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BOUT, subst. masc.
I.− [Le plus souvent avec un compl. prép. de exprimant le tout dont le bout est partie] Portion extrême d'une chose considérée comme un continu allongé.
A.− [Le bout est celui d'un obj. gén. allongé]
1. [Le bout est considéré par rapport à la partie médiane de l'obj. : il y a deux bouts opposés]
a) [Aucun des bouts n'est valorisé] Les deux bouts de la table, les deux bouts de la lorgnette; le bout inférieur [du pieux] (Voyage de La Pérouse, t. 4,1797, p. 31);le plus petit bout [des blocs de Carnac] (Stendhal, Mémoires d'un touriste,t. 2,1838, p. 14);à chaque bout [des bottes de roseau] (Flaubert, Correspondance,1850, p. 167):
1. Elle regardait fixement du côté de l'église, belle vierge ardente et fraternelle, tandis que ses fraîches dents carnassières mordaient dans un croûton de pain sec, d'un appétit enfantin. Augustin regardait les deux bouts libres de son foulard de laine, secoués par le vent continu. Malègue, Augustin,t. 1, 1933, p. 224.
Loc. (sens concr. ou abstr.)
[Avec art.] Les uns au bout des autres. À la suite les uns des autres. Série d'escaliers les uns au bout des autres (Flaubert, Correspondance,1850, p. 194).D'un bout à l'autre. Discours improvisé d'un bout à l'autre (A. Dumas Père, Le Chevalier de Maison-Rouge,1847, I, p. 5).
P. métaph. Brûler la chandelle par les deux bouts. Épuiser, par des excès, ses ressources financières, ou sa santé. Var. brûler sa vie par les deux bouts. (cf. Gracq, Un Beau ténébreux, 1945, p. 51) :
2. On brûlait ces chandelles sans compter, l'une succédant à l'autre à peine éteinte. Et comme on avait laissé dépasser les mèches aux deux bouts, on les brûlait tout entières, les retournant sur elles-mêmes, dès qu'elles étaient consumées jusqu'au milieu. Jamais l'expression « brûler la chandelle par les deux bouts » ne fut plus juste. Pesquidoux, Le Livre de raison,1925, p. 204.
[Sans art.] Bout à bout. Les extrémités jointes l'une à l'autre. Coudre, attacher bout à bout. La tésure qui constitue le filet est formée de 200 à 400 « roies » ajustées bout à bout (A. Boyer, Les Pêches mar.,1967, p. 51).Au fig. Mettre bout à bout. Mettre ensemble plusieurs choses en les attachant par leurs extrémités. Être mis bout à bout, se toucher bout à bout; phrases qui se touchent bout à bout (Stendhal, Napoléon,t. 1,1842, p. 368);mettre bout à bout les éclats successifs de son talent (Sainte-Beuve, Pensées et maximes,1869, p. 110):
3. Le système d'égouts existant à cette époque, mis bout à bout, eût donné une longueur de onze lieues. Nous avons dit plus haut que le réseau actuel, grâce à l'activité spéciale des trente dernières années, n'a pas moins de soixante lieues. Hugo, Les Misérables,t. 2, 1862, p. 532.
Rem. On trouve chez Cendrars l'expr. bout à boutées qui désigne des pierres assemblées bout à bout et de façon irrégulière (Moravagine, 1926, p. 79).
De bout en bout. D'une extrémité à l'autre, du commencement à la fin, entièrement. Vaste salle qui traverse le logis de bout en bout (Viollet-Le-Duc, Entretiens sur l'archit., t. 2, 1872, p. 373):
4. Il est plus simple de paraître d'un seul bloc si quelque personnage central ne s'écarte jamais d'un vice ou d'une vertu qu'il possède et si ses comparses ne changent pas non plus leur ligne de bout en bout. Cocteau, Les Parents terribles,1938, p. 179.
b) [Un des bouts est valorisé par rapport à un autre]
[Avec art.]
Le haut-bout de la table. La place regardée comme la plus honorable d'un banquet. Le bas-bout de la table. Lors d'une réunion ou d'un banquet, place la moins honorable (cf. Balzac, Le Père Goriot, 1835, p. 64).Au fig. Tenir le haut, ou le bas-bout. Être ou non considéré dans une certaine société. Le haut bout de la société financière (Balzac, La Maison Nucingen,1838, p. 622).
