833, p. 190).
3. Porte-clefs (subst. masc. plur. inv.).
a) [Désigne une chose] Anneau (ou étui comportant plusieurs anneaux) pour porter des clefs.
b) [Désigne une pers.] Vieilli. Gardien de prison se déplaçant toujours avec le trousseau des clefs nécessaires à l'exercice de sa profession :
1. ... la tour Montgommery, qui fait partie aujourd'hui du logement du directeur de la Conciergerie, (...) la tour d'Argent qui sert de dortoir aux surveillants, guichetiers ou porte-clefs, comme il vous plaira de les appeler. Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes,1846, p. 375.
C.− [Clef en syntagme nom. : prép. + clef]
1. À clef.À l'aide d'une clef.
Porte qui ferme à clef, porte fermant à clef. Porte pourvue d'une serrure.
Loc. pop. [En parlant d'une pers.] Se fermer à clef. S'enfermer à clef :
2. holopherne. − (...) Les grandes aventures sont pour ceux qui se ferment à clef dans des bureaux, (...). Le philosophe par sa divagation, le général par son étude, le banquier par ses calculs tissent on ne sait quels filets invisibles... Giraudoux, Judith,1931, II, 4, p. 147.
P. hyperb. [Pour marquer son désir de mettre qqn ou qqc. à l'abri] Enfermer (qqn ou qqc) à triple clef. Enfermer (quelqu'un ou quelque chose) dans un endroit où il ne serait possible d'accéder qu'en ayant raison de trois serrures consécutives fermées à clef. Ces trois cent mille francs (...); s'il eût pu les sentir sous sa main pour courir les enfermer à triple clef, il eût été soulagé (Gozlan, Le Notaire de Chantilly,1836, p. 205).
2. Sous clef.Dans un local ou un contenant fermant et fermé à clef. Mettre, laisser, tenir sous clef; être sous clef.
a) [En parlant de qqc.] Enfermé. On affirme qu'il [le dossier] est sous clef, dans le coffre de Félix (Clemenceau, Vers la réparation,1899, p. 331).
b) [En parlant de qqn] Privé de sa liberté d'action, de mouvement; maintenu enfermé; détenu prisonnier, en prison. À huit heures, les geôliers sont couchés, les prisonniers sous clé (Marquis de Fongeray, Les Soirées de Neuilly,t. 2, 1827, p. 189).Bien des mères ont mis leurs fils sous clef, aujourd'hui! (J. Laforgue, Moralités légendaires,1887, p. 111).
Fig. La pensée n'est jamais prisonnière; la pensée n'est jamais sous clef (Alain, Propos,1928, p. 783).
D.− [Clef compl. d'obj. d'un verbe]
1. Laisser la clef sur la porte. Laisser la clef dans la serrure, la porte étant ou non fermée à clef.
Rem. Colin 1971 écrit à propos de cette loc. : ,,On peut admettre : La clé est à la porte, sur la porte, à la serrure, sur la serrure. Littré acceptait même après la porte, qui est à éviter. La seule locution vraiment incorrecte est : La clé est dans la porte.``
Fig., vieilli.
Mettre la clef sous la porte. Disparaître discrètement en fuyant ses responsabilités; faire faillite :
3. − Maître Mouche n'est plus à Levallois. Maître Mouche a quitté la France. Il y aura après-demain huit jours qu'il a mis la clef sous la porte, emportant l'argent de ses clients (...). J'ai trouvé l'étude fermée. A. France, Le Crime de Sylvestre Bonnard,1881, p. 487.
Mettre les clefs sur la fosse de qqn. ,,Renoncer à la succession ou à la communauté d'une personne décédée.`` (Ac. 1835-1878). ,,Cette veuve a mis les clefs sur la fosse de son mari`` (Ac.1835-1878).
Rem. ,,(...) locution qui vient de ce que, dans l'ancien droit la personne qui renonçait mettait effectivement les clefs sur la fosse`` (Littré).
