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AUBE1, subst. fém.
A.− Moment qui précède l'aurore, où la lumière du soleil levant commence à blanchir l'horizon; point(e) du jour.
1. Fréq. dans la lang. littér. :
1. Quelques prisonniers qu'on ramenait, des uhlans sombres, drapés de leurs grands manteaux, refusèrent de parler. Et le petit jour, une aube livide de matinée pluvieuse se leva, dans l'attente qui continuait énervée d'impatience. Zola, La Débâcle,1892, p. 108.
2. Déjà la vie ardente incline vers le soir, Respire ta jeunesse, Le temps est court qui va de la vigne au pressoir, De l'aube au jour qui baisse. A. de Noailles, Le Cœur innombrable,Le Temps de vivre, 1901, p. 185.
SYNT. a) Aube + adj. Aube blanche, bleue, grise, jaune, noire, rouge, rougeâtre, rougissante, verdâtre, vermeille, verte; aube argentée, blafarde, blême, claire, éblouissante, éclatante, flamboyante, incolore, lactée, laiteuse, livide, pâle, resplendissante; aube candide, cruelle, exaltante, languide, morose, plaintive, pure, romantique, sereine, sournoise; aube brutale, éternelle, fugitive, indécise, prochaine, tardive, vacillante; aube fraîche, frissonnante, froide, grelottante, tiède, torride. b) Aube + prép. + subst. Aube du jour, d'un lendemain; aube d'automne, d'avril, d'été, d'hiver; aube d'azur, de boue, de sang et de larmes. c) Aube + verbe. L'aube croît, émerge, s'éveille, fleurit, grandit, se lève, naît, paraît, pointe. − PARAD. Clarté, frange d'or, lumière, lueurs, rayon, reflet; l'argent de, l'azur, blancheur, le blême, blêmeurs, le bleu, demi-clarté, faux-jour, lividité, pâleurs; deuil, grisaille, gris de l'aube, éblouissement, éclat, gloire; annonce, approche, attente, chute, crépuscule, éclatement, éveil, jaillissements, montée, pointe; brouillard, froid (petit), gel, nuées, rosée, vapeurs; candeur, douceur, fraîcheur, inquiétude, paix et recueillement, tristesse.
Par personnification poét. :
3. L'été, lorsque le jour a fui (...) (...) Un vague demi-jour teint le dôme éternel; Et l'aube douce et pâle, en attendant son heure, Semble toute la nuit errer au bas du ciel. Hugo, Les Rayons et les ombres,Nuits de juin, 1840, p. 1117.
4. De la montagne il sort des ruisselets en foule, Et partout c'est un bruit d'eau vive qui s'écoule De l'aube au front d'argent jusqu'au soir aux yeux d'or. Samain, Le Chariot d'or,Les Roses dans la coupe, 1900, p. 28.
SYNT. Se lever à l'aube, avant l'aube, rentrer à l'aube.
2. Cour. À l'aube, dès l'aube :
5. Combien de fois ai-je été frappé de cette idée que les premières messes, dites à l'aube ou au lever du soleil, qui prennent le cœur si suavement, sont dites surtout pour les domestiques! Les maîtres ne se lèvent pas si tôt. Bloy, Journal,1892, p. 52.
SYNT. Se lever à l'aube, avant l'aube, rentrer à l'aube.
3. P. ext. et p. iron. Début du jour, de l'activité quotidienne :
6. Il est neuf heures du matin − l'aube des gens qui se couchent tard. Colette, L'Envers du music-hall,1913, p. 21.
4. LITT., MUS. Un des thèmes de la chanson du troubadour ou du trouvère, où le poète dit le regret qu'inspire aux amants l'approche de l'aube qui les séparera; une chanson traitant ce thème :
7. Et Raimbaud qui de Phanette Rimas en Aubes et Dits : (...) Aimables provençaux par qui sut bien les sons, Mignardement sonnés, des jeux et des tensons... Moréas, Sylves,1896, p. 178.
B.− P. méton.
1. Clarté blanchâtre qui est celle de la pointe du jour :
8. ... aucune aurore ne colora le ciel que blanchit, au matin seulement, une aube grelottante et navrée. C'était une clarté si noyée que nous attendions encore l'aube, quand le soleil déjà levé transparut derrière un nuage. Gide, Le Voyage d'Urien,1893, p. 43.