MAR. Le bon bout. La partie du câble qui reste à bord. Fig. et fam. Avoir, tenir le bon bout. Avoir des avantages assurés et être proche d'en obtenir d'autres plus importants :
5. À mesure que je détachais, fignolais des détails sur le cas de sa mère, je la voyais devant moi blêmir Lola, faiblir, mollir. « Ah! la garce! que je me disais moi, tiens-la bien, Ferdinand! pour une fois que t'as le bon bout! ... Ne la lâche pas la corde... T'en trouveras pas une si solide avant longtemps! ... Céline, Voyage au bout de la nuit,1932, p. 277.
Prendre une personne par le bon (ou le mauvais) bout. Tenir compte ou non de son caractère, de ses habitudes, de ses sentiments.
Prendre, commencer une affaire ou un travail par le bon (ou le mauvais) bout. Débuter dans de bonnes ou de mauvaises conditions :
6. Il [le corps] est magique, et quelle merveille c'est, et que de richesses inouïes il contient! Mais, chaque fois que vous découvrez quelque chose, c'est « par le mauvais bout ». Vous avez cru faire une œuvre considérable en soignant votre peau; mais votre âme est couverte d'eczéma. Elle se gratte tout le temps avec ses grands ongles noirs. Giono, Poids du ciel,1938, p. 11.
[En parlant d'une pers. au caractère difficile, et de l'impossibilité où l'on se trouve de discuter avec elle] Ne pas savoir par quel bout la prendre :
7. J'ai toujours eu les cheveux plantés en plusieurs sens et les dents et les poils de la barbe. Or les nerfs et toute l'âme doivent être plantés comme cela (...) C'est ce qui déroute ceux qui pourraient me débarrasser de cette lèpre mythologique. Ils ne savent par quel bout me prendre. Cocteau, La Difficulté d'être,1947, p. 6.
[En parlant de la manière d'aborder une affaire par son côté le plus ou le moins important] Regarder une chose par le gros bout, ou par le petit bout de la lorgnette :
8. ... C'est moi que votre prose en colère a choisi; Vous me criez : Racca; moi, je vous dis : Merci! Cette marche du temps, qui ne sort d'une église Que pour entrer dans l'autre, et qui se civilise; Ces grandes questions d'art et de liberté, Voyons-les, j'y consens, par le moindre côté, Et par le petit bout de la lorgnette... Hugo, Les Contemplations,t. 1, 1856, p. 49.
P. méton. Objets placés au bout. Bouts de table. Pièces généralement exécutées en argent ou en céramique, au rôle essentiellement décoratif, et qui se plaçaient aux extrémités d'une table servie (cf. S. Grandjean, L'Orfèvr. du XIXes. en Europe, 1962, p. 50).
2. [Le bout est considéré par rapport à un point de départ : il n'y a qu'un bout qui est le point terminal opposé]
a) Portion terminale d'un objet allongé :
9. ... C'est la jeune fille ... De loin elle semble L'abeille qui tremble Au bout d'une fleur. Hugo, La Esmeralda,1836, p. 139.
10. Il aimait à sentir ce souple corps tout contre lui; rien n'est plus joli que le bout des bottines qui sortent de dessous la robe et s'y recachent à chaque pas. Le bout était en cuir verni, avec un éclair de soleil; parfois elle relevait sa jupe, alors on voyait la forme du pied. Ramuz, Aimé Pache, peintre vaudois,1911, p. 232.
Spécialement
[En parlant du téléphone] Le bout du fil, prendre le bout du fil, avoir un interlocuteur au bout du fil :
11. Le plus plaisant est que le chef, qui interrogeait à l'autre bout du fil, ne demandait pas une réponse vraie mais une réponse convenable; j'en eus mille preuves dans la suite. Alain, Propos,1921, p. 219.
BOUCH. Le bout saigneux. L'extrémité saignante du cou d'un veau ou d'un mouton que l'on vend en boucherie.
MAR. Le bout du navire. L'avant, la proue.
Avoir le vent de bout (ou debout), aller bout au vent. La proue étant dirigée contre le vent :
12. À chaque instant il [Thévenant] s'arrêtait, soit que « ça montât », soit que « ça descendît », soit que le mistral soufflât « de bout », comme disent les marins. L. Daudet, L'Amour est un songe,1920, p. 189.