2. [Le compl. de clef désigne un contenant fermant et fermé à clef] Tenir la clef de qqc. (de la caisse, du coffre, de la pharmacie, etc.). En détenir la clef et ainsi avoir seul le libre accès et la libre disposition du contenu (argent, médicaments, etc.). Le véritable maître, c'est celui qui tient la clef de la caisse (Ménard, Rêveries d'un païen mystique,1876, p. 176).
Fig. Au fond, mon oncle, c'est vous qui tenez la clef de la situation (Huysmans, L'Oblat,t. 2, 1903, p. 114).
3. Loc. adv. Louer, vendre (un local) clefs en mains. Louer, vendre (un local), l'opération de remise des clefs ayant lieu immédiatement, ce qui permet au locataire d'occuper les lieux sans délai :
4. 1605. L'obligation de délivrer les immeubles est remplie de la part du vendeur lorsqu'il a remis les clefs, s'il s'agit d'un bâtiment, ou lorsqu'il a remis les titres de propriété. 1606. La délivrance des effets mobiliers s'opère, ou par la tradition réelle, ou par la remise des clefs des bâtimens qui les contiennent... Code civil,1804, p. 296.
P. anal. Vendre, livrer une voiture clefs en mains.
II.− P. anal.
A.− TECHNOL. [Pour désigner des instruments servant à ouvrir ou à fermer, plus partic. à serrer ou desserrer, tendre ou détendre, pour maintenir en place, actionner, régler, arrêter qqc] . L'accordeur était venu le matin même et, pourtant, Cécile, une clef aux doigts, interrogeait les clavecins (G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Cécile parmi nous, 1938, p. 11).Et douze bouteilles d'eau minérale Avec la petite clef spéciale Qui sert à les déboucher (Prévert, Paroles,La Gloire, 1946, p. 254).Cela avait fait le même bruit que les ressorts de jouets, quand on tourne trop fort la clef (Druon, Les Grandes familles,t. 2, 1948, p. 21).
SYNT. Clefs à ouverture fixe : clef plate, clef à douille. Clefs à ouverture variable : clef anglaise, clef à molette, clef à mâchoires mobiles, clef universelle. Clef de serrage des écrous, clef à bougies, clef de ressort, clef de robinet. Clef d'accordeur (de piano) : clef en T, clef courbe.
Clef de poêle. Disque placé à l'intérieur du tuyau qu'on tourne pour régler le passage de l'air afin d'activer ou de ralentir le tirage. Ce bruit était celui que venait de faire M. de Coëtquidan en tournant la clef du poêle, afin de le faire marcher plus fort (Montherlant, Les Célibataires,1934, p. 744).
CHARPENTERIE, MENUIS. ,,(...) cheville en bois dur de section rectangulaire usitée pour parfaire le serrage des assemblages`` (Vogüé-Neufville 1971). Les châssis sanglés sont soutenus eux-mêmes entre les pans par des clefs ou tasseaux enfoncés à bois debout dans les pans, dans les traverses du bas (Nosban, Nouv. manuel complet du menuisier,t. 2, 1857, p. 25).
HORLOG. Clef de montre, de pendule, d'horloge. Petit instrument cylindrique servant à remonter le ressort ou à faire pivoter les aiguilles. Sans du tout croire à la vertu mystique des chiffres, je compte toujours et sans cesse (...) et les marches d'un escalier, (...) et le nombre de tours de clef pour remonter ma montre (Gide, Journal,1943, p. 190).
MUS. [Dans les instruments à cordes] Mécanisme servant à tendre les cordes. [Dans les instruments à vent] Mécanisme de commande des trous réglant l'arrivée de l'air. Caliban. − (...) mes muscles sont tiraillés comme par les clefs à ressort d'un violon; mes fibres, distendues par de petits leviers, vont se rompre (Renan, Drames philos.,Caliban, 1878, I, 1, p. 387).Elle est la règle de vie, la pince aux sources de la vie qui maintient l'exacte tension, comme la clef de la viole (Claudel, Cinq grandes odes,La Maison fermée, 1908, p. 287).
