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ANXIÉTÉ, subst. fém.
[En parlant d'un animé, gén. hum., ou de l'esprit hum.]
A.− État de trouble psychique, plus ou moins intense et morbide, s'accompagnant de phénomènes physiques (comportement agité ou immobilité complète, pâleur faciale, sueurs, irrégularités du rythme cardiaque, sensation de constriction épigastrique, spasmes respiratoires), et causé par l'appréhension de faits de différents ordres.
1. [Faits d'ordre matériel : événement fâcheux, etc.] :
1. ... vous voyez tout ce qui peut en résulter de désagréable ou de fâcheux. Tâchez, ma chère cousine, de me tirer de l'affreuse inquiétude où je suis. Je n'ose retourner à Lœwenstein, je voudrais savoir toute l'étendue de mon malheur; le mélange d'espoir et de crainte produit un état d'anxiété pire que la certitude du mal. Sénac de Meilhan, L'Émigré,1797, p. 1650.
2. On persuade peu à peu au peuple de France qu'il est menacé, que sa sécurité dépend de ses poings, qu'il doit faire montre de sa force, accepter une préparation militaire intense. On a, sciemment, créé dans le pays, ce que vous autres, médecins, vous appelez une psychose; la psychose de la guerre... Et, quand on a éveillé dans une nation cette anxiété collective, cette fièvre et cette peur, ce n'est plus qu'un jeu de la pousser aux pires folies! ... R. Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 140.
P. anal. :
3. Et dans ce pays, même ce calme, même ces beaux temps, étaient mélancoliques; il restait, malgré tout, une inquiétude planant sur les choses; une anxiété venue de la mer à qui tant d'existences étaient confiées et dont l'éternelle menace n'était qu'endormie. Loti, Pêcheur d'Islande,1886, p. 197.
2. [Faits d'ordre somatique ou psychosomatique, notamment dans certaines maladies : asthme, cardiopathie, etc.] :
4. L'on ne peut se rendre compte de l'anxiété douloureuse où vous met l'appréhension continue de vous trouver mal, ces incessantes menaces de syncopes. Ça arrête toute activité, toute recherche, toute note, on a peur de sortir de chez soi : l'on tremble de déranger quelqu'un en mourant chez lui. E. et J. de Goncourt, Journal,1884, p. 344.
5. On peut distinguer, sans être fort avancé en science médicale, quelques régimes remarquables. L'anxiété d'abord, qui est agitation contenue, avec excitation du cœur, trouble de la respiration, chaleur, froid, sueur; puis l'emportement, qui est une agitation croissant par ses propres effets... Alain, Système des beaux-arts,1920, p. 26.
Anxiété paroxystique (crises d'). Variété d'angoisse se manifestant, la nuit surtout, par une impression d'évanouissement ou de mort, causée par certains dérèglements sympatho-parasympathiques au niveau des appareils cardio-circulatoires, respiratoires ou digestifs (cf. Garnier-Del. 1958, Lar. encyclop., etc.).
Rem. S'emploie aussi en méd. vétér. (cf. E. Garcin, Guide vétér., 1944, p. 196).
3. [Faits d'ordre moral, psychol. : conflit de sentiments, etc.] :
6. La cause de ton ennui est toujours la même : le vide, la honte, le mécontentement. Tu traînes ce boulet de l'irrésolution, qui te rend inerte et impuissant. Tu ranimes ta misère, au lieu de la combattre, et tu sens fuir ta vie sans la consolation d'en avoir tiré quelque chose de noble et de beau. Ô malaise! Ô rage! Ô douleur! − L'âpre anxiété te ressaisit à la gorge. Tu es dans la situation lamentable d'un navire qui fait eau et qui se sentirait, pour son malheur, descendre dans l'abîme. Le deuil t'envahit, deuil mêlé de remords et d'effroi. Amiel, Journal intime,1866, p. 123.
7. ... il avait sinon signalé, du moins divulgué l'influence dépressive de la peur qui agit sur la volonté, de même que les anesthésiques qui paralysent la sensibilité et que le curare qui anéantit les éléments nerveux moteurs; c'était sur ce point, sur cette léthargie de la volonté, qu'il avait fait converger ses études, analysant les effets de ce poison moral, indiquant les symptômes de sa marche, les troubles commençant avec l'anxiété, se continuant par l'angoisse, éclatant enfin dans la terreur qui stupéfie les volitions, sans que l'intelligence, bien qu'ébranlée, fléchisse. Huysmans, À rebours,1884, p. 253.
