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CHARITÉ, subst. fém.
I.− Au sing. Principe de lien spirituel, moral qui pousse à aimer de manière désintéressée. Que charité soit synonyme d'amour, tu l'avais oublié, si tu l'avais jamais su (Mauriac, Le Nœud de vipères,1932, p. 111).
A.− THÉOL. CHRÉT.
1. Vertu spirituelle qui est l'amour parfait venant de Dieu et dont Dieu est l'objet, lien d'unité intime entre Dieu et les hommes, créatures de Dieu :
1. Que dirons-nous maintenant de cette charité fille, de J. C., qui signifie au sens propre, grace et joie? La religion voulant reformer le cœur humain, et tourner au profit des vertus nos affections et nos tendresses, a inventé une nouvelle passion : elle ne s'est servie pour l'exprimer, ni du mot d'amour qui n'est pas assez sévère, ni du mot d'amitié, qui se perd au tombeau, ni du mot de pitié, trop personnel et trop voisin de l'orgueil; mais elle a trouvé l'expression de caritas, charité, qui renferme les trois premières, et qui tient en même temps à quelque chose de céleste. Par-là, elle a dirigé nos penchans vers le ciel, en les épurant et les reportant au Créateur; par-là, elle nous enseigne cette vérité merveilleuse, que les hommes doivent, pour ainsi dire, s'aimer à travers Dieu qui spiritualise leur amour et n'en laisse que l'immortelle essence, en lui servant de passage. Chateaubriand, Génie du Christianisme,t. 1, 1803, p. 90.
2. Ce saint homme ne faisait rien d'extraordinaire, mais il était tout pénétré de charité. (...) En lui se réalisait vraiment ce qu'a dit saint Paul : « Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n'ai pas la charité, je suis un airain qui sonne ou une cymbale qui retentit. Quand j'aurais le don de prophétie, que je connaîtrais tous les mystères et posséderais toute science, quand j'aurais même toute la foi, jusqu'à transporter des montagnes, si je n'ai pas la charité, je ne suis rien. Quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, quand je livrerais mon corps aux flammes, si je n'ai pas la charité, tout cela ne me sert de rien. La charité est patiente, elle est bonne. La charité n'est point envieuse, la charité n'est point inconsidérée, elle ne s'enfle point d'orgueil, elle ne fait rien d'inconvenant, elle ne cherche point son intérêt, elle ne s'irrite point, elle ne tient pas compte du mal, elle ne prend pas plaisir à l'injustice, mais elle se réjouit de la vérité. Elle excuse tout, elle croit tout, elle espère tout, elle supporte tout. La charité ne passera jamais... (...) [I. Cor., XIII, 1-8]. Billy, Introïbo,1939, p. 213, 214.
3. La Mère Angélique Arnauld (...) disait qu'en enfer, les âmes (...) souffrent grandement de la solitude, parce que là où il n'y a pas de charité, il n'y a pas d'union entre les âmes, et il n'y a pas d'amour en enfer. Green, Journal,Le Bel aujourd'hui, 1955-58, p. 182.
a) Amour de Dieu pour l'homme. Dieu est charité, et puisqu'il aime ses créatures, pourquoi ne les aimerions-nous pas comme lui? (Claudel, Feuilles de Saints,1925, p. 645):
4. ... nous ne sentons la distance que vers le bas. Il est beaucoup plus facile de se mettre par l'imagination à la place de Dieu créateur qu'à la place du Christ crucifié. Les dimensions de la charité du Christ, c'est la distance entre Dieu et la créature. La fonction de médiation, par elle-même, implique l'écartèlement... C'est pourquoi on ne peut concevoir la descente de Dieu vers l'homme ou l'ascension de l'homme vers Dieu sans écartèlement. S. Weil, La Pesanteur et la grâce,1943, p. 94.
b) Amour désintéressé des hommes pour Dieu considéré comme le Bien suprême, la perfection :
5. ... l'âme désire recouvrer sa ressemblance plénière à Dieu et à elle-même en éliminant la dissemblance qui la sépare à la fois de l'un et de l'autre. Elle ne le peut que par la charité et par la grâce. Or, recouvrer la charité, ce n'est pas seulement redevenir semblable à Dieu, donc à soi-même, c'est encore, puisque l'âme se connaît et se voit intimement elle-même, voir Dieu dans l'image enfin restaurée par la grâce et où il se mire désormais avec complaisance. Gilson, L'Esprit de la philos. médiév.,t. 2, 1932, p. 92.
Acte de charité. Prière exprimant cette attitude de l'âme envers Dieu (cf. acte, ex. 18).