9. L'aube pointa, un fil de clarté grise, au fond de l'orient, une demi-pâleur envahissante, sur cette immensité plate, venteuse et désolée. Cela rappelait un peu la montée de l'aube sur la mer. Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 80.
Rem. En ce sens, aube peut être suj. de verbes comme blanchir, briller, colorier, déteindre, dorer, éblouir, éclairer, luire, rougir et compl. de verbes comme refléter, regarder, scruter.
2. P. ext.
a) Lueur, rayonnement, rougeoiement, auréole :
10. La lune n'était point d'abord à l'horizon, mais son aube s'épanouit par degrés devant elle, de même que ces gloires argentées dont les peintres du xivesiècle entouraient la tête de la Vierge... Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 4, 1848, p. 122.
11. Au loin, il voyait, lui, la nuit qu'on passe, recroquevillé, palpitant d'attention et tout noir, au fond du trou d'écoute dont se silhouette, tout autour, la mâchoire déchiquetée, chaque fois qu'un coup de canon jette son aube dans le ciel. Barbusse, Le Feu,1916, p. 141.
12. Un côté de la tente resté ouvert donne sur les lignes et, par delà les bois noirs, on aperçoit parfois l'aube fugitive des fusées. Dorgelès, Les Croix de bois,1919, p. 189.
b) Poét. Clarté que perçoit l'œil :
13. ... et de nouveau l'enfant suivit des yeux l'étoile, dont l'éclat, pour la première fois, luisait dans l'aube trouble de sa vue. Zola, Fécondité,1899, p. 243.
C.− Emplois métaph. ou fig., littér.
1. Entre, au sens propre, dans de nombreuses comparaisons ou revêt une valeur symbolique.
a) P. compar. :
14. Chaque jour, pour eux seuls [les morts pour la patrie] se levant plus fidèle, La gloire, aube toujours nouvelle, Fait luire leur mémoire et redore leurs noms! Hugo, Les Chants du crépuscule,1835, p. 38.
15. L'espoir, c'est l'aube incertaine; Sur notre but sérieux C'est la dorure lointaine D'un rayon mystérieux. Hugo, Les Rayons et les ombres,1840, p. 1089.
16. Ilsée la plaignait, car elle paraissait triste et cruelle. Son sourire matinal était une aube blême encore teinte de l'horreur nocturne. Schwob, Le Livre de Monelle,1894, p. 75.
17. L'enfance est une aube. Cependant, cherchant à faire revivre l'image de la mienne, j'ai peine à ne pas l'imaginer semblable à un soir d'avril. Les rougeurs du couchant, qui incendient les nuages, en avril, ont des douceurs d'aurore... Estaunié, L'Empreinte,1896, p. 255.
b) Symbole de pureté, d'immatérialité, de promesse, de vie, d'espoir, etc. :
18. Tout ce qui commence a une vertu qui ne se retrouve jamais plus. Une force, une nouveauté, une fraîcheur comme l'aube. Une jeunesse, une ardeur. Un élan. Une naïveté. Une naissance qui ne se trouve jamais plus. Péguy, Le Porche du mystère de la 2evertu,1911, p. 188.
Plus rarement. Symbole des incertitudes de l'avenir, ou au contraire de sérénité :
19. Plus Rancé s'était avancé vers le terme, plus il était devenu serein; son âme répandait sa clarté sur son visage : l'aube s'échappait de la nuit. Chateaubriand, Vie de Rancé,1844, p. 274.
20. Vous scrutez l'aube et l'avenir Vous scrutez la brume au lointain Prêts à payer d'un prix sans mesure le simple égarement D'une patrouille de SS avec ses chiens Par les forêts les cimes les gorges Aragon, Le Roman inachevé,1956, p. 213.
2. Emplois fig.
a) [Correspond au sens A] Surtout dans aube de + subst.Début, commencement, naissance, etc.
Rare. [Le compl. déterminatif est un compl. de temps] :
21. L'enfant ne connaît guère que l'aube de la nuit, qui est le crépuscule. Jammes, Les Nuits qui me chantent,1928, p. 16.