8. Le plus souvent l'amour n'a pour objet un corps que si une émotion, la peur de le perdre, l'incertitude de le retrouver se fondent en lui. Or ce genre d'anxiété a une grande affinité pour les corps. Il leur ajoute une qualité qui passe la beauté même, ce qui est une des raisons pourquoi l'on voit des hommes, indifférents aux femmes les plus belles, en aimer passionnément certaines qui nous semblent laides. À ces êtres-là, à ces êtres de fuite, leur nature, notre inquiétude attachent des ailes. Proust, La Prisonnière,1922, p. 93.
Spéc., PSYCHOPATHOL. Appréhension d'une menace intérieure souvent indéfinissable (représentations de l'inconscient, interdits du surmoi ...), symptôme de troubles mentaux parfois :
9. Le vacarme avait donc été pour elle seule. Glacée de terreur et n'osant bouger, elle invoqua les âmes pieuses des morts qu'on dit puissantes pour écarter les sombres esprits. Le lendemain, elle n'en parla pas, mais il lui resta, de cette première visitation de l'épouvante, une anxiété lourde, une transe de catacombes dont elle eut le cœur crispé. D'analogues avertissements lui furent donnés les nuits suivantes. Elle entendit une voix panique hurlant à la mort. Bloy, La Femme pauvre,1897, p. 222.
10. Quand la tendance déborde, elle établit un état d'anxiété. Il est à la base de la psychose maniaque dépressive. L'hypertonie sympathique ne commande pas seulement, comme on pourrait le croire, la phase maniaque d'agitation, mais aussi la phase dépressive, les phénomènes vagotoniques et dépressifs que l'on constate alors n'étant, du moins sous leur incidence physiologique, que les symptômes seconds, consécutifs à l'anxiété (...). Nous sommes sous la puissance du vague pendant la digestion et dans le sommeil; (...); il prévaut aussi dans les états de doute et de petite anxiété; il peut être accentué par les substances sympathicolytiques comme la morphine. Le vagotonique tend à la tristesse mélancolique; nerveux et pessimiste, préoccupé de son état de santé, il est prompt au découragement. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 173.
4. [Faits d'ordre spirituel, idéol. : contradictions et limites de la pensée, difficultés d'une conviction durable, d'une foi déterminée, etc.] :
11. Ce prêtre avait dû sentir l'action de Dieu aussi simplement que celui-là sentait ses intérêts terrestres. Ni anxiété, ni nuances de décision, ni hésitation entre les destins, ni rien de ce qu'Augustin avait hérité, à dose minime, des complexités de son père. Quelque chose du déterminisme des bestiaux. Malègue, Augustin,t. 1, 1933, p. 201.
12. Qu'est-ce que mon existence? Cette question, qui lui a été dictée sans qu'il comprît bien de quelles profondeurs inconscientes elle venait, Moritz ne cesse de se la poser sous toutes les formes; elle trahit chez lui la présence d'une angoisse fondamentale, et le fait apparaître comme tout autre chose qu'un simple névrosé, en proie à des dépressions et à des exaltations. L'anxiété métaphysique s'impose à lui sous une forme très concrète : il fait la douloureuse expérience de la pensée qui connaît brusquement ses propres limites et qui devine, du même coup, qu'arrivée à un certain point elle doit abdiquer; car il y a encore quelque chose, en dehors d'elle-même, au-delà d'elle-même, quelque chose qui est l'existence. Béguin, L'Âme romantique et le rêve,1939, p. 32.
En partic., domaine de l'expr. :
13. ... chaque expression m'arrête et me donne des scrupules; je n'ai aucune confiance dans ce qui sort de moi; je n'en suis jamais content; je suis toujours tenté de courir après pour le retenir et substituer autre chose qui ne vaut pas ce que je laisse... C'est un vrai tourment, une anxiété singulière que je me donne pour le moindre écrit littéraire, philosophique ou politique que j'entreprenne. Si j'étais sage j'y renoncerais pour conserver la santé, le repos intérieur, la liberté d'esprit qui sont les seuls biens. Maine de Biran, Journal,1819, p. 230.