2. Amour surnaturel du prochain, des hommes entre eux, considérés comme fils d'un même Père :
6. La loi de justice enseigne que tous sont égaux devant leur père qui est Dieu, et devant leur seul maître qui est le Christ. La loi de charité leur apprend à s'aimer et à s'entr'aider comme les fils d'un même père et les disciples d'un même maître. Lamennais, Les Paroles d'un croyant,1834, p. 258.
7. ... vous pratiquerez la charité dans ce qu'elle a de plus élevé, vous expierez pour les autres, vous prierez pour ceux qui ne prient point, vous aiderez, dans la mesure de vos forces, à compenser la haine que le monde porte au Sauveur. Huysmans, En route,t. 1, 1895, p. 207.
En partic. Amour des malheureux :
8. hauviette [à Jeannette]. − (...) On s'imagine ici, dans la paroisse, que tu es heureuse de ta vie parce que tu fais la charité, parce que tu soignes les malades et que tu consoles ceux qui sont affligés; et que tu es toujours là avec ceux qui ont de la peine. Mais moi, moi Hauviette, je sais que tu es malheureuse. Péguy, Le Mystère de la charité de Jeanne d'Arc,1910, p. 16.
9. − (...) Je ne reconnais qu'une charité chrétienne, mon jeune camarade, et c'est celle qui procède directement de Jésus, (évangiles, passim,) ou plutôt ubique : c'est la constante communion, et spirituelle, et temporelle, avec le pauvre, avec le faible, avec l'opprimé. Péguy, L'Argent,1913, p. 1201.
B.− PHILOS. et MOR.
1. En gén. Amour mutuel des hommes, considérés comme des semblables; humanité, philanthropie :
10. La réunion de tant de peuples en un seul avait commencé à donner le soupçon de l'unité de nature, de l'unité d'espèce, le soupçon de la solidarité du genre humain. On sait de quels applaudissements le vers de Térence où la solidarité humaine est entrevue fut couvert à Rome sur le théâtre. Cicéron parle d'un lien de charité qui doit unir tous les hommes et Sénèque dit sur la fraternité humaine une foule de bonnes choses... P. Leroux, De l'Humanité,t. 2, 1840, p. 734.
11. Il est d'usage de distinguer avec soin la justice de la charité, c'est-à-dire le simple respect des droits d'autrui de tout acte qui dépasse cette vertu purement négative. On voit dans ces deux sortes de pratiques comme deux couches indépendantes de la morale : la justice, à elle seule, en formerait les assises fondamentales; la charité en serait le couronnement. (...) cette conception est peu d'accord avec les faits. En réalité, pour que les hommes se reconnaissent et se garantissent mutuellement des droits, il faut d'abord qu'ils s'aiment, que, pour une raison quelconque, ils tiennent les uns aux autres et à une même société dont ils fassent partie. La justice est pleine de charité. Durkheim, De la Division du travail soc.,1893, p. 90.
12. La charité chrétienne, que toujours accompagne un sentiment d'abnégation, ne s'oppose point tant à l'idée de justice qu'elle ne la pénètre et féconde. La charité, tout en soulageant temporairement la misère, ne s'attaque point à sa racine et l'on peut même dire que, par là même, elle l'entretient. (...) c'est contre quoi proteste à bon droit l'idée juive et marxiste de la justice. Mais celle-ci nous abuse en exaltant cette illusion qu'un état social meilleur puisse jamais venir à bout de la misère. Et même elle favorise, cette idée, chez ceux qu'elle abuse, une certaine misère de cœur, d'asséchement. De sorte que je doute quelle serait la plus préjudiciable à soi-même et aux autres, à l'humanité : une charité qui prendrait son parti de l'injustice, une justice qui se sentirait quitte d'aimer; une équitabilité sans amour? Gide, Feuillets,1937, p. 1291.
En partic. Amour des pauvres, des défavorisés :
13. Quant à la charité, nous n'avons même plus osé la prêcher. En effet, autrefois, le sacrifice qui fonde les êtres prenait le nom de charité quand il honorait Dieu à travers son image humaine. À travers l'individu nous donnions à Dieu, ou à l'homme. Mais, oubliant Dieu ou l'homme, nous ne donnions plus qu'à l'individu. Dès lors, la charité prenait souvent figure de démarche inacceptable. C'est la société, et non l'humeur individuelle, qui se doit d'assurer l'équité dans le partage des provisions. La dignité de l'individu exige qu'il ne soit point réduit en vassalité par les largesses d'un autre. Saint-Exupéry, Pilote de guerre,1942, p. 379.