Aborder de bout au corps. En touchant de la proue le corps d'un autre navire.
Rem. Sens cités par la plupart des dict. gén. du xixeet du xxesiècle. Ac. Compl. 1842 et Littré notent aussi le subst. masc. bout-perdu : Extrémité d'une cheville qui ne traverse pas entièrement la muraille d'un bâtiment.
[Avec valorisation de cette partie] Extrémité d'un objet ayant une fonction particulière. Bout en fer, en cuivre, en ivoire. Un bâton à gros bout (Balzac, Le Médecin de campagne,1833, p. 65):
13. Ces hommes ont l'air mélancolique et résigné; ils fument leurs longues pipes à bout d'ambre. Il y a là une trentaine de bâtiments de guerre d'une belle construction, et qui semblent prêts à mettre à la voile; mais il n'y a ni officiers ni matelots, et cette flotte magnifique n'est qu'une décoration du Bosphore. Lamartine, Voyage en Orient,t. 2, 1835, p. 387.
[Avec dépréciation de cette partie] En bout de.Être assis, être placé en bout de table.
Rem. Dans ce dernier cas, l'absence d'art. devant bout et devant le compl. est en relation avec l'emploi partic. de la prép. -en, qui normalement exclut l'emploi de l'article.
Spéc. [En parlant de l'extrémité d'une arme : fusil, épée, etc.] :
14. ... cette main, (...) si elle dirigeait sur votre cœur le bout d'un pistolet ou la pointe d'une épée, plomb ou acier vous irait droit au cœur! ... A. Dumas Père, Thérésa,1832, V, 4, p. 229.
[Sans art., expr. figées] À bout touchant (vieilli), à bout portant. De telle façon que le bout de l'arme touche la cible :
15. Les assaillants avaient le nombre; les insurgés avaient la position. Ils étaient au haut d'une muraille, et ils foudroyaient à bout portant les soldats trébuchant dans les morts et les blessés et empêtrés dans l'escarpement. Hugo, Les Misérables,t. 2, 1862, p. 492.
Au fig. Lâcher une plaisanterie, une injure, donner une réponse à bout portant. En face, très directement, d'une manière instantanée :
16. [Fernand] : ... je suis vieux comme Mathusalem, je ne l'ignore pas, et c'est ce qui fait que réellement je tombe de surprise (...) lorsqu'il m'arrive (...) de recevoir une déclaration à bout portant... O. Feuillet, Scènes et proverbes,1851, pp. 55-56.
b) En partic. [En parlant d'une partie du corps plus ou moins allongée] Bout de la langue, − du nez, − du sein (mamelon) :
17. Moi, j'ai eu comme sein le bout noir d'une fellah d'Égypte et je me demande jusqu'à quel point le lait d'ânesse de cette plantureuse nounou ne m'a pas incorporé le goût de la mort antique, de son culte et de ses mystères? Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 238.
Bout de sein. Désigne aussi un instrument de caoutchouc ou d'ivoire ramolli destiné à former le bout du sein et à préserver le mamelon malade.
Rem. Attesté dans la plupart des dict. gén. du xixeet du xxesiècle.
[La partie du corps ne fait l'obj. d'aucune valorisation partic.]
[Expr. et loc. fig. avec art.] Avoir un mot, un nom sur le bout de la langue, sur le bout de la plume. Être sur le point de s'en souvenir, de l'avoir naturellement à l'esprit, ou de l'écrire. Avoir une question sur le bout de la langue (Farrère, L'Homme qui assassina,1907, p. 177);avoir une sottise au bout de la plume (Musset, Namouna,1832, p. 412):
18. − Ça? Attendez donc! me répond-il. Je ne me rappelle pas son nom. Il y en avait deux, vous savez bien, qui couraient dans l'herbe, la semaine dernière, l'un après l'autre. Diable de nom! Je l'ai sur le bout de la langue. Il cherche. Nous cherchons ensemble. − Ah! dit-il soudain, j'y suis! Je me rappelle. Eh! bien, monsieur, c'est un petit chien. Renard, Journal,1896, p. 320.
