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ANXIEUX, EUSE, adj. et subst.
[En parlant d'un animé, gén. hum., de ce qui touche à l'être hum. (attitude, état affectif, etc.)]
A.− (Celui, celle) qui éprouve, témoigne ou relève de l'anxiété (cf. anxiété A), dont l'extrême tension nerveuse est causée par l'appréhension de certains faits.
1. [Faits d'ordre matériel : événement fâcheux, etc.] :
1. Que faisait Phileas Fogg pendant ce temps? On pourrait croire que, toujours inquiet et anxieux, il se préoccupait des changements de vent nuisibles à la marche du navire (...)? Aucunement, ou tout au moins si ce gentleman songeait à ces éventualités, il n'en laissait rien paraître. C'était toujours l'homme impassible, le membre imperturbable du Reform-Club, qu'aucun incident ou accident ne pouvait surprendre. Il ne paraissait pas plus ému que les chronomètres du bord. On le voyait rarement sur le pont. Il s'inquiétait peu d'observer cette mer Rouge... Verne, Le Tour du monde en 80 jours,1873, p. 37.
2. Un scandale était dans l'air, nourrissait par avance cette excitation anxieuse, si différente de la joie détendue d'une fête ordinaire, donnait aux visages, ce jour-là, ce rose plus vif, cette carnation malsaine et changeante qui brûle aux pommettes des fiévreux. Gracq, Un beau ténébreux,1945, p. 155.
P. anal. :
3. La forêt, anxieuse, sentait mourir en elle le soleil et la vie. Des millions de touffes d'herbes agitaient vers lui leurs bras souples. Les gros oiseaux s'effaraient. Déjà les merles, avec un cri de peur fanfaronne, avaient glissé, à mi-hauteur des baliveaux, vers les parties les plus fourrées du bois. R. Bazin, Le Blé qui lève,1907, p. 14.
2. [Faits d'ordre somatique ou psychosomatique] :
4. Enfin, il s'agit de soustraire le grand sympathique à l'action d'ondes inconnues, mais dont l'existence est certaine. La Pérouse propose donc de placer le malade − l'anxieux surtout − à l'intérieur d'un fil de cuivre enroulé en spirale, formant un solénoïde protecteur en circuit ouvert, qui jouerait le rôle d'isolant à l'égard des radiations cosmiques. Bernanos, La Joie,1929, p. 579.
Rem. S'emploie aussi en méd. vétér. (cf. E. Garcin, Guide vétérinaire, 1944, p. 55).
3. [Faits d'ordre moral, psychol. : conflit de sentiments, etc.] :
5. À mesure que le jour de notre revoir se rapproche, mon attente devient plus anxieuse; c'est presque de l'appréhension; ta venue tant souhaitée, il me semble, à présent, que je la redoute; je m'efforce de n'y plus penser; j'imagine ton coup de sonnette, ton pas dans l'escalier, et mon cœur cesse de battre ou me fait mal... Gide, La Porte étroite,1909, p. 555.
Spéc., PSYCHOPATHOL. :
6. Quand j'ai suivi des cours de pathologie mentale (c'était la matière à option que j'avais choisie pour la licence de philo), on nous a montré à Sainte-Anne, un anxieux qui hurlait jour et nuit, en crispant convulsivement les mains dans le creux de l'estomac : « Il y a là, disait-il, quelque chose qui m'étreint sans répit, qui me serre, qui m'étouffe ». Je n'avais pas réalisé que cette oppression put être douloureuse à hurler mais maintenant je devine ce qu'elle peut être : la pensée de Chloé me fait souffrir d'angoisse, au sens médical du mot... Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 84.
Structure anxieuse, p. oppos. à anxiété paroxystique (cf. s.v. anxiété, Lar. encyclop., Porot 1960 ,,trait dominant et fondamental de certaines personnalités morbides`` et Quillet 1965).
4. [Faits d'ordre spirituel, idéol. : difficultés morales, etc.] :
7. ... Mathieu se rassit, triste et apaisé; il pensait : « On n'est pas des pestiférés. » Rien d'autre : rien d'autre que les pensées de tout le monde. Par moments il n'était qu'un vide anxieux et à d'autres moments, il devenait tout le monde, son angoisse se calmait, les pensées de tout le monde sourdaient en lourdes gouttes dans sa tête et roulaient hors de sa bouche, on n'est pas des pestiférés. Sartre, La Mort dans l'âme,1949, p. 84.