TÉLÉCOMM. Clef de morse (E. Coustet, La T.S.F. pratique, télégraphie, téléphonie,1924, p. 26).Clef d'appel, clef de mise en circuit, clef d'inversion (d'appel) (A. Leclerc, Manuel de télégraphie et téléphonie,1924, p. 186, 194, 195, 213).
B.− P. ext.
1. [L'idée dominante est celle de maintien, d'équilibre] ARCHIT. Clef (de voûte, d'arc). Pierre taillée en coin (claveau) mise en place la dernière au centre d'un arc plein-cintre qu'elle vient fermer en maintenant à elle seule l'équilibre de toute la construction. Un superbe pavillon (...) s'arrondit en arcades innombrables, dont chacune supportoit à la clef de son cintre un riche lustre de cristal (Nodier, Trésor des fèves et Fleur des pois,1833).Le tronc a crevé la coupole en sa clef de voûte, et la clef de voûte s'est éboulée. Et l'arbre règne désormais sur des matériaux en vrac (Saint-Exupéry, Citadelle,1944, p. 848).
P. métaph. ou au fig.
a) [En parlant d'une chose] Point essentiel dont dépend l'existence, l'équilibre d'un ensemble. Le christianisme est la clef de voûte et le fondement de l'édifice nouveau (Flaubert, L'Éducation sentimentale,t. 2, 1869, p. 131).Comme la justice − même imparfaite − est la clef de voûte de l'État, (...) lorsqu'elle vient à manquer, tout s'abîme (Clemenceau, Vers la réparation,1899, p. 73):
5. ... l'enchevêtrement de mes idées est extrême et chacune d'elles à son tour me paraît pouvoir servir d'exorde, de clef de voûte ou de conclusion. Gide, Journal,1914, p. 432.
b) [En parlant d'une pers.] Personnage essentiel dont dépend l'existence, l'équilibre de quelque chose, en particulier d'un groupe. Ainsi moi, leur clef de voûte, je suis le nœud qui les rassemble et les noue en forme de temple (Saint-Exupéry, Citadelle,1944p. 633):
6. bernardet. − (...) Ça vous donne une prééminence, une supériorité qui fait qu'on s'habitue peu à peu à vous regarder comme le point central, la clé de voûte et presque le président. Scribe, La Camaraderie,1837, II, 1, p. 261.
7. La présence d'une personne est la condition d'existence de toute cette structure, de cette petite communauté (...). La clef de voûte ôtée, tout s'écroule; l'âme partie, le corps se dissout. Amiel, Journal intime,1866, p. 181.
2. [L'idée dominante est celle de serrage]
a) MAR. Double clef, demi-clef. Nœuds simples mais très employés parce qu'efficaces car ils présentent la particularité de pouvoir être défaits sans mal à quelque traction qu'ils aient été soumis, mais de ne pas pouvoir se dénouer d'eux-mêmes. Ceci est un nœud plat, et j'ai l'habitude de faire deux demi-clefs (Verne, L'Ile mystérieuse,1874, p. 474).
b) SP. (techn. de combat). Prise où l'on immobilise l'adversaire en entourant et en serrant étroitement l'un de ses membres auquel on imprime ensuite un mouvement de torsion. Faire une clef à qqn :
8. ... un point est obtenu trente secondes après que l'arbitre en a donné le signal en déclarant : immobilisation. Dans le cas de clés ou de strangulations, leurs effets réels déterminent le point. Jeux et sp.,1968, p. 1451.
III.− P. métaph. ou au fig.
A.− [Domaine de l'action de toute nature (ordin., temporelle ou spirituelle)] Ce qui permet d'entrer en quelque chose, d'entreprendre une chose. Donner la clef de son cœur, livrer les clefs de son âme.