[Expr. et loc. fig. sans art.] À bout de bras, tenir qqc. à bout de bras. À l'extrémité de la main et en ayant du mal à porter l'objet. Boucliers portés à bout de bras (Gide, Le Retour du Tchad,1928, p. 967).Au fig. Soutenir qqn ou qqc. à bout de bras. Faire tout son possible pour qu'une situation demeure la même, faire le maximum pour aider une personne se trouvant dans la misère physique ou morale (cf. Montherlant, Les Lépreuses, 1939, p. 1468).
[La partie du corps est valorisée]
Montrer le bout du nez. Se faire voir, se faire remarquer dans une conversation; dévoiler ses intentions (cf. L. Schneider, Les Maîtres de l'opérette fr., Charles Lecocq, 1924, p. 233).
Toucher la vérité du bout des doigts. Approcher de la solution.
Avoir une qualité (ou un défaut) au bout des doigts ou jusqu'au bout des ongles. En avoir beaucoup (cf. Balzac, Eugénie Grandet, 1834, p. 141).Var. Avoir de l'honneur jusqu'au bout des cheveux (Balzac, Eugénie Grandet, 1834, p. 141).
Connaître, posséder son métier jusqu'au bout des ongles. Le savoir à fond (cf. Sainte-Beuve, Pensées et maximes, 1868, p. 102).
Savoir qqc. sur le bout des doigts. Par cœur :
19. Il paraît certain qu'il est né en Italie, dans la Capitanate, et qu'il a été élevé en Espagne. Il se prétend allié à une grande famille espagnole. Lord Clinton sait cela sur le bout du doigt. Hugo, Marie Tudor,1833, journée I, 1, p. 7.
Connaître qqc. ou qqn sur le bout du doigt :
20. Oh! je les connais sur le bout du doigt, les Rougon; je les ai suivis. Ce sont des gens très forts! Ils avaient une rage d'appétits à jouer du couteau au coin d'un bois. Le coup d'État les a aidés à satisfaire un rêve de jouissances qui les torturait depuis quarante ans. Zola, La Conquête de Plassans,1874, p. 951.
[Avec dépréciation de la partie du corps]
Ne pas voir plus loin que le bout de son nez. Avoir peu de prévoyance :
21. − C'est tout ce que vous leur reprochez? une erreur de calcul? demanda Scriassine avec sévérité. − Je leur reproche de ne pas y voir plus loin que le bout de leur nez. Dubreuilh haussa les épaules : « La reconstruction, c'est très joli : mais pas par n'importe quel moyen. » S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 110.
Mener qqn par le bout du nez. Lui faire exécuter tous ses caprices :
22. Vous viendrez vous installer ici. Et dès aujourd'hui. Ou vous aurez affaire à Cosette. Elle entend nous mener tous par le bout du nez, je vous en préviens. Hugo, Les Misérables,t. 2, 1862, p. 658.
Cela lui pend au bout du nez, voilà ce qui lui pend au bout du nez (Flaubert, Correspondance,1863, p. 320).
Manger du bout des dents, du bout des lèvres. [Manger] sans appétit et avec une sorte de dégoût (cf. T. Gautier, Le Capitaine Fracasse, 1863, p. 239).
Sourire du bout des dents, sourire du bout des lèvres (A. Dumas Père, Le Comte de Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 341).
Remercier du bout des lèvres. Remercier sans trop ouvrir la bouche, et plus figurément, sans franchise (cf. Stendhal, La Chartreuse de Parme, 1839, p. 302).
Ne pas remuer le bout du petit doigt. Ne pas bouger, ne rien faire pour quelqu'un :
23. Dire que si, en votre qualité d'ange, vous vouliez seulement, remuer le bout de votre petit doigt, vous forceriez, tout bonnement, − en dépit de la niaiserie et de l'injustice des objections possibles, − ... Villiers de L'Isle-Adam, Correspondance,1884, p. 56.
Montrer le bout de l'oreille. Faire une courte apparition, donner son avis dans une discussion, et p. ext. se trahir (cf. Bremond, Hist. littér. du sentiment relig. en France, t. 4, 1920, p. 477).
Se faire tirer le bout de l'oreille. Se faire prier longuement avant de se décider.
Repousser qqn ou qqc. du bout du pied (Billy, Introïbo, 1939, p. 54).