En partic., domaine de l'expr. :
8. Mais la tension constante qui maintient l'homme en face du monde, le délire ordonné qui le pousse à tout accueillir lui laissent une autre fièvre. Dans cet univers, l'œuvre est alors la chance unique de maintenir sa conscience et d'en fixer les aventures. Créer, c'est vivre deux fois. La recherche tâtonnante et anxieuse d'un Proust, sa méticuleuse collection de fleurs, de tapisseries et d'angoisses ne signifient rien d'autre. Camus, Le Mythe de Sisyphe,1942, p. 130.
B.− Rare (gén. dans la constr. être anxieux de). Qui éprouve, témoigne de l'anxiété (cf. anxiété B), dont l'extrême tension nerveuse résulte d'une attente vécue dans le plaisir. Synon. (très) désireux de :
9. Elle est charmante, la lettre du père Babinet. J'en raffole, j'adore ce bonhomme. C'est fouillu, touffu, nourri. Il y a là plus de naïveté, d'esprit et de lecture que dans vingt journaux en dix ans. Et je ne parle pas du cœur qui y palpite à chaque ligne. Viendra-t-il me voir? J'en suis anxieux; j'aurai grand plaisir à le recevoir. Flaubert, Correspondance,1853, p. 352.
10. Anne de Battaincourt aimait sentir sur elle la convoitise des hommes et des femmes. Les années venant, elle en tirait d'ailleurs moins souvent profit; mais, plus le plaisir qu'elle y prenait restait platonique, et plus elle semblait anxieuse de s'assurer partout cette ambiance sensuelle. R. Martin du Gard, Les Thibault,La Consultation, 1928, p. 1078.
Rem. Canada 1930, qui privilégie ce sens, signale qu'il est méconnu ds les dict. fr.; enregistré comme canadianisme par Bél. 1957 (cf. aussi Dul. 1968). Figure ds les dict. de la 2emoitié du xxes. (Rob., Lar. encyclop., Quillet 1965, Dub., Lar. Lang. fr.).
SYNT. a) Subst. + anxieux/euse : air, cœur, crainte, curiosité, expression, œil, question, regard, visage, voix -. b) Anxieux/euse + de + verbe : − de connaître, savoir; verbe + anxieux/euse : demander, regarder -. − PARAD. a) (Quasi-) synon. agité, angoissé, contracté, craintif, crispé, émotif, épouvanté, hésitant, impatient, incertain, indécis, irrésolu, nerveux, névropathe, peureux, préoccupé, soucieux, torturé, tourmenté, troublé. b) (Quasi-) anton. apathique, calme, confiant, indifférent, paisible, placide, serein, tranquille.
PRONONC. : [ɑ ̃ksjø], fém. [-ø:z]. Passy 1914 et Barbeau-Rodhe 1930 notent une durée mi-longue pour la 1resyllabe du mot. Enq. : /ɑ ̃ksjø, -z, D/.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1375 « qui engendre l'anxiété, relatif à l'anxiété » (R. de Presles, Cité de Dieu, 4, Exp. ch. 10, éd. 1531 ds Quem. : L'estoille de Saturne en sa naissance signifie toujours choses ... anxieuses, tristes et douloureuses) − xvies. rare (Gdf. Compl.); repris au xixes. 1838 méd. (Ac. Compl. 1842); av. 1866 sens gén. (A. Dumas ds Lar. 19e: Debray, au lieu de répondre, la laissa dans cette anxieuse interrogation du regard et de la pensée); 1853 anxieux de, supra ex. 9. Empr. au lat. anxius « qui ressent de l'anxiété » (Cicéron, Tusc., 4, 57 ds TLL s.v., 201, 80) et « qui fait ressentir de l'anxiété » (Id., ibid., 4, 34, ibid., 203, 34); la construction anxieux de + infinitif a été probablement empr. au syntagme angl. anxious to, attesté dep. 1742 (NED, s.v. anxious).
STAT. − Fréq. abs. littér. : 914. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 19, b) 1 111; xxes. : a) 2 184, b) 1 961.
BBG. − Bruant 1901. − Canada 1930. − Dul. 1968. − Feugère (F.). En marge de l'exposition Charles V. Ds le vocab. de Duguesclin. Déf. Lang. fr. 1968, no45, p. 26. − Feugère (F.). La Première Renaissance et notre vocab. d'Oresme à Christine de Pisan. Déf. Lang. fr. 1970, no51, p. 14. − Garnier-Del. 1961 [1958]. − Pierreh. Suppl. 1926. − Timm. 1892.