Fam. Clef des champs. Liberté de se déplacer. Prendre la clef des champs. Partir, sortir, aller se promener en toute liberté, ne pas rester enfermé. [Le suj. désigne un prisonnier] S'évader. Après son petit pousse-café, nous prenions la clef des champs... et puis toute l'après-midi, on s'en allait au petit bonheur (Céline, Mort à crédit,1936, p. 578):
9. Quelques-uns sont vêtus de casaques et de pantalons jaunâtres zébrés de noir : ce sont ceux à qui l'air de la liberté a manqué et qui, pour le respirer à tout prix, ont essayé de prendre cette belle clef d'or qu'on appelle la clef des champs. Les tentatives d'évasion sont assez fréquentes... Du Camp, En Hollande,1859, p. 206.
Donner un tour de clef. Intervenir de manière à dénouer la situation. Au moment où (...) la femme (...) se croyait déjà perdue sans retour, tout est sauvé par un effort heureux et un tour de clé habile du romancier (Sainte-Beuve, Nouveaux lundis,t. 5, 1863-69, p. 8):
10. Il était à cette saison de la vie où l'esprit des hommes qui pensent se compose, presque à proportions égales, de profondeur et de naïveté. Une situation grave étant donnée, il avait tout ce qu'il fallait pour être stupide; un tour de clef de plus, il pouvait être sublime. Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 832.
Spécialement
1. TECHN. MILIT. [En parlant d'un lieu] Position qui commande l'accès d'une région, d'un pays, et dont la possession est déterminante au plan de la stratégie pour la suite du conflit. La clef de la position était visiblement là, au pied de cette croix et de ces deux tilleuls, d'où l'on balayait toute la contrée environnante (Zola, La Débâcle,1892, p. 239).Ceux qui ont interdit à l'ennemi l'accès d'un pont devenu la clef de tout notre système défensif (Vercel, Capitaine Conan,1934, p. 246).
P. ext. [En constr. d'appos. avec valeur adj., ou en position de 2eélément dans les subst. composés]
a) [En parlant de qqc.] Qui est décisif parce qu'il commande l'accès ou la possibilité de posséder quelque chose, ou parce qu'il conditionne une chose (ou un ensemble de choses). Chaque acte médical, paramédical, dentaire, ou chirurgical est représenté par une lettre-clé, suivie d'un coefficient (Encyclop. pratique de l'éduc. en France,1960, p. 307).
Position-clef. Le problème des transports (...) occupe une position-clé dans l'économie d'un pays (L'Œuvre, 1erfévr. 1941).Lénine (...) est le chef du parti « bolchevik », qui, peu à peu, conquiert les positions-clés dans le Comité Central exécutif des Soviets (G. Vedel, Manuel élémentaire de dr. constitutionnel,1949, p. 210).
b) [En parlant de qqn] Dont la fonction, l'action, l'influence a un caractère déterminant. Le témoin-clé du (procès) subit un contre-interrogatoire en règle (Le Monde du 17.3.1967 ds Gilb.1971).
2. THÉOL. CATH. [P. réf. à Matth. 16 où Jésus-Christ dit à saint Pierre : Tibi dabo claves regni cœlorum... « Je te donnerai les clefs du royaume des cieux »]
Les clefs du royaume des cieux, les clefs du paradis, les clefs de saint Pierre. Clefs symboliques ouvrant ou fermant l'accès au paradis. Une âme sortant du purgatoire et attendant saint Pierre et ses clefs (Balzac, Physiologie du mariage,1826, p. 153).Les clefs apostoliques, les clefs papales. Emblème du pouvoir, de l'autorité spirituels du Saint-Siège. Du saint père J'ai rapporté la lettre en bon état, j'espère! Regardez : de Benoît voilà le sceau bien net, Avec les clefs, la croix, la crosse et le bonnet (A. Dumas Père, Charles VII chez ses grands vassaux,1831, I, 1, p. 238).