Le bout de nous-mêmes (rare). Le plus profond de nous, notre propre limite (cf. Teilhard de Chardin, Le Phénomène humain, 1955, p. 292).
B.− [Le bout est celui d'un espace d'une certaine étendue, qu'on peut parcourir en marchant droit devant soi]
1. [Il y a deux bouts à raison d'un bout pour chacun des deux sens de la marche] D'un bout à l'autre du pays, de la pièce (Claudel, Le Ravissement de Scapin,1952, p. 1345);aux deux bouts de la terre (Musset, La Confession d'un enfant du siècle,1836, p. 357).
P. ext. Point cardinal, direction de marche. Aux quatre bouts de l'Europe (Pesquidoux, Le Livre de raison,1925, p. 11).
2. [Le bout est considéré par rapport à un seul point de départ : il n'y a qu'un bout, celui qui est en fin de parcours] Point terminal. Bout du chemin, d'une route, etc. :
24. ... dans ce pays peu ravagé par les Parisiens, il était certain d'être à l'abri; la difficulté des communications mal assurées par un ridicule chemin de fer, situé au bout de la ville, et par de petits tramways, partant et marchant à leur guise, le rassurait. Huysmans, À rebours,1884, p. 11.
À tout bout de champ (littéralement). À chaque fois que la charrue arrive au bout du champ. Au fig. Sans arrêt (cf. Musset, Lettres de Dupuis et Cotonet, 1836-37, p. 666).
P. ext. et souvent péj. Le point le plus éloigné. Le bout de la terre, le bout du monde (Voyage de La Pérouse,t. 3, 1797, p. 137).
Au fig. [Pour désigner la limite des appréciations possibles] C'est le bout du monde, ce n'est pas le bout du monde :
25. C'est tout le bout du monde s'il [le jeune Marseillais] va passer une heure au théâtre (...) et encore cette heure il la passe dans les coulisses... Stendhal, Mémoires d'un touriste,t. 2, 1838, p. 406.
Loc. Au bout de.Au bout du jardin (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 142);au bout d'un parc (Sartre, La Mort dans l'âme,1949, p. 279).
Expr. proverbiale. Au bout du fossé la culbute. Se dit d'une personne trop aventureuse qui risque de payer les conséquences de sa témérité.
P. métaph. Être au bout du rouleau. Être à la limite de ses forces.
Rem. Attesté dans la plupart des dict. gén. du xixeet du xxesiècle.
C.− Portion extrême d'un espace de temps, d'une durée, d'une certaine étendue.
1. [Il y a deux bouts, le temps étant considéré comme un espace dont on considère le début et la fin]
Loc. fig. Joindre les deux bouts (de l'an). Ne pas dépenser plus que le revenu dont on dispose d'un bout de l'année à l'autre. Avoir du mal à joindre les deux bouts. Avoir tout juste de quoi subsister :
26. Le cinéma français est également touché par la crise. Les deux piliers de l'industrie cinématographique, Pathé et Gaumont, s'écroulent. L'insécurité, l'incertitude, la crainte, la difficulté de joindre les deux bouts caractérisent alors la condition ouvrière. B. Cacérès, Hist. de l'éduc. pop.,1964, p. 88.
2. [Il n'y a qu'un bout, le temps étant considéré comme une marche irréversible vers son terme]
a) [La durée est celle du mouvement diurne ou annuel de la terre] Au bout de vingt-quatre heures; au bout de la nuit; au bout d'un an, au bout de trente ans; au bout d'un siècle et demi (Taine, Philos. de l'art,t. 1, 1865, p. 6).Les moules sont consommables au bout de deux ou trois ans (A. Boyer, Les Pêches mar.,1967, p. 82).Mettre les jours au bout les uns des autres (A. Dumas Père, Le Comte de Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 162).
Loc. Au bout de l'an. P. méton., bout de l'an, service du bout de l'an. Service que l'on fait solennellement pour un mort à l'époque anniversaire de son décès (cf. Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 98).Au bout de. À l'expiration d'un délai de... Au bout de cinq à six semaines, les vivres vinrent à manquer (Le Petit navire, chanson pop.). Au bout du compte. Après tout, tout considéré (cf. Green, Journal, 1934, p. 174).
b) [La durée est celle de la vie, d'une tranche de vie] Au bout de l'enfance, de l'adolescence; au bout de la vie (Lamartine, Harmonies,1830, p. 425).