Plus cour. [Le compl. déterminatif désigne un art, une sc., une pratique, une réalité importante] :
22. C'était comme une fenêtre brusquement ouverte dans la vieille cuisine au bitume, dans les jus recuits de la tradition, et le soleil entrait, et les murs riaient de cette matinée de printemps! La note claire de son tableau, ce bleuissement dont on se moquait, éclatait parmi les autres. N'était-ce pas l'aube attendue, un jour nouveau qui se levait pour l'art? Il aperçut un critique qui s'arrêtait sans rire, des peintres célèbres, surpris, la mine grave, le père Malgras, très sale, allant de tableau en tableau avec sa moue de fin dégustateur, tombant en arrêt devant le sien, immobile, absorbé. Zola, L'Œuvre,1886, p. 140.
23. − Elles me conteront le rustique mystère Des noces de la lune avec le beau berger, La jeunesse du temps à l'aube de la terre, L'ivresse du vin grec et de l'amour léger. A. de Noailles, Le Cœur innombrable,Les Nymphes, 1901, p. 116.
Avec une idée de faiblesse, de balbutiement, etc. :
24. ... une clarté un peu plus vive venait de jaillir dans ma tête, où l'aube des idées était encore si pâle. Et c'est sans doute à cet éveil intérieur que ce moment fugitif de ma vie doit ses dessous insondables... Loti, Le Roman d'un enfant,1890, p. 7.
25. Des signes nombreux attestent aujourd'hui la renaissance d'une philosophie vigoureuse (...). Ce n'est encore qu'une aube, à l'heure où j'écris. L. Daudet, Le Stupide XIXes.,1922, p. 163.
Avec une idée de promesse, d'annonce de ce qui va suivre :
26. Ce qu'il y avait dans sa nature de féminin, d'un peu alangui et blasé, le rendait [Élie] merveilleusement propre à jouir de ces demi-teintes qui sont l'aube de l'amour partagé... P. Bourget, 2eamour,1884, p. 186.
En partic. Début de la vie :
27. Ô temps! jours radieux! aube trop tôt ravie! Pourquoi Dieu met-il donc le meilleur de la vie Tout au commencement? Hugo, Les Voix intérieures,1837, p. 345.
28. Dès l'aube, je sais ma vocation; seul mon couchant connaîtra mon destin. Barrès, Les Amitiés françaises,1903, p. 188.
b) [Correspond au sens B] Clarté, illumination intérieure, lueur :
29. Et la vérité non seulement met en eux une aube d'espoir, mais aussi y bâtit un recommencement de force et de courage. Barbusse, Le Feu,1916, p. 378.
30. Elle regardait dans le vide : sur ce trottoir, au bord d'un fleuve de boue et de corps pressés, au moment de s'y jeter, de s'y débattre, ou de consentir à l'enlisement, elle percevait une lueur, une aube : elle imaginait un retour au pays secret et triste, − toute une vie de méditation, de perfectionnement, dans le silence d'Argelouse : l'aventure intérieure, la recherche de Dieu... Mauriac, Thérèse Desqueyroux,1927, p. 278.
Rem. On rencontre dans la docum. le néol. aubéen, enne, adj. 1837, (Barbey d'Aurevilly, 1erMemorandum, p. 106; suff. -éen*). Propre à l'aube. ,,(...) Dante, au milieu des rayons aubéens du Paradis et des brasiers de l'Enfer, a des côtés opaques, de majestueuses ténèbres, et Alfieri tord l'Italien dans les tenailles d'un système``.
PRONONC. ET ORTH. : [o:b]. Enq. : /ob, D/. Fér. Crit. t. 1 1787 écrit aûbe.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Ca 1100 albe « point du jour » (Roland, éd. J. Bédier, 737 : Tresvait la noit e apert la clere albe); ca 1170 aube « id. » (Chr. de Troyes, Chevalier lion, éd. .W Foerster, 5869 ds T.-L.); 2. 1575-1615 fig. (D'Aubigné, Tragiques ds Gdf. Compl. : Point ne luit aux enfers l'aube de l'esperance). Empr. au lat. vulg. alba « id. », fém. substantivé de l'adj. albus « blanc, clair », à partir d'expr. telles que alba lux (Lucain, De bello civili, 2, 720 ds TLL s.v., 1506, 44) ou alba dies (Silius Italicus, Punica, 15, 53, ibid., 45).
STAT. − Aubéen. Fréq. abs. littér. : 1.
BBG. − Burn. 1970. − Chass. 1970. − Darm. Vie 1932, p. 56. − Delc. t. 1 1926. − Dlf M. Â. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 279. − Guyot 1953. − Métrol. 1969. − Rog. 1965, p. 66. − Timm. 1892. − Uv.-Chapman 1956. − Will. 1831.