Pouvoir des clefs. Pouvoir de lier ou de délier les consciences des fidèles, c'est-à-dire de les absoudre de leurs fautes ou de les sanctionner; p. ext., pouvoir spirituel de l'Église représentée par le successeur de saint Pierre. User du pouvoir des clefs, exercer le pouvoir des clefs :
11. Saint Cyprien pose pour fondement de cette unité sainte la promesse que Jésus-Christ fait à Pierre, de bâtir sur lui son Église, le pouvoir des clefs qu'il lui confère universellement et sans restriction... Lamennais, De la Religion,2epart., 1826, p. 145.
B.− [Domaine des signes orientant l'interprétation] MUS. Chacun des trois signes pouvant se placer au commencement de la portée pour indiquer, en même temps que le nom et la position de l'une des trois notes : fa, sol ou ut, la position relative des notes inscrites sur la portée. Donner la clef (d'un morceau). Solfier en clefs de sol et de fa. Transposer (un morceau) dans une clef différente. Lecture à première vue, sans accompagnement, d'une leçon de solfège dans toutes les clés (L'Enseign. en France. L'enseign. de la mus. et l'éduc. musicale, 1,1950, p. 18).
Armure ou armature de la clef. Ensemble des signes d'altération précisés ,,à la clef`` c'est-à-dire en début de portée immédiatement après la clef, pour indiquer la tonalité :
12. Si j'avais le bonheur de savoir comme quoi un bémol de plus à la clef peut rendre un quatuor de flûtes et de bassons plus partisan du Directoire que du Consulat et de l'Empire, je ne parlerais plus, je chanterais éternellement... Vigny, Servitude et grandeur militaires,1835, p. 84.
À la clef (loc. adv. fig., fam., gén. péj.). [En constr. de compl. déterminatif postposé à un subst.] Qui est la suite inévitable de ce dont il a été précédemment question :
13. − (...) « Qu'est-ce qu'on dit de la faillite de Villebeau? (...) » − « Votre coopérative ouvrière? » − « Oui, mon cher. En pleine déconfiture; avec scandale à la clef. (...) » R. Martin du Gard, Les Thibault,La Belle saison, 1923, p. 912.
14. − Je suis gendarme, tu entends, crapule! Et je te l'apprendrai si tu veux faire le mariolle! J'ai les tribunaux derrière moi, peut-être; avec la prison à la clef... la prison, tu entends, salaud! Genevoix, Raboliot,1925, p. 45.
C.− [Domaine de la connaissance] Ce qui permet d'accéder à la connaissance, à l'intelligence de quelque chose. Clef de l'énigme, du mystère, du problème. Clefs de la destinée humaine, de la nature, du monde, d'une pensée; clefs abstraites du savoir. Chercher, apporter, trouver, tenir, perdre la clef de qqc. Un coup-d'œil ou un geste peuvent quelquefois donner la clé d'un caractère, en révéler les intentions les plus cachées (Dusaulx, Voyage à Barège,t. 1, 1796, p. 33).A Paris, le succès est tout, c'est la clef du pouvoir. Si les femmes vous trouvent de l'esprit, du talent, les hommes le croiront (Balzac, Le Père Goriot,1835, p. 94).Les précédentes [lettres] m'avaient donné la clé de la situation et j'avais compris le sens des derniers événements (Tocqueville, Correspondance[avec Gobineau], 1850, p. 137).Le secret de la destinée, la clef de la vie, l'amour (Hugo, Les Misérables,t. 2, 1862, p. 136):
15. (...) Dieu est au moins une origine de l'inconnu, une clef. − Une origine qui est, elle-même, un autre secret, une clef qui n'ouvre rien! Huysmans, En route,t. 2, 1895, p. 188.
16. ... cette œuvre sera fatalement la clef de toute ton œuvre; l'on y cherchera, l'on y trouvera toujours l'explication de tout ce que tu as et que tu auras écrit. (...) C'est un livre qui aura écrit tes autres livres... Valéry, Correspondance[avec Gide], 1917, p. 454.