En partic. en bonne ou en mauvaise part [La durée est celle d'un effort physique ou moral, d'une épreuve pénible, etc.]
Au bout de + art. déf. (ou adj. possessif, etc.) + subst.Aller jusqu'au bout d'une affaire. Jusqu'à sa conclusion. Aller (jusqu')au bout. Jusqu'à la limite du possible. P. anal. Être au bout de ses économies, de ses provisions, de ses munitions, etc. Voir (ou non) le bout de ses déboires, être (ou non) au bout de ses peines, de ses ennuis. En avoir terminé (ou non) avec eux. Le bout de leur misère (Zola, La Débâcle,1892, p. 399):
27. Les forts n'hésitent pas. Ils s'attablent, ils sueront. Ils iront au bout. Ils épuiseront l'encre, ils useront le papier. Renard, Journal,1887-1910, p. 2.
28. Nos regards prirent la direction qu'indiquait le bras de notre ami, et nous aperçûmes le chevreuil qui gravissait lentement comme un voyageur au bout de ses peines, les pentes douces des prairies dont je viens de parler. La Hétraie, La Chasse, vén., fauconn.,1945, p. 179.
À bout de + subst. art. ou déterminatif
[Désigne la fin d'une chose ou d'une opération] Être à bout d'arguments; être à bout de raisonnement (Stendhal, Lucien Leuwen,t. 1,1836, p. 171);être à bout de course (Mauriac, Les Mal Aimés,1945, p. 104).Venir à bout de qqn ou de qqc. (ennemi, dessein, difficulté, travail). Espérer venir à bout d'obstacles (Fromentin, Dominique,1863, p. 103);venir à bout de tout (Stendhal, Correspondance,t. 1, 1842, p. 43):
29. ... ces terres fortes donnent lieu à des sentiers boueux aux ornières profondes. Longtemps la circulation y a été difficile. Il faut l'effort vigoureux des grands bœufs gascons pour venir à bout des charrois et des labours. Vidal de La Blache, Tabl. de la géogr. de la France,1908, p. 366.
30. Le 17esur leurs talons se jette dans Crosten, mais, bientôt assailli lui-même par les Prussiens reformés, surtout par le régiment de l'électeur qui n'a pas souffert et qui attaque en flanc, le 17e, à bout de cartouches, perd Crosten, se retire sur Beulwitz, où il est d'ailleurs relevé par le 64e; il passe en réserve. Foch, Des Principes de la guerre,1911, p. 300.
[Désigne une partie du corps ou un état psychol.] Être à bout de forces. À la limite de ces dernières. Fig. et pop. Être à bout de nerfs, de patience :
31. ... tout cela nous a fait lâches comme des enfants. Nous étions à bout de forces, à bout d'efforts, à bout de tension nerveuse. Quand la porte s'est ouverte, nous avons dit : « Nous enverrons quelqu'un », et nous nous sommes sauvés. E. et J. de Goncourt, Journal,1862, p. 1115.
32. Calé sur le bureau, la tête dans la main gauche, il dicte ou donne des ordres, à bout de nerfs. Malraux, Les Conquérants,1928, p. 126.
Au fig. et fam. Être à bout de souffle. Être sans ressources (G. et H. Coston, L'A. B. C. du journ., 1952, p. 44). P. ext. et iron. Un harmonium à bout de souffle (L'Enseign. en France, L'Enseign. de la mus. et l'éduc. musicale, t. 2, 1950, p. 9).
Emploi abs., loc. Patience à bout (Sue, Atar Gull,1831, p. 6).Être, mettre, pousser à bout :
33. Le Sénat laissait aux proconsuls d'autres moyens de s'enrichir eux-mêmes. Ils se saisissaient du blé des habitants, le taxaient à un prix énorme et affamaient le pays. De pareilles vexations auraient poussé à bout des hommes plus pacifiques. Michelet, Hist. romaine,t. 2, 1831, p. 106.
Rem. À bout de est plus général que au bout de, comme le montre l'absence ou la présence d'un art. ou d'un déterminatif devant le complément.