14. ... le travail est un douloureux enfantement. L'homme n'échappe au terrible ennui du devoir monotone et banal que pour faire face aux anxiétés et à la tension intérieure de la « création ». Créer, ou organiser, de l'énergie matérielle, de la vérité ou de la beauté, c'est un tourment intérieur qui enlève celui qui s'y hasarde à la vie paisible et reployée où gît proprement le vice de l'égoïsme et de l'attachement. Teilhard de Chardin, Le Milieu divin,1955, p. 64.
B.− Rare. Désir intense, extrême tension nerveuse d'une attente vécue, non plus dans la crainte, mais dans le plaisir :
15. Il vivait, d'ailleurs, dans un tel désir, dans une telle anxiété du succès, que ses autres appétits allaient en rester comme diminués et paralysés, tant qu'il ne se sentirait pas triomphant, maître indiscuté de la fortune. Zola, L'Argent,1891, p. 149.
SYNT. a) Anxiété + adj. : anxiété croissante; adj. + anxiété : affreuse, cruelle, grande, nouvelle, vive anxiété. b) Anxiété + subst. : anxiété de l'attente; subst. + anxiété : en proie à l'anxiété. c) Verbe + anxiété : attendre, (se) demander, écouter, interroger, regarder avec anxiété; trembler d'anxiété; éprouver, trahir de l'anxiété. − PARAD. a) (Quasi-) synon. affres, alarme, contrariété, désarroi, désespoir, embarras, émoi, énervement, fébrilité, impatience, indécision, insécurité, mélancolie, névrose, peine, perplexité, préoccupation, souci, souffrance. b) (Quasi-) anton. apaisement, ataraxie, indifférence, paix, patience, placidité, quiétude, résolution, sérénité, soulagement, tranquillité.
Rem. Inquiétude a une valeur plus faible, et angoisse une valeur plus forte que anxiété. Certains aut. spécialistes considèrent que l'anxiété est plutôt d'ordre psychique (cf. le syntagme anxiété d'esprit ds Ac. 1798-1932) et l'angoisse d'ordre physique (cf. Porot 1960, Piéron 1963, Sill. 1965); cette distinction ne se retrouve pas dans l'usage. On peut noter toutefois que l'anxiété a un caractère plus vague, plus diffus, relativement grave, alors que l'angoisse a un caractère plus précis, très grave.
PRONONC. : [ɑ ̃ksjete]. Passy 1914 note une durée mi-longue pour la 1resyllabe du mot (pour l'indication d'une durée sur cette syllabe, cf. aussi Fér. Crit. t. 1 1787 et Fél. 1851).
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1190 « vive inquiétude » (Herman, Bible, B.N. 1444, fo63 rods Gdf. Compl. : De Elye et d'Enoch la grans securites Seroit la de paor moult grans anxietes); attest. isolée dans ce sens jusque Nicot 1606; Fur. 1690 note qu',,on ne le dit qu'en Morale`` tandis que Trév. 1704 remarque : ,,Le plus seur est de l'eviter``; s'emploie couramment dep. le xixes.; 2. 1564 méd. « oppression, état d'agitation intense » (Dictionnaire françois-latin de J. Thierry d'apr. M. de Toro ds Fr. mod., t. 4, p. 355); 1585 « oppression » (G.C.D.T., trad. de Boccace, Flammetto, 1. 6, p. 381 ds Hug.); repris au xviiies. (Ac. 1798). Empr. au lat. anxietas « disposition naturelle à l'inquiétude » (Cicéron, Tusc., 4, 27 ds TLL s.v., 201, 6); au sens méd. « oppression, douleur physique » (xies. Triumphus Remacli, 2, 16 ds Mittellat. W. s.v., 730, 40).
STAT. − Fréq. abs. littér. : 1 298. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 744, b) 2 540; xxes. : a) 1 710, b) 1 642.
BBG. − Bastin 1970. − Bertr.-Lapie Vocab. 1970. − Foulq.-St-Jean 1962. − Garnier-Del. 1961 [1958]. − Laf. 1878. − Lafon 1969. − Lar. méd. 1970. − Littré-Robin 1865. − March. 1970. − Méd. 1966. − Méd. Biol. t. 1 1970. − Moor 1966. − Noter-Léc. 1912. − Nysten 1824. − Piéron 1963. − Pomm. 1969. − Porot 1960. − Prév. 1755. − Psychol. 1969. − Sill. 1965.