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BÊTE1, subst. fém.
I.− Usuel. Être appartenant au règne animal autre que l'homme. Bête à quatre pieds (Ac. 1798-1932, Besch. 1845); bête brute (Ac. 1798-1932, Besch. 1845, Lar. 19e, Nouv. Lar. ill.); belle bête :
1. Quand le gouverneur d'un roi enfant dit à son élève jadis : maître, tout est à vous; ce peuple vous appartient corps et biens, bêtes et gens; faites-en ce que vous voudrez; cela fut remarqué. Courier, Pamphlets politiques,Simple Discours à l'occasion d'une souscription pour l'acquisition de Chambord, 1821, p. 75.
2. Un de ces sauvages allait m'enfiler avec sa lance, Renard le voit, pousse son cheval entre nous deux pour détourner le coup; sa pauvre bête, un bel animal, ma foi! reçoit le fer, ... Balzac, Le Médecin de campagne,1833, p. 248.
SYNT. (indiquant notamment des variétés de bêtes, le classement morphol. correspondant généralement à un classement sém.). 1. Mode de vie. Bête + adj. Bête farouche. ,,Il savait (...) apprivoiser les bêtes farouches`` (Flaubert, Salammbô, t. 1, 1863, p. 28). Bête fauve. ,,Dans l'état de nature, un adolescent pourvoit déjà à ses besoins : il harponne le poisson au fond des eaux, il abat d'un coup de flèche l'oiseau au haut des airs, il atteint la bête fauve à la course`` (Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature, 1814, p. 292). Bête féroce. ,,Je n'ai vu jusqu'à présent aucune bête féroce`` (Flaubert, Correspondance, 1860, p. 238). Bête carnassière. ,,Les Bêtes carnassières Viendront, la nuit, hurler sur le corps encor chaud, Et les oiseaux plonger leurs becs dans ses paupières`` (Leconte de Lisle, Poèmes barbares, La Vigne de Naboth, 1878, p. 29). Bête domestique. ,,... les jeux des bêtes domestiques`` (Pesquidoux, Le Livre de raison, 1928 p. 254). Bête marine. ,,Les bêtes marines se mettent à palpiter des nageoires`` (Flaubert, La Tentation de st Antoine, 1849, p. 408). Bête aumaille. Se dit ,,des bêtes pâturant en forêt`` (Plais. 1969). Bête nuisible. ,,L'extermination des bêtes nuisibles commença dans le parc`` (Giraudoux, Bella, 1926, p. 109). 2. Usage qu'en fait l'homme : a) [l'usage procède directement d'une propriété de la bête] Bête + à + subst. concr. Bête à poil, bête à plume; rare, bête de plume, de poil (cf. Verne, L'Île mystérieuse, 1874, p. 78). Bête à cornes; bête à laine; bête à lait. ,,Mais ce n'était pas là ses seules bêtes à cornes; il ne comptait pas ce qu'il appelait ses « bines » et ses « manes ». Augustin apprit qu'à côté des bêtes à lait, cheptel proprement dit des exploitations rurales, d'autres animaux s'achètent au printemps, se revendent à l'automne, et s'engraissent dans l'intervalle`` (Malègue, Augustin, t. 1, 1933, p. 198); b) [l'usage ne procède pas directement d'une propriété de la bête] Bête + de + subst. concr. ou abstr. Bête de trait. ,,... sur tout le pourtour du bassin oriental de la Méditerranée? Bêtes de bât et bêtes de trait (le chameau est attelé aux arabas dans le cap Bon) sont innombrables`` (M. Wolkowitsch, L'Élevage dans le monde, 1966, p. 41). Bête de bât (Id., ibid.). Bête de somme. Bête destinée à transporter des fardeaux. ,,Le lama fut l'unique bête de somme des anciennes civilisations américaines`` (Vidal de La Blache, Principes de géogr. hum., 1921, p. 223). Bête de boucherie (M. Wolkowitsch, L'Élevage dans le monde, 1966, p. 167). Bête d'élevage; bête d'engraissement (Id., ibid.).
Loc. proverbiales
Au temps où les bêtes parlaient (Soulié, Les Mémoires du diable, t. 2, 1837, p. 57). Il y a très longtemps, au temps où le merveilleux était chose quotidienne.