II.− [Le bout est une chose ou un être relativement petit, de forme allongée; gén. introduit par un compl. sans art., indiquant en quoi consiste le bout]
A.− [Le bout est le résidu d'un processus d'épuisement; la partie principale a disparu] Bouts de chandelle. Menus morceaux de chandelles subsistant une fois qu'elles ont fini de servir.
Loc. fig. Faire des économies de bouts de chandelles. Faire des épargnes ridicules sur de très petites choses (cf.Balzac, Les Petits bourgeois, 1850, p. 48).
Rem. 1. Dans cette loc. chandelle désigne à la fois l'objet chandelle et la matière de cet objet. D'où la position de transition de cette constr. entre les emplois I et II. 2. On pourrait placer ici les constr. mentionnées supra sous I C 2 b : être à bout de souffle indique en effet que les réserves de souffle sont en train de s'épuiser (fin de processus).
B.− [Le compl. est explicité] Fragment détaché (ou censé détaché) de l'extrémité d'une chose ou d'un espace allongé; p. ext., petit morceau, fragment de quelque chose.
1. [Le bout est celui d'un objet matériel ou culture] Bout de bois, de terrain; bout de fil de fer, de papier; bout de sermon, bout de messe :
34. Et, dans le calme brusque qui se fit, on distingua, au fond de l'arrière-boutique, la voix épaisse de Coupeau. Il restait bon enfant, il riait tout seul, en lâchant des bouts de phrase. Zola, L'Assommoir,1877, p. 514.
35. Dès qu'il fut entendu que nous partagerions, soldats, les commodités relatives du bastion avec ces vieillards, ils se mirent à nous détester à l'unisson, non sans venir toutefois en même temps mendier et sans répit nos résidus de tabac à la traîne le long des croisées et les bouts de pain rassis tombés dessous les bancs. Céline, Voyage au bout de la nuit,1932, p. 112.
Arg. Tailler un bout de gras, discuter le bout de gras. Faire un brin de conversation, parler d'une affaire :
36. Tandis qu'ils [le chêne et le roseau] discutaient l'bout [d'] gras, Le temps tourna à la godille. Marcus, 15 fables célèbres (racontées en arg. par Marcus)1947, p. 4.
2. [Le bout est celui d'un mouvement spatial, d'un espace] Un bout de chemin (Becque, Les Corbeaux,1882, p. 140);faire un bout de conduite à qqn (Pesquidoux, Le Livre de raison,1932, p. 27):
37. Parfois, le dimanche, lorsqu'il faisait beau, Camille forçait Thérèse à sortir avec lui, à faire un bout de promenade aux Champs-Élysées. La jeune femme aurait préféré rester dans l'ombre humide de la boutique; elle se fatiguait, elle s'ennuyait au bras de son mari qui la traînait sur les trottoirs en s'arrêtant aux boutiques avec des étonnements, des réflexions, des silences d'imbéciles. Zola, Thérèse Raquin,1867, p. 61.
P. antiphrase valorisante. Un bon bout de chemin. Une grande distance.
P. méton., CIN. Un bout d'essai. ,,Bout de pellicule impressionnée, prélevée à la fin d'un plan, par l'assistant-opérateur, et développé immédiatement pour le contrôle de la prise de vue`` (G. Cohen, Séat, Essai sur les principes d'une philos. du cin., introd. gén., Nomenclature cinématographique, 1946, p. 196).
3. [Le bout est celui d'un espace de temps, d'une durée] Un bout de journée; un bout de temps (Colette, Julie de Carneilhan,1941, p. 27).
C.− Emploi abs. [Sans compl. prép.]
[Le bout désigne une partie du corps] S'en aller par petits bouts.
Au fig. et pop. Mettre les bouts (de bois : proprement les jambes). Se sauver rapidement (cf. Céline Mort à crédit, 1936, p. 209).
III.− [En constr. expressive] (Un) bout de (+ subst. d'inanimé ou d'animé).Petit.
A.− [Le compl. désigne un inanimé : chose ou opération] Écrire un bout de lettre Écrire une petite lettre; faire un bout de toilette Faire une toilette sommaire :
38. − Ne conviendrait-il pas, messieurs, de nous rendre tous autour du lit du blessé, et ensuite de faire une consultation? Je ferai dresser un bout de procès-verbal de ce qui sera dit, et je le porterai à M. le Ministre de l'Intérieur. Stendhal, Lucien Leuwen,t. 2, 1836, p. 353.
