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BÂTARD, ARDE, adj. et subst.
I.− Adj. ou subst. [En parlant d'une pers.]
A.− Emploi adj. Qui est né de parents dont l'union n'est pas reconnue par la loi. Synon. naturel, illégitime :
1. Dites-lui, si vous en avez le courage, que je ne lui en veux pas de m'avoir fait bâtard; qu'au contraire je préfère ça à savoir que je suis né de vous. Gide, Les Faux-monnayeurs,1925, p. 944.
B.− Emploi subst. :
2. L'enfant né d'un commerce entre personnes libres de s'unir par un lien subséquent, est plutôt illégal qu'illégitime; mais l'enfant né de personnes séparément engagées dans le mariage, est adultérin, ou absolument illégitime, illégal, et contre la nature de la société domestique et publique : de là vient que le bâtard peut être reconnu par le pouvoir public, ou légitimé, et que l'adultérin ne peut pas l'être. Bonald, Législ. primitive,t. 2, 1802, p. 31.
3. Tous les seigneurs de la cour de Charles VII, et principalement le bâtard d'Orléans, ce beau Dunois, légitimé par la victoire, comme dit Duclos, se firent remarquer par leur bravoure et leur galanterie. Jouy, L'Hermite de la Chaussée d'Antin,1813, p. 7.
4. Elle avait ainsi vécu quinze ans, avec un enfant légitime et deux bâtards, au milieu du vacarme et du caprice, ... Zola, Le Docteur Pascal,1893, p. 70.
En partic. Simple bâtard. Né de parents dont aucun n'est marié. Bâtard adultérin. Né de parents dont l'un au moins est marié.
II.− Adjectif
A.− [En parlant d'un animal]
1. Qui n'est pas de race pure. Synon. métis, hybride.
[Sans nuance péj.] Lévrier bâtard. Lévrier issu du croisement de l'espèce des lévriers et de celle des mâtins. Bâtard anglais. Chien issu d'une lice française et d'un chien anglais ou d'une lice anglaise et d'un chien français. Emploi subst. [Avec une nuance péj.] Cet affreux bâtard de mâtin et d'épagneule (H. Bazin, Vipère au poing,1948, p. 65).
2. Dont la qualité intrinsèque est amoindrie.
ÉLEVAGE
Vache bâtarde. Vache dont le rendement de lait diminue au moment d'une deuxième portée.
Rem. Attesté dans la plupart des dict. généraux.
Laine bâtarde. Seconde laine levée sur l'animal.
Rem. Attesté dans Besch. 1845, Littré, Guérin 1892, DG.
B.− [En parlant d'un végétal]
1. [Se dit d'un arbre, d'une plante, d'un fruit dégénérés] Olivier bâtard; tulipe bâtarde; reinette bâtarde.
2. Qui n'est pas greffé. Rosier bâtard (Ac. 1932). Synon. sauvage.
C.− [En parlant d'une chose concr. ou abstr.]
1. Qui est de caractère intermédiaire entre deux genres différents ou opposés :
5. Le genre bâtard, c'était la tragédie faux antique de Racine. Le drame est vrai, puisque, dans une action tantôt comique, tantôt tragique, suivant les caractères, il finit avec tristesse comme la vie des hommes puissants de caractère, énergiques de passion. Vigny, Le Journal d'un poète,1836, p. 1043.
6. ... l'artiste qui oserait emprunter à la seule nature ses éléments, ne produirait qu'une œuvre bâtarde, sans vérité, sans style, ... Huysmans, À rebours,1884, p. 150.
7. « Les médecins, dit avec sagesse M. Brissaud, sont coupables de conserver − et surtout d'inventer des formes bâtardes, métissées de grec et de latin, dans les cas où le fond de notre langue suffirait amplement »; ... Gourmont, Esthétique de la lang. fr.,1899, p. 39.
8. L'aquarelle est aussi un genre bâtard. Si la couleur y triomphe de la ligne, ce n'est plus ni peinture ni dessin. Alain, Système des beaux-arts,1920, p. 286.
Emplois spéc.
a) ARCHIT. Porte bâtarde. Porte intermédiaire entre la porte cochère et la petite porte :
9. La porte cochère... était la porte légitime de l'auberge Tadcaster et avait à côté d'elle une porte bâtarde par où l'on entrait. Hugo, L'Homme qui rit,t. 2, 1869, p. 112.
b) ARM. Épée bâtarde. Épée avec laquelle on pouvait frapper d'estoc ou de taille.
c) BOULANGERIE. Pâte bâtarde. Pâte qui n'est ni dure ni molle.
d) HORLOG. et SERR. Lime bâtarde. Lime dont la taille n'est ni rude ni douce.
e) IMPR. Caractère bâtard. Type de caractères d'imprimerie imitant les lettres d'écriture dite bâtarde.
f) MAR. Marée bâtarde. Petite marée des quadratures. Voile bâtarde. Grande voile d'une galère qui n'est employée que lorsqu'il y a très peu de vent.
g) PALÉOGR. Écriture bâtarde ou subst. la bâtarde. Écriture intermédiaire entre la ronde et la cursive :
10. Vous êtes priées, mesdemoiselles, d'exécuter une ligne de grosse cursive, une de moyenne cursive, une de fine cursive, une de grosse ronde, une de moyenne ronde, une de ronde fine, une de grosse bâtarde, une de moyenne et une de fine. Colette, Claudine à l'école,1900, p. 198.
h) TECHNOL. (Sucrerie). Sucre bâtard ou, absol. bâtard. Sucre grossier à l'état solide produit par des sirops qui sont le résidu d'un raffinage précédent. Bâtarde. Forme spéciale pour obtenir le sucre bâtard.