Chercher la petite bête. S'efforcer de trouver la moindre petite erreur, le plus petit détail qui permette de critiquer quelqu'un ou quelque chose :
3. « ... je vous dirai que je n'aime pas beaucoup chercher la petite bête et m'égarer dans des pointes d'aiguilles; on ne perd pas son temps à couper les cheveux en quatre ici, ce n'est pas le genre de la maison », répondit MmeVerdurin que le docteur Cottard regardait avec une admiration béate et un zèle studieux se jouer au milieu de ce flot d'expressions toutes faites. Proust, Du côté de chez Swann,1913, p. 213.
Reprendre du poil de la bête. Se ressaisir, reprendre le dessus. ... un révolutionnaire éreinté qui reprend du poil de la bête (A. Arnoux, Roi d'un jour,1956, p. 41).
II.− Emplois spéciaux (cf. aussi supra synt.)
A.− Au sing.
1. RELIG., MYTH.
a) La bête (de l'Apocalypse). Animal fantastique que décrit St Jean et qui représente, pense-t-on, l'Antéchrist.
Au fig. Une chose horrible, épouvantable.
Ironique :
4. Je suis accablé, j'écris mon discours; je le lis demain; puis le 1eravril. J'attends Marianne ce soir; j'emménage, je meuble, j'organise, ce qui est une des sept bêtes de l'Apocalypse. Lamartine, Correspondance,1830, p. 17.
b) La bête (du Gévaudan). Animal qui sema la terreur dans une grande partie de la France de 1765 à 1787 et qui se révéla être un loup cervier. Le temps n'était plus de la bête du Gévaudan (Pourrat, Gaspard des montagnes,Le Pavillon des amourettes, 1930, p. 218).
c) Absol. La bête. Animal mythique dont on menace les petits enfants pour leur faire peur. Si tu cries encore, je fais venir la bête (Lar. 19e, Lar. 20e).
2. JEUX
a) La bête, la bête hombrée. Ancien jeu de cartes ressemblant au jeu de l'hombre, qui se jouait avec un jeu de piquet à trois et jusqu'à sept joueurs. Jouer à la bête (Ac. 1798-1932, Besch. 1845) :
5. ... on allait faire une longue promenade pour aider la digestion, et en rentrant on ferait une partie de bête hombrée pour attendre le repas du soir, ... Brillat-Savarin, Physiol. du goût,1825, p. 379.
b) P. méton. La mise, la somme qu'on engage au jeu de la bête. Mettre sa bête. ,,Déposer l'enjeu`` (Besch. 1845, Ac. 1878-1932, Guérin 1892). Ma bête est sur le jeu (Ac. 1798-1932, Besch. 1845).Tirer la bête, gagner la bête. ,,Gagner les coups`` (Ac. 1798-1932, Besch. 1845).
c) Faire la bête (Ac. 1798-1932, Besch. 1845, Guérin 1892).
Perdre au jeu de la bête, c'est-à-dire gagner moins de trois levées.
P. ext. Perdre à n'importe quel jeu de cartes (cf. Esn. 1966).
Remonter sur sa bête (Ac. 1798-1878, Besch. 1845, Lar. 19e). Gagner le coup suivant celui où on a fait la bête, regagner l'enjeu qu'on avait perdu, se « refaire ».
Au fig. Recouvrer l'avantage, ,,réparer une perte, un mécompte, une mésaventure`` (Littré, Guérin 1892) :
6. On a été si content au café de Fleurus de te savoir remonté sur ta bête, qu'on t'a conservé ton assiette au dîner et qu'on a tiré pour toi à la loterie... E. et J. de Goncourt, Manette Salomon,1867, p. 224.
B.− Au plur. Les bêtes.
1. HIST. ROMAINE
a) Les bêtes féroces que les Romains faisaient combattre dans les cirques. Combat de bêtes (Ac. 1798-1835, Besch. 1845, Rob.).
b) Les bêtes féroces auxquelles ils livraient les premiers chrétiens. Les chrétiens livrés aux bêtes (Bloy, La Femme pauvre,1897, p. 52).
P. métaph. Être condamné aux bêtes ou être livré aux bêtes. Être livré à un jugement, à une critique féroce et sans pitié :
7. On me dénoncera, mais vous êtes là, et vous empêcherez que je ne sois livré aux bêtes pour avoir fait, malgré le roi, ce que le roi veut, et qui importe au salut de l'armée. Courier, Lettres de France et d'Italie,1825, p. 706.