B.− Dans le lang. affectif [Le compl. désigne un animé : notamment un enfant, une femme] Un bout d'homme, un bout de chou (ou bout'chou), un bout de zan :
39. Les hommes de lettres ont fait le tour des idées, et ils finissent par se marier avec de pauvres petits bouts de femmes laides. Renard, Journal,1897, p. 402.
[Avec ell. du compl.] Un petit bout, un gentil petit bout.
Rem. 1. Dans ces constr. où bout de signifie « petit », il y a anticipation expressive du subst. bout exprimant une qualification; en synt. non expressive ou aurait une constr. d'attribut ou d'appos. : une lettre qui n'est qu'un bout (de papier) devient en synt. expressive un bout de lettre; un chou (« petit enfant ») qui n'est qu'un bout (d'homme) devient en synt. expressive : bout de chou. Cf. les tournures usuelles comme mon gendarme de mari, issu par anticipation expressive du qualificatif gendarme. de : mon mari qui est un gendarme. 2. Littré et Nouv. Lar. ill, enregistrent le subst. masc. boudrillon appliqué p. plaisant. au duc de Saint-Simon et qui désigne un homme de petite taille.
PRONONC. − 1. Forme phon. : [bu]. Les dict. soulignent que le t ne se prononce que devant une voyelle. 2. Homon. et homogr. boue, (je, tu) bous et (il) bout (du verbe bouillir). Enq. : /bu/.
ÉTYMOL. ET HIST. − A.− Ca 1121 « coup » (St Brandan, éd. E.G.R. Waters, Oxford, 1928, 1025) − seulement au Moy. Âge. B.− 1. 1180-1200 « extrémité d'un objet » (Aliscans, 166 dans T.-L.); spéc. subst. 1288 « avant, proue d'un navire » (Jacquemard Gielee, Renart le Nouvel, 5032 dans T.-L.) loc. 1268-71 bout à bout « sans avantage de part ni d'autre » (E. Boileau, Métiers, 316, ibid.) − xives. (Gdf. Compl.); 1573 id. « extrémité contre extrémité, les extrémités se rejoignant » (A. Paré, Des Monstres et Prodiges, éd. Malgaigne, Paris, 1841, III, 42); 1718 mettre bout à bout « énumérer » (Ac.); xives. a chaque bout de champ « à chaque instant » (Troilus, IV dans Gdf. Compl. : Ainsi que font les coqs a chacun bout de champ [chant?]) − hapax; 1580 (Montaigne, I, 40 dans Littré); 1636 à tout bout de champ (Monet, Invantaire des deus lang., françoise et latine, Lyon); 1468 prendre qqn par le bon bout (G. Chastellain, Chron. des ducs de Bourgogne, II, ch. 25 dans Littré); a) p. anal. xves. « fin d'une durée » (Alain Chartier, Le Débat du Réveille matin dans Littré : Dont j'ai souffert tant longuement Dure peine ... Et si n'en puis trouver le bout); loc. xves. venir à bout de (Froissart, I, 1, 315, ibid.); 1616-20 être à bout de (D'Aubigné, Hist., II, 305, ibid.); b) p. ext. 1538 « ce qui garnit l'extrémité de certaines choses » (Est.); 2. 1580 « morceau qui reste de quelque chose » (Montaigne d'apr. FEW t. 15, 1, p. 216b); 1680 (Rich. : Un bout de chandelle); d'où p. anal. 1561 (Du Bellay, V. 8, verso dans Littré : Petit bout d'homme). Dér. de bouter*; A de bouter « frapper »; B bouter « pousser ».
STAT. − Fréq. abs. littér. : 17 938. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 15 553, b) 32 571; xxes. : a) 31 629, b) 26 542.
BBG. − Mat. Louis-Philippe 1951, p. 145. − Quem. 2es. t. 3 1972, p. 27; t. 4 1972, pp. 32-33. − Reid (T. B. W.). The Dirty end of the stick. In : [Mél. Orr (J.)]. R. Ling. rom. 1967, t. 31, pp. 55-63. − Rog. 1965, p. 118, 134. − Walt. 1885, p. 79.