P. allégorie, B.-A. :
14. À la galerie Correr, vaste collection, (...) charmants bas-reliefs (la Charité, avec les petits enfants et le vieillard, gracieux et touchant, [...])... Michelet, Journal,1838, p. 275.
SYNT. (concernant A et B). Charité ardente, chrétienne, divine, évangélique, fraternelle, grande; actes, précepte, sentiment, mouvement de charité; manquer de charité; recueillir (qqn) par charité.− PARAD. (concernant A et B). Amour, bienfaisance, fraternité, justice, piété.
2. Domaine de l'activité soc. ou interpersonnelle
a) La charité comme source de l'aide aux hommes. Exercice de la charité :
15. ... à défaut du travail de l'esprit, la charité offre-t-elle plus de ressources aux femmes? Que de déboires elle réserve à celles qui ont une âme trop sincère pour se satisfaire de la charité officielle ou mondaine, des parlotes philanthropiques, de ce mélange odieux de frivolité, de bienfaisance et de bureaucratie, de cette façon de jouer avec la misère, entre deux flirts, en papotant! Quand l'une d'elles, écœurée, a l'incroyable audace de se risquer seule au milieu de cette misère qu'elle ne connaît que par ouï-dire, quelle vision pour elle! Presque impossible à supporter! C'est un enfer. Que peut-elle pour y venir en aide? R. Rolland, Jean-Christophe,Les Amies, 1910, p. 1227.
16. Nous parlons ensuite de la charité, et je lui dis que la charité des riches n'est souvent qu'une forme de condescendance et qu'ils se débarrassent des pauvres avec de l'argent. Green, Journal,Le Bel aujourd'hui, 1955-58, p. 120.
Proverbe. Charité bien ordonnée commence par soi-même.
b) Subst. + charité.Source morale ou spirituelle d'assistance, d'aide matérielle aux plus défavorisés par la nature ou par la vie (malades, orphelins, pauvres, chômeurs).
[En parlant d'assemblées, de groupements, d'œuvres ayant pour but de s'occuper des défavorisés]
Association d'inspiration religieuse ou laïque. Assemblée de charité (Flaubert, Correspondance,1877, p. 8).Confrairie de charité (Chateaubriand, Génie du Christianisme,t. 2, 1803, p. 521).Société de charité (Michelet, Journal,1842, p. 466).Société de charité maternelle (Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 13).
Personnes s'occupant bénévolement des défavorisés. Dame de charité (Balzac, La Cousine Bette,1846, p. 301 et Coppée, La Bonne souffrance, 1898, p. 138).Médecin de charité (Michelet, Journal,1839, p. 298).
[En parlant d'organismes ou d'institutions ayant pour but de remédier à certaines situations de fait (absence de travail, maladie, pauvreté)] Atelier de charité (Tocqueville, L'Ancien Régime et la Révolution,1856, p. 108).Bureau de charité (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 4, 1848, p. 69).Établissement de charité (Mmede Staël, De l'Allemagne,t. 1, 1810, p. 276 et Du Camp, En Hollande, 1859, p. 194).Maison de charité (Bonald, Législ. primitive,t. 2, 1802, p. 86). Œuvre de charité (Montalembert, Hist. de Ste Élisabeth de Hongrie,1836, p. 194 et Zola, L'Argent, 1891, p. 390).
[En parlant de manifestations ayant pour objet de récolter des fonds destinés aux défavorisés] Bal de charité (Proust, Du côté de chez Swann,1913, p. 297).Concert de charité (Mauriac, Le Nœud de vipères,1932, p. 116).Fête de charité (Anouilh, La Répétition,1950, I, p. 19).Représentation de charité (De Vogüé, Les Morts qui parlent,1899, p. 152).Vente de charité (Zola, Son Excellence E. Rougon,1876, p. 327).
C.− Usuel, parfois iron. et/ou péj. Condescendance, indulgence, extrême gentillesse. (Faire, avoir) la charité de... Ayez la charité d'écouter mon histoire (Duranty, Le Malheur d'Henriette Gérard,1860, p. 78).Marie-Jeanne me fait la charité de prendre le volant pour me laisser admirer le paysage (T'Serstevens, L'Itinéraire espagnol,1933, p. 40).MmeHautemare laissa son mari parler une heure sur ce sujet sans lui faire la charité d'une idée (Stendhal, Lamiel,1842, p. 38).
II.− P. méton. (au sing. et au plur.). Ce qui est fait par charité.
A.− Bienfait inspiré par l'amour du prochain.
1. Acte inspiré par la charité :
17. Il posait cent francs sur la tablette de verre, (...). (...) elle avait envie de lui dire : − Mais non, garde-les, mon pauvre vieux; tu n'as pas plus d'argent que moi. Elle se taisait, sachant qu'elle lui faisait une charité en acceptant. Druon, Les Grandes familles,t. 2, 1948, p. 222.