[En const. d'appos. (cf. supra A)] Dans l'infinie richesse des perceptions hugoliennes, quelques images-clefs forment des centres vers lesquels le poète revient (béguin, L'Âme romantique et le rêve,1939, p. 367).Le livre de Lewis Carroll est un livre-clef qui ouvre toutes les portes, toutes les âmes de l'Angleterre (cendrars, Bourlinguer,1948, p. 291):
17. Il nous arrive à tout instant de parler du « langage » caractéristique d'un écrivain, des termes qu'il affectionne, des expressions qu'il charge − et qui le chargent − d'un sens particulier : de ses mots-clefs. Ce seront (...) le pur de Valéry, le gratuit de Gide, l'intuition de Bergson, la nuée de Maurras. Paulhan, Les Fleurs de Tarbes,1941, p. 86.
Rem. Selon Thomas 1956, ,,mot clef (ou clé) s'écrit sans trait d'union``. La graph. avec trait d'union est la plus fréq. ds la documentation.
Spécialement
1. BOT. Clef de détermination ou clef dichotomique. ,,Procédé employé dans la rédaction des flores, pour permettre au lecteur d'arriver plus sûrement au nom de l'espèce, et qui consiste à l'inviter à de nombreuses reprises à choisir entre deux caractères; ex. : fruit velu ou fruit lisse. − On arrive ainsi de proche en proche à déterminer la plante`` (Gatin 1924); cf. aussi H. Boulay, Arboric. et production fruitière, 1961, p. 51.
2. CRYPTOGRAPHIE (notamment dans le domaine milit.). Clef (du chiffre). Connaissance des conventions, du code (à base de caractères numériques par exemple) utilisés pour la rédaction de messages secrets et permettant de les déchiffrer et, le cas échéant, d'en chiffrer d'autres (cf. chiffre). Ces analyses qui en relevant la fréquence plus ou moins grande de chaque terme permettent de découvrir la clef d'un langage chiffré (Proust, Du côté de chez Swann,1913, p. 330):
18. ... pour savoir où et quand nous retrouver, nous échangions des lettres bizarres, mystérieuses, cryptographiées et qu'on ne pouvait lire qu'à l'aide d'une grille ou d'une clef. Gide, Si le grain ne meurt,1924, p. 468.
3. LITT. Clef (d'un ouvrage, d'un roman). Ce qui fournit l'explication de certaines obscurités au niveau des termes, ce qui révèle un sens profond caché, ce qui permet d'identifier les personnages ou les événements réels correspondant à ceux que l'ouvrage présente avec une plus ou moins grande transposition. Roman à clef(s); personnage à clefs. Après certains de mes livres on a crié au scandale, on a parlé de romans à clefs; on a même publié les clefs, avec des listes de personnages célèbres (A. Daudet, Trente ans de Paris,1888, p. 301).Ceci n'est donc pas un roman à clefs, et il faut se garder de mettre des noms sous ces caricatures que leur outrance même rend inoffensives (Mauriac, Préséances,1921, p. V):
19. Le cas extrême de la sincérité littérale a pour aboutissement inévitable (...) le roman à clef : ici deux types, le roman où la clef vise le sujet lui-même, je veux dire l'auteur (...); celui où la matière est fournie du dehors par l'observation de personnages vivants (...) dans ces derniers, toutes les fois où pour des raisons sociales l'auteur est obligé de quitter la ligne réelle des événements ou des caractères, la crédibilité s'effondre aussitôt, preuve la meilleure qu'ici et le don d'imagination créatrice et le don de transposition font défaut. Du Bos, Journal,1925, p. 370.
4. PSYCHOL. Clef des songes. Ce qui permet de déchiffrer les rêves, de les expliquer, d'accéder à leur sens caché; p. méton., ouvrage prétendant livrer cette explication. L'homonculus m'offrit son dernier livre (...). Il me dit : − Voici la Clef des Songes, avec l'explication de tous les rêves qu'on peut faire (A. France, Le Crime de Sylvestre Bonnard,1881, p. 271):
20. ... toute description de nos perceptions séparées détruit radicalement ce qui serait de ces perceptions le plus précieux à connaître et à déchiffrer. C'est pourquoi je suis très loin de me confier aux prétendues analyses des rêves qui sont tant à la mode aujourd'hui, où il semble que l'on ait forgé une nouvelle clef des songes. Valéry, Variété V,1944, p. 281.