2. [Vie rurale]
a) Les animaux domestiques de la ferme. Donner à manger aux bêtes; nourrir les bêtes; s'occuper des bêtes :
8. Certes Geneviève met la main à l'ouvrage elle-même et on la voit parfois, comme elle commande, qui aide. Taillant le pain pour les enfants et portant le fourrage aux bêtes, ... Claudel, Feuilles de Saints,Sainte Geneviève, 1925, p. 632.
b) Fam. La vermine : insectes nuisibles, vers, chenilles, etc. Les bêtes, certaines années, mangent tous les fruits (Nouv. Lar. ill.);lit infesté de bêtes (Nouv. Lar. ill.).
C.− Au sing. et au plur.
1. CHASSE, VÉN. Bête poursuivie à la chasse.
a) [La spécification est donnée par la situation] Détourner la bête (Ac. 1878-1932, DG); relancer la bête (Ac. 1798-1932); la bête donne le change (Ac. 1835-1932); la bête est dans les filets, dans les toiles (Ac. 1798-1932).
b) [La spécification est donnée par un adj. ou un compl. prép.]
Bête douce (cerf, chevreuil, biche), bête fauve (cerf, chevreuil, daim), bête broutante (chevreuil, chamois, bouquetin), bête mordante (loup, renard), bête noire (sanglier), bête rousse (jeune sanglier entre six mois et un an, loup, renard), menues bêtes (lièvres, renards), grandes bêtes (cerfs, daims, chevreuils), bête puante (renards, blaireaux, putois) :
9. Il louchait un peu et ne regardait jamais personne. Dans la race humaine, il me faisait l'effet de ce que sont les bêtes puantes chez les animaux. C'était un putois ou un renard, ce galopin-là. Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, Le Garde, 1884, p. 978.
Bête de compagnie (jeune sanglier qui vit en bande; s'emploie aussi au fig. pour des pers.); bête de proie.
Rem. Les syntagmes ci-dessus sont cités par la majorité des dict. gén. et les dict. techn. de chasse Baudr. Chasses 1834 et Remig. 1963.
P. métaph. [En parlant de l'attitude d'une pers., ressemblant à celle d'une bête pourchassée] Bête à l'affût. ,,On eût dit une bête à l'affût`` (G. Leroux, Le Parfum de la Dame en noir,1908, p. 102).Bête traquée. ,,Et je mène cette vie de bête traquée, sans une cache qui soit sûre, embusqué toujours ou blotti, dangereux et poursuivi, menaçant et menacé`` (Claudel, L'Otage,1911, I, 1, p. 233).Bête aux abois; bête prise au piège, dans les filets, dans les toiles. ,,Dans les yeux de Gaubert il y a le regard de la bête prise au piège`` (Giono, Regain,1930, p. 158).
2. ZOOL. POP. (dénomination vulg. de bêtes à dénominations sc. variables)
a) [La spécification est indiquée par un adj.] Bête rouge (Ac. Compl. 1842, Lar. 19e, Littré, Guérin 1892, DG). Puce d'Amérique du genre acarus. Bête noire (Lar. 19e, Littré, Guérin 1892, DG). Insecte du type ténébrion, grillon domestique, blatte.
b) [La spécification est donnée par un compl. prép.] . Bête à bon Dieu, ou bête à Martin ou encore vache à Dieu. ,,Sous des feuilles de rosier, je trouve une bête à bon Dieu`` (E. et J. de Goncourt, Journal,1893, p. 410).Bête à feu (Lar. 19e, Littré). Lampyre, taupin, scolopendre, ver luisant. Bête à la grande dent (Littré, DG). Morse. Bête à patates. ,,Doryphore`` (Dul. 1968). Bête de la mort (Lar. 19e, Littré, DG). Espèce de blaps; chouette, en partic. effraie.
III.− Emplois p. anal.
A.− [Pour désigner un obj., p. anal. avec un trait caractéristique des bêtes]
1. Un train, une locomotive :
10. ... quand, après avoir dit adieu à nos deux amis Fritz et Luigi, nous sommes montés dans notre wagon; on a fermé la portière, la bête de fer a renâclé comme un cheval qui piaffe, et nous sommes partis. Flaubert, Par les champs et par les grèves,1848, p. 163.