2. P. restriction. Chose donnée par charité. Synon. don, aumône :
18. Il [Olivier] (...) regardait avec un air de dédain le tricot gris en grosse laine qu'elles [Annette et sa mère] confectionnaient (...). − (...) c'est très laid, surtout dans un appartement Louis XV, où tout caresse l'œil. Si ce n'est pour vos pauvres, vous devriez, pour vos amis, faire vos charités plus élégantes. Maupassant, Fort comme la mort,1889, p. 130.
SYNT. La charité s'il vous plaît (Hugo, Notre-Dame de Paris, 1832, p. 37). Implorer la charité (T. Gautier, Le Capitaine Fracasse, 1863, p. 363). Faire la charité (Daniel-Rops, Mort, où est ta victoire? 1934, p. 430). Vivre de la charité publique (cf. Maupassant, Contes et nouvelles, t. 1, Le Père Judas, 1883, p. 101).
B.− Établissements, fondations, congrégations ayant ces actes pour but.
1. Vx, région. (Normandie). Personnes associées dans le but d'exercer la charité dans un domaine précis (ensevelissement des morts, etc.) :
19. À Foulques, d'abord, sur une civière de confrérie qu'on a dû prendre à l'église, une civière de Charité, le corbillard de ce temps-là. J. de La Varende, Esculape,1949, p. 24.
2. Congrégations religieuses :
20. Les Sœurs de charité, très nombreuses, (...) ne sont pas des religieuses. Elles ne veulent pas être appelées telles. Elles sont « les Filles de la charité », connues sous le nom de Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul. Barrès, Cahiers d'Orient,1914, p. 398.
SYNT. Fils de la Charité (Green, Journal, 1945, p. 222). Pères de la Charité (Bourges, Le Crépuscule des dieux, 1884, p. 327). Sœurs de la charité (Chateaubriand, Génie du Christianisme, t. 2, 1803, p. 521).
3. Le bâtiment lui-même abritant un hôpital ou un hospice, où s'exerce la charité :
21. − Il faut dire à tes parents de le conduire pour la consultation de deux heures, à la Charité; le grand hôpital, à gauche, tu sais? R. Martin du Gard, Les Thibault,La Consultation, 1928, p. 1051.
Prononc. et Orth. : [ʃaʀite]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. a) 2emoitié xes. relig. « amour de Dieu et du prochain » (St Léger, 33 ds Henry Chrestomathie 1960, p. 10 : Perfectus fud in caritet); b) 2emoitié xes. id. « l'amour parfait qui est en Dieu » (Passion, 160 ds Bartsch Chrestomathie 1908, p. 8 : en caritad toz es uniz); 2. a) 1160-74 « repas de charité offert aux voyageurs dans les monastères » (Wace, Rou, II, 1745 ds Keller, p. 58a); 1172-76 plus gén. « don, aumône » (G. de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, 1889 ds T.-L.); b) ca 1175 « attitude ou sentiment de générosité envers les pauvres » (Chr. de Troyes, Chevalier lion, éd. W. Foerster, 2839, ibid.); 3. 1662 « complaisance, bonté » surtout ds l'expr. avoir la charité de (Racine, Œuvres, éd. P. Mesnard, t. 4, 479, Lettres d'apr. Lexique par Marty-Laveaux, t. 8, Paris, 1873). Francisation du lat. caritas, -atis (signifiant d'abord « cherté » v. ce mot) « amour, tendresse » (Cicéron ds TLL s.v., 460, 5) d'où le sens du lat. chrét. (1) (Epître de St Paul aux Ephésiens, 3, 17 ds Blaise, cf. St Augustin ds TLL s.v., 460, 12 : caritatem voco motum animi ad fruendum deo propter ipsum et se atque proximo propter deum) qui traduisait le gr. α ́ γ α π η, le sens concret de « don, aumône » étant attesté dep. le iiies. (Tertullien, ibid.) et le sens précis de « repas de charité » dep. le vies. (St Grégoire le Grand ds Nierm.). Fréq. abs. littér. : 3 144. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 5 212, b) 4 493; xxes. : a) 4 042, b) 4 084. Bbg. Darm. Vie 1932, p. 50. − Mellot (J.). Les Charités. Vie Lang. 1966, pp. 623-627. − Sainte-Marie (H. de). Le Vocab. de la charité dans la règle de S. Benoît. In : [Mél. Mohrmann (C.)]. Utrecht, 1963, pp. 112-120.