Prononc. et Orth. : [kle]. f ne se prononce jamais même devant voyelle. À ce sujet cf. les dict. qui sont unanimes et cf. Buben 1935, § 5 et 198 qui explique que c'est d'un plur. clés qu'on a tiré une nouvelle graph. du sing. clé, admise aujourd'hui au même titre que clef, et que c'est grâce à la var. orth. clé que la prononc. par [e] fermé persiste dans le mot. La plupart des dict. admet clef ou clé. Mais pour Besch. 1845 tout le monde écrit en fait clé alors que pour DG cette même forme est vieillie. En ce qui concerne Ac., les éd. de 1694-1798 donnent uniquement clef (plur. clefs); les éd. de 1835-1932 enregistrent clef comme vedette tout en signalant que ,,plusieurs l'écrivent clé``. L'anc. forme clé semble connaître une nouvelle faveur. Noter que pour l'élément de formation -clé, Rob. Suppl. 1970 écrit au plur. les mots-clés alors qu'il admet les postes-clé(s). Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1100 clef « instrument de métal servant à ouvrir une porte » (Roland, éd. J. Bédier, 2762); 1130-40 par image cles del ciel (Wace, Conception N-D, éd. W. R. Ashford, 1584); 1317 avoir les clez des chans (Proverbes français, éd. J. Morawski, no824); av. 1441 soubz clef (Ch. d'orléans, Ballade, 32, éd. P. Champion, p. 52); 2. 1115-30 clé « ce qui explique » ici « formule permettant de calculer les fêtes mobiles » (Ph. de Thaon, Comput, éd. E. Mall, 49); 1690 clef « code qui permet de déchiffrer un texte » (Fur.); 1690 clef d'un Roman (Fur.); 3. 1181-90 « ce qui donne accès à » (Chr. de Troyes, Perceval, éd. W. Roach, 3812 : Que ele li metoit la clef D'amors en la serre del cuer); 4. 1268 clef « position stratégique qui commande l'accès d'une région » (Claris et Laris 14571 ds T.-L.); 5. av. 1407 mus. « signe au début d'une portée qui permet de lire les notes » (E. Desch., P. m. et hist. 264 ds T.-L.); d'où 1872 à la clef (ds Guérin 1892). B. technol. 1. 1266-67 « instrument servant à tendre » ici en parlant de la corde d'une arbalète » (Vers de la mort, éd. C. A. Windhal, 58, 8 ds T.-L. : dé-l. clé-); 1680 mus. clef de viole (Rich.); 2. 1250-1300 archit. clef (Villard de Honneccurt, Album, XXXIX ds T.-L.); xiiies. clef de la voute (Haisel, Des .iiii. prestres ds Fabliaux, éd. A. de Montaiglon et G. Raynaud, t. 6, p. 43); 3. 1401 « outil servant à ouvrir ou à fermer, serrer ou desserrer » (Comptes de la ville d'Amiens ds Havard, s.v. robinet); 1680 clef à vis (Rich.); 4. 1611 « pièce servant à assembler des poutres » (Cotgr.). C. 1957 « figure de lutte libre » (Aymé, La Mouche bleue, p. 190). Du lat. class. clavis « instrument de métal servant à ouvrir et à serrer » au propre et au fig., ce dernier emploi étant très fréq. chez les aut. chrét., v. Blaise.
STAT. Clef et clé. Fréq. abs. littér. : 3 932. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4 096, b) 6 565; xxes. : a) 5 739, b) 6 258.
BBG. − Boulan 1934, p. 67 − Brault (G. J.). Anc. fr. clef des champs. Romania. 1961, t. 82, pp. 106-111. − Gottsch. Redens. 1930, p. 216. − La Landelle (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 21, 320. − Rog. 1965, p. 80. − Sain. Lang. par. 1920, p. 391.