2. Rare. Une motocyclette. Leurs motocyclettes, petites bêtes dangereuses et nickelées (Morand, Londres,1933, p. 145).
3. P. ext. Un objet inconnu, indéterminé. Quelle bête est-ce là? (Rob.).
B.− [Pour désigner une pers. p. anal. avec un trait caractéristique des bêtes]
1. [P. réf. à l'aspect ou au comportement phys. des bêtes] (Regarder), examiner qqn comme une bête curieuse. ,,Le vieux monsieur (...), m'examina comme une bête curieuse`` (About, Le Roi des montagnes,1857, p. 292).(Être) nu comme une bête. ,,Elle les [mineurs] voyait mal, à la lueur rougeâtre des lampes, entièrement nus comme des bêtes`` (Zola, Germinal,1885, p. 1398).Faire la bête à deux dos. Image érotique tirée de Rabelais pour décrire l'acte sexuel :
11. Franchement, je ne vois pas quelle lecture peuvent s'interdire des femmes mariées qui font, ou ont le droit de faire la bête à deux dos toutes les nuits. Renard, Journal,1890, p. 58.
Rem. Certaines anal. sont à la fois physiques et morales cf. l'expr. bête de race : ,,Cette nature toute de feu et de glace d'Élisabeth ne pouvait admettre le tiède... Bête de race elle était, bête de race elle voulait Paul`` (Cocteau, Les Enfants terribles, 1929, p. 69).
2. [P. réf. au niveau moral ou intellectuel des bêtes]
a) Péjoratif
[P. réf. à la répulsion qu'inspirent certaines bêtes] Être la bête d'aversion, la bête noire de qqn. Être la personne, la chose qu'on déteste par dessus tout. ,,L'Empereur était sa bête noire`` (G. Sand, Histoire de ma vie, t. 2,1855, p. 345).
Proverbe. Morte la bête, mort le venin. (T. Gautier, Le Capitaine Fracasse, 1863, p. 345). Un ennemi mort ne peut plus être nuisible.
[En parlant de l'intelligence d'une pers.] Être une bête. Être sot, inintelligent :
12. Personne ne doutait au Ministère que le père Saillard ne fût une bête, mais personne n'avait jamais pu savoir jusqu'où allait sa bêtise. Balzac, Les Employés,1837, p. 48.
Faire la bête. Affecter la bêtise. Voyons, ne fais pas la bête (Zola, L'Œuvre,1886, p. 190).
[En parlant de la méthode de travail] Être une bête à concours. Se dit d'un écolier, étudiant, artiste qui travaille avec acharnement pour obtenir des concours.
Proverbe. Quand Jean Bête est mort, il a laissé des héritiers (Ac. Compl. 1842, Besch. 1845, Lar. 19e, Littré, Nouv. Lar. ill.).
b) Laud. [P. réf. à la sympathie qu'inspirent certaines bêtes] C'est une fine bête, une maligne bête (Ac. 1835-1932, Besch. 1845, Littré, Guérin 1892); c'est une bonne bête (Ac. 1932, Besch. 1845, Guérin 1892, Littré).
c) Arg. [En parlant d'une pers.] Bête à cornes (France 1907). Mari trompé. Bête à pain. Protecteur, dans le langage des prostituées. On en trouve à gogo des bêtes à pain quand on sait s'y prendre! (Huysmans, Les Sœurs Vatard,1879, p. 103).
3. [P. réf. au niveau spirituel présumé des bêtes] Partie animale dans l'homme, celle des instincts et de la sensualité, que les philosophes opposent traditionnellement à la partie spirituelle, à l'âme. Je me suis aperçu, par diverses observations, que l'homme est composé d'une âme et d'une bête (X. de Maistre, Voyage autour de ma chambre,1794, p. 13).Le paysan sans religion est une bête féroce (Chateaubriand, Génie du Christianisme, t. 2, 1803, p. 374).C'était comme sa bête brute de Coupeau (Zola, L'Assommoir,1877, p. 751).
Vivre en bête, mourir en bête (Ac. 1798-1932, Besch. 1845, Lar. 19e, Lar. 20e). Vivre, mourir sans le concours de la religion.
Proverbe. Qui veut faire l'ange fait la bête. Maxime tirée de Pascal; celui qui veut trop s'élever au-dessus de la condition humaine, risque de retomber beaucoup plus bas encore (expr. citée par Alain, Propos, 1914, p. 189).
PRONONC. : [bεt]. Passy 1914 indique [bε:t]. Pour Grammont Prononc. 1958, p. 38 la voyelle est longue, mais moins que devant consonne allongeante (r, z, z̆, v, ou y final). Enq. : /bet, (D)/.
ÉTYMOL. ET HIST. − V. bête2.