2. MAR. Se dit de deux objets tout à fait semblables de dimensions et de forme. Des canots bâtards; des voiles bâtardes.
Pièces bâtardes ou subst. les bâtardes. Nom donné aux canons montés à bâbord et à tribord des anciennes galères.
Prononc. : [bɑta:ʀ], fém. [bɑtaʀd]. Dub. transcrit [bata:ʀ].
Étymol. ET HIST. − Adj. et subst. 1. a) 1089 bastard anthropon. « (celui) qui est né hors du mariage » (Domesday-Book, 113b dans Hildebrand, Über das frz. Sprachelement im Liber Censualis dans Z. rom. Philol., t. 8, p. 330 : Bastard, Robert); ca 1150 (Thèbes, éd. L. Constans, 150 dans T.-L. : Plus de cent feiz l'ont apelé Fil a putain, bastart geté); 1680 bâtard (Rich.); b) p. anal. 1690 « qui n'est pas de race, d'espèce pure » ici fauconn. (Fur. : Bastard [...] se dit de l'oiseau qui tient de deux especes, comme de sacre et de lanier), empl. princ. en bot. (Ibid.) et zool. (Ac. 1694); 2. 1265 fig. « qui a subi une transformation qui l'amoindrit : ici d'une charrette sans ferrure » (Reditus comit. Hannon. ex Cam. Comput. Insul. dans Du Cange t. 1, p. 597c : Li karette s'elle est fierée, et s'elle est Bastarde, ij. den.); spéc. 1529 lettre bastarde (G. Tory, Champfleury, LXXII, voal 3). Mot attesté en lat. médiév. sous la forme bastardus, dep. 1010, domaine cat. [une grande part. de la Catalogne était incluse dans la Marche d'Espagne à l'intérieur de l'Empire franc] (Valls i Taberner, Els origens dels comtats de Iallars i Ribagorça, p. 38 dans GMLC); cf. 1074-76, bastardus surnom appliqué à Guillaume le Conquérant (Adam de Brême, Gest., 3, 52 dans Mittellat. W. s.v., 1391, 25). L'orig. de bastardus est obsc. Selon l'hyp. la plus vraisemblable (Lothar Wolf, v. bbg.), il serait empr. au germ. *banstu- à travers les formes propres au domaine ingvéon [germ. de la mer du Nord : a. fris., a. sax., d'où a. angl.] qui ont subi la chute de la nasale devant une fricative, comme l'a. fris. bōst « union conjugale » (v. aussi De Vries Anord., s.v. Bestla); il conviendrait alors de supposer à côté de l'a. fris. bōst une forme à voyelle non assourdie *bast; le germ. *banstu- qui aurait pu signifier « mariage avec une seconde femme de rang plus bas » se rattache à la racine i.-e. *bhendh- « lier » (cf. IEW t. 1, p. 127); à ce rad. a été joint le suff. -ard* des anthropon. germ., la nuance péj. est peut-être due à la condamnation de la polygamie germanique par la morale chrétienne. Supposant le même point de départ germ., mais remarquant le petit nombre de mots ingvéons passés en gallo-rom. (cf. cependant épeautre) V. Günther dans FEW t. 15, 1, p. 74b préfère expliquer bastard par l'a. nord. *bástr, forme qui n'est cependant pas attestée. L'hyp. de bastard issu du syntagme fils, fille de bast (xiiies. dans Gdf.), littéralement « conçu ou né sur un bât » c.-à-d. au hasard de la vie des muletiers (Diez5; Spitzer, v. bbg.) altéré ultérieurement en fils de bas, lat. bassus (Du Cange t. 1, p. 596c) fait difficulté des points de vue chronol. et géogr. (le suff. et la localisation des plus anc. attest., v. aussi Mittellat. W. s.v., semblant plaider pour une orig. germ. et non mérid.) et paraît incompatible avec les plus anc. attest. lat. où le mot est dépourvu de valeur affective. Pour cette dernière raison, l'hyp. d'un étymon got. *bansti « grange » (Brüch, v. bbg.; REW3) fait aussi difficulté.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 523. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 991, b) 943; xxes. : a) 649, b) 480.
BBG. − Brüch (J.). Bemerkungen zum französischen etymologischen Wörterbuch E. Gamillschegs. Z. fr. Spr. Lit. 1927, t. 49, p. 300. − Duch. 1967, § 48. − Gottsch. Redens. 1930, p. 401. − Hall (R. A.). L'Etimologia di bastardo. Rom. Forsch. 1962, t. 74, pp. 111-112. − Pope 1961 [1952], § 26, 784. − Roques (M.). Enfant de la balle. In : Mél. Michaëlsson (K.). Göteborg, 1952, pp. 403-404. − Spitzer (L.) Aprov. saludar de lonh − altfrz. fils de bast, bastart. Z. rom. Philol. 1931, t. 51, pp. 291-296. − Wolf (L.). Afr. bastart − fils de bast. Ein Ingwäonismus im Galloromanischen. Z. rom. Philol. 1965, t. 81, pp. 310-324.